Étudier et valoriser le patrimoine Les documents du service éducatif des Archives du Calvados - second degré «ENQUÊTE D ARCHIVES» La censure La première page du Bonhomme normand de 1915 Le niveau concerné troisièmes pour la Partie I «Guerres mondiales et régimes totalitaires 1914 1945», thème 1 «La Première Guerre mondiale : vers une guerre totale» premières générales pour le Thème II «La guerre au XXe siècle», Question 1 «Guerres mondiales et espoirs de paix», Support d étude 1 «La Première Guerre mondiale : l expérience combattante dans une guerre totale» premières technologiques pour le Thème «Guerres et paix 1914 1945» ou bien à travers un sujet d étude «Vivre et mourir en temps de guerre» pour les CAP, pour la partie «Guerres et conflits en Europe au XXe siècle» Intérêt du document Un journal censuré de 1915, avec ses colonnes blanches, couplé à la morasse comportant l article censuré. Il permet d aborder les notions suivantes : censure rupture entre l arrière et le front 2015 Le service éducatif des Archives du Calvados 61 rue de Lion-sur-mer 14000 CAEN 02 31 47 18 50 serviceeducatif.archives@calvados.fr
Le document La première page du Bonhomme normand, 3 au 10 décembre 1915, 13T/1/144/21 :
Contexte La presse normande arrive libre et florissante dans la première guerre mondiale. Les progrès techniques (pour la fabrication des journaux et pour leur transport en province) et les progrès de l instruction publique (lois Ferry de 1881-1882) qui augmentent le nombre de lecteurs en puissance, permettent le développement de la presse normande : 200 journaux paraissent pendant la Belle époque. La loi du 29 juillet 1881 révolutionne la presse en la libérant des entraves de la censure. Elle supprime 325 articles éparpillés dans 42 lois. On peut citer la fin de l autorisation préalable, ce qui permet au directeur du journal de publier ses articles sans avoir besoin de l accord des autorités. La presse est évidemment touchée par la première guerre mondiale : 20 journaux bas-normands vont disparaître pendant cette guerre. La mobilisation fait perdre une main-d œuvre très qualifiée donc difficilement remplaçable. Les journaux manquent également de papier. La pâte à bois venait la plupart du temps de Scandinavie et la guerre maritime rend difficile son importation. L augmentation du prix du papier et la baisse des recettes publicitaires entraînent des problèmes financiers pour les journaux. La censure est de retour, dès le début de la guerre, après trente ans de disparition. Dès le 30 juillet 1914, les dépêches télégraphiques sont censurées. Le 2 août, le décret sur l état de siège suspend la liberté de la presse. Le lendemain, un bureau de presse est créé au ministère de la guerre, chargé de superviser toutes les informations à caractère militaire ou diplomatique. Deux jours après, une loi précise les sujets interdits aux journalistes. Dans chaque département s installent des commissions de censure sous la tutelle du préfet et du commandant de la région militaire. La censure cesse avec la levée de l état de siège le 12 octobre 1919.
Description La Une du Bonhomme normand a été censurée : une colonne et demie est restée blanche. Un courrier du préfet, daté du 2 décembre, informe le Général commandant de la région de Rouen, que des articles du Bonhomme normand ne doivent pas paraître, sans donner la cause de cette suppression. R/1805.
On peut lire l article dans la morasse (les épreuves de chaque numéro) : il a été barré par la commission de censure. Aux Archives Départementales du Calvados, la morasse et le courrier du préfet se trouvent dans la boîte R/1805.
Analyse Concrètement, les directeurs des journaux doivent faire examiner les épreuves de chaque numéro (les morasses) avant impression. La commission de censure peut ordonner la suppression d articles. La page n est alors pas recomposée mais échoppée, c est-à-dire débarrassée des passages incriminés. Le passage incriminé évoque la souffrance des civils, de l arrière : peur et souffrance pour les soldats, incertitude et impuissance. Le journaliste se plaint du manque d information. Il semble opposer les civils et les soldats («Ils sont frais et roses, reposés, joyeux, pleins d entrain, de confiance et de vie» quand ils reviennent du front en permission ; «Nous sommes gris, renfrognés, moroses et pessimistes.» «Il semble que la guerre les repose, les fortifie, les exalte, alors qu elle nous fatigue, nous accable et nous déprime.»). Il oppose aussi Paris qui accaparerait les vivres et les produits de première nécessité, à la province privée de tout. Les périodes de permission sont pourtant courtes et peu nombreuses. Théoriquement, à partir de 1916, les soldats de métropole ont droit à une permission d une semaine tous les quatre mois mais cela reste dépendant des combats à mener. Les inégalités sont importantes entre métropolitains et soldats des colonies qui doivent rester en métropole pour leur permission. Les permissions sont un temps nécessaire pour apaiser la souffrance et la fatigue psychologique et sont souvent vécues comme une respiration, ce qui fait peut-être que le journaliste trouve les permissionnaires très en forme La mobilisation de l arrière, la souffrance psychologique due à la séparation, à la solitude, au deuil, à l attente anxieuse, ainsi que le manque de connaissances sur l expérience combattante des soldats dû à la censure, entraîne également ce fossé entre civils et combattants. Paris est également en guerre. Elle est bombardée dès 1914 par des Taube, avion monoplan allemand (suscitant plus de curiosité que de peur), de façon plus sérieuse à partir de 1915 par des Zeppelins. Elle reste néanmoins à peu près épargnée par les bombardements. Dès l automne 1914, la vie reprend son cours et Paris redevient l «arrière» : réouverture des écoles, reprise des cotations à la Bourse, reprise des spectacles. À partir de 1917, des cartes de rationnements pour le sucre et le charbon voient le jour. Ce sont surtout les villes qui vont souffrir des problèmes d approvisionnement. On a donc davantage un fossé entre ruraux et citadins. À partir de 1917, Paris va être bombardée par des bombardiers Gotha plus maniables et plus destructeurs. L État-major français et le Secrétariat d État à l Aéronautique craignent particulièrement ces bombardements, à tel point qu ils confient à l ingénieur Fernand Jacopozzi la réalisation d un leurre, un faux-paris. 2015 Le service éducatif des Archives du Calvados 61 rue de Lion-sur-mer 14000 CAEN 02 31 47 18 50 serviceeducatif.archives@calvados.fr