Les siphons (1) Un aqueduc est principalement souterrain sauf lorsqu un terrain en déclivité se présente, des substructions aériennes sont construites ; pour traverser une vallée, le canal est porté par un pont-canal. Les vallées peuvent représenter des obstacles majeurs lorsqu elles sont larges et profondes au point qu un pont-aqueduc, même sur plusieurs niveaux, ne peut suffire. La technique du siphon est la solution retenue. Employée à huit reprises à Lugdunum dont un double, les nombreux vestiges de ces constructions lui ont valu le titre de «Capitale mondiale du siphon antique». L utilisation du principe du siphon à Lugdunum 1 Avant l arrivée à Lugdunum, les architectes romains ont été confrontés à un obstacle majeur : la grande vallée de l Yzeron, large de 3 km, qui isole le site de Lyon du massif des Monts du Lyonnais. Elle est ininterrompue de Vaise à Oullins. D ordinaire, pour le franchissement d un vallon, le canal est porté par un pont-canal. Or, ici, compte tenu d une profondeur supérieure à 100m, la construction d un pontaqueduc était techniquement impossible à réaliser ; l obstacle ne pouvant être contourné, la seule possibilité était l utilisation de la technique des vases communicants : le siphon. A titre d exemple, avec trois niveaux d arches permettant de garder la pente régulière donnée à l aqueduc, le pont du Gard constitue le plus haut pont canal construit par les Romains : 49 mètres de hauteur. Aqueduc de Nîmes, le Pont du Gard Service archéologie de la ville de Lyon La grande vallée qui coupe Lyon de son arrièrepays. Les quatre aqueducs l ont traversée en siphon. 1 : Mont d Or, 2 : Brévenne, 3 : Yzeron, 4 : Gier. A : Fourvière, B : Trion, C : Le Point-du-Jour.
Dossier Les 4 aqueducs romains de Lyon - L Araire - www.araire.org - www.archeolyon.com Les siphons (2) Le principe du siphon ou la loi des vases communicants 2 Pour le franchissement d une vallée large et profonde l eau du canal passe dans un réservoir situé en amont de la vallée qui la distribue jusqu à un autre réservoir situé en aval de la vallée grâce à des tuyaux sous pression. L eau coule de manière continue, descend la pente, remonte naturellement jusqu au réservoir de fuite et poursuit dans le canal. A noter : l eau ressort du réservoir aval à une altitude légèrement inférieure en raison de la perte de charge liée aux frottements. EXPÉRIENCE MOTS DU SCHÉMA FLÈCHE Différence de niveau entre le réservoir de chasse et le point bas du tablier du pont. Elle commande la pression de l eau qui augmente de 1 bar (ou 1 kg/cm 2 ) BAR Unité de mesure de la pression. En résumé, le siphon comporte : Deux réservoirs : situés de part et d autre de la vallée. Des tuyaux de plomb Un pont-siphon au fond de la vallée L ARAIRE Un siphon fonctionne selon le principe des vases communicants. L expérience ci-contre montre que lorsque deux bouteilles sont reliées par un tube en U, tout liquide versé dans celui-ci atteint la même hauteur dans les deux récipients.
Les siphons (3) Le pont-siphon Beaucoup plus large que le pont-canal, il permet de porter les tuyaux pour leur passage au fond de la vallée et de traverser le cours d eau. A Lugdunum, les tuyaux (10 à 12) étaient disposés en parallèle les uns à côté des autres. 3 Vitruve, du temps d Auguste, écrivait «pour franchir des vallées étendues, trop longues pour être contournées, trop profondes, on emploie des tuyaux de plomb de calibre bien calculé, partant d un réservoir, descendant Aqueduc romain du Gier, le Pont siphon de Beaunant au fond de la vallée où ils doivent passer sur une substruction ( le ventre ) pour éviter un coude brusque et le risque d éclatement, et remontant à un second réservoir situé en Le «ventre» qui porte les tuyaux est un pont siphon. face du premier». CHIFFRES Les tuyaux de plomb Pour les siphons de Lugdunum, les ingénieurs romains ont utilisé le plomb pour la fabrication des tuyaux. L eau traversait les vallées par un système de conduites forcées. Au fond de la vallée la pression était importante puisqu elle augmente de 1 bar tous les 10m. A titre d exemple pour le siphon de la vallée de l Yzeron (entre Chaponost et Sainte-Foy-lès-Lyon), au pont-siphon (Beaunant ) avec une hauteur de flèche de plus de 122m, la pression était extrêmement forte ; elle dépassait 12 bars soit 1,2 tonnes par décimètre carré. Il fallait donc un matériau résistant pour supporter cette pression et répartir l eau dans plusieurs tuyaux (11 pour le siphon de la vallée de l Yzeron) d environ 25 cm de diamètre extérieur juxtaposés en parallèle au lieu d une seule grosse conduite qui aurait éclaté. Plus de 10 000 tonnes de plomb pour l aqueduc romain du Gier et 35 à 40 000 tonnes pour les quatre aqueducs. Ces tuyaux étaient fabriqués avec une feuille de plomb enroulée autour d'un mandrin et fermée par une soudure au plomb. Mesurant, trois mètres de long, ils étaient soudés les uns aux autres.
Les siphons (4) Le siphon de la vallée de l Yzeron d après les cartes postales 4 L aqueduc romain du Gier a fait l objet de nombreuses cartes postales qui permettent de suivre le trajet emprunté autrefois par les eaux du Gier jusqu à Lyon. Les photographes ambulants -du début du 20esiècle - vrais reporters - ont laissé des documents précieux sur d innombrables sujets dont les aqueducs romains de Lyon qui ont permis quelques fois d apporter des connaissances dans l étude de ces derniers. En témoignent ces cartes postales et vues anciennes présentant le rampant du réservoir de chasse de la vallée de l Yzeron à Chaponost. CAMILLE GERMAIN DE MONTAUZAN Auteur d une thèse en 1908 sur Les aqueducs Ce rampant portait les tuyaux de plomb pour leur descente du réservoir jusqu au sol. L une des quatre arches du rampant était détruite depuis longtemps et le réservoir profondément dégradé. antiques de Lyon. Des travaux furent entrepris à la suite des recherches universitaires de Camille Germain de Montauzan. La carte postale ci-contre a été réalisée après les grands travaux de restauration des années 1910 où l arche manquante a été reconstituée et une partie du réservoir reconstruite.
Les siphons (5) Aqueduc romain de l Yzeron : le double siphon de Craponne A partir de Grézieu-laVarenne, l aqueduc romain de l Yzeron devait parcourir une distance d environ 6km avec une profondeur qui atteignait 100m. 5 Cet obstacle a été fractionné par deux siphons consécutifs. Un réservoir commun était porté à 15m du sol par une grosse pile et servait à la fois de réservoir de fuite pour le premier siphon et de réservoir de chasse pour le second. Un rampant était aménagé de chaque côté pour la descente des tuyaux de plomb. La pile est aujourd hui conservée sur une hauteur de plus de 10m ainsi que la pile voisine du rampant amont : les deux vestiges sont appelés Les Tourillons de Craponne. 1 2 Aqueduc romain de l Yzeron, Les Tourillons de Craponne 1/ Extrait carte postale ancienne, collection H. Bougnol L ARAIRE 2/ Vue actuelle, H. Bougnol L ARAIRE Profil en long du double siphon de Craponne J. Burdy. 1991.L aqueduc romain de l Yzeron Préinventaire des Monuments et Richesses Artistiques. Aqueduc d Aspendos, Turquie UN TRIPLE SIPHON EN TURQUIE L aqueduc d Aspendos en Turquie possédait un triple siphon. L image ci-contre illustre la tour du triple siphon. Construite avec deux rampants, elle portait un réservoir commun à deux siphons consécutifs et montre ce que pouvait être le double siphon de Craponne.