c est pos sible Le temps du vivre ensemble ACAT-France CCFD CIMADE Fédération protestante de France Justice et Paix-France



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Transcription:

ACAT-France (Action des chrétiens pour l abolition de la torture) 7, rue Georges-Lardennois 75019 Paris Tél. : 01 40 40 42 43 Fax : 01 40 404244 Courriel : acat.france@acat.asso.fr Http: www.acat.asso.fr Justice et Paix-France 17, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris Tél. : 01 45 44 26 14 Fax : 01 45 44 25 77 Courriel : Justice.Paix@wanadoo.fr Http: justice-paix.cef.fr Fédération protestante de France 47, rue de Clichy 75009 Paris Tél. : 01 44 53 47 12 Fax : 01 42 81 40 01 Courriel : federation.protestante@wanadoo.fr Http: protestants.org/fpf CIMADE 176, rue de Grenelle 75007 Paris Tél. : 01 44 18 60 50 Fax : 01 45 56 08 59 Courriel : contact@cimade.org Http: www.cimade.org CCFD 4, rue Jean-Lantier 75001 Paris Tél. : 01 44 82 80 00 Fax : 01 44 82 81 43 Http: www.ccfd.asso.fr Le temps c est du vivre ensemble pos sible > VIvre avec l étranger, un débat ouvert > Parcours du combattant du demandeur d asile >Le vivre-ensemble dans les paroisses chrétiennes > Paroles d Églises > Propositions d actions Conception et réalisation : Atelier Jcfaure@aol.com Impression : ACAT-France, octobre 2002 ACAT-France CCFD CIMADE Fédération protestante de France Justice et Paix-France

Sommaire Sommaire Sommaire Sommaire Le temps du vivre-ensemble So mm aire 1 Introduction 2 Un débat ouvert 3 Quelques éléments de vocabulaire 4 La société française et les étrangers 5 Parcours du combattant du demandeur d asile 6 Quelques expériences du vivre-ensemble 7 Le vivre-ensemble dans les paroisses chrétiennes 8 Paroles d Églises 9 Propositions d actions 10 Éléments de bibliographie 11 Évaluation Le temps du vivre-ensemble So mm aire 1 Introduction 2 Un débat ouvert 3 Quelques éléments de vocabulaire 4 La société française et les étrangers 5 Parcours du combattant du demandeur d asile 6 Quelques expériences du vivre-ensemble 7 Le vivre-ensemble dans les paroisses chrétiennes 8 Paroles d Églises 9 Propositions d actions 10 Éléments de bibliographie 11 Évaluation

1 Introduction introduction 1 Introduction introduction Le temps du vivre-ensemble Le temps du vivre-ensemble «Il y a de plus en plus d étrangers Regardez, les prisons sont pleines de jeunes étrangers ou d origine étrangère De toute façon, la politique française d intégration ne marche plus. Il faut changer de système Les étrangers, je ne suis pas contre, mais avec les musulmans c est autre chose, puisqu ils ne peuvent pas s intégrer Et puis certains injurient la France ou son hymne national! Je n y peux rien, mais j ai peur de voir se développer des dérives communautaristes qui menacent notre unité et notre identité.» Voilà ce que nous entendons autour de nous ; et peut-être que nous-mêmes nous partageons ces craintes. Quand une peur est décelée, il est toujours préférable d en parler. Vraiment, croyez-vous nécessaire de parler encore des étrangers vivant en France? On a déjà tant dit et écrit à ce sujet, prononcé tant de discours plus ou moins démagogiques! Lors des dernières échéances électorales, la situation était contradictoire : d une part, il apparaissait que la question de l immigration en France ne se situait qu au quatorzième rang des préoccupations des électeurs ; d autre part, à cause d un amalgame mensonger avec les problèmes de sécurité, la question des étrangers était en fait souvent évoquée. On assiste en France au développement de situations de grande détresse et de souffrance tro mesure aussi, sinon d abord, à sa capacité d accueil et de partage, Une société ne doit jamais oublier que son niveau d humanité se dans le respect de tous. Cela est vrai pour tout citoyen. Plus encore pour le chrétien, auquel l Évangile confie une tâche prioritaire envers les pauvres dont, en bien des cas, font partie les étrangers. pour beaucoup d étrangers. Ces situations, qui meurtrissent nombre d êtres humains, empoisonnent la vie et les relations entre Français et étrangers. Elles sont aussi des terrains sur lesquels peuvent pousser bien des révoltes et donc des violences perturbatrices pour tous. Nous ne dissertons pas ici sur un problème, mais sur des réalités humaines très concrètes, qui ne peuvent laisser indifférents ceux pour qui le respect de la dignité de chacun ne se réduit pas à un slogan. Mais, dira-t-on, des Français aussi connaissent de graves problèmes, que nous devrions traiter en priorité! Cet argument ne nous convainc pas : certes, le vivre-ensemble dépend d une démarche, sans exclusive, contre toutes les causes de précarisation et de marginalisation ; certes, tout appel au secours mérite réponse, d où qu il vienne. Mais une société ne doit jamais oublier que son niveau d humanité se mesure aussi, sinon d abord, à sa capacité d accueil et de partage, dans le respect de tous. Cela est vrai pour tout citoyen. Plus encore pour le chrétien, auquel l Évangile confie une tâche prioritaire envers les pauvres dont, en bien des cas, font partie les étrangers. L insistance des Églises chrétiennes sur ce problème ne relève ni de la manie ni de la mode, encore moins d un certain goût pour la contestation. Il s agit pour les chrétiens d un impératif évangélique, à mettre en œuvre avec des hommes et femmes d autres familles de pensée et de croyance qui partagent cette préoccupation. La question de la dislocation du tissu social français est souvent évoquée, mais les initiatives concrètes pour le tisser à nouveau se font attendre. Les associations signataires ne se contentent pas d attendre. Elles s engagent aux côtés de bien d autres dans une tâche commune, qui impose à chacun de sortir de lui-même pour aller à la rencontre de l autre et créer peu à peu les conditions d un vivreensemble. Tout en poursuivant leur mission, elles invitent les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités. Pour leur part, elles sont prêtes à assumer les leurs. «Il y a de plus en plus d étrangers Regardez, les prisons sont pleines de jeunes étrangers ou d origine étrangère De toute façon, la politique française d intégration ne marche plus. Il faut changer de système Les étrangers, je ne suis pas contre, mais avec les musulmans c est autre chose, puisqu ils ne peuvent pas s intégrer Et puis certains injurient la France ou son hymne national! Je n y peux rien, mais j ai peur de voir se développer des dérives communautaristes qui menacent notre unité et notre identité.» Voilà ce que nous entendons autour de nous ; et peut-être que nous-mêmes nous partageons ces craintes. Quand une peur est décelée, il est toujours préférable d en parler. Vraiment, croyez-vous nécessaire de parler encore des étrangers vivant en France? On a déjà tant dit et écrit à ce sujet, prononcé tant de discours plus ou moins démagogiques! Lors des dernières échéances électorales, la situation était contradictoire : d une part, il apparaissait que la question de l immigration en France ne se situait qu au quatorzième rang des préoccupations des électeurs ; d autre part, à cause d un amalgame mensonger avec les problèmes de sécurité, la question des étrangers était en fait souvent évoquée. On assiste en France au développement de situations de grande détresse et de souffrance tro mesure aussi, sinon d abord, à sa capacité d accueil et de partage, Une société ne doit jamais oublier que son niveau d humanité se dans le respect de tous. Cela est vrai pour tout citoyen. Plus encore pour le chrétien, auquel l Évangile confie une tâche prioritaire envers les pauvres dont, en bien des cas, font partie les étrangers. pour beaucoup d étrangers. Ces situations, qui meurtrissent nombre d êtres humains, empoisonnent la vie et les relations entre Français et étrangers. Elles sont aussi des terrains sur lesquels peuvent pousser bien des révoltes et donc des violences perturbatrices pour tous. Nous ne dissertons pas ici sur un problème, mais sur des réalités humaines très concrètes, qui ne peuvent laisser indifférents ceux pour qui le respect de la dignité de chacun ne se réduit pas à un slogan. Mais, dira-t-on, des Français aussi connaissent de graves problèmes, que nous devrions traiter en priorité! Cet argument ne nous convainc pas : certes, le vivre-ensemble dépend d une démarche, sans exclusive, contre toutes les causes de précarisation et de marginalisation ; certes, tout appel au secours mérite réponse, d où qu il vienne. Mais une société ne doit jamais oublier que son niveau d humanité se mesure aussi, sinon d abord, à sa capacité d accueil et de partage, dans le respect de tous. Cela est vrai pour tout citoyen. Plus encore pour le chrétien, auquel l Évangile confie une tâche prioritaire envers les pauvres dont, en bien des cas, font partie les étrangers. L insistance des Églises chrétiennes sur ce problème ne relève ni de la manie ni de la mode, encore moins d un certain goût pour la contestation. Il s agit pour les chrétiens d un impératif évangélique, à mettre en œuvre avec des hommes et femmes d autres familles de pensée et de croyance qui partagent cette préoccupation. La question de la dislocation du tissu social français est souvent évoquée, mais les initiatives concrètes pour le tisser à nouveau se font attendre. Les associations signataires ne se contentent pas d attendre. Elles s engagent aux côtés de bien d autres dans une tâche commune, qui impose à chacun de sortir de lui-même pour aller à la rencontre de l autre et créer peu à peu les conditions d un vivreensemble. Tout en poursuivant leur mission, elles invitent les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités. Pour leur part, elles sont prêtes à assumer les leurs.

2 Réflexion Réflexion Vivre ensemble, oui! Mais comment? «Il faut être deux pour que l intégration réussisse, et le succès repose aussi sur la volonté de la société qui accueille. L État doit agir parce que l intégration ne se fait pas spontanément. C est à la société française, guidée par les pouvoirs publics, qu il revient d accueillir les nouveaux arrivants, puis d agréger, dans le respect des identités individuelles, les immigrés et les générations suivantes aux forces vives de la République 1.» Les autorités publiques ont abordé le sujet dans plusieurs réunions européennes (à Rome en mai et à Séville en juin 2002), puisqu il paraît évident que le problème se pose dans tous les pays de l Union européenne. Nous ne pouvons ignorer les retombées indirectes des nouvelles données mondiales après le 11 septembre 2001. Consciemment ou non, l assimilation a souvent été faite entre terroristes, musulmans et étrangers. Le mot d ordre de la sécurité a atteint sur le plan national et international une intensité obsessionnelle qui ne permet pas beaucoup de distance ni de nuances. Les réflexes identitaires provoqués par la mondialisation faussent aussi l approche de notre relation avec les étrangers, où qu ils soient. Très légitimement, ceux-ci réclament le dé bat Comment répondre à la question du vivre-ensemble, étrangers et Français, si les individus et les services ne prennent pas l habitude de se rencontrer et de se concerter? Tout vivre-ensemble exige un minimum de connaissance mutuelle, d appétit les uns envers les autres, de modalités qui permettent la vie commune. Puisse ce dossier y contribuer! respect de leur identité et de leur richesse culturelle au sein même de la communauté française. N y a-t-il pas là un moyen d aider les plus jeunes, en particulier, à se structurer dans un monde déboussolant et de permettre un dialogue entre partenaires reconnaissant leur diversité? Mais jusqu où permettre cette différenciation lorsqu on doit vivre ensemble? Dans les domaines de la vie intellectuelle, politique, culturelle, le modèle unique semble avoir fait son temps : une approche pluraliste s impose ; elle est inévitable et peut être la seule possible pour fonder une vraie coexistence. Mais la pluralité, sans doute nécessaire à tout processus vivant, peut aussi conduire à l éclatement ou à l ignorance mutuelle au nom même du respect de la différence! Le présent dossier ne voudrait pas tomber dans une incantation aussi répétitive qu inefficace. Il ne se veut pas non plus un rapport exhaustif sur le sujet. Il choisit de ne pas privilégier la question des flux migratoires, même si celle-ci a forcément une grande influence sur l organisation du vivre-ensemble. Nous redisons, au passage, que la proportion d étrangers en France n est pas supérieure à ce qu elle était en 1930, bien que leur présence soit inégalement importante selon les régions. Que, si des jeunes d origine étrangère peuplent les prisons, cela tient non à leur origine mais à un défaut d intégration souvent lié à leur absence du marché du travail. Que les phénomènes migratoires ne sont ni nouveaux

ni terminés, bien au contraire. Que l accueil qu un pays réserve aux personnes menacées dans leur existence ne relève ni du bon vouloir ni de la charité, mais bien de la justice qui caractérise les nations ayant un vrai projet humaniste. Nous abordons les conditions du vivreensemble sans avoir l ambition de suggérer des réponses originales ni globales. Certains rapports le font mieux que nous. Notre projet est de contribuer, dans ce moment de notre histoire, à redire les enjeux d une véritable action volontaire pour permettre une réelle convivialité dans notre pays. Et de redire que cela est possible! Une société interpellée Pour entendre ces appels, il faut chercher à comprendre les problèmes et les mécanismes qui les produisent. Une réalité multiforme Quand nous parlons des étrangers, de qui parlons-nous? De celui ou celle qui présente une apparence différente de la moyenne des Français, sans s interroger sur sa nationalité, son origine, sa volonté de demeurer ou non sur le sol français? Des sans-papiers dont le sort a souvent fait l actualité? Des personnes non françaises mais originaires de l Union européenne? Des étudiants en formation chez nous? Des travailleurs spécialisés que la France est heureuse de voir s installer et enrichir son patrimoine intellectuel ou financier? Des réfugiés ayant dû fuir leur pays à la suite des menaces que la répression, la faim ou la peur font peser sur eux et leur famille? Des travailleurs qui demandent seulement à vivre en France quelques années pour aider la famille restée au pays et qui rejoindront ensuite leur terre natale? Des victimes des manipulations de certains réseaux qui leur ont fait miroiter des promesses de paradis pour ensuite les escroquer lourdement? On le voit, il importe de ne pas utiliser le terme «étranger» dans un sens trop général si l on veut éviter les simplifications. Le modèle français d intégration a-t-il fait son temps? Les questions de fond que touche le vivreensemble entre étrangers et Français sont posées à toute la société française et sans doute au-delà. Si les informations proposées ici ne sont pas de l ordre de l étude, elles permettent cependant de contribuer à découvrir les exigences et les enjeux de tout processus d intégration ou de coexistence. Les spécialistes divergent sur les solutions à apporter aux nouveaux problèmes qui se posent. Il n existe pas une réponse qui serait la solution. La diversité des approches s impose, ce qui ne permet en rien aux autorités et aux citoyens de démissionner. Le problème est en partie social, car l une des clés de l intégration passe par le travail et la facilité de l accès à l emploi. Bien des dysfonctionnements et des échecs s expliquent par des carences sociales et matérielles qu un simple système d aide ne peut résoudre à lui tout seul. La dimension politique Nous découvrons aussi une mise en cause des institutions publiques, qu il s agisse des services de l Éducation nationale et de la formation en général, de la justice, et de la participation de chacun à la vie locale. Les institutions politiques sont alors interpellées quant aux possibilités réelles qu elles donnent ou non aux étrangers de se sentir un peu responsables de l environnement social dans lequel ils sont amenés à vivre momentanément ou définitivement. La question du droit de vote et de l éligibilité se trouve posée, et d une manière plus générale celle de la citoyenneté participative au regard de la pleine nationalité. À propos de l action publique, sans doute faut-il distinguer des phases successives et les articuler entre elles 1. o Une véritable politique d accueil s impose, que seuls les pouvoirs publics peuvent définir clairement par des textes. Des encouragements, des choix budgétaires, permettront ensuite à d autres acteurs de faire leur travail. o Puis une politique d intégration proprement dite, qui exige d inventer sans cesse de nouveaux moyens qui permettront aux immigrés de «trouver leur place dans le vivre-ensemble de la nation française». Et cette tâche d invention doit être menée avec les étrangers eux-mêmes. o Enfin, la vigilance demande des politiques de lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes. Nous rejoignons alors une démarche qui dépasse la seule question des étrangers et vise toute la société. Que voulons-nous vivre ensemble? D une manière générale, le sujet abordé dans ce dossier conduit la société française tout entière à s interroger sur les raisons de son propre vivre-ensemble. La crise de l intégration dépend aussi des réponses que les Français, dans leur diversité, donnent à la question : qu est-ce qui aujourd hui nous fait vivre ensemble? Sur quelles valeurs nous appuyons-nous? Quels objectifs voulonsnous atteindre? Les réponses sont sûrement à puiser dans notre expérience historique, celle qui a soudé le pays et permis l intégration de millions d étrangers. Mais le monde a changé. Il est marqué par la complexité des solutions et par le choc de la rencontre inévi- table entre modèles et projets différents. Une telle confrontation ne peut aujourd hui être évitée. Le vivre-ensemble est à chercher, non dans un modèle de société clés en main, mais dans la volonté d organiser cette rencontre inéluctable et dans les modalités utilisées pour y parvenir. Vouloir vivre ensemble, c est déjà organiser ce vivre-ensemble. Les Français comme les étrangers, les autorités comme les simples citoyens, détiennent une partie de la réponse. C est possible Sur ces diverses questions, nous voulons fournir un matériel accessible, en précisant des termes, en rappelant quelques chiffres, en soulignant quelques détresses particulières et en partageant quelques-uns des efforts déjà accomplis par nombre de personnes en France sur ce terrain. Tout cela pour inviter le lecteur à découvrir que «vivre ensemble, étrangers et Français», c est possible. Ils sont des millions à y contribuer. Certains verront dans cet a priori l inévitable angélisme chrétien ou bien un optimisme forcené! Il n en est rien : faire connaître ce qui se fait de positif relève de la même exigence que la dénonciation des malheurs et des difficultés. Il est vrai que le positif est rarement télévisuel et qu il faut beaucoup de talent pour le faire partager au grand public. Il est vrai que le positif est rarement électoral, surtout lorsqu il ne peut se développer que dans le long terme. Partager les expériences vécues dans le domaine du vivre-ensemble ne relève pas d un échange de recettes, même si cela peut donner des idées à certains. Face à une situation dont nous avons dit à la fois la complexité et la diversité des réponses qu elle exige, le partage des réalisations devient un devoir. Nombreux sont ceux qui travaillent dans ce sens ; les autorités et nous-mêmes pourrions les écouter davantage. Nombre d étrangers s engagent dans ces démarches de rencontres, de confrontations gérées dans le respect de tous, de formation à la découverte mutuelle. Nombre de Français également, réunis dans des associations ou travaillant seuls, avancent des solutions et font vivre des communautés diverses dans un même quartier. Nombre de professeurs, éducateurs, membres des services sociaux, responsables politiques, ne prennent pas leur parti des injustices ni des violences commises et tentent d élaborer des réponses. Certains jouent le rôle particulier de passeurs entre cultures différentes qui coexistent, et leur présence est fondamentale. Sans doute faut-il apprendre à travailler toujours davantage ensemble. Comment répondre à la question du vivre-ensemble, étrangers et Français, si les individus et les services ne prennent pas l habitude de se rencontrer et de se concerter? Comment vivre ensemble? Il faut à la fois de bons textes de loi, une volonté politique au plus haut niveau, un engagement personnel et collectif sur le terrain, une capacité d adaptation à la diversité des situations et un véritable désir de partage. Nous serons donc amenés à interroger les dirigeants sur les initiatives politiques à prendre. Nous aurons également à rappeler certains des engagements fondamentaux que la société française a souscrits (par exemple sur le droit d asile). Sans doute nous faut-il prendre la mesure de ce qui se fait déjà de positif dans ce domaine pour en tirer des modèles d actions à entreprendre. Tout vivre-ensemble exige un minimum de connaissance mutuelle, d appétit les uns envers les autres, de modalités qui permettent la vie commune. Puisse ce dossier y contribuer! Note 1. Haut Conseil à l intégration, Les Parcours d intégration, rapport 2002.

OMI. Office des migrations internationales. Organisme longtemps centré sur la gestion des flux migratoires, l accueil des étrangers et de leurs familles. Aujourd hui, il concentre ses activités sur : a) l immigration, avec un souci d accueil et d intégration des étrangers ; b) le retour au pays d origine, en insistant sur le développement local et la formation ; c) l expatriation, avec l ouverture (le 1 er septembre 1999) par l OMI et l ANPE d un réseau public d emplois à l étranger. Racisme. a) Théorie, selon laquelle une «race» est supérieure à une autre et ne doit donc pas se prêter à des croisements, qui se traduit par des exclusions d ordre territorial, administratif, politique et culturel. b) Attitude, c est-à-dire disposition intérieure permanente et globale, de rejet de personnes appartenant à la «race» supposée inférieure et, en conséquence, comportements individuels ou collectifs exprimant, dans la réalité des rapports sociaux, cette attitude. (Le conseil pontifical Justice et Paix a publié, à l occasion du Rassemblement mondial sur le racisme en 2001 en Afrique du Sud, un document dont un extrait figure dans la fiche «Paroles d Églises».) Réfugié. Personne qui a dû fuir son pays, où elle ne jouit pas de la protection qu un citoyen est en droit d attendre de l État national, et qui pour cette raison a demandé cette protection, selon une procédure régulière, à un autre État. Tant que la personne n a pas obtenu ce statut, elle est considérée comme demandeur d asile. Le réfugié est celui qui a obtenu une reconnaissance officielle de l État du pays d accueil (en France, c est l OFPRA et la Commission de recours des réfugiés qui ont compétence pour délivrer le statut de réfugié, en application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951) : on parle alors de réfugié statutaire. Sont exclues du bénéfice de cette protection les personnes qui se sont rendues coupables d un crime contre la paix, d un crime contre l humanité ou d un crime grave de droit commun en dehors du pays d accueil. Dans le langage courant, le mot «réfugié» désigne des personnes qui ont quitté leur pays pour des raisons diverses, y compris économiques, non prévues par la Convention de Genève qui régit sur le plan international le statut de réfugié. La distinction entre «vrai» réfugié et immigré économique n est pas simple étant donné l imbrication des notions d oppression et de pauvreté dans certains pays. Régularisation. Action administrative de mise en conformité avec la loi ou le règlement. Dans le contexte, le terme peut faire allusion à des mesures exceptionnelles concernant, à un moment donné, un ensemble de personnes en situation irrégulière. C est une décision politique, à durée limitée, destinée à apurer une situation difficile à contrôler ou à donner une chance à des personnes dans une situation sans issue viable. Sans-papiers. L expression désigne dans l histoire récente : a) des personnes étrangères entrées en France sans visa, habituellement d une façon clandestine, parfois par l intermédiaire de passeurs et qui demeurent illégalement sur le territoire national ; b) des personnes qui, au terme d une procédure régulière de demande d asile, n ont pas obtenu le statut de réfugié (ce sont des déboutés du droit d asile) et n ont pas pour autant fait l objet d une expulsion ou s y sont soustraites sans autre possibilité que celle de vivre clandestinement ; c) des personnes qui, au terme d une autorisation temporaire de séjour, n ont pas fait renouveler ou transformer, pour des raisons diverses, le document approprié ; d) des personnes ne pouvant faire l objet d une mesure d expulsion et n ayant pas pour autant un droit au séjour. Séjour. L État n est jamais tenu d accueillir sur son territoire des personnes qui ne sont pas ses nationaux. L étranger n a pas de véritable droit à demeurer sur le territoire d un État dont il n est pas le national. Au-delà de trois mois, tout étranger qui souhaite demeurer en France doit posséder un titre de séjour, dont la délivrance varie en fonction des motifs du séjour (étudiant, salarié, vie privée et familiale, réfugié ), de la durée du séjour ou encore de la nationalité de l intéressé (ressortissant communautaire, Algérien ). Zone d attente. Créée par la loi du 6 juillet 1992, la zone d attente est l endroit qui permet de filtrer l accès au territoire de «l étranger qui arrive en France par voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui soit n est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l asile». Le maintien de l étranger ne pourra excéder vingt jours et, dans tous les cas, ne dépassera pas «le temps strictement nécessaire à son départ et, s il est demandeur d asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n est pas manifestement infondée». 3 Vocabulaire Vivre avec l étranger Des mots pour le dire Adaptation. Processus qui se réfère plutôt au savoir-faire d un homme confronté à une situation nouvelle ou à un environnement nouveau. L adaptation signifie la capacité de quelqu un à entrer dans des structures préexistantes et à en utiliser les moyens : par exemple, dans une famille, une profession, une institution, une région ou un pays. Le mot n implique pas la réciprocité de l échange. À la différence de l intégration (voir ce mot), l adaptation est un processus à sens unique : changement à assurer par la personne. L adaptation peut se réaliser dans une position d inégalité et de manque de participation. Antisémitisme. Attitude d hostilité et de rejet à l encontre des juifs, considérés comme race (voir ce mot). À distinguer : a) de l antijudaïsme manifesté au cours de l histoire par les Églises chrétiennes, pour des raisons religieuses ; b) de l antisionisme, position plus proprement politique. Apartheid. Système sociopolitique dit de «développement séparé», fondé sur la supériorité supposée des Blancs sur les Noirs Vocabulaire di Les mots co retenus ici ne sont pas exclusifs d autres. Ils nécessitent quelques explications qui elles-mêmes délimitent les données et les enjeux des problèmes que pose le vivre-ensemble. Des compléments peuvent être apportés à ces explications. En tout cas, un effort de clarification des termes s impose dans une réalité où les malentendus sont nombreux et où l ignorance permet trop souvent de colporter des idées fausses qui dénaturent le vrai débat. (Afrique du Sud) ou de toute autre catégorie sur une autre, se traduisant par une répartition territoriale et une sélection professionnelle excluante, et une législation de séparation dans les relations et les lieux communs. Apatride. Personne qu aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (article 1er de la Convention de New York, 1954). L apatride est une personne qui n a pas de nationalité, mais qui n exprime pas de craintes de persécutions dans son pays d origine. La qualité d apatride est reconnue par l OFPRA ; en cas de rejet, un recours peut être intenté devant le tribunal administratif. Asile. Lieu inviolable où se réfugie une personne poursuivie. Droit d asile. Immunité en vertu de laquelle une autorité peut offrir l accès d un lieu à une personne poursuivie et l interdire à ses poursuivants. Bien qu énoncé à l article 14 de la Déclaration universelle des droits de l homme, le droit «de chercher asile et de bénéficier de l asile dans d autres pays» est du ressort de la souveraineté des États, ce qui implique qu ils ne soient pas tenus d admettre sur leur territoire une personne qui serait en danger dans son pays d origine. En revanche, en vertu du principe de non-refoulement, l État ne peut refouler cette personne vers le pays où elle est en danger.

Asile conventionnel. La Convention de Genève du 28 juillet 1951 qualifie de réfugié toute personne qui, «craignant avec raison d être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte ne veut, se réclamer de la protection de ce pays». Elle bénéficie alors de la protection accordée par la Convention, c est pourquoi on parle d asile conventionnel, distinct de l asile constitutionnel qui est accordé en référence au préambule de la Constitution de 1946 qui énonce que «tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit à l asile sur les territoires de la République». Le régime de ces «combattants de la liberté» a été aligné sur celui des réfugiés conventionnels. Asile territorial. Au terme de l article 13 de la loi du 25 juillet 1952 (modifiée par la loi du 11 mai 1998), l asile territorial est destiné à protéger l étranger dont la vie ou la liberté est menacée dans son pays ou qui y est exposé à des traitements inhumains ou dégradants, même si les menaces qui pèsent sur lui ne proviennent pas des autorités étatiques. Les règles de procédure concernant l asile territorial sont différentes de celles de l asile conventionnel et constitutionnel. C est le ministre de l Intérieur qui prend la décision d accorder ou non l asile territorial sur avis du ministre des Affaires étrangères. Le tribunal administratif est la juridiction compétente pour examiner le recours contre une décision de rejet. Demandeur d asile. Personne qui a introduit une demande d asile et qui bénéficie d un permis de séjour provisoire tant que sa demande est à l examen. Afin de dissuader les migrants d utiliser la procédure d asile pour obtenir un droit au séjour, l autorisation de travailler a été supprimée aux demandeurs d asile depuis 1991. Débouté du droit d asile. Étranger dont la demande d asile a été définitivement refusée et qui a épuisé toutes les possibilités d appel contre cette décision. La personne reçoit alors une invitation à quitter le territoire, qui est normalement suivie d un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, lequel peut être exécuté d office. CADA. Centre d accueil des demandeurs d asile. Ces centres ont pour mission d assurer l hébergement, avec un accompagnement social allégé, durant toute la durée de la procédure d examen de la demande d asile, recours compris. Centre de rétention. Prévue à l article 35 bis de l ordonnance du 2 novembre 1945, la rétention administrative est utilisée afin de faciliter l exécution d une mesure d éloignement (reconduite à la frontière, expulsion) prise à l encontre d un étranger. Le placement en centre de rétention ne peut dépasser douze jours (avec intervention du juge judiciaire après quarante-huit heures de rétention). Citoyen. À l origine, le citoyen est l habitant d une cité (civitas) ou d un pays jouissant de droits et soumis à des obligations dûment reconnus. La citoyenneté suppose un accord minimal sur certaines valeurs, c est-à-dire un pacte social plus ou moins explicité liant les membres d une collectivité donnée. Le citoyen doit pouvoir exercer ses droits. Comme le montre l histoire, de la Grèce antique à l Union européenne, le concept de citoyenneté est dynamique : la citoyenneté est «le produit de contradictions et de réglementations, de conflits et de consensus, de valeurs partagées et de confrontations d idées» (A. Le Pors, La Citoyenneté, Que sais-je, no 665, 1999). Clandestin. Adjectif employé comme substantif pour désigner une personne, étrangère ou non, qui se trouve en situation illicite ou illégale et qui cherche à ne pas apparaître en public. Par exemple : personne étrangère résidant dans un pays qui n est pas le sien sans autorisation des autorités de ce pays, mais aussi travailleur non déclaré national ou étranger, personne coupable en fuite, etc. Désigne aussi des activités exercées : travail clandestin. Creuset. Au sens propre, récipient qui sert à faire fondre ou à calciner certaines substances. Au sens figuré, lieu où diverses choses se mêlent, se fondent. Les sociologues emploient cette comparaison pour illustrer la capacité d un pays, en l occurrence la France (c est le titre d un livre de Gérard Noiriel, Le Creuset français, Le Seuil), à faire coexister des personnes de cultures différentes en leur donnant la possibilité de se fondre dans la culture dominante sans perdre leur culture d origine. Autre signification : le creuset symbolise un lieu culturel propice à l invention ou à la création en quelque domaine que ce soit (scientifique, artistique, politique, religieux, etc.). Déplacé. Personne contrainte à se déplacer à l intérieur de son propre pays pour des raisons similaires à celles d un réfugié. Les déplacés seraient entre 20 et 25 millions à avoir quitté leur lieu de résidence pour chercher refuge à l intérieur du territoire de leur pays. Aucune organisation internationale n est chargée de leur protection. Il n existe pas de définition juridique de cette situation. Le HCR a été amené à élargir les limites de son mandat pour leur venir en aide. Discrimination. Elle consiste à séparer un groupe social des autres en le traitant plus mal. C est un choix qui conduit à des pratiques d exclusion. La discrimination peut aboutir à la ségrégation, qui est une mise à part effective d ordre juridique (empêchements légaux, interdiction d accès à des emplois, désavantages civils). Toute violation des droits de l homme se fonde sur une forme de discrimination. La discrimination positive consiste à opérer délibérément un choix en faveur d une catégorie de personnes ou de groupes ethniques ou culturels minoritaires dont la situation est telle qu elle ne peut être corrigée qu en introduisant dans la législation des dispositions plus favorables à ces groupes ou personnes qu à l ensemble de la population. Par là, on veut combler un manque, réparer une injustice, introduire plus d équité, en accordant un traitement préférentiel ou plus avantageux. Exemple : la situation des Noirs aux États-Unis avant les années 1960, celle des Dalits en Inde, celle des femmes en France en matière électorale avant la loi sur la parité, les ZEP (zones d éducation prioritaire, dont la philosophie est de «donner plus à ceux qui ont moins»). Étranger. Ce mot est employé comme adjectif et comme substantif. Adjectif. a) qui est d une autre nation ; b) relatif aux rapports avec les autres nations (par exemple, diplomatie étrangère) ; c) qui n appartient pas ou qui est considéré comme appartenant à un groupe : différent, distinct, isolé ; d) étranger à quelqu un, à quelque chose, qui n est pas connu ; e) qui ne fait pas partie de Substantif. a) personne dont la nationalité n est pas celle d un pays donné ; b) personne qui ne fait pas partie de la famille ou qui n est pas considérée comme faisant partie de la famille, du clan, personne avec qui on n a rien de commun ; c) personne qui, résidant dans un pays, n en a pas la nationalité. Signalons par ailleurs la difficulté de définir la population étrangère à cause de la double nationalité. On parle de «personne d origine étrangère», quand elle est née en France d un parent ou d un grand-parent y ayant immigré. Génération (deuxième, troisième). L expression désigne les enfants nés de parents (deuxième génération) ou de grands-parents (troisième génération) immigrés dans la majorité des cas citoyens français en raison de l application du «droit du sol». Harkis. Les harkis sont des Algériens qui, pendant la guerre d Algérie, ont servi dans l armée française contre le FLN et qui, de ce fait, ont subi après l indépendance de féroces représailles de la part de leurs compatriotes algériens. Réfugiés en métropole, ceux et celles qui ont échappé à ces actes de vengeance ont été reçus par la France dans des conditions indignes du choix qu ils avaient fait pour la servir. Par extension, on appelle «harkis» des militaires servant dans une milice supplétive. HCR. Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Cette organisation intergouvernementale, créée le 1 er janvier 1951, a pour mission de protéger et d aider les réfugiés dans le monde en trouvant des solutions durables à leurs problèmes. Depuis quelques années, elle intervient également auprès des demandeurs d asile, des personnes déplacées à l intérieur de leur pays, ainsi que des habitants de villes assiégées. Immigré. Personne qui est née à l étranger, est entrée en France et y vit, en général définitivement. C est à tort que les termes «étranger» et «immigré» sont souvent employés l un pour l autre. En réalité, il y a des immigrés qui sont restés étrangers et des immigrés qui sont devenus français. Intégration. Définition donnée par le Haut Conseil à l intégration : «Processus consistant à susciter la participation active à la société d éléments variés et différents, tout en acceptant la subsistance de spécificités culturelles, sociales et morales, et en tenant pour vrai que l ensemble s enrichit de cette variété, de cette complexité. L intégration n est pas un processus à sens unique : elle suppose une réciprocité de la part de la société d accueil et des immigrants.» À distinguer de l assimilation, qui met en relief l unité de la communauté nationale, toutes particularités confondues. L intégration souligne le choix et la participation des nouveaux membres et les conditions d accueil de l étranger avec le maintien du particularisme. Minorités. Communauté ethnique, linguistique ou religieuse, caractérisée par un vouloirvivre commun, englobée dans la population majoritaire d un État dont ses affinités tendent à l éloigner. Sociologiquement, le concept de minorité est lié, avant tout, au processus de formation de la nation. Multiculturalité. Comme «pluriculturalité», ce mot désigne un état de fait dans une société où coexistent des populations de cultures différentes, quel que soit le statut juridique des membres de ces populations. Le pluriculturalisme ou multiculturalisme indique plutôt un projet sociopolitique prenant acte de la pluralité des cultures, avec la volonté politique de lui imprimer un sens, une effectivité sociale. Naturalisation. Processus administratif au terme duquel un étranger, ayant fait une demande en bonne et due forme, obtient la nationalité et la citoyenneté dans un pays qui n était pas le sien (il y a différentes voies d accès à la nationalité française et trois manières d y accéder par voie de naturalisation : cf. fiche 4 sur la société française). OFPRA/Commission de recours des réfugiés. L Office français pour la protection des réfugiés et apatrides, créé par la loi du 25 juillet 1952, est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères. Il est chargé d accorder la qualité de réfugié au titre de la Convention de Genève ainsi qu au titre de l asile conventionnel. La Commission de recours des réfugiés est la juridiction qui a compétence pour statuer sur les recours exercés contre les rejets de l OFPRA.

4 Données Données Les étrangers : une chance pour la France? L immigration est depuis longtemps un élément fondamental de la société française. Notre pays a été, dès les origines, un lieu de brassage des populations : Celtes, Latins, Germains, s y sont rencontrés et mêlés. Tout au long des siècles, les apports étrangers ont nourri la vie économique et culturelle de la France : peintres et musiciens, architectes, techniciens, négociants, ébénistes, spécialistes de l assèchement des marais ou de la sidérurgie, soldats, écrivains venaient d Italie, de Hollande, de Suisse, de Suède, d Angleterre, d Écosse et, souvent, s installaient durablement. Mais ce mouvement migratoire ne concernait que des effectifs réduits. En effet, jusqu au début du XIX e siècle, la France était le pays le plus peuplé d Europe (cinq fois plus d habitants qu en Angleterre). C est à cause des guerres de la Révolution et de l Empire, qui ont entraîné une baisse démographique, et surtout de la chute profonde et durable du taux de fécondité, que la France devient un pays d immigration. La main-d œuvre est alors insuffisante pour un pays qui s industrialise, et, contrairement aux autres pays européens qui connaissent, au XIX e siècle, fécondité élevée et émigration, la France fait appel à des travailleurs étrangers. chif fres La France est un pays d immigration. Un Français sur trois a un trisaïeul étranger. Sans l apport migratoire des cent cinquante dernières années la France ne compterait aujourd hui que 42 ou 43 millions d habitants. Plus de 1 million d étrangers sont recensés en France en 1881, alors qu ils ne sont que 100 000 en Allemagne. Et la loi de 1889 facilite l accès à la nationalité française. Les premiers essais d immigration collective organisée remontent à 1908. Pendant la Première Guerre mondiale, l État organise le transfert d une main-d œuvre étrangère et originaire des colonies pour remplacer dans les lieux de travail les Français mobilisés sur les champs de bataille. Après l hécatombe causée par ce conflit, le gouvernement français conclut, directement ou indirectement, de 1919 à 1930, des conventions d immigration avec plusieurs pays européens, tandis que de nombreux étrangers cherchent en France un asile. En 1931, 3 millions d étrangers (7 % de la population) vivaient en France. La crise économique des années 1930, puis la Seconde Guerre mondiale, ralentissent fortement les arrivées. Après la guerre, on accorde la nationalité française à tous ceux qui, dans les réseaux de la Résistance, dans les rangs des Forces françaises libres (FFL) ou de la Première Armée, ont combattu pour la France. À partir de 1945, afin de pallier l insuffisance de maind œuvre à laquelle se heurte le pays en pleine reconstruction, l État encourage l immigration et crée alors l Office national d immigration (ONI) pour assurer le recrutement et l accueil des travailleurs étrangers (mais l ONI n a pas conservé le monopole de l introduction des étrangers).

De 1956 à 1973, l immigration, qui va de pair avec la croissance économique, prend une nouvelle vigueur. Les travailleurs venant de l immigration sont nombreux dans les activités du bâtiment, dans la sidérurgie et dans l industrie automobile. Ils participent à la construction des grands barrages hydro-électriques, des autoroutes C est le ralentissement de l activité qui, en 1974-1977, conduit les gouvernements à «suspendre» l immigration, sauf en ce qui concerne les ressortissants de l Union européenne et le regroupement familial pour les résidents en situation régulière et les réfugiés politiques. La part des immigrés dans l ensemble de la population se stabilise (graphique 2). Le rythme annuel des entrées s établit à 100 000 environ, et le chiffre des acquisitions de nationalité est à peu près équivalent. Mais la France se singularise par le solde migratoire le plus faible des 15 pays de l Union européenne, et certains envisagent déjà un recours plus systématique à l immigration à partir de 2005 afin de conjurer le risque d une éventuelle insuffisance de maind œuvre. L apport des migrations à la société Depuis cent cinquante ans, le mouvement d immigration a constitué, malgré des ralentissements et des reculs, un élément fondamental pour la société française et une composante importante de son identité nationale. On peut noter que, de tous les pays occidentaux 1995 92 410 1996 Quelques définitions Population étrangère : ensemble de personnes résidant en France et n ayant pas la nationalité française. Population immigrée : ensemble de personnes vivant en France, nées dans un pays étranger et étrangères à la naissance. Cette population se compose pour la plus grande partie d étrangers, mais aussi de personnes qui ont acquis la nationalité française. Tout étranger n est pas nécessairement un immigré, et tout immigré n est pas nécessairement un étranger (voir schéma). Un étranger peut acquérir la nationalité française au cours de sa vie : il devient alors français par acquisition. Il existe plusieurs modes d acquisition de la nationalité française : par mariage ; à cause de la naissance et de la résidence en France pendant cinq ans depuis l âge de onze ans (loi de 1998) ; par naturalisation : dans ce cas, elle peut être demandée à partir de la sixième année de séjour. La proportion d immigrés devenus français varie beaucoup selon le pays d origine (graphique 1). À l exception des Portugais, les immigrés originaires de pays d Europe ont massivement acquis la nationalité française. La plupart des immigrés d Asie du Sud-Est, réfugiés politiques, se sont installés définitivement et ont acquis la nationalité française. À noter que la proportion de femmes immigrées devenues françaises est plus importante que celle des hommes. Les acquisitions de nationalité française 109 823 1997 116 194 1998 123 761 1999 147 522 2000 150 150 025 025 (mis à part les États-Unis, le Canada et dans l hémisphère Sud l Australie et la Nouvelle- Zélande), la France est celui où l apport migratoire tient la place la plus importante sur le plan économique, mais aussi démographique et culturel. L intégration a été souvent conflictuelle à cause de la diversité des origines, des cultures, des langues maternelles, des confessions religieuses. Avant la Première Guerre mondiale, l immigration était presque totalement européenne, mais au long du XX e siècle les flux se sont diversifiés (Italie, puis Espagne, Pologne ). À partir de 1910, commencent à arriver des originaires du Maghreb, «sujets» ou «protégés» français. Les cinq groupes les plus nombreux (60 % de la population immigrée) sont actuellement originaires du Portugal, d Algérie, d Italie, du Maroc et d Espagne (graphique 3). Sur le plan économique, l apport des immigrés a beaucoup compté. Ainsi que le rappelle l historien Fernand Braudel dans L Identité de la France : «Les immigrés installés chez nous depuis longtemps ont contribué à la croissance française, à l embourgeoisement d une partie de notre prolétariat, à l augmentation du niveau de vie général.» Sur le plan démographique, il faut noter que le taux de fécondité français est supérieur à celui de la plupart des pays de l Union européenne : il est en effet de 1,9. On peut donc penser que les immigrés contribuent à la vitalité démographique de notre pays. Le pays d accueil s est souvent révélé le pays du rejet : poussées xénophobes, appels à la préférence nationale, pratiques discriminatoires, se sont manifestés, notamment lors de difficultés économiques ou de montées du chômage. Mais, malgré ces attitudes, des Étrangers et immigrés en France Étrangers 3 260 000 Immigrés 4 310 000 Étrangers nés en France 510 000 Étrangers nés à l étranger 2 750 000 Français par acquisition, nés à l étranger 1 560 000 Source : Recensement de la population, 1999, INSEE immigrés s installent, font souche et, pour beaucoup, deviennent français. Peu à peu, génération après génération, l intégration se fait, et les descendants des étrangers sont présents et actifs dans des professions et des postes variés : maçons, ministres, artistes, commerçants, ingénieurs, écrivains, plombiers, chercheurs, footballeurs Les gouvernements ont oscillé entre ouverture et restrictions, incitations au retour vers les pays d origine et reconduites à la frontière. Au-delà des variations de politiques et de législations, et des fluctuations de l opinion, on peut dire que l immigration a contribué à faire la société française d aujourd hui : pluriethnique, pluriconfessionnelle, pluriculturelle, dans le cadre d une République une. La politique française d intégration ne repose pas, en effet, sur la reconnaissance de droits spécifiques à des communautés constituées par leur origine, leur confession ou leur culture, mais sur l égalité des droits et des obligations pour toutes les personnes, quelles que soient leur origine, leurs racines culturelles, leur confession. La seule exigence posée est le respect des lois de la République, qui sont les mêmes pour tous, dans une société laïque. Graphique 1 Part de Français par acquisition selon le pays de naissance Royaume-Uni Turquie Portugal Maroc Algérie Sénégal Belgique Ex-Yougoslavie Allemagne Tunisie Espagne Italie Cambodge Pologne Viet-nam Graphique 2 Part des immigrés dans l ensemble de la population en France (en %) 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 1911 1921 1926 1931 1936 Graphique 3 Les immigrés selon leur pays de naissance en 1990 et 1999 Cambodge Sénégal Ex-Yougoslavie Viet-nam Royaume-Uni Belgique Pologne Allemagne Turquie Tunisie Espagne Italie Maroc Portugal Algérie 0 Source : Recensement de la population, 1990 à 1999, INSEE 100 000 200 000 1946 300 000 1954 400 000 1962 Source : Recensement de la population, 1990 à 1999, INSEE 1968 500 000 1975 Hommes Ensemble Femmes 1982 1990 1999 Source : Recensement de la population, 1911 à 1999, INSEE 600 000 1999 1990 1999 1990 700 000

La société française et les étrangers Données 4a Qu en est-il des discriminations? pourrait être corrigée que par l éducation. Deux points importants apparaissent chez les victimes qui ont répondu à l enquête : une demande d égalité réelle de traitement, qui implique le refus des quotas et d une discrimination positive (perçue comme une discrimination raciste) ; une attente à l égard de l école et des associations de quartier qui œuvrent concrètement pour l insertion sur le terrain. Enfin, il est clair que la modification fréquente des règles et des politiques en matière d immigration contribue à diffuser un ressentiment dans la population d origine étrangère tout en entretenant un sentiment de méfiance dans le reste de la population. Le rapport 2001 de la CNCDH rappelle en outre les dispositifs légaux mis en place par les gouvernements pour lutter contre les discriminations : les Commissions départementales d accès à la citoyenneté (CODAC) sont, depuis 1999, des lieux d écoute, de conseil et de mise en œuvre de la politique de soutien aux victimes de discriminations ; le Groupement d étude et de lutte contre les discriminations (GELD) est chargé, depuis octobre 2000, d observer la situation et de faire des propositions. En outre (décision de janvier 2001), il gère un service d écoute (le 114, numéro d appel gratuit, disponible du lundi au samedi de 10 h à 21 h). Deux documents récents peuvent nous permettre de comprendre les difficultés rencontrées à cet égard en France par les étrangers et les personnes d origine étrangère. L un est une étude qualitative menée par la SOFRES, à la demande de la Commission nationale consultative sur les droits de l homme (CNCDH), auprès de personnes victimes de discriminations. Ce document (inclus dans le rapport d activité 2001 de la CNCDH) apporte des indications intéressantes sur les discriminations actuelles à l égard de ceux qui sont perçus comme étrangers et sur les réactions de ces derniers. Il est difficile de cerner le problème des discriminations. En effet, le vocabulaire manque de précision. Comment éviter la confusion entre «étrangers», «immigrés» et «personnes d origine étrangère», alors même que, parmi les personnes qui se plaignent de discriminations, beaucoup sont nées en France ou sont devenues françaises? Par ailleurs, peut-on mesurer racisme et discriminations sans les banaliser? Le sondage do particulièrement sensible dans la recherche d un emploi, ainsi qu en ce qui concerne le niveau de l emploi obtenu, souvent inférieur à celui que justifieraient le diplôme ou la compétence. Elle se constate également dans la annuel commandé depuis 1990 par la recherche de logement, dans l accès aux loisirs, CNCDH sur les attitudes de la population et même à l école où est notée une orienta- française à l égard du racisme a été très critiqué. La CNCDH a donc, en 2001, renoncé issus de l immigration vers les filières techtion plus ou moins systématique des élèves à ce sondage, remplacé par l étude qualitative niques. évoquée ci-dessus, fondée sur des entretiens Enfin, les personnes interrogées évoquent avec des personnes victimes de discriminations raciales. Il s agissait de chercher des racisme aux manifestations moins agressives, dif- l existence, dans la société française, d un réponses à plusieurs questions : «Quel est fus, souterrain, mais permanent. Globalement, l impact psychologique et social des discriminations, leur nature et leur intensité? Quel la propension à rejeter l autre parce que diffé- la France n est pas vue comme un pays raciste : contenu donnent les victimes à des termes tels rent se retrouverait chez chaque individu et ne que racisme et discrimination? Quelles sont les réactions personnelles des victimes?» Cette étude peut être complétée par un rapport publié par le Conseil de l Europe en juin 2000, élaboré par l ECRI (European Commission against Racism and Intolerance). À la lecture de ces deux textes, il se confirme que la discrimination raciale et ethnique est La discrimination raciale et ethnique est particulièrement sensible dans la recherche d un emploi, et se constate également dans la recherche de logement, dans l accès aux loisirs, et même à l école. Les personnes interrogées évoquent l existence, dans la société française, d un racisme aux manifestations moins agressives, diffus, souterrain, mais permanent. Synthèse de deux études menées par la SOFRES et par l ECRI.

argument utile mais qui n incite pas les uns et les autres à s aventurer sur de nouveaux terrains de dialogue plus porteurs d avenir. S il faut sans doute les prendre en compte, ces arguments ne sauraient suffire à eux seuls à cerner la question de l intégration de l islam dans notre société. En réalité, les relations entre convictions spirituelles et identité culturelle sont infiniment plus complexes qu elles n en ont l air. Le taux de pratique religieuse est également à prendre en considération : on ne trouve parmi les musulmans que 4 ou 5 % de pratiquants. L intégrisme reste très minoritaire. On assiste, en revanche, à des crispations identitaires sur le religieux (les revendications sur la viande hallal servent de référence à une frontière entre le pur et l impur) : certains affichent de manière très délibérée leur appartenance religieuse, mais les manifestations extérieures pallient, en quelque sorte, l absence de piété personnelle. En même temps, l affirmation religieuse identitaire s oppose au mouvement d uniformisation des mentalités et au prêt-à-penser diffusé et imposé par les médias. On peut dire que, dans ce cas, à cause des réactions identitaires qu elle provoque, l uniformisation joue contre l intégration. De nombreux observateurs notent par ailleurs qu une évolution favorable au dialogue, ou au moins à la sortie d une situation de conflit et de polémique («eux» et «nous»), se dessine. Une réflexion s amorce sur les mécanismes internes à la pensée religieuse qui risquent de mener certains croyants à l intolérance et au terrorisme. «Il faut arrêter de considérer que les Occidentaux sont responsables de tous les maux des Arabes», estime Tariq Ramadan. L islam est en pleine évolution : au Maroc, les milieux enseignants ont engagé une réflexion nouvelle sur la notion de jihad, qui pourrait même disparaître des programmes scolaires. Un colloque récent en Libye, organisé par l Association missionnaire libyenne et en présence du vice-doyen de l université Al-Azhar, a révélé une pensée en pleine mutation, loin de toute considération idéologique. Les propos qui y ont été tenus étaient inimaginables il y a cinq ans. Il faut souhaiter que ces initiatives se propagent et se fassent connaître davantage. En conclusion, on pourrait dire que l appartenance à l islam ne constitue pas, en soi, un obstacle majeur à une intégration de ses membres au sein de la société française et européenne. Certes, les séquelles de l histoire sont toujours vives et peuvent être, encore aujourd hui, sources de malentendus et d incompréhensions mutuelles et réciproques. De même, la recherche légitime d une identité musulmane peut compliquer le processus d intégration. Mais ces facteurs ne doivent en aucun cas être exagérés ou surestimés. Ils ne font que traduire à leur façon la grande diversité de la famille humaine et ne doivent surtout pas être mis sur le compte de l islam en tant que tel à moins de considérer que toute appartenance religieuse particulière constitue un handicap à l intégration, l islam au même titre que le judaïsme, le bouddhisme ou l hindouisme La mise sur pied d une instance représentative du culte musulman en France peut favoriser cette tendance au dialogue et permettre de ne plus considérer l islam comme un corps étranger qui n aurait pas sa place dans notre société. La société française et les étrangers Données 4b Les étrangers de confession musulmane rencontrent-ils des difficultés particulières à s intégrer au sein de la société française? Beaucoup d idées reçues ou supposées vraies le laisseraient penser : Les séquelles encore vives de la guerre d Algérie, qui ressurgissent régulièrement dans les médias, entretiennent encore aujourd hui une attitude empreinte de malaise et de méfiance à l encontre des Maghrébins musulmans. Cette attitude se rencontre plus particulièrement chez les Français de la génération (entre soixante et soixante-dix ans) qui a pris part à la guerre, quels qu aient été leurs comportements ou leurs responsabilités il y a quarante-cinq ans. Islam et intégration do Les chrétiens de bonne volonté qui cherchent sincèrement à mieux connaître l islam s étonnent que parfois, lors de rencontres vouées à des échanges, les musulmans présents qui répondent volontiers aux questions posées sur leur religion ne manifestent aucune curiosité ni aucun intérêt pour le christianisme. Leur conviction que tout ce qu il faut savoir sur les chrétiens est dit dans le Coran, À ce handicap relationnel hérité de l histoire, on pourrait ajouter le sentiment d une qui contient la vraie Révélation, coupe court à tout vrai dialogue. frange importante de l islam de se sentir à contre-courant de la modernité, et même Depuis les débuts de l islam, les relations en franche opposition avec elle, concernant la entre les mondes chrétien et musulman se morale familiale et les mœurs, les façons de sont construites sur une culture de polémiques et de critiques réciproques. En lage culturel entre l islam et le monde occi- vivre, de s habiller, de se nourrir, etc. Ce déca- Europe, ces mauvaises relations ont fatalement développé un imaginaire négatif à tendance, chez les musulmans, à valoriser à dental engendre depuis quelques années une l égard de l islam et des clichés qui n ont l excès l histoire et le passé. L exemple récurrent est celui de l apport des savants arabes rien à voir avec la religion. Il y a une tendance, chez certains, à rechercher dans les de l Espagne musulmane du XI e au XIII e siècle faits une confirmation de ces clichés. à la civilisation de la Renaissance en Europe, Les étrangers de confession musulmane rencontrent-ils des difficultés particulières à s intégrer au sein de la société française? Beaucoup d idées reçues ou supposées vraies le laisseraient penser. Mais les relations entre convictions spirituelles et identité culturelle sont infiniment plus complexes qu elles n en ont l air. L intégrisme reste par ailleurs très minoritaire. Mais on assiste à des crispations identitaires sur le religieux. De nombreux observateurs notent cependant qu une évolution favorable au dialogue, ou au moins à la sortie d une situation de conflit et de polémique, se dessine. Analyse.

La société française et les étrangers Données La société française et les étrangers Données 4c Quel accés aux soins? do nn ées 4c Quel accès aux soins? Comme le rappelle le rapport remis cette année à la Direction de la population et des migrations du ministère de l Emploi et de la Solidarité par le Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP), la législation actuelle concernant l accès aux soins repose sur «un principe d égalité pour toutes les personnes françaises ou étrangères vivant de manière stable et régulière sur le territoire national». À ces dispositions s ajoute un «principe assistanciel», institué par l aide médicale d État (AME) à distinguer de la couverture médicale universelle (CMU) pour les personnes ne répondant pas à ce critère mais qui ont l intention de demeurer en France. Un certain nombre de critères humanitaires peuvent également être officiellement invoqués à l égard de soins urgents pouvant être administrés à des personnes étrangères de passage sur le territoire français. S il ne conteste pas la légitimité de ce critère de stabilité et de régularité, le rapport du Dans un récent rapport remis cette année à la Direction de la population et des migrations du ministère de l Emploi et de la Solidarité, le Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP) propose le renforcement des «dispositifs favorisant l égalité en matière de soins». CRESP entend souligner quelques-uns des effets négatifs que sa stricte application peut entraîner. Pour des raisons purement administratives, des personnes relevant de l AME peuvent être moins bien traitées que celles relevant d une couverture sociale ordinaire. De plus, «le développement de procédures de vérification et de logiques de suspicion défavorables à l ensemble des personnes étrangères, voire d origine étrangère», peut entraver l accès aux soins qu elles sont en droit de recevoir. Le rapport dénonce également des disparités, selon les régions et les départements, dans l application de la loi Debré du 24 avril 1997 instituant l impossibilité d expulser et de reconduire à la frontière les étrangers atteints de pathologies graves et présents sur le territoire français. Rappelant qu un étranger résidant habituellement en France et ayant besoin de soins pour une pathologie grave dont il ne pourrait bénéficier dans son pays peut obtenir un titre de séjour temporaire «de plein droit», le rapport souhaite que ce titre temporaire soit assorti d un droit à occuper un emploi ou à accéder aux minima sociaux. Sous la conduite de Didier Fassin, directeur du CRESP, les auteurs du rapport préconisent l interdiction de refuser ou de reporter l examen d un patient jusqu à ce qu il ait une couverture sociale et que, en cas d hospitalisation, «le ministère de la Santé honore les factures hospitalières au titre de la prise en charge exceptionnelle pour raison humanitaire». D une manière générale, le rapport souhaite que l on fasse «prévaloir le principe de prise en charge médicale avant la régularisation administrative». Concernant la médecine de ville, le CRESP demande à l ordre des médecins de modifier les pratiques consistant à entériner les refus de soins par l établissement de listes officielles de praticiens acceptant les patients bénéficiant d une dispense du tiers payant au titre de la CMU ou de l AME. Comme le rappelle le rapport remis cette année à la Direction de la population et des migrations du ministère de l Emploi et de la Solidarité par le Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP), la législation actuelle concernant l accès aux soins repose sur «un principe d égalité pour toutes les personnes françaises ou étrangères vivant de manière stable et régulière sur le territoire national». À ces dispositions s ajoute un «principe assistanciel», institué par l aide médicale d État (AME) à distinguer de la couverture médicale universelle (CMU) pour les personnes ne répondant pas à ce critère mais qui ont l intention de demeurer en France. Un certain nombre de critères humanitaires peuvent également être officiellement invoqués à l égard de soins urgents pouvant être administrés à des personnes étrangères de passage sur le territoire français. S il ne conteste pas la légitimité de ce critère de stabilité et de régularité, le rapport du do nn ées Dans un récent rapport remis cette année à la Direction de la population et des migrations du ministère de l Emploi et de la Solidarité, le Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP) propose le renforcement des «dispositifs favorisant l égalité en matière de soins». CRESP entend souligner quelques-uns des effets négatifs que sa stricte application peut entraîner. Pour des raisons purement administratives, des personnes relevant de l AME peuvent être moins bien traitées que celles relevant d une couverture sociale ordinaire. De plus, «le développement de procédures de vérification et de logiques de suspicion défavorables à l ensemble des personnes étrangères, voire d origine étrangère», peut entraver l accès aux soins qu elles sont en droit de recevoir. Le rapport dénonce également des disparités, selon les régions et les départements, dans l application de la loi Debré du 24 avril 1997 instituant l impossibilité d expulser et de reconduire à la frontière les étrangers atteints de pathologies graves et présents sur le territoire français. Rappelant qu un étranger résidant habituellement en France et ayant besoin de soins pour une pathologie grave dont il ne pourrait bénéficier dans son pays peut obtenir un titre de séjour temporaire «de plein droit», le rapport souhaite que ce titre temporaire soit assorti d un droit à occuper un emploi ou à accéder aux minima sociaux. Sous la conduite de Didier Fassin, directeur du CRESP, les auteurs du rapport préconisent l interdiction de refuser ou de reporter l examen d un patient jusqu à ce qu il ait une couverture sociale et que, en cas d hospitalisation, «le ministère de la Santé honore les factures hospitalières au titre de la prise en charge exceptionnelle pour raison humanitaire». D une manière générale, le rapport souhaite que l on fasse «prévaloir le principe de prise en charge médicale avant la régularisation administrative». Concernant la médecine de ville, le CRESP demande à l ordre des médecins de modifier les pratiques consistant à entériner les refus de soins par l établissement de listes officielles de praticiens acceptant les patients bénéficiant d une dispense du tiers payant au titre de la CMU ou de l AME.

5 Itinéraires Itinéraires Parcours du combattant du demandeur d asile Voici les différentes étapes que va devoir franchir l étranger qui a fui son pays pour demander l asile en France. En l état actuel de l examen des dossiers concernant les demandes d asile, territorial ou conventionnel, en moyenne ces démarches prennent entre un et trois ans. Le facteur temps est essentiel à la compréhension de la situation du demandeur d asile en France. En effet, ces démarches qui traînent en longueur ont un effet usant pour des personnes qui ont fui des situations d une extrême violence, en laissant dans la plupart des cas femme et enfants au pays. Ce délai peut varier en fonction de la préfecture responsable du traitement de votre dossier. En effet, il existe une très grande disparité sur l ensemble du territoire : vous attendrez environ huit mois à Marseille avant d obtenir votre formulaire OFPRA, qui vous sera remis directement si vous vous présentez à la préfecture du Pas-de-Calais. L OFPRA saisi, un nouveau délai va s ouvrir : de plusieurs mois à trois ans. Votre nationalité d origine peut aussi avoir une influence sur ce délai. Ainsi, certains dossiers peuvent rester gelés pendant des années à l OFPRA. Ce fut le par co urs Elles sont nombreuses, les personnes étrangères qui rencontrent des difficultés graves dans leur vie quotidienne en France. Elles appartiennent à des statuts divers. Étudiants vivant chez nous, travailleurs venus pour plusieurs années, prêtres et religieux en formation, demandeurs d asile Nous décrivons ici le parcours que ces derniers doivent faire, sans oublier que les autres catégories citées connaissent aussi des problèmes dans le vivreensemble. cas pour les demandeurs d asile tunisiens dans le courant des années 1990. Les demandeurs d asile vivent toutes ces étapes auprès des autorités françaises et des travailleurs sociaux ou associatifs comme un véritable parcours du combattant. Ils ne cessent d entendre : «Vous devriez réunir des preuves tangibles des persécutions subies et surtout des craintes en cas de retour dans votre pays Racontez-moi à nouveau votre histoire en insistant sur tel ou tel point» Chaque rendez-vous est alors vécu comme un véritable examen, avec tout ce que cela comporte d angoisse, d autant plus que l enjeu est vital pour eux. La situation d extrême fragilité psychologique dans laquelle ils se trouvent est considérablement aggravée par le fait qu ils n ont le droit ni de travailler ni de suivre une formation professionnelle. Ces interdictions ont généré deux catégories de personnes : celles qui osent à peine sortir dans la rue et passent leurs journées à ressasser leur vie ; et celles qui se «débrouillent», que ce soit par le travail clandestin ou par une activité délictuelle (trafics en tous genres, prostitution ).

Nous avons donc en face de nous des gens fragiles, qui découvrent non seulement les mécanismes d une administration aux rouages parfois obscurs et aux délais souvent très longs, mais aussi le regard de suspicion porté sur eux comme s ils étaient des fraudeurs ou des délinquants. Ils rencontrent aussi des gestes d humanité et de solidarité de la part de membres d associations ou de citoyens ordinaires. Mettons-nous dans la peau d un étranger qui souhaite demander l asile en France. Bien que les conditions d attente et d octroi soient distinctes, nous présenterons conjointement les principales démarches concernant l asile conventionnel et l asile territorial. Si votre demande d asile est effectuée à la frontière, vous serez placé en zone d attente le temps nécessaire pour vérifier que votre demande «n est pas manifestement infondée» (une sorte de préjugement). Le temps de votre maintien, vous serez logé dans le meilleur des cas dans un hôtel situé dans l enceinte de l aéroport, du port ou de la gare, dans le pire des cas dans une salle d embarquement, une salle d attente ou un autre lieu inadapté à l hébergement des personnes. Si, à la suite d un examen rapide, votre demande paraît sérieuse, vous serez admis sur le territoire français. Vous avez huit jours pour entamer vos démarches. Vous vous trouvez alors dans la même situation que l étranger qui est déjà sur le territoire, qu il y soit entré régulièrement ou non. Vous devez, en premier lieu, vous procurer une domiciliation, adresse à laquelle vous pourrez recevoir votre courrier (soit chez un particulier, soit auprès d une association). Cette formalité peut présenter des difficultés. En effet, certaines associations refusent de domicilier les ressortissants d un pays donné. Commence alors la tournée des associations afin d en trouver une qui vous acceptera. Ensuite, muni de cette domiciliation, vous devez vous rendre à la préfecture afin de retirer le formulaire concernant votre demande, formulaire OFPRA pour une demande d asile conventionnel ou formulaire d asile territorial. En pratique, malgré la jurisprudence du Conseil d État, ce formulaire ne vous sera pas remis immédiatement mais lors d un rendez-vous postérieur fixé arbitrairement par les différentes préfectures. Certaines préfectures vous opposeront même un refus de délivrance du formulaire en raison de votre domiciliation considérée comme non agréée, alors qu aucune réglementation ne le prévoit. Vient le moment de la rédaction du récit et de la recherche de «preuves». Cette étape est fondamentale, c est pourquoi il est utile de se faire aider par une association ou un travailleur social. Vous allez être ramené à tout ce que vous avez vécu avant de quitter votre pays et ce que vivent peut-être encore ceux des vôtres qui y sont restés (amis, parents ). Il est alors important d être clair, précis, et de présenter les événements dans l ordre chronologique, sans tomber dans l écueil de la situation générale qui prévaut dans votre pays. Ce travail permet d approfondir les points essentiels en collant le plus possible à la Convention de Genève ou à la loi relative à l asile territorial. Commence également la recherche de preuves c est-à-dire tous les documents qui concernent votre demande mais que, dans votre fuite, vous n avez pas pu emporter. Vous allez devoir contacter des connaissances restées au pays, les convaincre de vous aider, les rassurer sur l absence de représailles à leur égard en leur expliquant que les autorités de votre pays ne seront pas informées de l aide qu elles vous apporteront. Vient ensuite la douloureuse question des sévices que vous avez subis. Comment convaincre? Bien que les dispositions concernant l asile, conventionnel ou territorial, parlent de «craintes de persécutions» ou de «menaces à la vie ou à la liberté ou risque de traitements inhumains ou dégradants», il existe, malheureusement, une véritable prime à la démonstration de torture subie, comme si la crainte fondée n était plus suffisante. Quelle que soit votre histoire, sachez que ce qui sera examiné en premier, c est la cohérence de votre récit, la probabi- lité de ce que vous expliquez. Afin que votre histoire reste crédible, il est important de ne pas s inventer des persécutions comme si ce que vous avez déjà subi n était pas suffisant. Pendant un an, une allocation d insertion est uniquement prévue pour les demandeurs d asile conventionnel non logés dans un CADA. Vous n avez pas le droit de travailler. Muni de votre autorisation provisoire de séjour, vous allez attendre pendant des mois, parfois plus d un an, avant d être convoqué à un entretien. Vous serez entendu par un officier de protection auprès de l OFPRA ou par un agent de la préfecture pour une demande d asile territorial. Cet entretien doit être soigneusement préparé. En effet, de longs mois s étant écoulés entre la rédaction de votre récit et le moment où vous allez pouvoir le présenter oralement, il est alors nécessaire de se préparer à l interrogatoire précis dont vous allez faire l objet. Il va falloir, une fois de plus, revenir sur un passé qui commençait juste à s effacer. Parfois, vous allez devoir de nouveau faire face à de nombreux mois d attente avant d obtenir une décision. Si elle est positive, vous aurez droit à une carte de réfugié délivrée par l OFPRA, ainsi qu à une carte de séjour de dix ans. En cas d accord en matière d asile territorial, vous recevrez une carte de séjour temporaire d un an renouvelable. Si la réponse est négative, vous disposez d un mois pour former un recours devant la Commission de recours des réfugiés (CRR) s il s agit d une décision de rejet de l OFPRA ou de deux mois devant le tribunal administratif en cas de recours contre le refus d asile territorial. Distinguons les deux types de recours : Si vous formez un recours devant la CRR, la possibilité d obtenir l aide juridictionnelle (défense gratuite par un avocat) étant conditionnée à une entrée régulière sur le territoire, il vous faudra dans la plupart des cas préparer seul le dossier. Vous serez convoqué à l audience, à laquelle il est indispensable de se rendre. Aidé par un interprète si nécessaire, vous serez face à une juridiction qui réexaminera entièrement votre histoire. Si la décision est positive, vous serez reconnu réfugié. Sinon, débouté du droit d asile, vous serez invité à quitter le territoire. En cas de recours devant le tribunal administratif contre un refus d asile territorial et, par voie de conséquence, un refus de séjour, vous devez contester ces deux décisions. Le ministère d un avocat n est pas obligatoire, mais les conseils d un juriste vous seront indispensables afin d introduire une requête complète. Ce recours n étant pas suspensif, vous pourrez faire l objet d une mesure d éloignement pendant son instruction. La politique d harmonisation européenne en matière d asile a ajouté, aux conditions existant déjà en matière d enregistrement et d examen des demandes d asile, un critère supplémentaire concernant l espace, conduisant les États membres à décliner leur responsabilité en matière de droit d asile dans de nombreuses situations. Ainsi, la Convention de Dublin prévoit que le pays responsable de l examen d une demande est, soit celui qui a délivré un visa Schengen à l intéressé, soit celui sur le territoire duquel le demandeur d asile est arrivé en premier. Par exemple, les réfugiés souhaitant se rendre en Grande-Bretagne alors qu ils se trouvent sur le territoire français n ont pas vocation à faire une demande d asile ailleurs qu en France. Si vous êtes dans un de ces cas, on vous placera sous convocation Schengen- Dublin, et il faudra attendre plusieurs mois pour savoir «à quelle sauce» vous serez mangé Peut-être le pays dans lequel vous serez transféré aura-t-il signé un accord de réadmission avec un pays hors espace Schengen et estimera-t-il que ce pays par lequel vous avez transité doit traiter votre demande. Ce pays, précautionneux, invoquera peut-être lui aussi un accord de réadmission avec un autre de telle façon qu un curieux tourisme peut s établir. On peut concevoir, par exemple, France-Allemagne-Pologne-Ukraine- Russie. Avec peut-être, sait-on jamais, un retour à la case départ. Les différentes mesures envisagées à l heure actuelle conduisent à éloigner dans l espace l enregistrement des demandes d asile. Est, par exemple, à l étude la possibilité d envoyer des officiers de liaison, agents chargés de l examen des demandes d asile, directement dans les pays d origine. L essai a d ores et déjà eu lieu en Turquie, où des agents européens ont eu la charge d examiner les requêtes de potentiels demandeurs d asile avant même qu ils n aient franchi une des frontières communautaires. Comment vérifier que les critères d indépendance, de sérénité et d égalité des droits sont réellement respectés dans ces conditions? N est-ce pas un moyen de ne pas faire face à ses responsabilités en matière d asile que d éloigner géographiquement l examen de la demande, privant ainsi les réfugiés de garanties procédurales suffisantes? Vous voilà au pied de l avion, mais vos documents de voyage ne sont peutêtre pas en règle. La compagnie (qui décidera, d ailleurs : le commandant, le steward, l hôtesse?) va peut-être, dans la crainte d amendes, refuser de vous embarquer. Le parcours du combattant commence très tôt et très loin. Malgré l absurdité et l égoïsme de notre système, tous les ans des milliers de demandeurs d asile atteignent notre pays pour vivre en paix. Portons un autre regard sur eux, dont les conditions d attente en France n ont rien d enviable, et donnons-nous, enfin, les moyens de les accueillir dignement et humainement.

«Le renforcement du lien social, la contribution à l intégration sociale des migrants de toutes origines et de leurs familles» : tel est l objectif de la Maison des femmes, association fondée en 1998 à Asnières, dans le quartier Nord. À l heure actuelle, elle compte 180 adhérentes, de dix-huit à cinquante-cinq ans environ, de 28 nationalités, avec une nette prédominance des Marocaines. Quelques Françaises autochtones fréquentent les cours d alphabétisation consacrés à la remise à niveau. Des cours accueillant des hommes ne sont pas exclus, mais n existent pas pour le moment. La cotisation est de 15 euros par an, cours et ateliers étant gratuits. La Maison est subventionnée et bénéficie des avantages du contrat de ville. Elle emploie trois formatrices à plein temps et reçoit le concours de sept bénévoles. L activité essentielle est centrée sur l apprentissage du français, perçu comme vecteur d intégration. Les femmes jouent un rôle primordial dans l éducation des enfants : leur donner les moyens de maîtriser le français, c est améliorer leur communication avec leurs enfants et leur permettre de mieux les suivre dans leur scolarité. «Être alphabétisé permet de mieux faire face aux nécessités de l existence et du travail, de mieux maîtriser son destin, de sortir de la pauvreté et du chômage.» Plusieurs niveaux de cours sont proposés : le plus élevé prépare au certificat de formation générale, reconnu par le ministère de l Éducation nationale. En même temps, des ateliers pédagogiques fonctionnent : ils sont conçus moins comme des activités de loisirs que comme lieux et occasions pour pratiquer le français. C est le cas de l atelier de cuisine, de l atelier de couture, de celui qui enseigne le code de la route, de l atelier d informatique, de celui qui est centré sur un livre (il s agit alors souvent de contes des pays d origine). Un atelier de théâtre a existé, à partir de récits de vie. La Maison propose également des actions de médiation afin d aider les familles dans leurs rapports avec les administrations, avec l objectif de les rendre de plus en plus autonomes. Un travail important se fait avec les écoles du quartier, notamment sous la forme d ateliers thématiques sur les cultures d Afrique du Nord ou de l Ouest, en collaboration avec les enseignants. Une liaison existe également avec le centre de PMI pour développer l éducation à la santé. La Maison des femmes participe aussi, avec d autres associations locales, à l organisation de rencontres d échanges, ouvertes à tous, qui permettent des débats. Un des thèmes récemment abordés : «Le silence des pères». De la volonté de gens qui souhaitaient que les habitants de leur quartier «s entraident, se connaissent, s apprécient et agissent ensemble» est né, en 1979, Espace 19, une association qui gère plusieurs centres sociaux de quartier situés dans le XIXe arrondissement de Paris. Des bénévoles contribuent, aux côtés des salariés, à la bonne marche de l association : 220 bénévoles ont ainsi activement participé au fonctionnement pendant l année 2000-2001. Les activités sont variées : secteur petite enfance, accompagnement scolaire, alphabétisation d adultes, loisirs et vacances, aide juridique, club seniors Il s agit d un lieu ouvert à tous, d accueil et d ouverture à l autre, qui veut jeter des ponts entre générations, entre personnes d origines et de milieux sociaux et culturels divers, afin de permettre à tous les adhérents de vraiment «vivre ensemble». On veut privilégier le brassage et la rencontre. On ne parle pas directement de coexistence entre Français et étrangers (il est bien difficile d ailleurs de définir qui est étranger), mais parmi les adhérents les nonautochtones sont nombreux et de provenances diverses (Sud-Est asiatique pendant un certain temps, nombreux Africains de l Ouest en ce moment ). Une adhésion par famille est demandée, quel que soit le nombre de ses membres. Il y a entre 400 et 600 familles adhérentes actuellement. Tous les âges sont représentés, bien que la tranche quinze vingt-cinq ans le soit très peu. Il y a une grande variété en ce qui concerne les appartenances religieuses, étant donné la diversité du quartier : forte communauté juive, nombreux musulmans (la mosquée de la rue de Tanger est proche), des orthodoxes (église Saint-Serge), des hindouistes (deux temples hindous) Et le conseil d administration comprend une juive, deux musulmans, ainsi que des catholiques et des athées. Espace 19 est évidemment un lieu laïc, et les franges extrémistes de chaque groupe religieux s excluent d elles-mêmes. À noter : la diffusion d un journal mensuel, Quartiers à cœur, qui donne des informations pratiques, mais aborde aussi des problèmes de fond («Comment donner leur place aux handicapés?», «Vivre à deux» ) ; l édition, depuis 1996, d un calendrier interreligieux et interculturel, «Bonne année ensemble» : l objectif est de mieux comprendre le monde multiculturel dans lequel nous vivons. Il indique donc les principales fêtes laïques et les fêtes religieuses célébrées par les habitants des quartiers, qui sont d origines, de croyances et de cultures différentes. Espace 19 souhaite en effet œuvrer à une société unie et plurielle, et écarter les tendances centrifuges qui inciteraient des communautés religieuses ou culturelles à vivre en marge selon un rythme particulier. C est donc un outil pour développer le respect des uns envers les autres. Il s inscrit dans une action qui, depuis 1998, se traduit dans des débats et des activités festives multiculturelles (repas, spectacles de musiques et de danses). Quelles sont les difficultés rencontrées? les adhérents se côtoient, s acceptent avec une certaine tolérance, mais ne se rencontrent pas toujours : au-delà de la tolérance, Espace 19 cherche à développer le respect qui, en cas de conflit, permet de vraies explications ; comment assurer une cohérence dans le travail avec tout un réseau d institutions? 6 Témoignages Vivre ensemble, c est possible Il ne s agit pas ici de faire un inventaire exhaustif de toutes les initiatives existant dans ce domaine. Cette fiche voudrait, plus modestement, présenter quelques exemples représentatifs d une volonté de vivre ensemble. Il ne s agit pas non plus d enjoliver la réalité parfois difficile d un vivre-ensemble manqué ou conflictuel. Mais, au cœur des difficultés, il serait injuste de ne pas souligner l importance de ce qui se vit d une manière positive. Si cela peut paraître rassurant, cette découverte du «positif» devient interpellation et encouragement pour chacun de nous. Cette présentation se fera à travers : o le témoignage de personnes impliquées dans le fonctionnement de services publics ; o l action d associations implantées dans des quartiers aux populations variées ; o le récit d un arrivant récent ; o la pratique du vivre-ensemble dans des paroisses ou communautés chrétiennes. Témoignages par ole Vivre ensemble, pour des Français autochtones et des gens venus d ailleurs, c est évidemment une réalité quotidienne. Certains contribuent à en faire une expérience positive. Des personnes s engagent dans différentes actions qui concourent à établir une coexistence paisible entre individus d origines variées. Un médiateur : «Je suis un père africain, je sais qui sont vos parents» M. Boki Diawara, né au Sénégal, près de Saint-Louis, en 1946, et appartenant à l ethnie Soninké présente aussi au Mali, est en France depuis 1967. À partir de 1979, il habite un foyer de travailleurs à Paris. Il y joue notamment le rôle d interprète : il parle en effet, outre sa langue, le bambara, le wolof, le peul, et il sait un peu d arabe. Depuis 1997, il exerce la fonction de médiateur dans une bibliothèque municipale pour la jeunesse située dans un quartier de Paris dont la population a des origines variées. Il assure le contact avec les enfants et adolescents qui fréquentent la bibliothèque, mais aussi avec les familles. Sa relation avec les familles est facilitée par sa connaissance des langues courantes de l Afrique de l Ouest et par le fait qu il peut identifier l origine de chacun, notamment par le nom de famille. Il peut situer les familles dans leur contexte et dans leur histoire. Son intervention est acceptée. En Afrique, tous les adultes se sentent responsables de tous les enfants et se sentent donc autorisés à intervenir lorsque certains d entre eux se conduisent mal : «Nous sommes tous des Africains.» Exemples

Auprès de cinq jeunes Maghrébins violents : «Dites à vos pères que moi aussi je sais ce qu est le regroupement familial. Ils vous ont fait venir ici pour vous donner vos chances, devenir un modèle pour le pays d où vous venez, construire quelque chose, et ne pas vous manifester par la violence.» Ils sont revenus quinze jours après : ils en avaient parlé à leurs pères et ils ont accepté le dialogue. Avec un adolescent giflé par une bibliothécaire exaspérée : «Elle n a pas le droit de me gifler. Non, mais on respecte la responsable, tout comme on respecte sa mère.» Dans l autobus, à un adolescent grossier : «Pourquoi as-tu manqué de respect à cette dame qui pourrait être ta grand-mère?» Avec des groupes de jeunes qui stationnent dans les halls d immeubles : «Qu est-ce que vous faites ici? Pourquoi ne pas remonter chez vous, faire vos devoirs, trouver une occupation?» «Tout cela, c est mon travail. La police ne peut pas être partout, dit-il. Je n ai pas été beaucoup à l école, mais je connais ma culture, je connais le système africain, je suis entre passé, présent et futur, et je respecte chacun.» En même temps, il raconte aux enfants, à la bibliothèque, des histoires sur les ethnies africaines, les coutumes, les ancêtres, les manières de se réconcilier. Il veut les aider à se sentir fiers de leur appartenance. À son avis, il y a notamment deux facteurs d incompréhension entre les familles africaines et la culture française : un problème de communication entre la génération des parents qui ne parle pas bien le français et celle des enfants qui ignore la langue maternelle des parents parce qu on ne la leur a pas enseignée ; les familles originaires d Afrique de l Ouest sont souvent habituées aux écoles coraniques. Dans ces écoles, le marabout s occupe de tout, prend complètement en charge la vie des enfants. Il en résulte qu ici les parents africains n ont pas le réflexe d aller à l école de leurs enfants, de prendre rendezvous avec les enseignants, de fréquenter les réunions de parents d élèves. Lorsque les enfants ont des problèmes d apprentissage ou de comportement en classe, des malentendus et des difficultés apparaissent. Le médiateur s offre souvent à accompagner les parents pour les aider à comprendre le fonctionnement de l école. La principale d un collège dans un quartier où la population scolaire est très hétérogène : «Accepter les autres comme ils sont, ce n est pas naturel, c est un travail de conscience de tous les instants» «Le collège joue un grand rôle de médiation. La majorité de nos jeunes d origine étrangère sont nés en France, à l exception de migrations plus récentes : Afrique de l Ouest et Chine. Ils vivent en France, mais je me pose la question : qu est-ce qu ils ont de commun avec, par exemple, un petit Breton? Le pays d origine reste très présent, et c est normal puisqu il s agit, par leurs parents, leurs grands-parents, leur famille, de ce qui les relie affectivement. Ils ont tendance à en faire un mythe, celui du paradis perdu, qui n a pas grand-chose à voir avec la réalité. D ailleurs, lorsque, confrontés à des situations d échec scolaire ou de comportement difficile, les parents menacent d un «retour au pays», c est la panique En quoi sont-ils français? Ou plutôt se sentent-ils français dans leur cœur? Pour moi, c est un point d interrogation Le travail sur la citoyenneté est difficile Ces jeunes nous disent qu ils veulent vivre en France, «se faire une place au soleil». Nous devons les aider à grandir pour qu ils deviennent des citoyens français, des citoyens comme chacun de nous. Ils ont du mal. Ils voient bien que leurs parents la majorité d entre eux n ont pas les rôles les plus flatteurs dans notre société Le rejet, ils le connaissent lorsque leurs parents tentent, par exemple, de louer un appartement. Ils l intériorisent, le pressentent pour euxmêmes. Certains réagissent par le travail à l école, d autres par la révolte et la violence, surtout lorsque ce ressenti est attisé par d autres problèmes, sociaux ou familiaux. Ils ont du mal à trouver leur place, et le retour au pays d origine est impossible. Ils se vivent comme des Français, mais différents des «vrais» Français. Ils se demandent s ils ont vraiment leur place ici, si les gens de ce pays sont prêts à leur faire une place Pour moi, tous les élèves sont égaux. C est parfois par facilité, presque par lâcheté, qu on finit par les traiter différemment, qu on trouve des excuses à leurs comportements lorsqu ils font des bêtises. On ne peut pas tout comprendre de l autre, mais on doit avoir la même exigence, une exigence d autant plus grande qu existent des handicaps, pour les aider à les surmonter, les aider à grandir. Cette exigence, les élèves la ressentent comme du respect Un discours de vérité, même s il est dur à entendre, est en général bien accepté Leurs parents, les jeunes en sont fiers ; ils en ont honte également. On ne dit rien de la mère, on n a pas le droit d y toucher, c est sacré. Mais en même temps on ne veut pas la voir à l école. C est d ailleurs une de nos grandes difficultés : les parents, nous ne les voyons pas. Nous avons tenté plusieurs expériences (école ouverte, goûter), mais les enfants n ont pas transmis l information. Nous touchons là à une blessure à vif qui semble profondément ancrée Nous nous heurtons aussi aux fondements de cultures toujours vivaces dans certaines familles : se référer au sort, au sorcier, au mauvais œil, demeurent dans les pratiques Ce que nous pouvons faire, c est écouter les élèves, les respecter et les reconnaître en tant que personnes, ne pas porter de jugement, les prendre comme ils sont. Et notre travail, c est de leur mettre des connaissances dans la tête.» «Français, étrangers, ne restons pas étrangers les uns aux autres» Nombreuses sont les associations de terrain implantées dans des quartiers où coexistent Français autochtones et «étrangers». L association Villes univers, qui existe depuis depuis 1990, a commencé par une action à Gennevilliers pour reloger des expulsés et par des démarches en faveur des sans-papiers. Le conseil d administration comprend dix «Gaulois» et sept personnes d origine étrangère. L action de Villes univers se déploie dans trois directions : organisation de rencontres-débats ; diffusion d un bulletin d informations ; organisation de fêtes avec d autres associations. C est cette dernière activité qui permet de rassembler «Gaulois» et gens venus d ailleurs : la fête de 2000 a attiré 1 100 adultes, et une autre fête est en préparation, en liaison avec 40 associations. Les personnes d origine étrangère fréquentent aussi les permanences pour demander de l aide afin de débrouiller leurs problèmes. On a recours, de plus en plus, à des personnes-relais ou à des médiateurs pour aider les gens dans leurs rapports avec les institutions. Dans ce quartier, comment «faire société ensemble»? J2P est une association d habitants fondée en 1994 qui se donne pour objectif le développement d un quartier (J2P = Jaurès, Pantin, Petit, noms des rues voisines). Les habitants sont d origines variées : autochtones, juifs, Kabyles, Africains venant surtout de l Ouest (Mali, Sénégal, Mauritanie, Guinée), Tamouls du Sri Lanka. L association, qui emploie trois salariés et mobilise de nombreux bénévoles, occupe un petit local de 35 m 2 et organise un certain nombre d activités dans des lieux voisins. Le travail avec les Africains a commencé par des actions de relogement : nombreux étaient en effet les squats et les logements insalubres. À l heure actuelle et grâce à l aide de la mairie d arrondissement, 63 familles sont en cours de relogement. L association édite un mensuel, Mon quartier est un monde, lieu d expression ouvert aux adhérents. Les activités, principalement culturelles, sont nombreuses et variées. Deux orientations majeures caractérisent J2P : en se fondant sur l idée que chacun, quel qu il soit, a des capacités, on ne demande pas aux gens : «De quoi avez-vous besoin?», mais : «Qu aimeriez-vous faire?» ; on s appuie sur le réseau des acteurs locaux : écoles, collège, bibliothèque, foyer de travailleurs et même l association des commerçants (qui a demandé à travailler avec J2P et veut organiser une fête du quartier). Les activités proposées s adressent aussi bien aux enfants qu aux adultes : il faut noter que le groupe des dix-huit vingt-deux ans s inscrit parmi les participants, notamment grâce à des séjours de ski, encadrés par des animateurs. On peut citer aussi des ateliers artistiques, centrés sur la musique et la danse, ou la fabrication de masques, mais également des groupes qui s intéressent à l informatique. Dans une école, un atelier de récit musical a été mis sur pied : le travail s y fait en collaboration avec un enseignant. Les enfants sont invités à s exprimer, et des adultes, originaires de pays africains, apportent leurs savoirs ou leurs témoignages. Au collège, un travail a été entrepris avec des classes de sixième : il s agit d un atelier d écriture à partir du nom des enfants. Pour créer des parterres qui soient respectés par les jeunes du quartier, des enfants ont été mobilisés aux côtés des jardiniers de la ville. Quels sont les problèmes rencontrés? les différences dans les conceptions de l éducation entre autochtones et Africains sont souvent très marquées : les familles africaines ne conçoivent pas qu il soit nécessaire d organiser les loisirs des enfants, de les faire garder et encore moins de payer pour cela ; les familles africaines sont souvent partagées entre la France et leur pays d origine : les enfants sont parfois envoyés en vacances dans ce pays, et il y a en quelque sorte une idée de «dette» envers les gens restés au pays ; les enfants ont l impression de vivre à la fois dans deux mondes différents et s opposent à la venue de leurs parents, en particulier de leur mère, à l école ; comportements, coutumes, manières d envisager l existence, sont d autant plus éloignés de ce qui a cours ici que beaucoup d Africains arrivent directement d un milieu rural : c est le cas de nombreux Maliens, alors que les Ivoiriens en provenance de la ville s adaptent beaucoup plus aisément.

Vivre ensemble, c est possible Témoignages Vivre ensemble, c est possible Témoignages 6a Fodé, un réfugié heureux par ole 6a Fodé, un réfugié heureux Conakry, avril 1998 : des émeutes éclatent dans le quartier de Kaporo, à la périphérie de la capitale guinéenne. Bilan : une dizaine de morts. À l origine de la protestation, une opération de «déguerpissement» réalisée par les autorités dans ce bastion contestataire peuplé en majorité de Peuls. Fodé Diakélé habite le quartier. Lui est malinké, l autre grande ethnie du pays, et milite dans les rangs du Rassemblement du peuple guinéen (RPG), qui mène la fronde contre le régime autoritaire. À la suite des affrontements, le général-président Lansana Conté fait arrêter cinq députés de l opposition et une soixantaine de «trublions». Fodé fait partie du lot. Il est détenu un mois et demi. En décembre 1998, à l occasion du scrutin présidentiel, la tension monte. Avant même la proclamation des résultats, le candidat du RPG, Alpha Condé, est interpellé. La répression frappe les militants du RPG dans son fief de Kankan (Haute-Guinée) comme à Conakry. Fodé, rendu à la liberté, se fait discret, rejoint Kankan vers la mi-février 1999, avant de gagner clandestinement le Mali, puis l Algérie, le Maroc, l Espagne et la France. Un périple solitaire de plus d un mois. Il se signale à la préfecture de police de Paris comme demandeur d asile fin mars 1999. Il joint à son dossier sa carte du RPG, des attestations sur les responsabilités exercées au sein Après neuf mois de galère, Fodé Diakélé, jeune opposant politique guinéen, a obtenu le statut de réfugié. du parti et des coupures de presse relatant la chasse aux sorcières en cours. Surprise : «L OFPRA n a même pas pris la peine de m entendre.» Sa demande est rejetée le 4 juin 1999. Fodé Diakélé saisit l instance d appel, la Commission de recours des réfugiés (CRR). Entre-temps, une chance : le chef du quartier de Kaporo lui fait parvenir copie du mandat d arrêt lancé contre lui. «L audience de la CRR n a duré que quinze minutes, mais j étais plein d espoir, car le rapporteur, au vu de mon dossier, a demandé l annulation de la décision de l OFPRA.» Résultat confirmé le 14 janvier 2000. Fodé explose de joie et court remercier tous ceux qui l ont soutenu à Médecins de monde et à Amnesty international. Il n oublie pas pour autant les neuf mois précédents de galère. «J étais sans logement. France Terre d asile m a dit qu elle n avait plus d hébergement. Des connaissances m ont dépanné, mais je sentais que je gênais. Parfois, je dormais par terre dans une pièce.» Ses papiers en règle lui ont aujourd hui permis de décrocher un stage de gestion et de mettre ses compétences à niveau. Fodé entame une nouvelle vie. En attendant que le régime guinéen se démocratise. Source : Y. Hardy, Chronique d Amnesty, n 162, mai 2000 Conakry, avril 1998 : des émeutes éclatent dans le quartier de Kaporo, à la périphérie de la capitale guinéenne. Bilan : une dizaine de morts. À l origine de la protestation, une opération de «déguerpissement» réalisée par les autorités dans ce bastion contestataire peuplé en majorité de Peuls. Fodé Diakélé habite le quartier. Lui est malinké, l autre grande ethnie du pays, et milite dans les rangs du Rassemblement du peuple guinéen (RPG), qui mène la fronde contre le régime autoritaire. À la suite des affrontements, le général-président Lansana Conté fait arrêter cinq députés de l opposition et une soixantaine de «trublions». Fodé fait partie du lot. Il est détenu un mois et demi. En décembre 1998, à l occasion du scrutin présidentiel, la tension monte. Avant même la proclamation des résultats, le candidat du RPG, Alpha Condé, est interpellé. La répression frappe les militants du RPG dans son fief de Kankan (Haute-Guinée) comme à Conakry. Fodé, rendu à la liberté, se fait discret, rejoint Kankan vers la mi-février 1999, avant de gagner clandestinement le Mali, puis l Algérie, le Maroc, l Espagne et la France. Un périple solitaire de plus d un mois. Il se signale à la préfecture de police de Paris comme demandeur d asile fin mars 1999. Il joint à son dossier sa carte du RPG, des attestations sur les responsabilités exercées au sein par ole Après neuf mois de galère, Fodé Diakélé, jeune opposant politique guinéen, a obtenu le statut de réfugié. du parti et des coupures de presse relatant la chasse aux sorcières en cours. Surprise : «L OFPRA n a même pas pris la peine de m entendre.» Sa demande est rejetée le 4 juin 1999. Fodé Diakélé saisit l instance d appel, la Commission de recours des réfugiés (CRR). Entre-temps, une chance : le chef du quartier de Kaporo lui fait parvenir copie du mandat d arrêt lancé contre lui. «L audience de la CRR n a duré que quinze minutes, mais j étais plein d espoir, car le rapporteur, au vu de mon dossier, a demandé l annulation de la décision de l OFPRA.» Résultat confirmé le 14 janvier 2000. Fodé explose de joie et court remercier tous ceux qui l ont soutenu à Médecins de monde et à Amnesty international. Il n oublie pas pour autant les neuf mois précédents de galère. «J étais sans logement. France Terre d asile m a dit qu elle n avait plus d hébergement. Des connaissances m ont dépanné, mais je sentais que je gênais. Parfois, je dormais par terre dans une pièce.» Ses papiers en règle lui ont aujourd hui permis de décrocher un stage de gestion et de mettre ses compétences à niveau. Fodé entame une nouvelle vie. En attendant que le régime guinéen se démocratise. Source : Y. Hardy, Chronique d Amnesty, n 162, mai 2000

Vivre ensemble, c est possible Témoignages Témoin de l actuel bouleversement du paysage religieux français, la présence de ces nouvelles Églises ne saurait laisser indifférentes nos propres Églises, même si elle peut générer un certain nombre de difficultés et d incompréhensions. Comme l a signalé récemment un document du service national de la Pastorale des migrants, «il persiste, aujourd hui encore, un certain nombre de difficultés qui retardent la prise de conscience du devenir-égliseensemble en pays de migration 2». En même temps, l expérience montre que cette présence peut aussi être bénéfique et enrichissante pour nos propres Églises. Incitations et suggestions Nos communautés paroissiales peuvent et doivent jouer un rôle important dans l accueil des communautés chrétiennes étrangères. Lieux d accueil par excellence et par vocation, elles ne devraient, en théorie, rencontrer aucune difficulté particulière à accueillir en leur sein de nouveaux membres issus de l immigration, quels que soient leur nationalité et leur pays d origine. Dans la pratique, on constate que les chrétiens nouvellement arrivés sur le territoire français préfèrent, du moins dans un premier temps, intégrer des communautés chrétiennes rassemblant des membres appartenant à leur pays d origine et parlant leur langue natale. Cette attitude, compréhensible pour de multiples raisons, explique la présence en France, et dans toute l Europe, de nombreuses Églises ethniques. Contredisant le principe d'«église une, sainte, universelle et apostolique», leur existence ne saurait être que provisoire et temporaire. Leur vocation n est pas de s installer dans la durée, mais seulement de permettre à des chrétiens de vivre une période d adaptation nécessaire pour des raisons pratiques évidentes, avant de rejoindre les Églises locales existantes. En attendant, il revient à ces dernières de favoriser au mieux cette période d intégration. Nos Églises locales peuvent contribuer utilement à cette intégration religieuse de mille et une façons différentes. Offrir des locaux paroissiaux à ces communautés leur permet de tenir leurs assemblées cultuelles ou festives. Il n est pas nécessaire que ces locaux soient attribués d une manière permanente et définitive. Parfois, quelques heures par semaine ou par mois suffisent. Il y a là un devoir et une exigence dont on ne mesure pas toujours l importance. Faute d être accueillis dignement, beaucoup d étrangers se voient contraints de se disperser, de rejoindre des communautés minoritaires ou sectaires, voire de s intégrer à des communautés d une autre religion que la leur. Une fois ces communautés hébergées, il est important de nouer des contacts réguliers avec elles, notamment avec leurs responsables, dans le but de rester attentifs à leurs besoins et à leurs problèmes. Certains de leurs représentants peuvent être intégrés aux instances paroissiales (équipe d animation, conseil presbytéral, etc.). La tentation est de se contenter de les héberger sans chercher à entrer en relation avec elles. Contribuer à une meilleure intégration de leurs membres peut se faire de différentes manières : cours d alphabétisation, soutien scolaire, aide aux devoirs, entraide et solidarité, etc. On peut aider aussi à leur intégration sociale et culturelle, et contribuer à leur formation spirituelle et théologique. On peut participer mutuellement et réciproquement à la vie cultuelle et liturgique à l occasion des fêtes religieuses (Épiphanie, Pentecôte ) ou d événements particuliers. Ce partage peut passer par la participation aux offices religieux et à la vie paroissiale traditionnelle : animation liturgique, chants, chorale, déjeuners de paroisse, etc. Les deux communautés l accueillante et l accueillie peuvent s associer à un projet commun d aide et de développement en faveur du pays ou de l Église d origine de la communauté accueillie : envoi de médicaments, de livres et de fournitures scolaires. Notes 1. Nous nous limiterons ici à l accueil des communautés chrétiennes. 2. Service national (catholique) de la Pastorale des migrants, De toutes langues et cultures, être et devenir ensemble une Église qui propose la foi en terre de migration, Paris, septembre 2001. 6b Constituées le plus souvent sur des bases ethniques et linguistiques, ces communautés 1 présentent un visage multiple, autant selon leur appartenance ecclésiale et confessionnelle que selon leur culture et leur pays d origine. À l image de la diversité de l Église universelle, ces différences opposent ces communautés autant qu elles les réunissent dans une même condition d exilées hors du pays qui les a vues naître. Un grand nombre de ces communautés religieuses étrangères sont aujourd hui hébergées, à des titres divers, dans des locaux paroissiaux existants et trouvent ainsi la possibilité de mener une vie cultuelle et spirituelle qui leur soit propre. Cette forme d hébergement est le plus souvent précaire et limitée. À titre d exemple, une communauté presbytérienne camerounaise de langue bassa devra se satisfaire de trois heures mensuelles dans les locaux d un temple réformé. Dans des conditions à peu près analogues, une paroisse roumaine orthodoxe ou chinoise luthérienne disposera d un lieu de réunion dans une église catho- L accueil des communautés religieuses étrangères par ole La présence croissante de communautés religieuses étrangères en France doit inciter nos Églises à se poser la question de leur accueil. Accueillir l étranger, c est prendre le soin de le recevoir tel qu il se présente à nous, dans sa condition d exilé ou de réfugié, mais aussi, éventuellement, de croyant se réclamant d une tradition religieuse particulière. lique. Si elle est de nos jours couramment pratiquée dans un grand nombre de paroisses de grandes villes, cette forme d accueil et d hébergement est loin d être satisfaisante et ne répond que très partiellement aux nombreuses demandes : heures d occupation possibles accordées en trop petite quantité, exiguïté des locaux pour un nombre de fidèles souvent très important, impossibilité de disposer de locaux permanents et adaptés aux pratiques cultuelles et liturgiques, etc. En nombre sans doute plus important que les précédentes, beaucoup de communautés religieuses étrangères ne bénéficient pas d un hébergement paroissial traditionnel. Rencontrant de grandes difficultés pour trouver des locaux où tenir leurs assemblées, elles doivent la plupart du temps se contenter de locaux de fortune, provisoires et totalement inadaptés. Elles sont souvent contraintes de se réunir dans des locaux loués quelques heures le dimanche. C est notamment le cas des communautés indépendantes sur le plan confessionnel et ne se réclamant d aucune des grandes traditions chrétiennes catholique, luthérienne, réformée, anglicane, etc. De sensibilité évangélique et pentecôtiste pour la plupart, ces assemblées regroupent un nombre très important et grandissant de fidèles originaires de tous les continents. Elles peuvent être monoethniques (congolaise, camerounaise, chinoise, sri-lankaise ) ou au contraire pluriethniques et regrouper des fidèles de différentes nationalités.

7 Entretiens Entretiens Des étrangers dans la paroisse? ent reti Les trois entretiens avec des prêtres en responsabilité pastorale que nous vous proposons donnent une idée des différentes formes que peut prendre, au fur et à mesure des rencontres locales, la présence, dans une paroisse de tradition française, de frères et sœurs de la famille chrétienne en provenance d autres horizons. Oui, il y a des personnes, des familles, sur le territoire de la paroisse, qui sont nées ou qui ont vécu ailleurs avant d être là. Pour les aider dans leur intégration à une société nouvelle pour eux, surtout quand les différences culturelles sont grandes, des services divers sont à leur disposition ou sont à mettre sur pied. Les chrétiens y contribuent, parfois en tant que communauté. Non, il n y a pas d étrangers dans une communauté rassemblée au nom de Jésus-Christ. Néanmoins, des croyants différents par leur histoire et leur langue ne se rencontrent pas, pour partager leur foi, sans une démarche volontaire, qui va de l échange occasionnel à la prière commune et à la participation aux tâches pour la vie et le rayonnement de la communauté chrétienne. Trois entretiens avec des prêtres en responsabilité pastorale donnent une idée des différentes formes que peut prendre, au fur et à mesure des rencontres locales, la présence, dans une paroisse de tradition française, de frères et sœurs de la famille chrétienne en provenance d autres horizons.

Des étrangers dans la paroisse? Entretiens dans les associations. Le racisme virtuel qui existe plus ou moins en chacun de nous vient de la peur de l inconnu. Les rencontres permettent de la dépasser. On se fait des amis : ce ne sont plus des Africains ou d autres, mais c est Marie-Rose, Nadim ou François. o Avez-vous des rencontres entre croyants de religions différentes? Non, pas sur le plan local, mais nous avons des occasions de rencontres et de services. Ainsi, depuis trois ans, nous prêtons la salle paroissiale pour permettre aux Marocains la communauté musulmane la plus importante d apprendre leur langue. Plus d une centaine d enfants y passent. Cela permet d établir des liens, peut-être pas encore d amitié, mais certainement de respect mutuel. Cela n a pas été facile de faire un choix, car dans la culture musulmane il y a des différences dans la manière de considérer l homme et la femme, l enfant avant douze ans et le jeune homme. Nous avons accepté la demande en faveur des filles, mais depuis un an des garçons viennent aussi. Nous avons été aussi sollicités par l association turque (49 familles), sans pouvoir satisfaire cette demande par crainte de querelles intermusulmanes. Nous nous rendons compte de la diversité des musulmans. Sur le quartier, il y a plusieurs communautés : même pour le Maroc, les Berbères du Sud ne se mélangent pas facilement avec les Marocains du Centre, c est pourquoi il y a deux salles de prière. Sur le plan diocésain, des rencontres interreligieuses sont organisées occasionnellement à l initiative du responsable diocésain, qui est membre de notre équipe. En janvier dernier, c est plus d un millier de personnes de différentes religions qui se sont réunies pour affirmer leur volonté de faire la paix, en raison de leur foi, et non pas la guerre. 7a Le quartier de La Source à Orléans est né il y a quarante ans. Il compte 25 000 habitants, plus 6 000 étudiants, dont de nombreux étrangers présents en vertu d accords passés par la ville avec leurs gouvernements. La population est venue résider là en raison des possibilités d emploi, notamment au Centre des chèques postaux, au centre hospitalier et à l université. Étudiants ou professionnels, les étrangers proviennent d une soixantaine de pays d Afrique, d Asie et d Amérique latine ou des territoires français d outre-mer. Il y a une seule paroisse, desservie par une équipe de prêtres exerçant diverses fonctions (aumônier de l hôpital, chercheur à plein temps, professeur au séminaire, prêtre à la retraite), dont le curé à plein temps, le père Philippe Boitier. Étrangers à La Source ent reti «Les frontières tombent, dans le travail en commun, à la paroisse et dans les associations. Le racisme virtuel qui existe plus ou moins en chacun de nous vient de la peur de l inconnu. Les rencontres permettent de la dépasser. On se fait des amis : ce ne sont plus des Africains ou d autres, mais c est Marie-Rose, Nadim ou François.» Entretien avec le père Philippe Boitier, curé à La Source, à Orléans. o Quelle place les étrangers tiennent-ils dans votre action pastorale? La communauté chrétienne, très militante, a été engagée dans la construction de ce quartier, marqué par la pluralité des cultures et des langues, pour permettre aux uns et aux autres de vivre ensemble. Dans notre action de chrétiens, nous avons mis l accent sur les réalisations collectives : aider des personnes étrangères à s organiser en associations culturelles. Cela leur permet de s identifier et d avoir de temps à autre une célébration particulière. Cela leur facilite l accès à des subventions pour monter une activité artistique ou pour participer à un colloque. Ces colloques sont organisés non pas dans le cadre de la paroisse, mais dans celui de l université. Des enseignants, chrétiens ou non, en prennent l initiative au niveau professionnel. Notre ligne, c est l'«être-avec». Ce n est pas l Église qui organise. Les chrétiens sont présents dans les institutions et les associations. Il ne s agit pas d attirer à nous mais, avec ce que nous sommes, nous allons là où nous sommes utiles. Quand le cadre associatif n existe pas, la paroisse peut aider à monter telle ou telle action de solidarité ou, parfois, soutenir le temps qu il faut une initiative en vue de lui assurer un statut associatif. o Comment les étrangers sont-ils présents dans les instances d animation de la paroisse? Des Africains et des Latino-Américains participent au conseil pastoral et au conseil économique de la paroisse. En réalité, quand nous sommes ensemble, la question de l étranger ou pas étranger ne se pose pas. Dans les relations interpersonnelles et la répartition des tâches, on voit qui peut l assumer, quelle que soit sa nationalité. Les frontières tombent, dans le travail en commun, à la paroisse et