Dangerosité des appareils électroniques de jeu et mesures de protection



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Dangerosité des appareils électroniques de jeu et mesures de protection Jean Leblond, Ph. D. (psychologie) Document d analyse remis au Directeur de santé publique de la Capitale-Nationale Dans le cadre des travaux de rédaction de l Avis de santé publique sur l implantation des salons de jeux au Québec 20 février 2007

2 Référence suggérée : Leblond, J. (2007). Dangerosité des appareils électroniques de jeu et mesures de protection. Document d analyse remis au Directeur de santé publique de la Capitale Nationale dans le cadre des travaux de rédaction de l Avis de santé publique sur l implantation des salons de jeux au Québec. Québec, QC. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 2

Présentation du document Ce document, commandé par la Direction de la santé publique de la Capitale-Nationale, a pour objectif d appuyer la réflexion des spécialistes de la santé publique dont le mandat est de maintenir la population en santé à l égard du jeu. L approche est ainsi résolument centrée sur l identification des comportements sains, c est-à-dire des comportements sécuritaires. Le concept de jeu sécuritaire Le concept de jeu sécuritaire consiste à préciser dans quelles limites la population québécoise peut jouer sans craindre de développer une dépendance à l égard du jeu ou d y subir des dommages. Une promotion proactive de la santé permet ainsi d identifier les limites à l intérieur desquelles il est possible de satisfaire, de manière éthique, le désir légitime de la population de jouer en s amusant pleinement. Par des mises en garde, l environnement de jeu doit garantir que la personne est pleinement informée des risques, des moyens de s en prémunir, des mesures curatives ou palliatives disponibles, des difficultés éventuelles à résoudre ou contenir les problèmes de jeu ainsi que de l ampleur des dommages auxquelles elle s expose lorsque les limites sont dépassées. Ce concept contraste radicalement avec le concept de jeu responsable dont l objectif est surtout de dépister l insanité et de tenter de minimiser les méfaits, les dommages. Cette approche intervient trop tardivement dans l évolution des problèmes de jeu. Le rôle de la Santé publique ne doit pas se limiter à celui d ambulancier lorsque la personne est déjà détruite par le jeu. Les critères du jeu sécuritaire Des critères de jeu sécuritaire ont été recherchés. Après avoir inventorié la littérature scientifique, une seule étude a proposé des critères opérationnels, raisonnablement quantifiables, et qui peuvent être facilement compris. Ainsi, une étude complémentaire 1 de l ESCC 2 a tracé des courbes de risque en fonction de la fréquence et de la dépense au jeu. Les auteurs ont alors défini trois critères à l intérieur desquels le jeu peut être considéré comme exempt de problèmes. Ces critères de jeu sécuritaire sont : 1 Currie, S. R., Hodgins, D. C., Wang, J., el-guebaly, N., Wynne, H., & Chen, S. (2006). Risk of harm among gamblers in the general population as a function of level of participation in gambling activities. Addiction, 101, 570-580. 2 L enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) a été réalisée en 2002 par Statistique Canada. Voir : Statistique Canada. (2002). Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes: santé mentale et bien-être. Document 82-617-XIF. Ottawa, ON : auteur.

Présentation du document - 4 Ne pas jouer plus de 2 ou 3 fois par mois. Ne pas dépenser annuellement au jeu plus de 250 à 500 dollars (ou 500 à 1000 dollars si on inclut les billets de loterie). Ne pas dépenser au jeu plus de 1% du revenu familial brut. Dès que la personne outrepasse un seul de ces critères, elle doit être consciente qu elle s engage dans une zone à risque d autant plus que l écart est grand. Lorsque les écarts vont en s accroissant continuellement, il y a lieu de considérer qu il y a perte de contrôle sur la dépense au jeu. Ces critères ne sont pas définitifs. Des études, spécifiquement dédiées à l identification des critères du jeu sécuritaire, consolideraient l identification du répertoire des comportements à suivre et la précision des seuils. Ces critères peuvent être nuancés, par exemple, en fonction des catégories socioéconomiques, des structures familiales, des activités de jeu ou des régions. Le concept de dangerosité Un autre objectif de ce document a été de répertorier les indices de dangerosité des appareils électroniques de jeu (AÉJ) ainsi que les mesures de protection qui pourraient rendre ces appareils sécuritaires. Avant même de commencer à jouer, il existe des indices de dangerosité des AÉJ parce que ces appareils sollicitent vers la morbidité des processus potentiellement sains. Ce sont l intelligence écologique et l optimisme irréaliste à l égard du danger de développer une maladie. Des croyances erronées quant au hasard se manifestent typiquement, de manière naturelle, chez la plupart des individus. Elles ne sont pas pathologiques. Elles correspondent à un mécanisme d adaptation 3, issu de l évolution humaine, et qui est qualifié d intelligence écologique 4. Dans le hasard, contrairement au monde réel, il n y a pas de relation de cause à effet. Dans un tel contexte, les jeux de hasard sont des environnements artificiels qui posent des pièges exploitant les failles naturelles de cette intelligence écologique. 3 (a) Todd, P. M. (2001). Fast and frugal heuristics for environmentally bounded minds (pp. 51-70). Dans G. Gigerenzer et R. Selten (éditeurs), Bounded rationality : the adaptive toolbox. Cambridge, MA : MIT press. (b) Sadrieh, A. et al. (2001). Group report : is there evidence for an adaptive toolbox? (pp. 83-102). Dans G. Gigerenzer et R. Selten (éditeurs), Bounded rationality : the adaptive toolbox. Cambridge, MA : MIT press. (c) Martignon, L. (2001). Comparing fast and frugal heuristics and optimal models (pp. 147-171). Dans G. Gigerenzer et R. Selten (éditeurs), Bounded rationality : the adaptive toolbox. Cambridge, MA : MIT press. 4 Gigerenzer, G. (2000). Ecological intelligence (pp. 59-76). Dans Adaptive thinking : rationality in the real world. New York, NY : Oxford university press. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 4

Présentation du document - 5 Un optimisme irréaliste à l égard de développer des maladies est un concept phare de la psychologie de la santé 5. L absence d optimisme irréaliste conduit à des états dépressifs 6. Lorsqu on est préalablement en santé, il est ainsi naturel de se croire résistant au danger. Par ailleurs, il est évident que la structure des jeux sur AÉJ sollicite une activation des processus mentaux qui ne peut que favoriser une dépendance psychologique à leur égard. Pour jouer, la personne doit accepter de diminuer la portée de ses raisonnements. En effet, le jeu sur AÉJ omet délibérément de préciser des informations cruciales au raisonnement normatif. Dans cette situation, les seuls processus mentaux qui peuvent s activer conduisent essentiellement au développement d automatismes, d une persistance à jouer et au développement d une conscience erronée de la situation. Dès qu une expérience fortuite de gains apparaît comme étant significativement différente du hasard, de fortes illusions de contrôles incitent les joueurs à dépenser de l argent qu ils ne peuvent pas perdre. Il s enclenche alors un surinvestissement dans la dépense au jeu dans l espoir de se refaire, de récupérer des montants qui sont pourtant définitivement perdus. Dès lors, si une aide n est pas apportée, des dommages sévères sont quasiment inévitables. Si la personne n est pas mise en garde contre ce processus pathogène, elle a peu de chance de le réaliser pendant que ce processus s installe. Le jeu pathologique sur AÉJ est particulièrement insidieux parce que ses racines se développent durant une phase gagnante. En effet, le gain significatif est le principal facteur pathogène qui concrétise les illusions de contrôle. Durant cette phase gagnante, la personne a un plaisir réel à jouer, et elle ne subit aucun dommage financier. La conscience du problème de jeu survient ultérieurement lorsque les pertes se sont déjà accumulées, parfois jusqu à l endettement. Dans un tel cas, l épuisement des ressources financières diminue, de manière critique, la capacité de la personne à financer les initiatives qu elle devrait entreprendre pour résoudre son problème de jeu. La «solution» morbide est alors de retourner au jeu dans l espoir d y faire le gros gain qui restaurerait la capacité financière. L expérience de jeu sur AÉJ peut induire une dépendance psychologique, et elle peut conséquemment entraîner des dommages. En particulier, les AÉJ sont des produits dangereux parce qu ils ont la capacité : 5 (a) Weinstein, N. D. (1980).Unrealistic optimism about future life events. Journal of personality and social psychology, 39(5), 806-820. (b) Weinstein, N. D. (1987). Unrealistic optimism about susceptibility to health problem: conclusions from a community-wide sample. Journal of behavioral medicine, 10(5), 481-500. (c) Taylor, S. E., & Brown, J. D. (1988). Illusion and wellbeing: a social psychological perspective on mental health. Psychological bulletin, 103(2), 193-210. 6 Alloy, L. B., & Ahrens, A. H. (1987). Depression and pessimism for the future: biased use of statistically relevant information in predictions for self versus others. Journal of personality and social psychology, 52(2), 366-378. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 5

Présentation du document - 6 d induire une dépendance pathologique, o et conséquemment de causer des dommages considérables, de capter une dépendance déjà existante à l égard d une autre activité de jeu, o et conséquemment d aggraver les dommages subis par les joueurs déjà excessifs. Ils sont aussi dangereux en raison de l incapacité actuelle des traitements à restaurer un état sain chez tous les utilisateurs qui y ont développé une dépendance pathologique. Des progrès importants ont été réalisés au Québec dans le domaine du traitement cognitif du jeu pathologique. L application à grande échelle témoigne cependant de quelques difficultés qu il reste à résoudre. Qu est-ce qu un appareil électronique de jeu? Les AÉJ englobent tous les appareils permettant de jouer à des jeux de hasard et d argent dont le mécanisme de tirage est électronique. Au Québec, il existe deux catégories d AÉJ. Les machines à sous (MAS) et les appareils de loterie vidéo (ALV). Une nouvelle catégorie fera son apparition dans les salons de jeu, soient les tables de jeu automatisées 7 (TJA). Avant l étatisation des AÉJ en 1993, il existait des appareils de poker vidéo (APV) qui étaient souvent opérés illégalement. Les MAS sont situées uniquement dans les casinos. Leur fonctionnement est soumis à la réglementation des jeux de casinos. Typiquement, les MAS n offrent qu un seul jeu quoique des MAS voisines peuvent offrir une grande variété de jeux. Les ALV sont situés dans les bars ou dans les hippodromes où ils sont opérés par des détaillants privés qui sont titulaires d un permis de la Régie des alcools et des jeux du Québec (RACJ). Afin de vérifier l intégrité des détaillants, les ALV sont reliés en réseau et leur fonctionnement est supervisé à partir d un ordinateur central. Ils offrent plusieurs jeux. Leur fonctionnement est soumis à la réglementation des appareils de loterie vidéo. Les TJA sont de véritables tables de jeu pouvant offrir des jeux de roulette, de cartes et même des simulations de courses de chevaux. Outre l absence de croupier, les joueurs ont la possibilité d y jouer sans que les partenaires de jeu ne puissent porter un jugement sur l habileté ou la compétence d autrui 8. Les mises sont inscrites discrètement sur un écran individuel. Les gains ou pertes ne sont pas davantage connues des partenaires de jeu. Les TJA offrent une discrétion que ne procurent pas les tables de jeu. 7 En anglais, multiplayers games. 8 Faust, F. (2006-2007). New breed of table games. Canadian gaming business, 1(3), 22-26. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 6

Présentation du document - 7 Les chapitres Le premier chapitre inventorie la dépense au jeu de la population adulte québécoise. Là où c est possible de le faire, la dépense a été analysée en fonction de chaque activité de jeu. La dépense per capita (DPC) et la dépense par joueur (DPJ) sont comparées au second critère du jeu sécuritaire, donc par rapport au seuil d une dépense de 500 dollars annuellement. Le constat qui émerge de cette analyse est que la DPC est un estimateur trompeur de la situation réelle. Selon cette estimateur, la dépense moyenne des Québécois se maintiendrait à l intérieur du second critère du jeu sécuritaire. Mais, tous les adultes québécois ne jouent pas. Lorsque la DPJ est analysée, les dépenses moyennes au jeu, les plus récentes, dans les loteries vidéo ($ 2 146), dans les courses de chevaux $ 1 523) ou dans les casinos ($ 722) dépassent, à elles seules, le second critère du jeu sécuritaire. Comme il s agit d estimations moyennes, de tels montants suggèrent qu une portion considérable des joueurs, à ces activités, éprouvent des problèmes de jeu. Cela est d autant plus préoccupant que la catégorie des joueurs a été définie comme étant n importe quel adulte qui a misé au moins une fois dans l année à cette activité. De nombreux joueurs très occasionnels étaient inclus. Si au lieu de prendre en considération tous les joueurs annuels, la DPJ s était limitée aux joueurs mensuels, c est-à-dire les joueurs réguliers, les estimations moyennes auraient été nettement supérieures. Le second chapitre dresse un portrait des ALV au Canada. Compte tenu que l exploitation des ALV est presque similaire dans les huit provinces canadiennes qui les exploitent, des parallèles intéressants peuvent être fait. De plus, la mise en commun de plusieurs estimations procurent des données statistiques plus stables, plus résistantes aux cas particuliers. Le troisième chapitre traite expressément de la dangerosité des AÉJ. Ceux-ci sont dangereux parce qu ils ont le potentiel de créer de nouveaux joueurs pathologiques, ainsi que la capacité d attirer plus puissamment les joueurs qui sont déjà pathologiques. La dangerosité est constatée de plusieurs façons, dont (a) la prévalence de jeu excessif parmi les joueurs sur AÉJ, (2) le pourcentage de joueurs excessifs qui s intéressent aux AÉJ, (3) la proportion des revenus des AÉJ qui provient des joueurs excessifs, (4) l intensité de la dépense mensuelle sur les AÉJ, (5) l incapacité à faire une autoévaluation correcte de la dépense sur les AÉJ, et (7) le pourcentage des demandes d aide provenant de joueurs accrochés aux AÉJ. Le quatrième chapitre explore la dangerosité croisée qu il y a à rapprocher les AÉJ des hippodromes. On ne doit pas oublier que les courses de chevaux ont un passé trouble avec le jeu pathologique. La relance des courses de chevaux pourrait aussi signifier la relance du jeu pathologique. Ce risque est d autant plus préoccupant que les exemples provenant de d autres juridictions laissent entrevoir que les AÉJ pourraient surtout contribuer à la relance du pari hors course. Dans ce cas, les travailleurs des champs de courses québécois ne seraient pas les gagnants de cette relance du jeu pathologique. Le chapitre cinq modélise le processus pathogène conduisant aux problèmes de jeu. Une stratégie de santé publique implique alors que l on intervienne directement dans le processus pathogène en imposant des modifications structurales aux AÉJ qui sont susceptibles d empêcher que les conditions de déclenchement du jeu pathologique ne surviennent. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 7

Présentation du document - 8 Le chapitre six répertorie et évalue de nombreuses mesures de protection qui ont été explorées de par le monde. Compte tenu que les AÉJ peuvent varier beaucoup d une juridiction à l autre, et que les produits pourraient ne pas être exportables, un accent particulier est mis sur les travaux réalisés au Canada. Enfin, un lexique est proposé afin d aider au développement d un langage commun. Les mesures de protection Les mesures de protection, expérimentées jusqu à présent, visent surtout des aspects qui sont en périphérie du processus pathogène. En ce sens, elles ne peuvent qu avoir des impacts mitigés. Néanmoins, quelques mesures apparaissent souhaitables : La désactivation du bouton d arrêt (ceci est déjà en vigueur). La réduction de la vitesse de jeu (indépendamment de la désactivation du bouton d arrêt). La réduction des heures d accès aux ALV. La fermeture des ALV à minuit a démontré son efficacité. L utilisation d une carte-client uniquement en vue de permettre aux joueurs de définir eux-mêmes des périodes d autoexclusion. Cette carte-client doit alors être obligatoire pour tout le monde en tout temps. D autres mesures pourraient aussi être envisagées après avoir été testées. Une suggestion de la commission Nijpels consiste à concevoir l interface des ALV en fonction de deux soldes. Le premier solde est celui des mises. En début de session, le joueur y insère un montant d argent à partir duquel il puisera ses mises. Le second solde reçoit les lots. Il n est alors pas possible de transférer le montant de ce second solde dans le premier sans provoquer un encaissement global, et donc un arrêt de jeu. Cette mesure peut réduire les occasions de rejouer continuellement les gains sans prendre conscience de l argent qu on y perd. Au lieu de demander au joueur de fixer préalablement la durée souhaitée de la dépense au jeu, il serait préférable qu on lui demande le montant qu il est prêt à perdre. Il manque deux odomètres à l écran des ALV. Le premier doit indiquer au joueur la vitesse de sa dépense au jeu. Le joueur pourrait ainsi évaluer combien lui coûtent 10 minutes de jeu. Le second doit indiquer la vitesse des sets. Dès lors, il serait plus facile au joueur de déceler quand il accélère sa cadence par rapport à son comportement habituel. Dans une vision à plus long terme, il est nécessaire d envisager des mesures qui s attaquent plus directement au processus pathogène. L optimisme irréaliste à l égard du danger de devenir malades des AÉJ doit être contré d une manière nettement plus ferme. Actuellement, la documentation Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 8

Présentation du document - 9 donnée au joueur tend plutôt à favoriser cet optimisme irréaliste. Avant même de s initier au jeu, et particulièrement au moment où ils le font, les joueurs doivent être mis en garde contre : o Le risque de développer une dépendance pathologique à l égard des AÉJ en jouant sur les AÉJ. C est beaucoup plus qu une très petite minorité de joueurs qui développent des problèmes sur les AÉJ. En l occurrence, 15% des joueurs annuels sur ALV sont des joueurs pathologiques. En raison de leur durée de jeu plus longue, à chaque instant, la probabilité pour qu un joueur assis en face d un ALV soit un joueur pathologique est de 35%. À travers le monde, environ 46% des revenus tirés des ALV proviennent des joueurs pathologiques. En Alberta, il s agit de 67%. En Nouvelle-Écosse, 53%. o L intensité des dommages possibles. Lorsque les joueurs pathologiques se décident enfin à demander de l aide, ceux-ci ont d importantes dettes de jeu. Leur vie familiale, sociale ou professionnelle est en danger de rupture lorsque cela n est pas déjà fait. Certains joueurs en viennent à commettre des crimes. Certains joueurs se suicident parce qu ils ne voient plus comment s en sortir. o o Les traitements du jeu pathologique ne permettent pas encore de restaurer un état parfaitement sain à l égard du jeu. Il n est pas possible de revenir complètement en arrière. Les mises en garde doivent indiquer quels moyens existent pour se prémunir des dangers et des dommages. Ces moyens doivent avoir été évalués empiriquement. Sans équivoque, il est nécessaire de réduire les occasions de gain significatif sur les ALV. C est le principal facteur pathogène. Cela peut être obtenu en réduisant le taux de remise effectif, paradoxalement en augmentant la taille des lots les plus importants, en imposant une mise minimale plutôt que maximale, en réduisant les occasions de jeu mutliligne, en augmentant les occasions de jeu multicrédit, ou en multipliant les lots de faibles valeur. Il existe de nombreuses manières d y parvenir. Une solution adaptée au marché peut être trouvée. Les croyances erronées sont au jeu pathologique ce que l oxygène est au feu. En soi, elles ne sont pas dangereuses. Elles sont cependant ce qui permet au jeu pathologique de s enflammer. Des cédéroms d information doivent être Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 9

Présentation du document - 10 élaborés sur lesquels des simulateurs des jeux disponibles permettraient aux joueurs de tester à la maison les stratégies de contrôle que certains joueurs croient possible. Ces simulateurs personnels n impliqueraient pas d argent. Ainsi, après un gain significatif, le joueur en illusion pourrait faire ses tests sans dilapider ses biens. Un professionnel de la santé, en particulier en ce qui a trait aux pratiques de jeu sécuritaire, doit être présent en tout temps lorsque le public a accès à un salon de jeux. L action de ce professionnel peut s inspirer du protocole d intervention déjà utilisé par les employés de la firme Holland casino qui est déjà le principal consultant de Loto-Québec en matière d établissement de jeu. L ascendance du crime organisé sur le jeu En terminant, dans la perspective de la production d un avis de la Santé publique concernant le projet des salons de jeux, Loto-Québec a requis que soit examiné la menace du développement de marchés gris ou clandestin (appareils illégaux) si ce projet n était pas réalisé tel que proposé. L existence de ces marchés, prétendument contrôlés par des criminels, est la principale justification qui a motivé l étatisation des ALV en juin 1994. Depuis, ces marchés illégaux seraient pratiquement inexistants. En examinant l historique des AÉJ, nous n avons retrouvé que des traces minimes du contrôle des AÉJ par des criminels avant 1994. L importance de la fuite fiscale est aussi très incertaine. Peu avant l étatisation, les revenus des appareils de poker vidéo (APV) étaient divisés en part égales entre le distributeur et le détaillant. Des montants importants, obtenus par les distributeurs, peuvent avoir échappé au fisc car une infiltration des criminels parmi les distributeurs a été dénoncée. Toutefois, les détaillants étaient vraisemblablement des petits commerçants qui peuvent avoir déclaré à l impôt leur part des revenus. En effet, les trois-quarts des appareils illégaux étaient détenteurs d un permis de la Régie des loteries du Québec. Parce que ces permis existaient, les commerçants ont sans doute déclaré les revenus des APV, du moins au même titre que les revenus de leurs autres activités commerciales. En ce sens, la fuite fiscale est plausiblement nettement en deçà de ce qui était déplorée avant 1994. Les utilisateurs des APV n étaient pas en contact direct avec les criminels. Leur sécurité n était pas directement menacée. En fait, les criminels se sont vraisemblablement rapprochés de la clientèle lorsque le gouvernement du Québec a annoncé son intention d étatiser les ALV. En effet, divers groupes rivaux ont alors entrepris d acquérir le contrôle des bars où les ALV pouvaient être implantés. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 10

Chapitre 1 La dépense au jeu de la population québécoise La population québécoise dépense beaucoup dans les jeux de hasard et d argent. Depuis 1970, la dépense totale est d au moins 45 milliards de dollars; ce qui inclut un montant de 36 milliards de dollars dans les seules activités de Loto-Québec. Lorsque la dépense au jeu est répartie parmi l ensemble des adultes québécois, la dépense per capita semble relativement peu élevée. Toutefois, la population participe inégalement aux activités de jeu. Lorsque la dépense per capita est analysée uniquement en fonction du nombre de joueurs, des montants importants surgissent en ce qui a trait aux AÉJ et au pari mutuel. De tels montants moyens ne sont pas réalistes sans qu une portion appréciable des joueurs y éprouve des problèmes de jeu. Tableau 1 Dépense per capita et dépense par joueur à différentes activités de jeu Dépense per capita Dans ce chapitre Activité Année Population (DPC) Joueurs (DPJ) Section Page AÉJ (ALV + MAS + APVi) 1996 $ 84 $ 400 1.5.3 22 ALV 1996-1997 $ 84 $ 988 1.5.3 22 1999-2000 $ 163 $ 1 523 1.5.3 22 2002 $ 183 $ 2 346 1.5.3 22 2004-2005 $ 206 $ 2 146 1.5.3 22 Bingo charitable 1996-1997 $ 11,57 $ 76 1.6 27 2001-2002 $ 10,75 $ 119 1.6 27 Casinos québécois 1996 $ 101 $ 616 1.5.2 21 2002-2003 $ 127 $ 722 1.5.2 21 Casinos québécois + ALV 1993-1994 $ 25 - - - Figure 3 16 2001-2002 $ 309 - - - Figure 3 16 2002-2003 $ 310 - - - Figure 3 16 2005-2006 $ 339 - - - Figure 3 16 Casinos étrangers 1989 $ 12,87 - - - 1.12 32 1991 $ 25,07 - - - 1.12 32 Loteries 2002-2003 $ 150 $ 220 1.5.1 19 Pari-mutuel 1996 $ 30,67 $ 807 1.7 28 2002 $ 31,24 $ 1 523 1.7 28 Toutes 1992-1993 $ 183 - - - Figure 3 16 1993-1994 $ 214 - - - Figure 3 16 2001-2002 $ 507 - - - Figure 3 16

Chapitre 1 - La dépense au jeu de la population québécoise - 12 Ce tableau n est pas complet parce que l information nécessaire n est pas toujours disponible. En l occurrence, la dépense sur les MAS n est plus publiée dans les rapports annuels de Loto-Québec. La dépense au bingo et dans les tirages ne sont plus publiées par la RACJ. Il est alors impossible de calculer la dépense per capita. De plus, pour calculer la dépense par joueur, des taux de pénétration annuels doivent être disponibles pour chaque activité. 1.1 Définitions Dans cette annexe, la fréquence et la dépense annuelle au jeu sont inventoriées en fonction des diverses activités de jeu auxquelles la population québécoise a accès. Afin de comparer ces données au second critère du jeu sécuritaire 9, des statistiques per capita 10 sont utilisées. Celles-ci représentent des moyennes pour l ensemble de la population, ce qui inclut les personnes qui ne jouent pas du tout. Afin d abréger le texte, le sigle DPC signifie la dépense per capita par rapport à l ensemble de la population adulte du Québec. Le calcul est simple. Il suffit de diviser la dépense globale au jeu par le nombre de personnes adultes au Québec. Le sigle DPJ signifie plutôt la dépense per capita des seuls joueurs annuels. Il suffit de diviser la DPC par le taux de pénétration annuelle. Ce dernier est le pourcentage de la population adulte qui s est adonnée à une activité de jeu au moins une fois durant l année. C est la DPJ qu il faut comparer au second critère du jeu sécuritaire. Dès lors, des statistiques qui se situent en deçà, mais près de ce critère, reflètent déjà une situation préoccupante. Des statistiques dépassant ce critère suggèrent qu une majorité de joueurs éprouvent des problèmes de jeu, car en général environ la moitié de la population se situe au-dessus ou au-dessous de la moyenne. 1.2 La dépense au jeu globale de la population adulte du Québec La dépense au jeu est l argent perdu 11 par les joueurs. Il s agit des montants misés moins l argent remis aux joueurs sous forme de lots. Cette dépense se répartit dans : 9 Le second critère consiste à ne pas dépenser annuellement au jeu plus de 250 à 500 dollars (ou 500 à 1000 dollars si on inclut les billets de loterie). Voir dans : Currie, S. R., Hodgins, D. C., Wang, J., el-guebaly, N., Wynne, H., & Chen, S. (2006). Risk of harm among gamblers in the general population as a function of level of participation in gambling activities. Addiction, 101, 570-580. 10 Les estimés de la taille de la population adulte du Québec proviennent du fichier CANSIM 051-00011.2.6 produit par Statistique Canada. Ces estimés permettent des comparaisons interprovinciales. 11 À noter que la dépense au jeu n englobe pas les jeux à espérance nulle de gain, par exemple les parties de cartes entre amis. En effet, lorsqu aucun établissement de jeu ne conserve une cote sur les paris, le jeu ne fait que redistribuer l argent parmi les joueurs. À long terme, le hasard distribue les occasions de gain également. Dans les jeux à espérance nulle de gain, lorsqu une personne perd systématiquement, c est en raison d un manque d habileté par rapport aux Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 12

Chapitre 1 - La dépense au jeu de la population québécoise - 13 l offre de jeu de Loto-Québec (loteries, casinos, ALV, bingo en réseau), le pari mutuel (hippodromes, salons de pari et Paritel), le bingo des organismes à but non lucratif, les tirages des organismes communautaires ou commerciaux, les casinos charitables (avant 1993), la spéculation boursière, les activités de jeu des nations amérindiennes, l offre de jeu des juridictions étrangères, le jeu sur Internet, et les activités illégales de jeu. La Régie des alcools, des jeux et des courses du Québec (RACJ) a le mandat de surveiller les activités des cinq premiers secteurs de dépense 12, tandis que les cinq derniers secteurs ne rendent aucun compte public des montants obtenus des Québécois. La figure 13 suivante illustre la dépense au jeu de l ensemble de la population québécoise dans les activités surveillées par la RACJ depuis la création de Loto-Québec. Il ne s agit pas d une distribution cumulée. La dépense globale au jeu a dépassé le milliard de dollars durant l année fiscale 1989-1990, et elle a doublé à peine sept années plus tard. Huit autres années plus tard, la dépense au jeu a dépassé les 3 milliards de dollars. En fait, le montant cumulé de la dépense au jeu depuis 1970 est d au moins 45 milliards de dollars 14. partenaires de jeu, et non en raison de la structure de jeu. Dans les jeux à espérance négative de gain, à coup sûr, les joueurs perdent d autant plus qu ils jouent beaucoup. C est la structure de jeu qui en est la cause. 12 Le contrôle de la RACJ sur les casinos est partiel. 13 Bien qu il y ait eu des tirages et des bingos avant l année 1983-1984, aucune donnée n a été répertoriée cette année-là. Parce la RACJ a cessé de les publier après l année 2001-2002, celles-ci sont ensuite manquantes. Après 2001-2002, les données du bingo se limitent à celles du bingo en réseau de Loto-Québec. La donnée du pari mutuel de 1971-1972 est manquante. 14 Concernant les bingos et les tirages, les données de la RACJ antérieures à l année 1983-1984 ne sont pas prises en compte. Depuis l année 2002-2003, la RACJ ne rapporte plus ces statistiques. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 13

Chapitre 1 - La dépense au jeu de la population québécoise - 14 Figure 1 Dépense annuelle des adultes québécois dans les activités de jeu Milliards $3 Dépense au jeu $2 $1 $0 2005-06 2004-05 2003-04 2002-03 2001-02 2000-01 1999-00 1998-99 1997-98 1996-97 1995-96 1994-95 1993-94 1992-93 1991-92 1990-91 1989-90 1988-89 1987-88 1986-87 1985-86 1984-85 1983-84 1982-83 1981-82 1980-81 1979-80 1978-79 1977-78 1976-77 1975-76 1974-75 1973-74 1972-73 1971-72 1970-71 Loteries Casinos Loterie vidéo Bingo Pari mutuel Tirages 1.3 Considération du revenu familial brut Selon le troisième critère du jeu sécuritaire, la dépense annuelle au jeu ne doit pas dépasser 1% du revenu familial brut. Pour illustrer l importance de ce critère, nous avons divisé la dépense au jeu sur les AÉJ 15 (MAS + ALV) dans chaque province canadienne en 2002-2003 par le revenu familial médian en 2002 16. Ces valeurs se trouvent en abscisse de la Figure 2. Lorsque mise en relation avec le taux de prévalence du jeu pathologique constaté lors de l étude ESCC de Statistique Canada 17 (en ordonnée), la relation entre les problèmes de jeu et le pourcentage du revenu familial brut dépensé au jeu semble raisonnablement établie. 15 Ces statistiques ont été compilées par la firme KPMG (2004). Canadian gaming highlights 2003. 16 Les revenus médians des familles proviennent du fichier CANSIM 111-0009 produit par Statistique Canada. 17 Les taux provinciaux de prévalence du jeu pathologique proviennent du fichier CANSIM 82-617-XIF produit par Statistique Canada. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 14

Chapitre 1 - La dépense au jeu de la population québécoise - 15 Figure 2 Relation entre le pourcentage du revenu familial dépensé au jeu et les problèmes de jeu au Canada 4,0% ICJE (modéré ou plus) en 2002 3,0% 2,0% 1,0% Colombie-Britannique Ontario Québec Île-du-Prince-Édouard Nouveau-Brunsw ick Manitoba Alberta Nouvelle-Écosse Terre-Neuve-et- Labrador Saskatchew an 0,0% 0,0% 0,2% 0,4% 0,6% 0,8% 1,0% 1,2% Dépense per capita (casinos + ALV) / Revenu familial médian en 2002 À noter que la dépense per capita est sousestimée au Manitoba, en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse car les nations amérindiennes, qui y opèrent des casinos, ne sont pas tenues de dévoiler la dépense au jeu. Ces points devraient conséquemment être déplacés horizontalement plus à droite du graphique. C est le cas aussi pour la Colombie-Britannique car la région de Vancouver se situe très près de la frontière de l état de Washington qui dispose d imposants établissements de jeu. Selon cette figure, les Québécois limitent leur dépense au jeu à moins de 0,6% du revenu familial brut. C est en deçà du troisième critère de jeu sécuritaire, bien que cela demeure très élevé pour une moyenne. Un taux de prévalence inférieur à la moyenne canadienne, ou une dépense familiale inférieure, ne révèlent pas nécessairement que l offre de jeu dans une province n est pas dangereuse. Malgré une offre dangereuse, la population peut avoir la sagesse de ne pas s exposer et de répondre à cette offre de jeu. Dans un tel cas, ce n est pas l organisme de jeu qui est responsable d un taux de prévalence inférieur ou d une faible dépense. Conséquemment, il ne peut pas être inféré que la gestion de Loto-Québec est la cause d un taux de prévalence du jeu pathologique, ou d une dépense familiale, qui sont inférieurs à la moyenne canadienne. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 15

Chapitre 1 - La dépense au jeu de la population québécoise - 16 1.4 Considération de la dépense per capita, tous jeux confondus Dans son premier bilan de responsabilité sociale 18, Loto-Québec indique que les Québécois dépensent annuellement 540 dollars per capita. C est moins que la moyenne canadienne qui est de 642 dollars per capita. Il importe peu que le Québec ait une dépense per capita moindre ou plus élevée. L objectif n est pas d être le Canadien le moins détruit par le jeu. La DPC doit plutôt être comparée au second critère du jeu sécuritaire 19. Au Québec, la DPC, toutes activités de jeu réunies, a dépassé les 500 dollars annuellement depuis l année 2000-2001 (voir Figure 3) 20. Figure 3 Évolution de la dépense au jeu per capita $500 $250 $0 1983-84 1984-85 1985-86 $140 $144 1986-87 $155 $165 1987-88 $175 $192 1988-89 $192 1989-90 $195 $195 1990-91 $183 1991-92 $214 $263 $301 1992-93 $25 $77 $122 $374 $405 $444 $484 1993-94 $185 $215 $248 $282 $507 $507 $304 $309 $310 $313 1994-95 $331 1995-96 Dépense per capita $339 1996-97 1997-98 1998-99 1999-00 2000-01 2001-02 2002-03 2003-04 2004-05 2005-06 Total Casinos + ALV En comparaison, la dépense au jeu dans les AÉJ (casinos et ALV) a dépassé les 250 dollars depuis l année 1999-2000. Il est probable que cette seule source de dépense génère la plupart des problèmes de jeu. Antérieurement à l avènement des casinos et ALV, la DPC se maintenait en deçà de 250 dollars annuellement. L analyse de la dépense per capita révèle ainsi que la dépense au jeu de la population québécoise est très élevée par rapport au second critère du jeu sécuritaire. 18 Voir à la page 30 dans : Loto-Québec. (2005). Bilan de responsabilité sociale 2004-2005 : Pour une contribution responsable. Montréal, QC : auteur. 19 Le second critère consiste à ne pas dépenser annuellement au jeu plus de 250 à 500 dollars (ou 500 à 1000 dollars si on inclut les billets de loterie). Voir dans : Currie, S. R., Hodgins, D. C., Wang, J., el-guebaly, N., Wynne, H., & Chen, S. (2006). Risk of harm among gamblers in the general population as a function of level of participation in gambling activities. Addiction, 101, 570-580. 20 Depuis que la RACJ a cessé de publié les dépenses annuelles au bingo et aux tirages, il n est plus possible de calculer la dépense per capita du total des activités. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 16

Chapitre 1 - La dépense au jeu de la population québécoise - 17 1.5 L offre de jeu de Loto-Québec La dépense au jeu dans les produits de Loto-Québec est communiquée dans les rapports annuels de cet organisme. Ces produits sont les loteries, les casinos, les appareils de loterie vidéo, le bingo en réseau, ainsi que les loteries multimédia. Les Québécois y ont dépensé depuis 1970 plus de 36 milliards de dollars. Cette dépense au jeu représente une contribution appréciable au budget des dépenses du gouvernement du Québec. Au cours de la dernière décennie, le bénéfice net de Loto- Québec a procuré environ 3% du budget des dépenses de l ensemble du gouvernement (voir Figure 4). Entre 1994-1995 et 2001-2002, la contribution de Loto-Québec a surpassé celles d Hydro-Québec et de la SAQ, contribuant dès lors davantage au budget des dépenses. Figure 4 La contribution des bénéfices nets de Loto-Québec, d'hydro-québec et de la SAQ au budget des dépenses du Gouvernement du Québec % du budget de dépense 5% 4% 3% 2% 1% 0% 1991-1992 1992-1993 1993-1994 1994-1995 1995-1996 1996-1997 1997-1998 1998-1999 1999-2000 2000-2001 2001-2002 2002-2003 2003-2004 2004-2005 2005-2006 Loto-Québec Hydro-Québec (année civile avant 1994-1995) SAQ Cette contribution coûte cependant cher aux joueurs. En effet, en 2005-2006, pour que Loto-Québec puisse verser 1 dollar au Fonds consolidé de la province (voir Figure 5), un joueur doit avoir perdu $1,51 aux loteries vidéo, $1,76 aux loteries conventionnelles, $3,46 au casino 21 ou 7,98$ au bingo en réseau (non-illustré). Dans cette figure, il est possible de constater à quel point les casinos sont de plus en plus cher à opérer. Dans la perspective d une réduction des coûts d opération, il est attrayant de considérer l implantation de tables de jeu automatisées dans les salons de jeu. Si les TJA ne font que déplacer une clientèle déjà existante, et qu elles n incitent pas à une dépense accrue chez les joueurs excessifs, cet objectif peut être atteint. Toutefois, l avènement d une nouvelle clientèle, ou un accroissement de la dépense au jeu, pourrait aggraver la situation. Il est souhaitable que les TJA soient l objet d une étude d impact précise quant à la provenance de la clientèle et des fluctuations de la dépense au jeu. 21 Aux jeux du casino ou à ses services de restauration et d hébergement. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 17

Chapitre 1 - La dépense au jeu de la population québécoise - 18 Figure 5 Ce qu'il en coûte aux joueurs pour que Loto-Québec puisse verser 1 dollar au Fonds consolidé du Québec Dépense au jeu / Bénéfice net $4,00 $3,50 $3,00 $2,50 $2,00 $1,50 $1,00 $0,50 $0,00 1970-1971 1971-1972 1972-1973 1973-1974 1974-1975 1975-1976 1976-1977 1977-1978 1978-1979 1979-1980 1980-1981 1981-1982 1982-1983 1983-1984 1984-1985 1985-1986 1986-1987 1987-1988 1988-1989 1989-1990 1990-1991 1991-1992 1992-1993 1993-1994 1994-1995 1995-1996 1996-1997 1997-1998 1998-1999 1999-2000 2000-2001 2001-2002 2002-2003 2003-2004 2004-2005 2005-2006 Loterie Casinos Loterie vidéo Enfin, il est intéressant de constater que, depuis leur avènement, les ALV sont la source principale, sinon l unique source, de la croissance du bénéfice net de Loto-Québec. Figure 6 Bénéfice net Millions $1 800 $1 600 $1 400 $1 200 $1 000 $800 $600 $400 $200 $0 Répartition du bénéfice net annuel de Loto-Québec 1971-1972 1972-1973 1973-1974 1974-1975 1975-1976 1976-1977 1977-1978 1978-1979 1979-1980 1980-1981 1981-1982 1982-1983 1983-1984 1984-1985 1985-1986 1986-1987 1987-1988 1988-1989 1989-1990 1990-1991 1991-1992 1992-1993 1993-1994 1994-1995 1995-1996 1996-1997 1997-1998 1998-1999 1999-2000 2000-2001 2001-2002 2002-2003 2003-2004 2004-2005 2005-2006 Loteries Casinos, restauration et hébergement Loteries vidéo Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 18

Chapitre 1 - La dépense au jeu de la population québécoise - 19 1.5.1 La dépense dans les loteries Depuis le premier tirage effectué le 14 mars 1970, les Québécois ont dépensé 22 plus de 18 milliards de dollars dans diverses formes de loteries. En 2002-2003, la DPC a été de $ 150. Toutefois, seulement 68,1% de la population adulte a acheté un billet de loterie au moins une fois dans l année (voir Tableau 2) 23. Si on divise la DPC par le taux de pénétration annuelle, on obtient une DPJ égale à $ 220. Ce montant est très près de la dépense moyenne des joueurs rapportée à l occasion de l étude de prévalence de 2002 24 ($ 244, voir Tableau 2). Bien que la dépense dans les loteries continue de croître, celle-ci semble plafonner à un montant représentant environ 150 dollars per capita. Figure 7 Dépense annuelle des adultes québécois dans les loteries Millions $1 000 $750 $500 $250 $0 2005-06 2004-05 2003-04 2002-03 2001-02 2000-01 1999-00 1998-99 1997-98 1996-97 1995-96 1994-95 1993-94 1992-93 1991-92 1990-91 1989-90 1988-89 1987-88 1986-87 1985-86 1984-85 1983-84 1982-83 1981-82 1980-81 1979-80 1978-79 1977-78 1976-77 1975-76 1974-75 1973-74 1972-73 1971-72 1970-71 La barre colorée en bleu indique l avènement des appareils de poker vidéo (APVi) illégaux auxquels la RACJ accordait néanmoins un permis. La barre colorée en rouge marque l avènement du casino de Montréal, et la barre en jaune celle des ALV. Puis, la barre colorée en vert indique le début du bingo en réseau. 22 Dans les rapports annuels de Loto-Québec, la dépense dans les loteries équivaut au revenu de Loto-Québec moins les lots retournés aux joueurs. 23 Les données de 1996 proviennent d une actualisation de la seconde étude de prévalence du jeu pathologique au Québec. Voir à la page 253 dans : Leblond, J. (2004). Évaluation de la dangerosité des appareils de loterie vidéo. Expertise déposée au dossier numéro 200-06- 000017-015 de la Cour supérieure du Québec. L étude originale a été publiée dans : Ladouceur, R., Jacques, C., Ferland, F., & Giroux, I. (1999). Prevalence of problem gambling: A replication study 7 years later. Canadian Journal of Psychiatry, 44, 802-804. 24 Chevalier, S., Hamel, D., Ladouceur, R., Jacques, C., Allard, D., Sévigny, S. (2004). Comportements de jeu et jeu pathologique selon le type de jeu au Québec en 2002. Montréal et Québec, Institut national de santé publique du Québec et Université Laval. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 19

Chapitre 1 - La dépense au jeu de la population québécoise - 20 Tableau 2 Participation de la population québécoise aux loteries Fréquence de jeu Dépense annuelle Année Activité À vie Annuelle Mensuelle Hebdomadaire Moyenne Médiane 1996 Total 93,2% 88,0 % 67,0 % 47,1 % 2002 Total 68,1 % 244 $ 120 $ 2002 2002 2002 2002 Loterie traditionnelle Loterie quotidienne Loterie instantanée Loterie sportive 65,3 % 169 $ 104 $ 9,2 % 176 $ 60 $ 37,0 % 98 $ 48 $ 2,4 % 472 $ 96 $ L analyse du revenu annuel des catégories de loterie (voir Figure 8) indique que cette dépense est surtout distribuée dans les loteries à accès direct (Lotto 6/49, Super 7) et à un moindre degré dans les loteries instantanées 25. Figure 8 Revenu annuel des loteries de Loto-Québec Revenu annuel des loteries Millions $1 200 $1 000 $800 $600 $400 $200 $0 1970-1971 1971-1972 1972-1973 1973-1974 1974-1975 1975-1976 1976-1977 1977-1978 1978-1979 1979-1980 1980-1981 1981-1982 1982-1983 1983-1984 1984-1985 1985-1986 1986-1987 1987-1988 1988-1989 1989-1990 1990-1991 1991-1992 1992-1993 1993-1994 1994-1995 1995-1996 1996-1997 1997-1998 1998-1999 1999-2000 2000-2001 2001-2002 2002-2003 2003-2004 2004-2005 2005-2006 Loteries à accès direct Loteries traditionnelles Loteries instantanées Pari sportif 25 Appelées plus communément gratteux. Dangerosité des AÉJ et mesures de protection (Jean Leblond, 20 février 2007) - 20