L OBSERVATION DE CLASSES DANS TOUS SES ETATS



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Transcription:

L OBSERVATION DE CLASSES DANS TOUS SES ETATS L OBSERVATION DE CLASSES DANS TOUS SES ETATS COMPTE RENDU DE LA JOURNEE DE SEMINAIRE DES FORMATEURS DU DISPOSITIF D ENTREE DANS LE METIER- CAF/IUFM- JEUDI 27 MAI 2004 1

L OBSERVATION DE CLASSES DANS TOUS SES ETATS SOMMAIRE ATELIER 1 : ANIMATION ET COMPTE RENDU : C.TALAMONI-S.RENAUT...3 ATELIER 2 : ANIMATION ET COMPTE RENDU : P.LE SCANFF P.AMAROUCHE...5 ATELIER 3 : ANIMATION ET COMPTE RENDU : O.ARROUCH ET L.BLACHÈRE...7 INTERVENTION DE MICHÈLE ARTIGUE...8 1- La place de l observation de classe dans la recherche... 8 2- L observation de classe en formation : expérience personnelle... 10 3- L observation de classe dans le dispositif présenté aujourd hui... 11 INTERVENTION DE PATRICK RAYOU :OBSERVATION MUTUELLE, STATUTS ET COMPÉTENCES...13 1/La construction d un soi professionnel... 13 2/La construction d une posture professionnelle... 13 3/La construction d une expertise professionnelle... 14 Des limites et des pistes... 14 2

ATELIER 1 : Animation et compte rendu C.TALAMONI-S.RENAUT 23 participants, professeurs et/ou formateurs et/ou coordonnateurs de sites. L EPS était majoritaire, suivie par les maths et les lettres. Le Lycée Professionnel était bien représenté. I Les témoignages 1. Témoignage d une néo-titulaire en EPS, qui a observé les pratiques de classe d une collègue plus expérimentée d un autre établissement et de la même discipline, 4 jours dans l année. Objectifs de ces observations : échanges de pratiques, travail sur les contenus propres à la discipline EPS (gestion de l espace, des groupes, sécurité), comparaison des pratiques sur un même travail, recherche de conseils auprès de celle qui détient «l expérience». 2. Témoignage d une néo-titulaire Histoire-Géoraphie, qui a constitué avec deux autres néotitulaires, l une en mathématiques, l autre en anglais, un groupe de travail d observation, à raison de 2 heures d observations de classes par semaine, de janvier à mai, chacune assistant à tour de rôle aux cours de ses collègues. Une observation entre pairs donc, dans des disciplines différentes, et inscrite dans la durée. Expérience qui se poursuivra l an prochain. Objectifs de ces observations : confronter ses pratiques et ses difficultés à celles de ses pairs, voir «comment elles se débrouillent». Se centrer sur les points communs à toutes les disciplines (gestion du bruit, du temps, construction de la trace écrite, placer sa voix etc.). Ces deux témoignages étaient fort riches, et nous remercions encore nos deux jeunes collègues de nous avoir fait part de leur expérience avec autant de sincérité et en même temps de qualité d analyse. Quoique avec des objectifs d observations fort différents, ces témoignages ont tous deux abouti aux mêmes conclusions : intérêt indéniable de l observation de classe en termes d échanges de pratiques, de confrontation des points de vue lors des échanges qui suivent l observation, nécessité de se forger sa propre grille d observation, autoformation voire coformation, évolution ou au contraire renforcement de ses propres pratiques. II Pistes de réflexions soulevées Lien avec la formation initiale. L observation de classes dans le cadre de l IUFM se cantonnait aux visites de formateurs : le côté évaluation de ces visites en faisait tout sauf un échange de pratiques! D une manière générale, la volonté de se démarquer de la formation initiale, à laquelle il est reproché son aspect «cadrage institutionnel» est revenue à plusieurs reprises. L expression «didactique froid» par opposition au «pédagogique chaud» a même été utilisée pour comparer l IUFM au travail sur le terrain Le retour de ces observations : quand? comment? avec qui? Formateurs IUFM ou non? Le rôle des formateurs devrait être de favoriser au maximum ces échanges réflexifs postobservations, mais surtout sans les institutionnaliser ni bien sûr les rendre obligatoires Un mot d ordre : bannir le prescriptif L intérêt en termes d échanges de pratiques pour celui qui est observé. La remise en cause. La nécessité d élargir le panel des situations d observations : entre pairs, avec un professeur plus expérimenté, en LP, en Segpa, avec d autres disciplines etc Nécessité d inscrire ces pratiques d observation dans la durée, de créer une routine. L observation de classes par vidéo interposée : les difficultés de tous ordres (autorisations etc) que cela pose, les expériences réalisées en mathématiques, l intérêt de pouvoir revenir sur un point précis du déroulement du cours. 3

Et les élèves? Tout un travail reste à mener, des outils à construire, sur l intérêt pour les élèves de cette pratique d observation de classes ainsi que sur les modifications de comportement que ces observations induisent obligatoirement. Et les collègues dans les établissements? Ils sont (lorsqu ils sont informés, ce qui n est pas toujours le cas), bien souvent sceptiques, dubitatifs, peu enclins en tous cas à partager l expérience. Les résistances sont fortes ; toute une culture est à mettre en place, qui ne pourra émaner que de la nouvelle génération. Difficile semble-t-il d utiliser efficacement l échange observations de classes comme outil de professionnalisation lorsque le professeur est en trop grande difficulté. La situation (mise en échec sous le regard de l autre) est trop violente pour être constructive. Développer cette pratique d observations, choisie en M3 par seulement une trentaine de néos sur 600. Nous en sommes à l ère des expérimentations. Remarque : il est fort étonnant que personne n ait parlé des tuteurs en formation initiale et des observations réciproques. 4

ATELIER 2 : Animation et compte rendu P.LE SCANFF P.AMAROUCHE Personnes et matières concernées Motivations de départ Modalités d observatio n Qu est-ce qui a été observé? Bilan : apports et limites Expérience de Muriel Muriel en math Emilie en anglais Nathalie en Histoire géographie, dans le même collège à Noisiel. «s investir dans quelque chose dans le cadre du M3» Muriel, Emilie et Nathalie s entendent bien lors de la première réunion «néo» «Nous ressentions le besoin d avoir un retour sur ce que nous faisions» «Nous voulions savoir si ce que nous faisions était bien, nous nous sentions moins protégées qu en tant que PLC2» Désir d observer sa classe dans d autres matières ainsi que d autres niveaux. Nathalie, enseignant en SEGPA, avait besoin de conseils spécifiques pour ces classes -là. Observations régulières dans la semaine selon les disponibilités de chacune 1 heure hebdomadaire est consacrée à la préparation des observations suivantes (élaboration de grilles ou choix d un thème spécifique) ou à une discussion sur ce qui a été observé. Ce retour hebdomadaire est fixé et organisé «à l interne» par les professeurs elles-mêmes. Les observations concernent : des niveaux, des matières et des classes différents mais aussi sa classe dans une autre matière. Le coordonnateur de site précise qu il a laissé une grande liberté aux professeurs pour organiser les visites, les préparations et les discussions post-observation. Les 3 professeurs élaborent une grille qu elles utilisent lors des premières observations. «Après la première réunion de «néo», on a fait une grille, car on s est rendu compte qu on ne pouvait pas observer tout et n importe quoi.» Sont observés : L entrée en classe (du prof et des élèves) Les objectifs du cours : sont-ils lisibles pour les élèves? atteints? les étapes claires? cohérentes? Le comportement et réactions du prof : face aux oublis de matériel, de devoirs La parole du prof : quel temps? quelle distribution? quel(s) rythmes? tics et gestes? Le comportement des élèves : spontanéité et fréquence de la participation, les échanges élèves / élèves Par la suite les 3 collègues n utilisent plus systématiquement ni complètement cette grille : elles se concentrent sur un de ses aspects (gestion, p. ex.) ou décident, lors d une séance hebdomadaire de préparation, d un thème d observation. La progression personnelle est plus rapide : «on se sent plus à l aise et plus sûre de soi.» On se pose plus de questions pédagogiques ou didactiques car il y a une motivation supplémentaire. Les visites mutuelles stimulent le désir de travailler en équipe. «On est moins seule avec son problème» Les observations mutuelles de ces 3 jeunes professeurs d un même collège semblent avoir incité d autres collègues de l établissement à ouvrir un jour aussi la porte de leur classe. «On aurait bien voulu observer aussi des collègues «experts»» Muriel déclare vouloir poursuivre l expérience d observation. Expérience de Marie Astrid Marie Astrid en histoire géographie et Céline (Histoire- géo) en poste à Vitry (Chériou) et faisant partie du dispositif ressources Marie Astrid a participé en tant que PLC2 l an dernier au dispositif ressources (4 h d observation), et a envie / besoin d observer / être observée dans le cadre de ce même dispositif en tant que T1. «L observation en PLC2, en tant qu observation d experts de la matière, ne peut pas donner à voir des soucis de discipline et leur moyen de résolution.» «Etre observée en tant que stagiaire PLC2 peut servir à pointer les problèmes, mais pas à arriver à redresser la barre par soi-même» M. Astrid rencontre, tout particulièrement avec ses 2 classes de troisième, des difficultés à «les mettre au travail», elle fait appel au dispositif ressources et est visitée / observée par L. Blachère (en novembre 2003) qui donne des conseils précis. A la suite de cette nouvelle expérience positive dans le cadre du dispositif ressources, M. Astrid observe Céline. Des discussions, analyses sont prévues après chaque observation. Ce qui intéresse Marie Astrid est la gestion de la classe, la mise au travail des élèves. Elle observe en vue de repérer comment fait le professeur quand un événement non souhaitable arrive. Elle insiste fortement sur le fait que cette technique, ces méthodes (ce «comment») est plus facilement observable chez un professeur peu expérimenté et dans des classes difficiles. M. Astrid observe aussi comment Céline se réserve un temps de parole, les rythmes du cours et les contenus mis en œuvre, sa façon de varier les activités des élèves et de les former à être plus autonomes. «Je me suis plus affirmée, je me suis sentie réconfortée et rassurée.» Marie Astrid dit avoir vécu un véritable «déblocage» commencé déjà l an passé grâce aux observations qu elle avait pu faire dans le cadre du dispositif ressources Elle a vécu l observation comme «une pause» apaisante dans le rythme effréné de son emploi du temps. Marie Astrid affirme qu elle n hésitera pas à avoir recours au dispositif ressources et que l observation pourra constituer pour elle une modalité de formation dans sa 5 carrière professionnelle.

Céline, observée par Marie Astrid, insiste sur le fait que son rôle a surtout consisté en une écoute lors des entretiens qui suivaient les visites. «Astrid a parlé, j étais celle qui écoutait, je n ai pas donné de trucs, j essayais d adopter la position neutre d écoute». Suit une discussion avec les collègues formateurs sur l aspect «déstressant» des observations entre collègues «néo» ou peu expérimentés, surtout par rapport à l expérience des visites de tuteurs ou formateurs lors de l année PLC2. Le conseiller pédagogique(et a fortiori le formateur visiteur), en dépit de la bonne relation qu il peut entretenir avec le stagiaire, est de toute façon perçu comme une présence institutionnelle et, à ce titre, ses visites sont inévitablement vécues comme des séances d évaluation du stagiaire observé. L observation entre pairs, en revanche, perd ce caractère évaluatif. Qu en est-il toutefois des professeurs qui sont trop en difficulté pour accepter un regard quelconque, aussi peu expérimenté et aussi peu juge soit - il? Peut-on espérer que l observation, même telle qu elle a été menée par les «néo», puisse être pour eux un moyen de trouver une solution à leurs questions? La question des obstacles culturels a été également discutée : quels stéréotypes l observation bouscule - elle? En permettant de rencontrer une autre matière, une autre classe, un autre lieu, une autre façon de faire, etc elle renvoie à soi et à ses pratiques et permet une évolution, un déplacement (le mot a été particulièrement apprécié par Muriel qui a déclaré qu il convenait parfaitement à synthétiser l expérience qu elle avait vécue cette année.) Il semble donc que cette rencontre avec une certaine forme d altérité pédagogique et didactique permette au professeur observé/observateur de prendre plus rapidement confiance en soi et favorise son autonomie et, par conséquent, une certaine prise de risques en classe (sous forme de tentatives didactiques, d expérimentations plus ou moins osées, pouvant même s inscrire hors des pratiques officiellement autorisées dans la discipline*). Un collègue formateur fait remarquer que l expérience consistant à observer et à être observé permet d intérioriser le rôle d observateur de soi et de casser les inhibitions. *Muriel relate l expérience d Emilie, professeur d anglais «néo» observée / observatrice, qui, après plusieurs observations centrées sur le problème de l écrit et de la trace écrite des élèves dans ses classes, s est autorisée à être plus autonome vis à vis des prescriptions de sa matière. Quid des fameux trucs? Qu est-ce qu un «truc»? Entendons-nous tous la même chose par là? Les stagiaires et jeunes professeurs sont en recherche de ce qu ils nomment «trucs, kit,» et peuvent vivre comme un véritable abandon (ou démission) de notre part le fait que nous nous refusions à leur en livrer un certain nombre. Or Marie Astrid dit bien avoir observé le «comment» des cours de Céline à Vitry en soulignant que les mécanismes de fonctionnement (trucs?) sont plus faciles à repérer à Vitry chez Céline qu à Saint-Maur chez une conseillère experte. Astrid a observé, par exemple, que le dialogue en fin de cours avec un élève récalcitrant peut désamorcer un conflit naissant. Il s agit ici d un «truc» de l ordre de l attitude, du positionnement du professeur. Le comportement ouvert de Céline face à ses élèves a donc suggéré que cette attitude pouvait faire partie des possibles pédagogiques. Marie Astrid s est accordée à dire que cette ouverture au dialogue avec les élèves s inscrivait à présent dans une sorte de palette personnelle dont elle a pris conscience grâce à l observation et que celle ci a contribué à enrichir. L échange entre «néo» et formateurs a donc permis de passer de la notion de «trucs», vague, rudimentaire et controversée s il en est, à la métaphore du cours comme tableau personnel réalisé à partir de la désormais fameuse palette personnelle! 6

atelier 3 : ANIMATION ET COMPTE RENDU O.Arrouch et L.Blachère Cet atelier a rassemblé 18 participants aux profils d intervention différents dans le cadre du dispositif EDM : coordonnateurs de site, professeurs-ressources, professeurs néo-titulaires, formateurs disciplinaires et chercheurs. Les échanges qui ont eu lieu dans cet atelier se sont appuyés sur 2 témoignages de professeurs néotitulaires ayant pratiqué des observations et même, pour l une d entre-elles, ayant accepté d être observée par des collègues. Les objectifs de cet atelier étaient de cerner les différentes modalités d observation possibles puis d analyser dans quelles conditions les observations constituaient-elles des modalités d accompagnement? Les types d observation possibles : - Observations mutuelles par des néo-titulaires ; - Observations par des professeurs expérimentés (Dispositif-ressources par exemple) ; - Observations mutuelles stagiaires/tuteurs ; - Observations via la vidéo. Qu est ce qui dans l observation permet l accompagnement? - Un cadre moral : confiance, bonne conduite, bienveillance, parité, acceptation de la procédure, confidentialité. - Un cadre matériel : calendrier, lieu, briefing/debriefing. - Les observables : quels observables et comment se positionner par rapport à ceux-ci? (Grille ou absence de grille?des entrées différentes, du côté du prof ou du côté des élèves?) Les observateurs doivent essayer d élaborer la liste des observables avec les observés puis la faire évoluer par des précisions, des compléments, de nouvelles questions. Les effets de l observation : L observation permet de construire une pratique réflexive : quels écarts aux représentations du métier? Comment enseigne-t on? «Observer c est se renvoyer à soi-même et renvoyer aux autres.» Les limites à l observation : A l aune de nos échanges, il semblerait que l observation ne soit probablement pas une première modalité d accompagnement pour des professeurs en difficulté. 7

Intervention de Michèle Artigue Michèle Artigue est professeur des universités à l UFR de Mathématiques de l université Paris 7 Denis Diderot et directrice de l'irem Paris 7 J aimerais introduire mon propos sur l observation de classe dans la formation, en revenant sur la place et les résultats de l observation de classe dans la recherche en didactique des mathématiques. Ce préliminaire me semble utile car les rapports que j ai noué avec l observation de classes en tant que chercheur ne sont pas sans influencer ceux que je peux avoir avec l observation de classes en temps que formateur. 1- La place de l observation de classe dans la recherche L observation de classe a toujours occupé dans les méthodologies de cette recherche en France une place importante mais son statut, sa fonction ont évolué au fil des années. Dans les années 70, lorsque la recherche en didactique des mathématiques commence à se développer en France, elle est centrée sur les élèves, les savoirs et les situations qui organisent les relations entre élèves et savoirs, comme le montre le développement dès cette époque de la théorie des situations didactiques par G. Brousseau, un des pionniers de ce champ de recherche. L enseignant, bien que constituant l un des pôles du système didactique à l étude, est considéré comme une figure transparente, non problématique. Il est associé aux recherches. On tend à le percevoir comme un ingénieur et ce que vise la recherche, au-delà de la compréhension des processus d enseignement et d apprentissage et de leurs inter-relations, c est la conception de produits d ingénierie didactique, prenant en compte les résultats de la recherche, dont la diffusion permette d améliorer l enseignement des mathématiques, en outillant son travail d ingénieur. Dans les années 80, se développent ainsi, en liaison avec la recherche, de nombreuses ingénieries didactiques, d abord pour l enseignement primaire puis pour le secondaire et même le supérieur. Expérimentées dans des contextes qu avec le recul on peut qualifier de favorables, grâce à l existence d un centre comme le COREM à Bordeaux et plus généralement des IREM, elles semblent susceptibles de produire les améliorations souhaitées. Assez vite cependant des interrogations surgissent : les ingénieries issues des recherches diffusent difficilement et, lorsqu elles sont utilisées, elles sont le plus souvent modifiées de façon inattendue et peu conforme aux projets et idées des concepteurs. Dans un premier temps, pour expliquer ces phénomènes, les chercheurs vont faire l hypothèse qu ils résultent en grande partie de décalages entre les représentations des enseignants sur les mathématiques, leur apprentissage et leur enseignement et celles à la base des ingénieries construites. Ces représentations vont devenir un objet de recherche et c est ainsi que l enseignant va commencer à devenir une figure problématique au même titre que l avait été jusqu alors l élève. Ces travaux, menés en s appuyant sur des cadres théoriques empruntés à la psychologie sociale, vont conduire à des résultats intéressants, en montrant en particulier la stabilité de ces représentations et leur tendance à l auto-renforcement mais, progressivement, ils vont aussi être source d interrogations, du fait notamment des décalages souvent observés entre les représentations exprimées par les enseignants et leurs pratiques en classe. Les chercheurs vont ainsi progressivement s orienter vers l étude fine des gestes professionnels de l enseignant de mathématiques, dans la classe et hors de la classe, et de ce qui les détermine, sans idée a priori ni échelles de valeurs. Ils vont aussi s interroger sur l écologie possible des produits d ingénierie issus de la recherche, compte-tenu de ces déterminants. Et l on observe, à partir des années 90, en France mais aussi à l étranger, une explosion des recherches portant sur l enseignant, ses pratiques et la façon dont celles-ci se constituent. En France ces travaux s appuient en particulier sur l approche anthropologique développée par Y.Chevallard dès la fin des années 80 et sur la «double approche» ergonomique et didactique développée par A. Robert et J. Rogalski précisément pour l étude des pratiques enseignantes. L enseignant y est vu comme un professionnel cohérent exerçant son métier dans un environnement dynamique et ouvert. Les recherches visent à comprendre ce qui fait cette cohérence, quels en sont les effets sur les apprentissages en fonction des déterminants personnels, sociaux, institutionnels et culturels qui conditionnent les pratiques. Elles montrent clairement que ce métier est soumis à des contraintes fortes mais que les enseignants disposent malgré tout de marges de manœuvre qui sont exploitées très différemment d un enseignant à l autre. Dans ce contexte, on comprend bien le rôle essentiel joué par l observation de classes, et en particulier de classes ordinaires, dans les méthodologies de recherche. Il ne s agit plus d une observation contrôlée comme celle qui présidait à l expérimentation des ingénieries didactiques ; il s agit cette fois d observations souvent qualifiées de 8

naturalistes où l on essaie d obtenir des informations sur le fonctionnement d un système en perturbant le moins possible son fonctionnement usuel. De telles recherches ont donné lieu à plusieurs travaux de thèse ces dernières années au sein de mon équipe, l équipe DIDIREM et je voudrais brièvement en évoquer deux : celle de E. Roditi et celle d A. Lenfant. Eric Roditi, dans sa thèse, a abordé l étude des pratiques enseignantes par la comparaison des pratiques de quatre enseignants chevronnés dans l enseignement, en sixième, d un même thème mathématique : la multiplication des nombres décimaux, un thème qui était auparavant traité dans l enseignement primaire. Ces enseignants enseignent dans des contextes comparables, ont des anciennetés voisines et utilisent tous le même manuel. Sa recherche met d abord en évidence un certain nombre d invariants qu il interprète comme des réponses, culturellement installées, aux différentes contraintes qui pèsent sur les enseignants. Les enseignants consacrent ainsi a peu près le même temps global à l enseignement de la multiplication des décimaux et le structurent de façon analogue ; ils traitent approximativement le même éventail de tâches et introduisent les mêmes techniques ; dans toutes les classes, on note des interactions nombreuses entre enseignants et élèves et une dynamique qui privilégie un séquençage en courts épisodes des séances. Mais l analyse fine des pratiques menée par E. Roditi montre que ces régularités globales se conjuguent avec une grande variabilité locale. Celle-ci se manifeste notamment au niveau : - des activités introductrices : aucun enseignant ne choisit les mêmes, - de la façon dont sont introduites les techniques, des discours qui servent à les expliquer et à les justifier, - de l institutionnalisation des connaissances : quand intervient-elle? Sur quoi porte-t-elle? - de l équilibre réalisé dans chaque classes entre des tâches que l on peut qualifier de construction de connaissances et des tâches qui relèvent plus de l application de connaissances, le rapport entre ces deux types de tâche pouvant être de (25%, 75%) pour un enseignant et quasiment l inverse pour un autre, - des interactions maître-élèves, bien qu elles soient dans tous les cas très nombreuses. Pour analyser de façon plus fine ces interactions, E. Roditi introduit la notion d incident didactique. Il désigne par là tout événement qui demande une adaptation, une prise de décision de l enseignant. Précisons qu un incident ne correspond pas forcément à quelque chose d inattendu : l enseignant, en posant une question, s attend par exemple souvent à voir apparaître telle ou telle erreur, mais un incident oblige l enseignant à prendre une décision ne serait-ce que la décision d ignorer telle ou telle réponse. Les comptages qu il effectue montrent que ces incidents sont très nombreux, de 40 à 70 par séance, avec une moyenne de 60 incidents par heure de classe. L analyse de la gestion de ces incidents montre des gestions très différenciées : de la relance de l activité des élèves, avec ou sans indication, à la prise en charge complète par l enseignant de la tâche initialement dévolue à l élève, et une évolution évidente de la gestion au fil des séances comme à l intérieur même de chacune d entre elles, la pression du temps locale ou globale conduisant à des gestions plus fermées des incidents. Tout ceci montre bien qu avec une même organisation globale, avec des tâches analogues, on peut avoir de grandes différences au niveau de l activité mathématique des élèves et par conséquent au niveau de leurs apprentissages. On comprend bien aussi, à la lecture de ces résultats, pourquoi l observation de classes ordinaires est si importante qu il s agisse de comprendre les pratiques enseignantes et leurs effets, ou qu il s agisse de réfléchir à la façon dont on peut outiller ces pratiques ou aider les enseignants à les faire évoluer si cela semble nécessaire. La seconde thèse que je voudrais évoquer, beaucoup plus brièvement est celle d Agnès Lenfant qui a étudié comment des PLC2 IUFM construisent leur rapport professionnel à l algèbre pendant la transition professionnelle de leur position d étudiant à la position d enseignant. Cette recherche, méthodologiquement, s est appuyée sur la triangulation de données diverses issues du suivi sur toute leur année de PLC2 de professeurs stagiaires volontaires en poste dans l académie de Reims, et enseignant en responsabilité de la classe de 6 ème à celle de Première. Ce que montre cette recherche là encore, c est l existence de nombreux invariants et en particulier le fait que, pour presque tous ces professeurs stagiaires, l installation dans la professionnalité enseignante est très rapide. Très vite leur style émerge. Ces régularités se manifestent aussi au niveau des difficultés rencontrées : difficulté par exemple à articuler de façon satisfaisante activités introductrices, cours et institutionnalisation ; difficultés à faire vivre certaines fonctionalités de l algèbre comme celle de preuve et de généralisation Mais là encore, en dépit de régularités importantes, on note aussi de la variabilité et on perçoit comment à la fois l histoire personnelle de chacun mais aussi leurs conditions présentes d exercice du métier conditionnent les évolutions possibles et les dynamiques que ces évolutions peuvent suivre. Mais, après ces préliminaires qui me semblent importants comme je l ai souligné au début car ils conditionnent sans aucun doute la façon dont j ai reçu les discours que j ai entendus aujourd hui et les résonances qu ils ont fait surgir, il est temps de passer au second volet de cette intervention : l observation de 9

classes en formation. Encore une fois, avant d en venir à ma réaction à ce qui s est dit aujourd hui, j aimerais situer cette réaction par rapport à mon expérience personnelle d observation de classes en formation. 2- L observation de classe en formation : expérience personnelle Mon expérience sur l observation de classe en formation remonte à 1991 quand j ai été nommée à l IUFM de Reims. Les formateurs de mathématiques à l IUFM étaient issus de l ancien CPR et avaient mis en place dans ce cadre déjà ce qu ils appelaient des «observations croisées». Il s agissait à travers ce dispositif d inciter les professeurs stagiaires à organiser dans leurs classes des activités de recherche de type «problème ouvert», initialement développées à l IREM de Lyon. Les professeurs stagiaires étaient d abord eux-mêmes confrontés en formation, dans une stratégie d homologie, à la situation de résolution en petits groupes d un problème ouvert et au débat collectif qui suivait puis, dans le livret de l IREM de Lyon proposant une centaine de tels problèmes, ils en choisissaient un par groupes de 3 stagiaires, préparaient en commun la séance associée, la réalisaient chacun dans leur classe sous l observation des autres, en apportant éventuellement des modifications d une réalisation à l autre puis ils présentaient par groupe un compte rendu de cette opération en formation. Ce dispositif a été reconduit dans la formation IUFM. Assez vite, je l ai trouvé assez peu rentable par rapport à la complexité de l organisation mise en place. Certes les professeurs stagiaires jouaient sans problème ce jeu proposé plutôt en fin d année et trouvaient intéressantes ces observations croisées mais, alors qu il avait pour ambition de les ouvrir à d autres pratiques, il semblait sans réel impact. Ces séances restaient des moments extraordinaires et isolés en marge du quotidien de leurs pratiques. Les restitutions effectuées en formation restaient très superficielles. Nous avons alors essayé de faire bouger ce dispositif. Une première série d observations croisées a été réalisée assez tôt dans l année sur une séance qu encore une fois trois stagiaires préparaient ensemble mais rien n était imposé au niveau du thème ou de l organisation didactique. Cette préparation était l occasion en formation de s interroger sur la préparation d une séance et de mettre au point, collectivement, une grille de préparation abordant à la fois les questions d organisation mathématique et didactique. Cette grille était ensuite réutilisée pendant l année, en particulier lors des visites. Le bilan de l opération dite «opération séquence» donnait lieu à un rapport écrit. Vers la fin de l année, on organisait une autre préparation commune pour une séance moins ordinaire incluant une phase substantielle de recherche des élèves sur un problème et ensuite un débat collectif sur les productions des élèves mais celle-ci n était réalisée que dans une des classes, les autres professeurs stagiaires étant présents. Le dispositif ainsi aménagé nous a donné davantage satisfaction. L opération séquence menée tôt dans l année permettait aux stagiaires de rentrer dans la classe de pairs. Cela les rassurait de voir que les problèmes qu ils rencontraient, d autres les rencontraient aussi et leur permettait d échanger sur des situations réellement partagées, non sur de simples évocations comme ils le faisaient dans les groupes d échange organisés au début de chaque journée de formation. En revanche, malgré les outils mis en place collectivement pour la préparation et l observation, les restitutions des groupes restaient de qualité très inégales et nous avions du mal, en temps que formateurs, à les exploiter collectivement pour faire de ces restitutions de réels moments de formation. Dans certains cas cependant, des groupes de professeurs stagiaires s étaient filmés et la discussion, sur la base de ces vidéos, prenait tout de suite une tout autre dimension. Ce changement qualitatif dans les potentialités apporté par le fait de disposer de vidéos, nous l avons ensuite vu à l œuvre dans la thèse d A. Lenfant puisque le dispositif de suivi impliquait une observation de classe vidéoscopée, observation précédée et suivie d un entretien avec le professeur stagiaire. A. Lenfant, à partir de ces différentes vidéos, a réalisé un montage en sélectionnant des épisodes qu elle trouvait particulièrement intéressants à analyser et ce montage a ensuite été soumis à l ensemble des professeurs stagiaires impliqués dans le suivi, à la fin de l année scolaire. Les discussions que ceci a suscité sont d une richesse inattendue si l on considère qu il s agit là d enseignants aussi jeunes dans le métier et, à en lire les transcripts on réalise sans difficulté la mine qu elles peuvent constituer pour un formateur, même si dans ce contexte précis de recherche, A. Lenfant s est interdit de jouer le rôle de formateur qu elle aurait pu jouer. C est d ailleurs ce qui nous a incités à proposer au PAF des différentes académies de la région parisienne, à partir de 2002-2003, un stage de formation de trois jours basé sur l utilisation de vidéos réalisées dans les classes de professeurs stagiaires ou d enseignants débutants, et destiné en priorité aux jeunes enseignants. Nous y croisons ce regard de didactique disciplinaire et ce regard plus transversal sur le métier d enseignant qu il nous semble essentiels de con juguer dans l analyse des pratiques. Ceci étant, je pense que vous concevrez aisément que j ai écouté avec beaucoup d intérêt tout ce qui s est dit ce matin, en séance plénière et dans les trois ateliers, et que cela a nourri de nombreuses résonances et suscité de nombreuses questions. 10

3- L observation de classe dans le dispositif présenté aujourd hui Le dispositif présenté aujourd hui me semble offrir des potentialités évidentes, et ces potentialités étaient bien mises en lumière par la diversité des situations relatées : échanges et observations de classe chez un professeur chevronné de la même discipline, mais hors de son propre établissement, échanges et observations entre pairs enseignant la même discipline, entre pairs enseignant des disciplines différentes. Sans prétendre à l exhaustivité, je voudrais en souligner quelques unes : Il peut permettre de questionner les évidences, en particulier grâce au recul apporté par le croisement entre différentes disciplines. Ceci a été particulièrement mis en évidence par le récit et les réponses aux questions des trois enseignantes enseignant respectivement l anglais, l histoire-géographie et les mathématiques. Il peut aider à enrichir la palette des gestes enseignants et, tout au moins, à mettre en évidence une richesse insoupçonnée des possibles de cette palette. En même temps, cela montre bien qu il n y a pas de voie unique pour construire un enseignement ou pour le gérer. De ce point de vue là aussi l échange entre pairs semble particulièrement productif de par la plus grande symétrie qu il instaure entre les pratiques. Il peut contribuer à la prise de conscience par les jeunes enseignants de leur propre cohérence par la confrontation avec d autres cohérences (j ai été particulièrement sensible à ce qui, dans le discours de ces jeunes enseignants, marquait implicitement cette cohérence personnelle et la conscience qui en résultait que telle stratégie tout à fait adaptée à tel ou telle collègue ne l était pas forcément pour eux, ou que même s ils avaient envie d emprunter telle ou telle chose aux pratiques d un tiers il faudrait sans doute qu ils l adaptent pour l intégrer à leur cohérence propre, par ex : j ai vu ceci, je prends cela, je laisse ceci pour l instant, j abandonne cette autre chose Il peut développer, à travers des observations régulières, des habitudes et des capacités d autoobservation sur le moment ou dans l après-coup, et de ce fait d apprentissage. Comme l ont souligné certains jeunes enseignants, en prenant l habitude d observer les autres, on prend aussi l habitude de s observer soi-même. Il peut constituer une réponse possible à l isolement du travail de l enseignant en développant dès le début de la carrière des pratiques de travail collectif. Or cet isolement du travail de l enseignant, qui est un trait culturel du métier dans un pays comme le nôtre, est sans aucun doute un frein majeur à l évolution des pratiques. Il rend visible le fait que de très petites choses peuvent engendrer des effets dont les répercussions sont importantes (par exemple, demander aux élèves de poser leur stylo quand l enseignant donne une explication importante ). C est un phénomène bien connu des didacticiens mais il est sans doute plus facile de le repérer et de voir comment on peut en tirer parti quand on observe un autre enseignant que dans le feu de l action. Mais, pour que les potentialités de ce dispositif puissent s actualiser, les récits auxquels nous avons assisté montrent qu un certain nombre de conditions doivent être réalisées. Bien sûr, ce qui nous a été donné à voir ne permet en rien d assurer que ces conditions sont suffisantes. Nous avons entendu décrire, nous avons questionné des exemples qui semblaient avoir fonctionné de façon efficace mais nous n avons eu affaire qu à quelques cas particuliers. Néanmoins, même sur cette base biaisée et réduite, il est important me semble-t-il d identifier des conditions qui ont rendu possible ce fonctionnement. - L importance d assurer le statut des partenaires et d éviter que le dispositif n ait pour effet de fragiliser la légitimité institutionnelle des enseignants qui s y engagent. On est bien sûr sensible à cet aspect quand le dispositif met en jeu un enseignant débutant et un enseignant expert et là le fait qu ils n enseignent pas dans le même établissement est sans doute une condition favorable, mais les récits nous ont montré que les échanges entre pairs n échappaient pas à ce problème. - L importance de prévoir un temps de vie du dispositif suffisamment long pour permettre d abord de surmonter les obstacles culturels qui s opposent à ce type d organisation et pour permettre ensuite au questionnement de mûrir. Le récit des trois enseignantes enseignant des disciplines différentes a notamment bien mis en évidence cette importance de la durée dans le mûrissement et l évolution du questionnement, de la focalisation des premiers temps sur l entrée dans la classe à la la centration en fin d année sur les interactions maître-élèves, via un déplacement progressif des centres d intérêts et, conjointement, l évolution dans l utilisation de la grille d observation qu elles avaient élaborée au départ avec les formateurs. 11

- L importance de faire communiquer des pratiques se situant à des distances raisonnables. Cette condition a en particulier surgi dans un des ateliers, du fait d une situation problématique. Si l on veut qu échanges et discussions sur des pratiques respectives soient efficaces, il importe sans doute que la distance entre les objets concernés soit raisonnable. Tout ce qu ont montré les recherches sur les pratiques des enseignants et les multiples déterminants qui les façonnent montre que les marges de manœuvre, tout en étant réelles, sont limitées et que l on ne peut attendre des changements radicaux de pratiques, même si l acteur lui-même en est profondément insatisfait. Un objet trop distant est un objet qui, même s il est séduisant, est d abord un objet qui semble inaccessible. L insécurité profonde du métier d enseignant rend particulièrement coûteux les essais et bloquantes les distances trop grandes. Les discussions de cette matinée ont aussi été pour moi source de bien d autres questions. Si j ai bien vu les potentialités du dispositif, il m a aussi semblé percevoir certaines limites à des observations croisées qui ne seraient pas plus précisément outillées. Il m a semblé en particulier qu en ce qui concerne les apprentissages disciplinaires et la façon dont les pratiques sont susceptibles ou non de favoriser ces apprentissages, les récits comme les réponses aux questions restaient à la surface des choses. Peut-être était-ce dû au caractère particulier de cette journée et à son organisation mais je serais tentée de penser que ce n était pas la seule cause. Les questions d ordre pédagogique tendent souvent dans l analyse des pratiques à occuper tout l espace en laissant peu de place aux questions d ordre didactique. Pourtant celles-ci sont essentielles. Il ne suffit pas que la classe tourne et chacun y vive bien pour que les élèves aient une réelle activité mathématique, pour qu ils apprennent réellement des mathématiques. C est pourquoi dans les analyses de pratiques que nous essayons de développer, nous cherchons à croiser les regards, c est pourquoi aussi il me semble essentiel de construire des outils pour aller au delà de la surface des choses et de partager ces outils avec les enseignants en formation ; l expérience montre qu ils ne surgissent pas spontanément de la situation d observation. Pour conclure donc et à partir des discussions très riches qui se sont développées au cours de cette journée, il m apparaît indispensable d élaborer un corpus commun qui permettrait de relier les différents apprentissages possibles dans ce type de dispositif. L analyse des pratiques qui se développent dans ce type de dispositif d observation de classe et la définition de pratiques de formation correspondantes passent par l élaboration d instruments et de références articulant les champs des sciences de l éducation avec ceux des différentes disciplines et de leurs didactiques. 12

Intervention de Patrick Rayou Patrick Rayou est professeur des universités en sciences de l éducation à l I.U.F.M. de Créteil OBSERVATION MUTUELLE, STATUTS ET COMPÉTENCES Dans son mémoire professionnel, une de mes stagiaires se demandait si on peut sourire et avoir de l autorité? Elle s y plaignait de ce que, à ses demandes sur la distance à construire vis-à-vis de ses élèves, les formateurs lui aient donné des recettes traditionnelles : porter un tailleur et, surtout, ne pas sourire avant Noël Ces conseils apparaissent aujourd hui désuets car ils ne sont plus adossés à un système de normes et valeurs qui se transmettaient sans problème entre les générations d enseignants. De plus en plus renvoyés aujourd hui à leurs propres capacités à construire et reconstruire les situations de classe, les jeunes titulaires ne peuvent voir dans ces conseils que des trucs appartenant à la mythologie d une autre époque. À leurs yeux, l Iufm n est souvent pas le lieu adéquat pour se doter d éléments de professionnalité pertinents. Ce n est ni le bon moment, car trop de choses de natures trop diverses sont à affronter la deuxième année. Ni le bon endroit, car ils parviennent mal à échapper à la tension entre le centre qu il constitue et le terrain qui délivre souvent des messages contraires sur la formation. Avec le dispositif d observation qui nous est présenté aujourd hui, il semble que quelques-unes de ces difficultés peuvent être levées, notamment parce qu il permet des passages, des médiations entre des aspects que l organisation habituelle de la formation tend à dissocier. Nous sommes peut-être là devant l émergence d un genre professionnel (Clot) qui articule des savoirs et des compétences jugés efficaces et des situations dans lesquelles l évaluation des gestes professionnels et celle des personnes ne se confondent pas. J ai cru y repérer trois types de médiations : La construction d un soi professionnel, celle d une posture professionnelle, celle d une expertise professionnelle. 1/La construction d un soi professionnel Une des jeunes collègues parle par exemple de la petite voix qui s adresse à elle alors même qu elle se retrouve seule en classe et qui lui dit qu elle tend à prendre tel ou tel élève pour bouc émissaire. Être observé habitue ici à s observer soi-même comme on observerait une autre personne et le moi empirique, engagé-enchassé dans la situation se transforme en soi professionnel. Il est significatif que ces jeunes enseignantes parlent plus de retour que de jugement. Dans leur cas, on vérifie bien la force des liens faibles que constituent les réseaux amicaux : Ça a marché parce qu on se connaissait. De disciplines différentes, mais du même établissement, elles se sont choisies et cette électivité semble le déclencheur d une action de formation dont les modalités ont été progressivement définies. Nous retrouvons là ce qui semble une caractéristique de la nouvelle génération d enseignants qui distingue moins que les précédentes les aspects public et privé de leur vie dans l établissement. Même si, dans beaucoup de cas, on continue de faire après comme avant l observation mutuelle, on sait désormais pourquoi et on ne renvoie pas les conseils à des modes pédagogiques comme tendent à le faire les stagiaires PLC2 mécontents de leur formation. 2/La construction d une posture professionnelle Dans l observation mutuelle, la parité de statut développe un habitus de réciprocité : Au début, je pensais que j allais prendre chez les autres, dit une de nos jeunes collègues qui est progressivement passée à une conception et une pratique plus collégiales. Ici semble s esquisser une formation par compétence, par opposition à la conception plus classique de la formation par qualification (Dubar et Tripier). La mutualisation accélère et accrédite des découvertes pédagogiques qu on aurait sans doute faites plus tard et sans les soumettre au jugement des autres. Cette parité d expérience libère vraisemblablement d un des effets pervers de la formation classique : dans son désir de montrer des modèles de compétences (les formateurs chevronnés ), celle-ci risque en effet de persuader les néophytes qu ils ne feront jamais aussi bien. Or s il y a bien un idéal du professeur, il n y a certainement pas de professeur idéal. Cela ne ruine évidemment pas la nécessité d une formation institutionnalisée, mais fait sans doute prendre conscience de la nécessité de laisser les jeunes professeurs élaborer en partie par eux-mêmes une posture professionnelle qui leur paraisse pertinente et fiable. Cette génération, éthique plus que morale, préfère les universels en contexte (Ricœur) aux prescriptions externes. Elle croit davantage aux vertus de l essaimage lié aux initiatives particulières, même si celui-ci ne résout pas sur le fond le problème de la constitution d un corps de professionnels. 13

3/La construction d une expertise professionnelle Il faudrait regarder de plus près les grilles d observation qu elles ont construites en cours d année, mais il semble que, très larges au début, nourrissant l ambition de tout saisir, elles aient évolué vers des critères plus fins et concernant de plus en plus le cœur du didactique. Elles ont, au fond, renoncé au fantasme d une observation totale pour développer une expertise plus pointue capable d articuler des savoirs savants et des savoirs d expérience (Perrenoud). Elles ont fait à plusieurs le deuil d une expertise immédiatement transmissible et indépendante d une reproblématisation (Martinand) en contexte. La recherche de trucs, qui ne survivent ni aux personnes ni aux situations, se mue chez elles en constitution d une palette qui correspond bien à la posture de l expert. On a même entendu une de ces jeunes collègues parler d une mise en écriture des résultats obtenus, moyen d objectiver pour soi-même et de soumettre à la communauté des praticiens. Des limites et des pistes Les limites de ces dispositifs sont cependant évidentes. Elles sont au moins de deux ordres : ceux-ci peuvent consister surtout en de la ré-assurance entre pairs, comme on le voit souvent dans les ZEP où les buts cognitifs peuvent s effacer relativement derrière ceux de maintien de l ordre scolaire (van Zanten). Ils peuvent, à l inverse, se centrer démesurément sur la construction d un bon cours qui fasse passer au second plan les apprentissages des élèves (Charlot). Il paraît donc nécessaire de faire entrer de l extériorité dans cet entre-soi qui constitue tout autant la possibilité de confrontations en confiance que le risque d un repliement sur des évidences partagées. C est à l institution de savoir s appuyer sur la relation entre pairs, de leur faire confiance autant qu ils se le font à eux-mêmes, mais aussi de les aider à se décaler pour les arracher aux connivences du compagnonnage. L incitation à observer d autres niveaux, d autres disciplines, d autres établissements ou à inclure d autres professionnels, comme les documentalistes ou les CPE, pourrait par exemple y aider. Il s agit au fond d agrandir leur zone proximale de développement (Vygotski) en aidant à dissiper la confusion entre la position statutaire et la compétence professionnelle qui pèse beaucoup sur la formation. Une formation vécue comme infantilisation ne peut apporter les postures requises pour faire apprendre les élèves d aujourd hui. À l inverse, le traitement des stagiaires et néo-enseignants comme collègues à part entière n implique pas que ceux qui représentent l institution renoncent à indiquer des chemins qu une expérience plus assise leur a permis de frayer. De ce point de vue, les observations entre pairs créent la confiance nécessaire à toute formation, mais, inscrites dans un dispositif de ressources plus larges, elles ouvrent aussi à des dépassements personnels ainsi qu à la création collective de savoirs d experts. 14