André Masséna (1758-1817) Duc de Rivoli Prince d Essling Maréchal de France "L enfant chéri de la victoire" (1796) Avant de commencer mon autobiographie, je vais formuler en quelques lignes l histoire de mon ancêtre dont je suis un proche descendant : La famille Masséna, dont l origine du nom se perd dans un flou certain, est arrivée du Piémont, vers 1450, et s est installée dans la vallée de la Vésubie, dans le village de Levens. Et ils ont eu beaucoup d enfants. Le grandpère d André (il se prénommait Dominique) a eu trois fils, Jules, Augustin et Marcel. Les deux premiers s établissent à Nice, le troisième s engage au service de la France, dans le Royal-Italien. On le reverra croiser la route de notre héros. En 1747, Jules, sans doute sous la pression de ses parents, accepte de prendre la place de son frère Augustin, lorsque celui-ci est nommé pour servir au régiment national de la ville, et de rentrer, lui aussi, au Royal-Italien. Sept ans plus tard, le 1er août 1754, Jules épouse en justes noces Catherine Fabre. Le mariage a lieu à Nice, en l église Saint-Martin. Il installe un petit négoce de vin à La Bourgade. André Masséna est né à Nice le 6 mai 1758, d une famille de commerçants levensans établie sur la rive droite 9
du Paillon, à la Bourgade. Il fut baptisé à la cathédrale Sainte-Réparate, et ses descendants offrirent, à la fin du siècle dernier, la splendide paire de candélabres en bronze doré qui en décore le maître-autel Le jeune Masséna perdit très tôt son père. Sa mère se remaria, et l enfant fut élevé par ses oncles et ses grandsparents, qui ne lui donnèrent aucune éducation. Il passa son enfance à Levens, dans ses maisons familiales de la Siga et du Serret. Il poussa seul, avec les gamins du port de Nice, parmi lesquels il fit la connaissance de Joseph Bavastro, le futur corsaire. A treize ans, il travailla comme mousse sur un navire de commerce, et retrouva à Toulon un de ses oncles, engagé dans un régiment français, le Royal-Italien. Il abandonna alors sa vocation maritime pour le rejoindre, en 1775. C est grâce à cet oncle qu à dix-sept ans, Masséna apprit à lire, écrire et compter. Sa carrière militaire en France le déçut. Quoique pourvu d indéniables qualités de meneur d hommes et d instructeur, il ne pouvait aspirer au grade d officier, réservé à la noblesse. Il quitta l armée en 1789, se maria et s installa à Antibes comme épicier. La Révolution lui offrit une seconde chance militaire. Il s engagea dans la Garde nationale, puis, en 1791, dans un régiment de volontaires. Il y fut élu lieutenant-colonel en février 1792, à la veille de l invasion du comté de Nice. Rentré dans sa ville natale sous l uniforme français, il contribua d une façon décisive à défaire les troupes alliées qui défendaient Nice contre l invasion. Sa grande carrière militaire commença en 1793 quand, de sa victoire d Utelle, puis de sa participation au siège de Toulon, il se 10
vit attribués les grades de général de brigade puis de division. Au printemps 1794, sa chasse aux troupes alliées s acheva avec la victoire de Colle ardente (28 avril). Chaque année le vit, à la tête de ses troupes, aligner les succès : en 1795, à la bataille de Loano ; en 1796, désormais sous le commandement de Bonaparte, durant toute la campagne d Italie ; en 1797, à la bataille de Rivoli. En 1799, Bonaparte étant bloqué en Egypte, il fut nommé commandant en chef de l armée de Suisse et défit Autrichiens et Russes à la bataille de Zurich, préservant la France de l invasion ; en 1800, assiégé dans Gênes, il attira sur lui le gros des troupes autrichiennes, que Bonaparte surprit et écrasa à Marengo. C est d ailleurs durant ce siège qu il retrouva Joseph Bavastro, qui obligea régulièrement le blocus naval anglais à le ravitailler et à l informer. Masséna prit ensuite part aux grandes campagnes de l Empire : celle d Austerlitz, en 1805, où il retint en Italie une partie importante de l armée autrichienne ; celles de 1806 et 1807, où il dirigea divers corps d armée dans le royaume de Naples, en Prusse et en Pologne ; celle de 1809, enfin, où il ouvrit la bataille d Essling et joua un rôle décisif à celle de Wagram. Mais l âge et la lassitude s imposèrent. Napoléon le nomma en 1811 commandant de l armée du Portugal, avec pour mission d en déloger les Anglais. Ce fut un grave échec. Il fut disgracié et ne prit plus part aux campagnes suivantes. A la fin de l Empire, il fut relégué comme gouverneur de la région militaire de Marseille. Lors des Cent Jours, c est dans sa circonscription que débarqua Napoléon, le 1er mars 1815, à Golfe-Juan. D abord, il le proscrit, puis se rallia au nouveau régime. 11
Napoléon lui pardonna. Lors de la Seconde Restauration, on lui reprocha son attitude ambiguë et, miné par la tuberculose, Masséna s éteignit à Paris le 4 avril 1817. Il fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise. Sur sa tombe fut érigé un obélisque de marbre. Sur une des faces fut gravé son nom et sur les autres ceux de ses plus importantes victoires. Masséna fut un soldat courageux et un remarquable entraîneur d hommes. Il développa un sens tactique aigu, où percèrent parfois des éclairs de talent stratégique. Il fut cependant doté d une rapacité à toute épreuve, fruit d une enfance modeste. A deux reprises, lorsqu il dirigea l armée d occupation de Rome (1797), puis de Suisse, le gouvernement lui retira son commandement pour n avoir su réprimer ses instincts pillards, au grand dam de ses propres subordonnés, qui n étaient pas eux-mêmes des modèles de vertu. Si ce vice était en son temps commun, il n en valut pourtant pas absolution. A l égard de Nice, l attitude de Masséna fut assez lointaine. Il n intervint véritablement qu en 1812, pour hâter la décision d y établir le lycée Impérial, matrice de celui qui porte son nom. Cependant, ses contemporains reconnurent en lui une sorte de précurseur de choix et surtout un modèle de force guerrière. C est pourquoi, dès les années 1830, la Ville de Nice donna aux voies conduisant vers la France (rue et place) le nom de Masséna. En 1869, on lui dédia une statue. Enfin, en 1901, ses descendants firent construire une splendide villa sur la promenade des Anglais, et la léguèrent dans les années 1920 à la ville pour y établir un musée d art et d histoire portant son nom. Napoléon avait donné à Masséna le surnom d "Enfant chéri de la victoire". Il le fit maréchal à la première pro- 12
motion, celle de 1804, duc de Rivoli en 1808 et prince d Essling en 1810, le décora de la Légion d Honneur et le combla d honneurs. L homme courageux qu il était méritait ces distinctions. Le fils aîné du prince Masséna, Prosper, déjà malade, ne survécut que trois ans à son père et mourut sans prospérité. De son deuxième fils, Victor, et de sa fille, le maréchal Reille, furent issus les descendants actuels de la famille. Aujourd hui, son descendant direct, Victor-André Masséna, né en 1950, est Président de la Fondation Napoléon. Descendant du maréchal d empire, il s est toujours passionné pour l histoire, surtout pour l histoire militaire. Il est Vice-président du conseil d administration du musée de l Armée. Juriste de formation, il fut nommé en décembre 1995 adjoint du haut représentant de l ONU en Bosnie- Herzégovine, responsable du développement et de la reconstruction en 1996 puis adjoint de M. Carl Bildt, représentant spécial du Secrétariat général de l ONU. Il remplaça le baron Gourgaud en décembre 2005, au poste de Président de la fondation Napoléon. Ma famille est issue de l une des branches généalogiques de l illustre descendant, le Maréchal de France, André Masséna. Le Palais Masséna 65, rue de France à Nice La villa Masséna, construite de 1898 à 1901, sur le modèle des villas italiennes du Ier Empire, fut édifiée sur des plans de Thiercelin, architecte à Paris ; les travaux furent dirigés par Messiah, architecte à Nice. Cette magnifique demeure était destinée à un petit-fils du Maréchal, Victor Masséna, Duc de Rivoli, devenu en 13
1898, à la mort de son frère aîné, le cinquième Prince d Essling. Le Prince Victor, né à Paris en 1836, recevait somptueusement dans sa villa des hôtes de qualité, notamment l Impératrice Eugénie. Après la guerre de 1914-1918, André, le fils de Victor, céda sa villa à la Ville de Nice à condition qu elle soit transformée en un musée d histoire locale et que les jardins soient ouverts au public. Le Musée Masséna, inauguré en 1921, présente au rezde-chaussée un magnifique ensemble de salons de style Ier Empire réunissant de nombreux objets relatifs à l époque napoléonienne. Au premier étage sont regroupés les fonds d intérêt général. La grande galerie est dédiée aux Primitifs, à des sculptures et à des pièces d orfèvrerie religieuse exceptionnelles. Y est présenté un ensemble très homogène d œuvres italiennes (Lorenzo Monaco, Bernado Zenale, Giovanni da Gaeta, Cosimo Rosseli), flamandes, espagnoles (Martin de Soria) et niçoises (Durandi, Brea ). Une salle est consacrée aux sculptures de l époque fin XV ème début XVI ème, d origines flamande et germanique ; elles proviennent de la donation Joubert et constituent la collection la plus importante du midi de la France. Ornements liturgiques précieux (XV ème XVIII ème siècles), objets d orfèvrerie médiévale, Trésor des Pêcheurs niçois et surtout collection d objets de piété familiaux occupent une deuxième salle. La fameuse collection d armes et armures la collection la plus importante des musées de province dans cette catégorie d objets. Enfin, au premier étage est présentée une collection de céramiques, faïences et porcelaines italiennes, du midi de la France et espagnoles, datant du XVI ème au XIX ème siècle. Au second étage, des pièces prestigieuses figurent dans les salles consacrées au Ier Empire, à Masséna, à Garibaldi. 14
Les origines du lycée Masséna Le 21 septembre 1792, les armées révolutionnaires françaises envahirent le Comté de Nice qui devint un département français. Conformément à la loi du 3 Brumaire An III (25 octobre 1795) votée sous la Convention, une École Centrale (première école secondaire des Alpes-Maritimes) fut créée dans l ancien couvent des Augustins Déchaux, bâti en 1623 par l architecte Massièra à «la Bourgada», outre- Paillon, juste en face du Pont-Vieux. L ouverture de cette École Centrale ne fut effective qu à la fin de l An VII et ne dura que trois ans. La loi du 2 Floréal An X (1er mai 1802), votée sous le Consulat, d après un projet de Fourcroy, fit fermer les Écoles Centrales pour les remplacer par des Lycées, à raison d un par département. En la séance du conseil municipal du 4 Thermidor An X (23 juillet 1802) le maire, François Defly, déclara : «C est au général en chef Masséna, notre compatriote, que nous devons demander de se charger de nous représenter et de nous accorder sa protection pour la création du Lycée». Par arrêté du 1er Vendémiaire An XII (22 septembre 1803), le triumvirat consulaire décréta la fondation d un lycée de 3ème catégorie à Nice. Les travaux furent souvent interrompus à la suite de vicissitudes tant administratives que financières ; Louis Romey, maire de Nice, eut beau s écrier le 29 juin 1807 : «Le Lycée Impérial de la ville de Nice sera mis promptement en activité», les travaux furent suspendus le 21 octobre de la même année pour ne reprendre que le 20 juillet 1811! Louis de Fontanes, grand Maître de l Université, écrivit à Masséna pour lui indiquer que le lycée pourrait être ouvert pour la rentrée des classes. Or celui-ci n ouvrit 15
qu en février 1812, avec à sa tête (grâce à son amitié avec Napoléon), un représentant de l ancienne noblesse niçoise, J.F. de Orestis, maire de Nice depuis 1808. Pour pallier son inexpérience, on fit appel au principal du collège de Sens, M. Tranchant, pour l appuyer dans sa tâche. En 1963, le lycée de garçons de Nice fut officiellement nommé «Lycée Masséna» en souvenir de l active participation du Maréchal d Empire à la construction du premier lycée impérial. Ma biographie commence au milieu d un univers rural, dans un cadre verdoyant, enchanté, paisible et familial. Le gavroche que j étais dans ma campagne à vingtdeux kilomètres de Nice m a donné la volonté de devenir un petit personnage, digne d un roman. 16
Préface Proche descendant du célèbre bras droit de Napoléon 1 er, Jean-Louis Masséna a des idées plein la tête. Ce fonctionnaire de police est loin de se contenter du rituel métroboulot-dodo. Par goût du contact humain et grâce à sa future entrée en politique, il veut donner la parole aux citoyens et restaurer la communication. Adepte d une Europe unie, ce personnage haut en couleurs a bien l intention de se faire un prénom. Après une carrière dans la Police nationale, il projette de s investir en politique. Il continuera sa trajectoire dans l ascension du pouvoir si l opportunité lui sourit. Un rêve d enfance au service de son pays, un sacerdoce, une passion, c est sa conviction pour faire gagner la France et la rendre forte et respectée dans le monde. Il croit à l avènement d une société des valeurs morales. Notre pays doit se redonner des valeurs et retrouver le moral. Il faut réhabiliter le travail, le goût de l effort, du respect, de l autorité. Mais aussi le mérite, la réussite, l humanisme, la tolérance, dans une société combative. La France doit redevenir le fer de lance de l Europe. Il a voulu écrire ce livre pour évoquer le parcours d une vie dans son ensemble et raconter notamment son métier. Aussi, faire passer un message, rendre hommage à ses parents qui lui ont inculqué les valeurs les plus honorables, l humilité, le respect et l honnêteté. 17
L ouvrage raconte l enfance d un petit Niçois, ou plus exactement d un Levensan, une enfance faite de joie, de bonheur simple, d attachement à la terre, puis de liberté, de découverte, promettant un avenir rempli d inattendus. D où sans doute sa manie de s abîmer les yeux dans les livres scientifiques et historiques, à la découverte du monde au travers de la lecture, d un voyage littéraire. Passionné très jeune notamment par la peinture sur toile, le dessin, il conservera quelques reliques de ses oeuvres. Quittant l école primaire avec le certificat d études et de bonnes notations, il ne put accéder à l enseignement général, ayant soi-disant atteint la limite d âge, bien qu il n eût que quatorze ans. Une déception certaine, lui qui aurait aimé continuer ses études avec ses camarades de classe. Son père préféra qu il apprenne un métier, mais le choix en fut restreint. Il souhaitait se diriger vers un apprentissage de dessinateur industriel ou d électricien, possédant quelques prédispositions. Mais les circonstances en décidèrent autrement. Faute de place au Lycée Pierre Sola, il fut contraint de choisir entre les métiers de maçon, menuisier ou serrurier. Sans réelle motivation, il tenta l aventure dans la serrurerie. Après trois années d enseignement professionnel à l internat du lycée, il fut employé dans une entreprise de construction métallique à Tourrette Levens, au-dessus de Nice. Pour changer de cap, deux ans et demi plus tard, il devança l appel et il effectua son service militaire dans les commandos d Infanterie de Marine à Fréjus (Var). A la fin de ses obligations militaires, il postula pour entrer dans la Police nationale, sa vocation première. Il fit ses armes à Lyon et connut ses premières joies fébriles au cours d arrestations de malfaiteurs, notamment à la 18