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Transcription:

CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS PARIS MEMOIRE présenté en vue d'obtenir le DIPLOME MASTER II DROIT ECONOMIE GESTION MENTION : FINANCE ASSURANCE ACTUARIAT BANQUE SPECIALITE : FINANCE D ENTREPRISE PARCOURS : STRATEGIE ET EXPERTISE FINANCIERE Par Alexandre NEUVIALE Directeur de mémoire: Didier VOYENNE LA FINANCE PARTICIPATIVE AU SERVICE DES TPE/PME EN FRANCE SEPTEMBRE 2014

REMERCIEMENTS REMERCIEMENTS En premier lieu, je tiens à remercier mon directeur de mémoire, Didier Voyenne, pour la disponibilité et l intérêt dont il a fait preuve à mon égard et pour le soutien permanent qu il m a apporté dans l élaboration de ce travail. Je remercie aussi l ensemble des professionnels qui m ont accordé des entretiens, d avoir partagé avec moi leur passion pour le financement des TPE/PME en France, m apportant l éclairage nécessaire pour cerner davantage le potentiel de la finance participative. 2

ACRONYMES ACRONYMES AMF : BFR : CO² : LDD : FCP : OPCVM : PEAPME : Autorité des Marchés Financiers Besoin en Fonds de Roulement Dioxyde de Carbone Livret Développement Durable Fonds Commun de Placement Organisme de Placement Collectif en Valeurs Mobilières Plan d Epargne en Actions PME PME : Petites et Moyennes Entreprises (moins de 50 salariés Moins de 50 millions de Chiffres d affaires) TPE : Très Petites Entreprises (moins de 10 salariés moins de 2 millions de Chiffres d affaires) 3

GLOSSAIRE GLOSSAIRE Clause de bad leaver / good leaver : Clause d'un pacte d'actionnaires. La clause de bad leaver stipule qu'en cas de départ d'un associé avant la date X, cet associé se verra dilué de Y%. Cette clause pénalise "l'infidélité". La plupart du temps, plus le PDG reste en place, moins la dilution est importante. On la prévoit pour pénaliser une démission ou une faute lourde. Clause de drag along : Clause d'un pacte d'actionnaires permettant à un actionnaire (généralement majoritaire) de forcer la vente de 100% du capital. En effet, la cession de 100% du capital d'une entreprise est généralement plus aisée que la cession d'une simple majorité. Elle est souvent concédée par le minoritaire en échange d'une clause de tag along. Clause de ratchet : Lors d une augmentation de capital, le prix des titres souscrits par les actionnaires peut être différent de celui négocié par les premiers investisseurs à la constitution de la société ou lors d une précédente augmentation de capital. Pour que ces derniers se protègent en cas de baisse de la valeur de la société, ils peuvent inclure dans le contrat d investissement une clause de ratchet. Cette clause de ratchet a donc pour objectif de prémunir les premiers actionnaires d une dilution de leur participation lors de nouvelles levées de fonds. Clause de tag along : Clause d'un pacte d'actionnaires permettant à un actionnaire minoritaire de céder aux mêmes conditions ses parts lors de la cession par le majoritaire de sa participation. Euro Private Placement : Un Euro PP ou Euro Private Placement est une opération de financement à moyen ou long terme entre une entreprise, cotée ou non, et un petit nombre d investisseurs institutionnels. Ce type de financement s adresse donc en priorité aux 5 000 entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises quand elles ont des besoins de financement importants et peu d alternatives au financement bancaire. Économie collaborative : L'économie collaborative ou économie du partage, considérée dans une acception large, englobe les diverses formes de consommation collaborative (AMAP, couchsurfing, co-voiturage, auto-partage, vélo-partage, cojetage, troc de livres et de vêtements), les modes de vie collaboratifs (co-working, co-location, habitat collectif, jardins partagés), le financement collaboratif (crowdfunding, prêt d'argent de pair à pair, monnaies alternatives), la production contributive (DIY, Fablabs, maker spaces) et la culture libre en général. 4

TABLE DES MATIÈRES TABLE DES MATIERES ACRONYMES... 3 GLOSSAIRE... 4 TABLE DES MATIERES... 5 SYNTHESE... 6 INTRODUCTION... 11 L EMERGENCE DE LA FINANCE PARTICIPATIVE... 13 I.1 LA GENESE DE LA FINANCE PARTICIPATIVE... 13 I.1.1 La finance tribale... 14 I.1.2 Le microcrédit... 15 I.1.3 Histoire de projets... 17 I.2 INTERNET, UNE REVOLUTION INTELLECTUELLE ET CULTURELLE... 19 I.2.1 Le traitement de l information... 19 I.2.2 Le Web communautaire, la naissance des réseaux sociaux... 21 I.2.3 Du communautaire au participatif... 23 I.3 UNE SOCIETE EN PLEINE MUTATION... 25 I.3.1 L économie sociale solidaire (ESS)... 26 I.3.2 Les investissements socialement responsables (ISR)... 29 I.3.3 L économie collaborative... 31 LA FINANCE PARTICIPATIVE EN FRANCE... 34 II.1 UN OUTIL AU SERVICE DES TPE/PME... 35 II.1.1 Le marché des TPE/PME en France... 36 II.1.2 L épargne des français... 39 II.1.3 La réallocation de cette épargne au profit des TPE/PME... 42 II.2 LA BOITE A OUTILS DE LA FINANCE PARTICIPATIVE... 44 II.2.1 Le cadre juridique et les techniques de financement... 44 II.2.2 Du processus de sélection à la collecte... 47 II.2.3 L évolution du Business Model des plateformes... 49 II.3 VEILLE PROSPECTIVE SUR LA FINANCE PARTICIPATIVE... 51 II.3.1 Les règlementations et marchés en Europe et aux Etats-Unis... 51 II.3.2 Le cas du e-commerce... 55 II.3.3 L émergence de nouveaux modèles... 57 LES CLES DU DEVELOPPEMENT DE LA FINANCE PARTICIPATIVE... 60 EN FRANCE... 60 III.1 LES ELEMENTS CLES A COURT TERME... 60 III.1.1 L évolution de la règlementation... 60 III.1.2 La promotion de la finance participative... 62 III.1.3 L accompagnement des entrepreneurs et des contributeurs... 65 III.2 LES ELEMENTS DE FONDS A MOYEN TERME... 68 III.2.1 Le développement de la culture entrepreneuriale en France... 69 III.2.2 L éloge de la prise de risque... 72 III.2.3 L interprétation de l échec... 73 III.3 LES ACCELERATEURS DE DEVELOPPEMENT DU MODELE... 76 III.3.1 Le Co-investissement, expression de l intelligence collaborative... 77 III.3.2 La création d un fonds mutuel de garantie pour les prêteurs... 79 III.3.3 La fiscalité, le cas de l innovation... 80 CONCLUSION... 83 SOURCES DOCUMENTAIRES... 85 TABLE DES ANNEXES... 89 LISTE DES FIGURES... 98 LISTE DES TABLEAUX... 99 5

SYNTHESE SYNTHESE Quel marché pèsera 1000 Milliards de dollars en 2020? L Euro Private Placement inauguré en 2012? Le marché des Business Angels en forte augmentation aux Etats-Unis? Non! Il s agit d un marché plus que prometteur, celui de la finance participative (Crowdfunding). Un article paru dans Forbes le confirme 1, $1.000Mds au niveau mondial dont $6Mds pour le seul marché français. Un cas qui rappelle étrangement celui du e- commerce... Aujourd hui, le marché mondial ne pèse que $5Mds. Alors, quels sont les catalyseurs de ce développement exponentiel? Et quels sont les outils qui permettront à la France de surperformer les prévisions de Forbes? Voilà déjà six ans que la crise du siècle a commencé! Elle a successivement engendré l assèchement des marchés, l effondrement des banques, l explosion des faillites d entreprises et du taux de chômage, l appauvrissement des économies et des populations, et laisse derrière elle un paysage transformé. Les pays émergents d hier deviennent progressivement les grandes puissances d aujourd hui, l Europe et les Etats qui la composent sont ébranlés. Quant aux établissements de crédit, qui ont vu leur fonds propres diminuer de moitié, ils sont affaiblis, tout comme les entreprises. La crise de confiance générée par les doutes sur la détention d actifs toxiques dans les bilans des banques au cours de l été 2008 après la faillite de Lehman Brothers 2 a créé une crise de liquidité sans précédent. Les entreprises ont, dans de nombreux cas, perdu leur lignes de trésorerie. 1 http://www.forbes.com/sites/groupthink/2012/12/31/2013-whats-in-store-for-crowdfunding-and-angelinvestors/ 2 Le 15 Septembre 2008 6

SYNTHESE Deux ans plus tard, la crise de la dette souveraine a aggravé la situation financière des banques en Europe qui étaient massivement investies en obligations d Etats de la zone euro, considérées jusqu alors comme la référence de marché du taux sans risque. Enfin, le régulateur qui veut endiguer le risque systémique a imposé un nouveau cadre règlementaire plus strict aux établissements de crédit les obligeant à mobiliser davantage de fonds propres ; le comité Bâle se fixant l objectif de limiter la croissance du bilan des banques. Dès lors, ces dernières ont deux options : augmenter leurs fonds propres dans un contexte de bilans dégradés par la crise financière ou réduire le niveau de leurs engagements. La mécanique de désintermédiation est enclenchée. Le principe même du monopole bancaire est ébranlé. Les banques ne peuvent plus, seules, assumer le financement de l économie, d autres acteurs devant prendre place dans la chaîne de financement. De la même façon, les fonds publics, les Business Angels 3 et le Capital Investissement 4 français ne peuvent, à eux seuls, soutenir le niveau d investissement nécessaire au retour de la croissance 5. Les grandes entreprises, conscientes de l affaiblissement de leurs partenaires bancaires ont été les premières à diversifier leurs sources de financement 6 car elles en avaient les moyens techniques et financiers. En 2012, les entreprises du CAC 40 et du SBF80 affichent des structures de financement largement désintermédiées respectivement à 70% et 48% 7. Ces financements alternatifs sont désormais adaptés aux Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) avec la création l Euro Private Placement (Euro PP) et la possibilité pour les compagnies d assurance d investir directement dans des entreprises non cotées suite à la réforme du Code des Assurances à l instar de la création du fonds Novo. La finance alternative apparaît 3 Les Business Angels investissent 41 millions en 2013 4 Le Capital Investissement français investit 6,5 milliards pour un besoin de financement estimé à 11 milliards 5 Le besoin estimé est de 100 milliards d ici à 2020 pour les TPE/PME 6 USPP, Euro PP, IBO, Billet de trésorerie 7 Source : bfinance, Enquête Financement des «corporate» du SBF 120, septembre 2013 7

SYNTHESE donc comme un concurrent sérieux de la finance traditionnelle dans un contexte où les établissements financiers sont tenus pour responsable de la crise et des scandales financiers qui lui ont fait écho dans la grande majorité des esprits. En effet, jamais la défiance des entreprises et des citoyens français n a été si grande à leur égard. Pourtant, les TPE/PME françaises restent intermédiées 8 à plus de 90% dans un contexte de crise qui a vu l accès au crédit bancaire se durcir et le crédit inter entreprises se détériorer. L absence d outils alternatifs de financement à des niveaux d investissements trop faibles sur des structures trop petites et le manque d information des entrepreneurs en sont les principales raisons. La révolution numérique 9 porte dans ses gènes la désintermédiation. Les évolutions technologiques majeures à l instar de l informatique, d Internet, et des appareils mobiles, ont en effet annihilé les dimensions spatiales et temporelles, réduisant massivement les coûts d information et de traitement. Cette révolution a redonné à l individu autonomie, indépendance, libre-arbitre et a favorisé un retour aux valeurs collectives et communautaires ancestrales permis par le développement des réseaux sociaux. Les crises successives, leur impact sur le pouvoir d achat des français et le profond bouleversement des comportements en faveur d une croissance intelligente, durable et inclusive 10 ont fait émerger une économie collaborative où l usage prime sur la propriété. L individu, tour à tour source d informations et de contenus, devient une ressource financière pour sa communauté 11. Les dynamiques fondamentales de la finance participative la positionnent comme une alternative crédible pour les TPE/PME dans un environnement où les banques sont peu enclines à financer les besoins de trésorerie, le BFR de croissance, les 8 A plus de 90% pour les PME/ETI et plus de 95% pour les TPE/PME selon l Observatoire du Financement des entreprises 9 Ere de l informatique et de la dématérialisation qui a connu le fort développement d Internet, des réseaux sociaux, et des connexions mobiles 10 Inspiré du projet Europe 2020 : Pour une croissance intelligente, durable et inclusive 11 Communauté prise au sens large dans le contexte des réseaux sociaux 8

SYNTHESE projets d innovation et éprouvent aujourd hui des difficultés à financer les projets entrepreneuriaux qu elles portaient avant crise. Le «Crowdfunding» est une branche de l économie collaborative, elle-même enracinée dans l Economie Sociale et Solidaire. Il se définit comme un outil de finance directe 12 mettant en relation les agents en capacité de financement 13 que sont les ménages, désireux de donner du sens à leur épargne et d en augmenter le rendement avec de l autre côté les agents en besoin de financement, les TPE/PME qui concentrent plus de la moitié de la croissance et des emplois français et qui peuvent dès lors proposer leurs projets au public. Or, malgré un taux d épargne parmi les plus élevés au monde (15,9 % du revenu disponible en 2013), les Livrets A, Assurance Vie et OPCVM absorbent massivement les fonds ainsi collectés, illustrant à la fois l aversion aux risques marquée des français et leur attachement à une fiscalité incitative. Il faut donc réorienter une partie de ces capitaux au profit du tissu entrepreneurial local en prenant en compte ces spécificités. Les clefs constitutives du développement exponentiel annoncé de la finance participative sont d ordre règlementaire, fiscal, organisationnel, humain et sociétal et nécessiteront la mobilisation de l ensemble des acteurs présents dans le champ gravitationnel des TPE/PME. Gageons que la volonté politique affichée par le Ministère de l Économie, de l Industrie et du Numérique de faire de la France «le pays pionnier en finance participative» et que le récent appel lancé par Mario Draghi, le président de la Banque Centrale Européenne (BCE), exhortant les pays de la zone euro à tout mettre en œuvre pour développer les financements alternatifs y compris la finance participative pour permettre le retour à l investissement et à la croissance, donneront l impulsion nécessaire pour que la France dépasse les prévisions de 12 Outil d investissement en capital ou en dette 13 Plus de 4000 Milliards de patrimoine financier et 210 Milliards de flux chaque année 9

SYNTHESE Forbes. Si les plateformes de finance participative ont acquis le statut de Conseillers en Investissements Participatifs 14 ou d Intermédiaires en Financements Participatifs 15 depuis la publication de l ordonnance le 30 mai dernier 16, la profession nouvellement créée devra toutefois s affranchir d un certain nombre d obstacles pour réaliser l ambition fixée. Mots clefs : finance participative, désintermédiation, financements alternatifs, révolution numérique, économie collaborative. 14 CIP : Statut identique au statut de Conseiller en Instruments Financiers (CIF) mais appliqué à la finance participative, il fait du conseil en investissement en capital 15 IFP : Statut d intermédiaire en crédit ouvrant une brèche dans le monopole bancaire 16 Ordonnance n 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif, www.legifrance.fr 10

INTRODUCTION INTRODUCTION Les besoins de financement des TPE/ PME en France sont estimés à 100 Mds d ici à 2020. Or, la succession de crises majeures qui a commencé avec les «subprimes» affecte durablement les banques dans leur capacité à financer l économie, et les TPE/PME françaises, massivement intermédiées, souffrent du durcissement du crédit. Dès lors, la recherche de sources alternatives de financement devient un véritable enjeu pour celles qui concentrent plus de la moitié des emplois et de la richesse nationale. La finance participative entend rapprocher les ménages, dont le taux d épargne est parmi les plus élevés au monde, du tissu entrepreneurial français. En effet, elle collecte, sous forme de dons, de prêts ou d investissements en capital, une somme de petits montants versés par une base de contributeurs élargie en vue de financer des projets artistiques, culturels, ou entrepreneuriaux. Ce mémoire ne prétend pas étudier le «Crowdfunding» sous toutes ses formes, les travaux menés se concentrent essentiellement sur les cas du prêt rémunéré et de l investissement en capital au profit des projets entrepreneuriaux portés par les TPE/PME françaises. Ce mémoire explique les dynamiques fondamentales de la finance participative et démontre qu elle n est pas un «effet de mode» mais bien un modèle pérenne de financement. Les travaux menés mettent l accent sur l enjeu de réorienter une partie de l épargne des français au profit de projets entrepreneuriaux de proximité et évaluent le potentiel du «Crowdfunding» comme alternative de financement pour les TPE/PME. Enfin, cette étude montre que les contours règlementaires et fiscaux du «Crowdfunding» restent perfectibles et que des évolutions d ordre organisationnel et sociétal seront nécessaires pour qu il exprime tout son potentiel au service du financement des TPE/PME en France. 11

INTRODUCTION Ainsi, après avoir rappelé les origines de la finance participative, son enracinement dans l Économie Sociale et Solidaire et son développement porté par la révolution numérique, nous dessinerons les contours de son cadre juridique en France et à l étranger et nous décrirons son fonctionnement, ses modèles économiques ainsi que son potentiel. Enfin, nous énumérerons sous forme de recommandations les éléments clés et les catalyseurs de son développement en France à court et à moyen terme. 12

I.L EMERGENCE DE LA FINANCE PARTICIPATIVE L EMERGENCE DE LA FINANCE PARTICIPATIVE La finance participative est une branche de l économie collaborative, tronc commun qui concentre des valeurs qui reposent sur la confiance, l échange et le partage, et prend ses racines dans l Économie Sociale et Solidaire. Les dynamiques fondamentales qui l animent sont à la fois la crise et l augmentation des coûts, la dématérialisation massive permise par l informatique, la déconsommation qui succède à l hyperconsommation, la relocalisation progressive des activités, la désintermédiation et la mutualisation. Si cette dernière nous ramène par exemple au lointain passé de la tontine, les autres, plus actuelles, sont empruntes des profonds bouleversements qu ont connu les individus cette dernière décennie, imprégnés par la révolution numérique, tournés vers les autres, rassemblés autour de préoccupations communes. Nous entrons dans l ère du verseau 17! I.1 La genèse de la finance participative La finance participative s est caractérisée tour à tour comme l outil de financement de projets artistiques, culturels ou entrepreneuriaux. Elle réunit, sous forme de dons, de prêts et d investissements en capital, une somme de petits montants versés par une base de contributeurs élargie. La finance participative procède donc de la mise en commun de moyens financiers d une communauté au profit d un projet, rappelant les financements tribaux tontiniers. Le microcrédit quant à lui, s est développé dans un écosystème déserté par la finance traditionnelle, permettant de relocaliser des activités agricoles et industrielles. Le mécénat enfin, a permis le financement de projets qui ont illustré siècle après siècle notre histoire, notre civilisation, notre culture. 17 Référence philosophique qui prend la forme d une métaphore astrologique. Selon Rudolf Steiner, nous quittons l Ere Des Poissons qui a vu l accomplissement du processus d individuation, pour entrer dans l ère du Verseau, une époque d harmonie retrouvée qui verra la formation de communautés spirituelles fraternelles. 13

I.L EMERGENCE DE LA FINANCE PARTICIPATIVE I.1.1 La finance tribale Les tontines que F.Bouman décrit en 1977 comme «des associations regroupant des membres d un clan, d une famille, des voisins ou des particuliers, qui décident de mettre en commun des biens ou des services au bénéfice de tout un chacun, et cela à tour de rôle», sont répertoriées dans l histoire depuis le II ème siècle après J.C. 18. Les plus anciennes formes nous viennent d Asie. Les tontines de travail, de services, étaient basées sur le partage de l effort collectif au service de chaque individu de la communauté. Elles permettaient de construire une maison, de participer aux récoltes, d organiser des fêtes. En France, elles sont apparues au 19 ème siècle pour labourer les terres en milieu rural. La tontine 19 est le «Procédé d'emprunt par lequel l'état, sous l'ancien Régime, constituait sur la tête de chaque souscripteur une rente viagère qui, à sa mort, était reversée sur l'ensemble des souscripteurs survivants. (Développée en Italie en particulier par le banquier Lorenzo Tonti et introduite en France en 1653, la tontine royale fut supprimée en 1763, mais la formule fut encore utilisée par les particuliers au XIX e s. [tontine Lafarge].)» La première forme de tontine pécuniaire est répertoriée au Japon au 12 ème siècle. Ce financement informel est encore fortement ancré dans les communautés asiatiques et africaines de nos jours, il est passé du statut de fonds collectif d épargne versant des dividendes 20 à celui de fonds d entraide proposant du microcrédit sans intérêts. C est ainsi que l on finance les funérailles d un parent, un mariage, la construction d une maison, la réalisation d un projet agricole, artisanal ou entrepreneurial. 18 http://www.lesahel.org/index.php/le-niger-en-bref/item/3927-les-tontines-une-autre-solution 19 Définition Larousse 20 A l instar des tontines bénéficiant du régime fiscal de l assurance vie, proposées aujourd hui encore par des assureurs comme le groupe Le Conservateur 14

I.L EMERGENCE DE LA FINANCE PARTICIPATIVE En finance tribale, la communauté finance un projet individuel pour un de ses membres, elle acquiert un bien commun, l individu rembourse à la collectivité un prêt sans intérêts selon les modalités qui ont été fixées. Ce n est qu à l issue du remboursement que le bien passera de la collectivité à l individu. Si le prêt n est pas remboursé, le bien reste dans la communauté, la jouissance du bien étant collective. La finance participative se rapproche de la finance tribale car elle permet de collecter auprès de sa communauté les sommes nécessaires à la réalisation d un projet individuel, l effort financier est donc mutualisé. Elle se caractérise également par la collecte de petits montants auprès de nombreux contributeurs qui sont tour à tour micro-mécènes, micro-prêteurs ou micro-investisseurs. I.1.2 Le microcrédit Le «Crowdfunding» (finance participative) s est développé il y a une dizaine d années principalement pour soutenir des projets culturels, artistiques et entrepreneuriaux de faibles montants. Le financement s effectue alors essentiellement sous forme de dons (avec ou sans contrepartie) ou de prêts solidaires 21. Le site www.babyloan.org par exemple, se présente comme le 1 er site européen de micro-finance solidaire, et propose une plateforme qui compte 30.000 contributeurs qui ont d ores et déjà versés 8,7 million depuis 2009 et ont permis de financer 20.000 projets dans 145 pays. A ses débuts, le microcrédit est basé sur un pari : financer des projets locaux, de faible ampleur, générant de faibles revenus mais suffisamment pour créer un écosystème qui permet à des familles, des tribus, des villages de trouver un équilibre économique et de subvenir à leurs besoins primaires. Il a trouvé son essor car il y avait un besoin, dans les pays en voie de développement, de financer des projets de création d entreprise, de développement, qui demandaient très peu de 21 Prêts sans intérêts ou à rendement minime 15

I.L EMERGENCE DE LA FINANCE PARTICIPATIVE capitaux. Dans la plupart des cas, les montants de prêts demandés sont trop faibles pour intéresser les banques qui sont dans un modèle industrialisé et qui demandent par ailleurs des garanties que les publics concernés sont incapables d apporter. Les projets sont pourtant viables et les taux de défaut faibles. Par exemple, un agriculteur a besoin d une charrue pour labourer une parcelle de terre de quelques mètres carrés, pour planter et récolter. L exploitation agricole générera des Cash Flow, mais le montant du crédit est trop faible pour que les banques en tirent un profit supérieur au coût d étude. C est ainsi que le Pr Yunus, créé en 1976, la Grameen Bank 22 qui intervient auprès des populations les plus pauvres au Banglagesh. A ce jour, elle a financé plus de 10 milliards de dollars de crédits avec plus de 8 millions de membres 23 et le marché s est fortement développé. Ainsi, il existe «10 000 institutions de microfinance dans 85 pays, au service de 130 millions de personnes pour un encours de 30 milliards d'euros 24» et les établissements bancaires traditionnels montrent un regain d intérêt. En effet, le microcrédit offre des taux de rendement pouvant aller jusqu à 30% 25 et les nouvelles technologies permettent de traiter à distance des volumes importants à moindre coût. De plus, les prêts peuvent être titrisés et alimenter des portefeuilles de crédit. Néanmoins, la dynamique sociale et solidaire qui finance ces écosystèmes reste très présente. Par exemple, l ADIE 26 «délivre 10 000 à 13 000 microcrédits par an à des chômeurs ou Rmistes créateurs de leur propre emploi, ou à des travailleurs pauvres». Le microcrédit n est donc pas réservé à des projets du bout du monde, il finance aussi les initiatives locales en France. Il représente plus de 600 millions d euros sur le territoire à fin 2011. 22 La Grameen Bank, littéralement «banque des villages» est une banque spécialisée dans le micro-crédit, pour laquelle le Pr Yunus, son créateur a reçu le prix Nobel de la paix en 2006 23 Data Report, Grameen Bank, 12/4/2011 24 Recensement Banque Mondiale 25 Taux annuel 26 Association pour le Droit à l Initiative Economique 16

I.L EMERGENCE DE LA FINANCE PARTICIPATIVE Toutefois, si la finance participative s inspire du microcrédit qui s est développé principalement ces trente dernières années, elle trouve ses origines plus loin dans notre histoire. Par ailleurs, si elle a d abord existé par les dons et les prêts solidaires, les contributeurs se tournent aujourd hui davantage vers le prêt rémunéré et l investissement en capital. I.1.3 Histoire de projets Le bar/tabac «Le Moulin de la Gaité» à Cannes, a par exemple obtenu en trente jours un financement de 75.000 pour ses travaux : 212 prêteurs ont signé pour un taux de 9,2% sur 48 mois 27 sur le site Unilend. La société parisienne Giglam Conseil, quant à elle, souhaitait acquérir du matériel télévisuel destiné à la location : elle a levé 50 000 euros en 13 jours auprès de 147 prêteurs. L affaire s est conclue pour 9,1 % sur 60 mois 28. Côté Capital Investissement, Buzcard, une Start Up qui propose des cartes de visite munies d un QR code qui permet l enregistrement rapide et la mise à jour automatique des coordonnées, a levé 260 000 euros en 72 heures sur la plateforme Anaxago 29. En finance participative, l épargnant donne du sens à son investissement. 27 https://www.unilend.fr/projects/detail/annick-de-terwangne-moulin-de-la-gaite-608 28 https://www.unilend.fr/projects/detail/giglam-conseils 29 Principale plateforme d Investissement en Capital en France avec Wiseed 17

I.L EMERGENCE DE LA FINANCE PARTICIPATIVE Dès lors, le «Crowdfunding» et plus largement les initiatives collaboratives et participatives se développent. Anne Hidalgo 30 par exemple, lance l initiative le 2 Juillet dernier en mettant en place un «budget participatif» : «les citoyens parisiens pourront désormais proposer et choisir des projets qui bénéficieront au total de 5% du budget d investissement de la Mairie, soit 426 millions d euros entre 2014 et 2020 31.» Pourtant, le «Crowdfunding» ne date pas d hier! La finance participative s est ainsi manifestée pour la première fois dans sa forme actuelle à l automne 1875. La construction de la statue de la liberté ou plus exactement de son socle a fait l objet d un appel aux dons et de multiples manifestations (spectacles, etc..) ont été organisées pour collecter les fonds. Plus récemment, en 1958, le réalisateur John Cassavettes réalise la prouesse de collecter 2000 dollars pour réaliser son film, «Shadows». Il lui aura suffi de déclarer lors d une émission de radio «qu il tournerait un film en se passant de producteur si chaque auditeur lui envoyait un dollar» pour réunir la somme en l espace de quelques jours. En 1997, le groupe anglais Marillion se sépare de sa société de Production EMI pour s autoproduire et collecte 60.000 dollars en l espace de quelques semaines pour préfinancer leurs tournées. En France, un des premiers exemples significatifs a été le financement de l album de Grégoire. C est ainsi que «Mymajorcompany» a collecté les 70.000 euros nécessaires à la production de l album, auprès de 350 contributeurs. Si la finance participative est ancrée dans notre culture et notre histoire, reposant sur des valeurs sociales solidaires, son essor actuel doit beaucoup à la révolution numérique et à la crise qui sévit depuis plus de six ans. Le développement des Nouvelles Technologies de l Information et de la Communication (NTIC) et notamment d Internet et des réseaux sociaux, a modifié en profondeur les comportements des individus et leurs besoins. La crise et son impact sur le pouvoir 30 Maire de la ville de Paris depuis 2014 31 http://blog.spear.fr/2014/07/les-impots-et-la-foule/ 18

I.L EMERGENCE DE LA FINANCE PARTICIPATIVE d achat des français ont renforcé cette mutation sociétale au profit d une nouvelle économie. I.2 Internet, une révolution intellectuelle et culturelle Internet, l absence de frontières, de distances et de temps, participent au profond bouleversement de notre société. La révolution numérique a vu successivement le formidable développement de l informatique, d Internet, des réseaux sociaux et des appareils mobiles. Elle transforme en profondeur les usages, réduit les coûts d information, de traitement, d utilisation, le délai d attente. Elle redonne de la proximité et favorise le retour de l échange et du partage. Elle porte en elle les gènes de la désintermédiation et permet l émergence de communautés d internautes, regroupées au sein de réseaux sociaux, bâtissant seuls, une économie collaborative et participative, qui remet en question les uns après les autres les modèles économiques établis. C est ainsi que tour à tour les industries de la musique et du cinéma, les secteurs du transport, de l hôtellerie et de la finance ont été bouleversés. I.2.1 Le traitement de l information L apparition d Internet a profondément modifié notre rapport à l information. D abord consommateurs de contenus, les internautes découvraient l immédiateté avec l apparition du courrier électronique. Il devenait possible de recevoir un courrier en quelques secondes 32. Puis ils sont devenus acteurs, sur des plateformes d échange et de partage, profitant des progrès technologiques qui permettent de traiter des volumes plus importants, plus rapidement. Échanges d avis, de bons plans, débats d idées au sein de «forums», les premières communautés apparaissent sur la toile. Plus tard, le Peer to Peer 33 (P2P) permet l échange de 32 En réalité, il fallait déjà plusieurs minutes pour se connecter sur la page de la boîte de réception avec un modem 28K. 33 Littéralement : «de pair à pair», dans ce contexte, on fait référence aux plateformes qui permettaient de télécharger illégalement musiques ou vidéos à partir du contenu des autres internautes connectés 19

I.L EMERGENCE DE LA FINANCE PARTICIPATIVE fichiers audio et vidéo au sein de plateformes dédiées (Napster, Emule, Kazaa 34 ), consacrant la facilité d usage, l immédiateté, la variété et la richesse culturelle. A cet égard, le Peer to Peer a été la première véritable innovation de rupture, obligeant les industries de la musique et du cinéma à changer en profondeur leurs modèles économiques. Enfin, l internaute producteur et distributeur, devient source d informations et de contenus. On parle de «crowdsourcing» 35. Les blogs 36, les contenus produits par «la foule», s enrichissent et alimentent Wikipedia 37, Youtube 38, les réseaux sociaux, les pages Internet des marques et des sites marchands. Ainsi, les avis, conseils, recommandations et contenus sont partagés par chacun au profit de tous. Les réseaux sociaux permettent la création de communautés d intérêts, amicales ou professionnelles, éphémères ou durables, et consacrent la participation de chaque individu comme source 39 en leur sein. Dès lors, ils décuplent le volume d informations échangées instantanément sur la toile comme l illustrent Facebook 40 et Twitter 41 par exemple. 2,7 milliards d internautes dans le monde, 35% de la population mondiale, 83% des français, peuvent alimenter la toile d articles, d avis, de notes, de témoignages... Un pouvoir sans commune mesure! Ces outils permettent la mise en relation directe des individus qui peuvent dès lors s affranchir d intermédiaires. Les entreprises quant à elles, sont conscientes que le consommateur est désormais informé, autonome, responsable. Elles s adaptent à 34 Il s agit des trois plateformes les plus significatives à cette époque 35 Fichiers ouverts alimentés d informations et de contenus par la foule 36 Pages informatives rédigées par les internautes eux-mêmes 37 Encyclopédie «open source» ou collaborative qui permet à chaque internaute d enrichir les contenus 38 Site de diffusion de contenus audio et vidéo en streaming enrichi par tous 39 Commentaires, photos, avis conseils, vidéos, musiques 40 1 er réseau social privé en France, développé à Harvard il y a une dizaine d années comme un outil de mise en relation d anciens élèves, il a pris une toute autre ampleur pour compter aujourd hui plus d 1 Milliards d utilisateurs 41 Réseau social où l on diffuse des messages instantanés sous forme de «notes d humeurs», héritier de MSN ou ICQ 20