Préface La maladie de l alcoolisme s accompagne de nombreux deuils. Pour ceux d entre nous qui sont des parents ou des amis d alcooliques, ces deuils influencent de nombreux aspects de notre vie et ils demeurent présents malgré le temps, que nous vivions ou non avec une personne alcoolique en phase active. Dans ce livre, Ouvrir notre cœur, transformer nos deuils, nous partageons l espoir que nous avons obtenu avec l aide des Groupes Familiaux Al Anon en apprenant à reconnaître, à comprendre, et à accepter nos deuils. Ce livre explore des questions qui concernent toute personne ayant eu à faire face à l alcoolisme chez une autre personne. Nous vivons des deuils parce que nous n avons pas eu l enfance heureuse que nous voulions, à cause d un mariage qui a été loin de répondre à nos espoirs et à nos rêves, ou parce que nous avons été déçus par d autres relations qui n ont pas répondu à nos attentes. Face à ces problèmes, nous nous sommes demandé pourquoi des situations malencontreuses nous arrivaient. Nous avons appris à ignorer nos sentiments, à créer des solutions imaginaires, et à minimiser nos problèmes. Nous avons présumé que nous étions probablement en tort, et que personne ne pourrait comprendre notre désespoir. Avec chaque deuil, nous nous sentions plus seuls, plus isolés. Ce livre nous aide à reconnaître la douloureuse réalité du deuil et du chagrin. Il nous encourage à reconnaître des pensées et des peurs parfois cachées, à reconnaître que nos sentiments sont réels, et à chercher des solutions pouvant soulager notre souffrance et nous conduire vers la paix intérieure.
Ouvrir notre cœur, transformer nos deuils Les Groupes Familiaux Al Anon sont pour nous un refuge sûr où nous obtenons du soutien, en compagnie d autres membres qui sont sur un chemin similaire d introspection basée sur l honnêteté et le partage. Se libérer du fardeau des traumatismes passés ne se produit pas en niant que ces événements se sont produits. Nous pouvons avancer vers un avenir meilleur en reconnaissant la souffrance que nous avons vécue, puis en la laissant derrière nous. Nous apprenons à abandonner nos illusions concernant le passé tel qu il aurait pu être pour nous ouvrir à la réalité. Nous découvrons que d autres personnes ont eu des sentiments de responsabilité exacerbée et de culpabilité semblables. En comprenant comment d autres personnes ont progressé, nous découvrons des ressources intérieures qui nous permettent d écarter le voile émotionnel qui nous a maintenu à l écart de la tranquillité d esprit que nous recherchions et de cette vie fertile et productive que nous méritons. Puisse ce livre vous aider dans votre cheminement vers la libération et l espoir. Comme le dit notre slogan, «Ensemble, nous pouvons y arriver», et comme la Formule suggérée pour clore les réunions Al Anon/Alateen nous y invite, «laissez grandir en vous, un jour à la fois, la compréhension, l amour et la paix inspirés par le programme.»
Introduction «J ai finalement compris que je devais me donner la permission d avoir du chagrin.» Le chagrin est une réaction naturelle aux nombreux deuils que nous souffrons en conséquence de l alcoolisme d une autre personne. Nous croyons parfois que nous sommes à blâmer pour les deuils que nous vivons, ou qu ils sont dus à la malchance. Il peut nous arriver de dire ou de penser : «Qu ai-je fait pour mériter cela?» Dans le brouillard de l alcoolisme, il est facile de perdre nos rêves d une vie de famille heureuse et notre espoir que l alcoolique puisse se rétablir. Nous avons peut-être perdu l intimité que nous avons connue avec notre partenaire, notre enfant, notre parent ou notre ami alcoolique. Avec le temps, nous ne voyons plus très bien comment l alcoolisme affecte notre relation et notre qualité de vie. Le chagrin qui suit dans les traces de l alcoolisme n est pas toujours évident. Le deuil et le mal familial de l alcoolisme «L alcoolisme m a volé ma personnalité, a blessé ma fille, et a presque complètement détruit ma meilleure amie. Pendant les six premières années, il nous a tous rongés à petit feu. Il a fallu beaucoup de temps pour surmonter ces énormes pertes. Mon chagrin était immense. Je me sentais inconsolable.» Vivre quotidiennement au contact de l alcoolisme affecte notre dignité et notre estime de soi. Chaque jour nous rappelle comment notre vie est différente de ce que nous avions désiré ou espéré. Très tôt, la confiance et l intimité commencent à être sapées, et notre relation avec l alcoolique commence à se détériorer. Avec le temps, les deuils accumulés peuvent nous affecter de plus en plus. Si nous avons grandi dans un foyer marqué par l alcoolisme,
Ouvrir notre cœur, transformer nos deuils nous pleurons notre enfance. De pénibles souvenirs peuvent nous ronger de chagrin, ou bien des années peuvent s écouler sans que nous soyons conscients de notre chagrin. Étant enfants, tout changement pouvait entraîner un sentiment de deuil. «Je voulais que rien ne change et j acceptais mal le changement. Je détestais cela; je parlais du passé, je m ennuyais de nos anciennes maisons, de mes jouets, de nos animaux, et des bons moments.» Même les souvenirs des bons moments passés en famille peuvent déclencher de la tristesse, puisque nous étions souvent conscients qu ils ne dureraient pas. Nous pouvons ressentir un chagrin si profond que nous ne trouvons pas les mots pour l exprimer. Le deuil n est pas uniquement relié à la mort Quand nous commençons à comprendre comment le problème de l alcoolisme a affecté notre vie, nous ne sommes peut-être pas entièrement conscients de nos sentiments de chagrin et de deuil. Nous avons peut-être tendance à minimiser ou à nier notre douleur en nous disant, «Au moins, elle n est pas morte», ou «Les choses pourraient être pires». C est vrai, les choses pourraient être pires, mais elles sont probablement assez difficiles comme elles sont. Peut-être comprenons-nous que nous éprouvons du chagrin, ou nous sentons-nous troublés par ces émotions soudaines. Une membre ne comprenait pas ce qu elle ressentait quand son fils a quitté la maison, jusqu à ce que sa Marraine lui suggère qu elle vivait peut-être un deuil. D abord étonnée par cette suggestion, elle a finalement réalisé que les années de consommation abusive d alcool de son fils, le lui avaient enlevé sur le plan affectif bien avant qu il ne parte physiquement. Pouvoir reconnaître et nommer nos deuils, est la première étape essentielle pour faire face à notre chagrin. «Avant mon rétablissement, je croyais qu un deuil ne survenait que lorsqu une personne mourrait. J étais dans Al Anon depuis plusieurs années quand j ai lu quelque chose concernant le deuil en relation avec l alcoolisme. Les choses m ont semblé plus claires quand j ai compris que ma tristesse, ma colère et mes
Introduction émotions confuses étaient un signe de deuil. J étais en train de perdre la bataille à essayer de contrôler l alcoolique dans ma vie. J ai finalement réalisé que je vivais un deuil. En devenant de plus en plus honnête, je me suis aperçu que j avais été en deuil la majeure partie de ma vie, mais que je n avais pas de mots pour cela. Reconnaître mon deuil m a donné un certain sentiment de dignité. J ai finalement compris ce qui m arrivait. J utilise maintenant cette connaissance lorsque je vis un deuil, petit ou grand.» Les symptômes du deuil sur les plans physique, émotif et spirituel Vivre au contact de la maladie de l alcoolisme nous affecte sur les plans physique, émotif et spirituel. Plusieurs disent que la souffrance d un deuil ne se compare à rien de ce qu ils ont pu ressentir auparavant. Bien que nous puissions éprouver des symptômes similaires, le deuil affecte chacun de nous différemment. Certains auront de la difficulté à fonctionner, alors que d autres pourront continuer leur routine quotidienne. «Certains jours, je ne pouvais rien faire d autre que de m asseoir sur le plancher en pleurant sans pouvoir me contrôler. Toutefois je devais organiser les funérailles et m occuper de la vie de tous les jours. Il fallait que je paie les factures et que je fasse la lessive. Il fallait que je mange. J accomplissais toutes mes activités derrière un voile de chagrin. Pendant cette période, j ai appris qu il était suffisant de faire de mon mieux. J ai aussi appris qu il y avait du soutien au bout du fil ou à la prochaine réunion. Certains jours, je ne pouvais rien faire de plus que rencontrer une membre Al Anon pour partager un café. J ai appris à me prendre en douceur. D un jour à l autre, je peux seulement mettre mon programme en pratique au meilleur de mes capacités». Une crainte accablante pour plusieurs d entre nous est que nous nous sentions toujours ainsi et que nous ne nous en remettions jamais. Nous pouvons même, pendant un certain temps, ne pas
Ouvrir notre cœur, transformer nos deuils vouloir nous sentir mieux. C est ce que ressentait une membre après la mort de son mari : «C était de ma part un refus conscient d être consolée. Je répondais à chaque tentative en disant : Oui, mais Même si j admettais que d autres pouvaient être consolés, je croyais que mon deuil était bien plus grand que le leur. Mon chagrin s était transformé en Pauvre de moi, ce qui m empêchait d agir de manière à me sentir mieux.» Le chagrin est épuisant. Il peut nous empêcher de dormir ou faire qu il est difficile de sortir du lit. Nous pouvons oublier de manger, ou manger avec excès. Nous n avons peut-être pas envie de prendre une douche, d aller travailler, ou de préparer un repas. Le chagrin est imprévisible. Nous pouvons nous sentir tristes un instant, puis en colère ou troublés l instant suivant. Quand nous sommes seuls un moment, nous ne pouvons peut-être pas nous empêcher de pleurer. Nous pouvons nous réveiller un matin en ressentant un certain apaisement, puis le matin suivant nous sentir déprimés. «Je me mettais à pleurer dès que je pouvais me détendre quand je n avais rien à faire. Je ne pouvais pas simplement m asseoir et me reposer parce que je me mettais à pleurer. Je pleurais même en conduisant. J étais en colère contre moi parce que j éprouvais du chagrin; je me disais que je ne devais pas me sentir ainsi!» La peur, la confusion et le manque de concentration peuvent nous accompagner pendant des mois. Nous pouvons devenir distraits et irritables. Un membre oubliait comment faire les choses les plus simples, comme allumer un appareil électrique. La dépression et l anxiété sont également choses communes. Nous pouvons nous désintéresser des activités que nous aimions auparavant, et nous pouvons sentir le besoin de nous isoler pendant un certain temps. Certains jours, nous pouvons avoir besoin de rester en pyjama. À de tels moments, les exigences familiales et professionnelles peuvent nous sembler particulièrement pesantes. Si nous ne pouvons prendre soin de nous-mêmes, comment pouvons-nous nous occuper de quiconque ou de quoi que ce soit? Certains jours, nous pouvons nous demander comment nous allons arriver à finir la journée. Si notre dépression s aggrave, si la vie semble trop