Item 330 (item 201) : Brûlures oculaires Collège des Ophtalmologistes Universitaires de France (COUF)

Documents pareils
Item 81 (item 212) : Oeil rouge et/ou douloureux Collège des Ophtalmologistes Universitaires de France (COUF)

FICHE DE DONNEES DE SECURITE

Acides et bases. Acides et bases Page 1 sur 6

187 - ANOMALIES DE LA VISION D APPARITION BRUTALE. Ce qu il faut savoir

CONSTRUCTION DES COMPETENCES DU SOCLE COMMUN CONTRIBUTION DES SCIENCES PHYSIQUES

Prévenir... les accidents des yeux

Prise en charge des dysplasies et carcinomes in situ de la surface oculaire au CHT de Nouvelle-Calédonie

PH Moins 1. IDENTIFICATION DE LA SUBSTANCE/DU MÉLANGE ET DE LA SOCIÉTÉ/ENTREPRISE. Postbus ZG Herpen Pays-Bas +31 (0)

Conseil International d Ophtalmologie Livret d ophtalmologie pour étudiants en Médecine

La maladie de Stargardt

Produits pour hygiène en cuisine nettoyage de bâtiments détergents pour textiles

Contrôle Non Destructif C.N.D.

ACIDES BASES. Chap.5 SPIESS

BREVET D ÉTUDES PROFESSIONNELLES AGRICOLES SUJET

Exposition des salariés aux rayonnements optiques artificiels

Activité scientifique et recherche :

LES ACCIDENTS DUS A L ELECTRICITE. Comité pédagogique SAP SDIS 43

GUIDE D ENTRETIEN DE VOTRE SPA A L OXYGENE ACTIF

Test d immunofluorescence (IF)

FICHE DE DONNÉES DE SÉCURITÉ conformément au Règlement (CE) nº1907/2006 REACH Nom : KR-G KR-G

RISQUES SOLAIRES CE QU IL FAUT SAVOIR POUR QUE LE SOLEIL RESTE UN PLAISIR

SOFTSOAP LIQUID HAND SOAP PUMP SEA MINERAL / SAVON HYDRATATANT POUR LES MAINS POMPE MINERAL MARIN

Simulation en aviation

La recherche d'indices par fluorescence

MIEUX COMPRENDRE CE QU EST UN ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL AVC

eedd LA PLANETE N EST PAS UNE POUBELLE 1/7

Après votre chirurgie à la rétine

TECHNIQUES D AVENIR LASER DOPPLER IMAGING LASER DOPPLER IMAGING LASER DOPPLER IMAGING

Conduite à tenir devant une morsure de chien (213b) Professeur Jacques LEBEAU Novembre 2003 (Mise à jour mars 2005)

LES DOUCHES ET LES BASSINS OCULAIRES D URGENCE

Contenu de la formation PSE1et PSE2 (Horaires à titre indicatif)

Enseignement secondaire

Mémento à l usage du personnel des laboratoires

Le ph, c est c compliqué! Gilbert Bilodeau, agr., M.Sc.

Liste de contrôle d auto-évaluation pour le niveau de confinement 1 pour les phytoravageurs

Figure 1a Wasmannia auropunctata (Ouvrière), morphologie. 1 millimètre

GESTION DE STOCK. July Hilde De Boeck

HUMI-BLOCK - TOUPRET

évaluation des risques professionnels

Ingrédients No cas % Contrôlé par SIMDUT. Propane >90 Oui Propylène <5 Oui Hydrocarbures, C <2.5 Oui

Eau (N CAS) Non classifié Urea (N CAS) Non classifié. Version : 1.0

BDL2, BDL3 Enviro Liner Part A. Dominion Sure Seal FICHE SIGNALÉTIQUE. % (p/p) Numéro CAS. TLV de l' ACGIH Non disponible

PROTECTION DU CORPS INfORmaTIONS TEChNIqUES

Peut-on reconnaître une tumeur de bas-grade en imagerie conventionnelle? S. Foscolo, L. Taillandier, E. Schmitt, A.S. Rivierre, S. Bracard, CHU NANCY

Haute Ecole de la Ville de Liège. Institut Supérieur d Enseignement Technologique.

Considérations médicales issues de la Norme EN (C ) de juillet 1994, concernant les effets du rayonnement laser sur l'œil

Présentations GTF. Point de vue d un utilisateur final. Durée de vie des ouvrages : Approche Prédictive, PerformantielLE et probabiliste

RAID PIEGES ANTI-FOURMIS x 2 1/5 Date de création/révision: 25/10/1998 FICHE DE DONNEES DE SECURITE NON CLASSE

Insulinothérapie et diabète de type 1

259 VOLUMETRIE ET TITRATION DOSAGE DU NaOH DANS LE DESTOP

1. Identification de la substance ou préparation et de la Société. 2. Composition/ informations sur les composants

Pseudotumor cerebri. Anatomie Le cerveau et la moelle épinière baignent dans un liquide clair, appelé le liquide céphalo-rachidien (LCR).

Dégénérescence maculaire liée à l âge

AGREGATION DE BIOCHIMIE GENIE BIOLOGIQUE

Panneau solaire ALDEN

Agent d entretien des locaux

Sensibilisation à la Sécurité LASER. Aspet, le 26/06/2013

PROPRIÉTÉS D'UN LASER

ACADÉMIE D ORLÉANS-TOURS NOTE D INFORMATION n 25

Matériel de laboratoire

NOTICE : INFORMATION DE L UTILISATEUR. Delphi 0,1 % crème Acétonide de triamcinolone

M A N U E L D I N S T R U C T I O N S

Accidents des anticoagulants

TD de Biochimie 4 : Coloration.

L été est arrivé et les vacances aussi.

COMMENT EVALUER UN RISQUE

L opération de la cataracte. Des réponses à vos questions

Pour améliorer la qualité Objectif esthétique pour l eau potable 1 mg/l

SECTION 3: Composition/informations sur les composants 3.2. Mélanges % CAS # (EC) No 1272/ /45/EC Deuterium oxide 99.

VERRE DECORATIF AGC POUR APPLICATIONS INTERIEURES GUIDE DE NETTOYAGE ET D ENTRETIEN

TOUT SAVOIR SUR LES POUX DE TÊTE

SECTION 1- Identification de la substance/du mélange et de la société / entreprise

évaluation des risques professionnels

gale - Brochure d information -

Bien voir pour bien conduire

Fiche de données de sécurité

Nettoyage et entretien de pistolets de laquage

Samedi 27 Janvier 2007-Tunis

Vous allez être opéré(e) de Membrane Epimaculaire

Document à destination. des personnels de l enseignement supérieur.

PROFITER DU SOLEIL EN TOUTE SÉRÉNITÉ. Les bons réflexes de prévention solaire

B06 - CAT devant une ischémie aiguë des membres inférieurs

EXERCICES : MECANISMES DE L IMMUNITE : pages

Remodelage cornéen (RMC) : quelle incidence sur l architecture de la cornée?

Guide de pratique clinique du personnel infirmier en soins primaires Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits

FORMATION ASSURANCE QUALITE ET CONTROLES DES MEDICAMENTS QUALIFICATION DES EQUIPEMENTS EXEMPLE : SPECTROPHOTOMETRE UV/VISIBLE

TS 31 ATTAQUE DE FOURMIS!

Document unique d évaluation des risques professionnels

FICHE DE SECURITE FUMESAAT 500 SC

TOUT SAVOIR SUR LES POUX DE TÊTE

TEST ELISA (ENZYME-LINKED IMMUNOSORBENT ASSEY)

Tous les produits de la gamme SAF offrent des résistances :

A N A L Y S E U R E N L I G N E D A G V D E S B I C A R B O N A T E S D E L A L C A L I N I T E

Dr E. CHEVRET UE Aperçu général sur l architecture et les fonctions cellulaires

La rétinite pigmentaire Rod-cone dystrophie Retinitis pigmentosa

gamme de nettoyants industriels adaptés!

Classement des locaux en fonction de l exposition à l humidité des parois et nomenclature des supports pour revêtements muraux intérieurs

POLITIQUE ADMINISTRATIVE ET PROCÉDURE GESTION DES MATIÈRES DANGEREUSES

Bio nettoyage au bloc opératoire

Transcription:

Item 330 (item 201) : Brûlures oculaires Collège des Ophtalmologistes Universitaires de France (COUF) 2013 1

Table des matières 1. Circonstances de survenue... 3 2. Brûlures thermiques, acides et basiques... 3 3. Classification pronostique... 4 4. Traitement d'urgence... 5 5. Formes particulières... 5 2

Objectifs ENC Identifier les situations d'urgence. Objectifs spécifiques Connaître les principales circonstances de survenue des brûlures oculaires. Connaître la gravité respective des brûlures thermiques, acides et basiques. Savoir évaluer et classifier la gravité initiale. Savoir effectuer les premiers gestes d urgence. 1. Circonstances de survenue Trois grands types de circonstances de survenue s opposent : les accidents industriels : les brûlures liées à des accidents en milieu industriel sont souvent graves, car font intervenir des produits concentrés (gravité des brûlures par bases +++), ou sont associées à d autres lésions traumatiques, en cas d explosion (blast). les accidents domestiques sont souvent moins graves, car liés à des éclaboussures, ouvertures accidentelles de bouteilles, Les explosions rejoignent le risque des accidents industriels. les agressions constituent une part non négligeable des brûlures oculaires chimiques dans certaines communautés, souvent perpétrés avec des produits alcalins concentrés et donc potentiellement graves. 2. Brûlures thermiques, acides et basiques 1. Brûlures thermiques Provoquées par la chaleur dégagée par uine combustion ou par la projection d un liquide, de métal en fusion, sont rarement graves, car le film de larmes constitue une protection efficace contre la chaleur. Le cas le plus fréquent est celui de la brûlure accidentelle par cigarette. Elle provoque une lésion épithéliale localisée, voire une lésion stromale superficielle. La cicatrisation est rapide et le plus souvent sans séquelles visuelles. Les brûlures thermiques sont parfois graves par l atteinte des paupières et des annexes (notamment voies lacrymales). 2. Brûlures acides Les acides forment des complexes avec les protéines du stroma, qui retardent et gênent leur pénétration : les lésions sont d emblée installées et ne progressent pas. L épithélium intact permet une protection modérée contre la pénétration d acides faibles ou dilués, avec peu de dommages si le ph est > à 2,5. Ce n est qu en deçà d un ph 2,5 que des dommages sévères peuvent survenir dans les zones désépithélialisées : les brûlures chimiques par acides usuels sont donc de gravité modérée à moyenne ; elles peuvent être graves en milieu industriel avec l emploi d acides très concentrés. 3. Brûlures basiques Les alcalinsréagissent avec les acides gras (saponification), détruisant les membranes cellulaires ce qui leur permet de pénétrer très rapidement dans les tissus sous-jacents. Après contact, ils pénètrent dans le stroma, puis en chambre antérieure et cette progression se poursuit pendant 48 heures. L alcalin qui pénètre le plus rapidement est l ammoniaque. Toutes les brûlures par bases concentrées sont potentiellement graves, même en milieu domestique (produits pour déboucher les siphons, ). 3

En cas de doute sur la nature acide ou basique d un produit en cause, après le lavage (+++), il est parfois utile d utiliser des bandelettes de ph (utilisées habituellement pour les urines) pour connaître le ph des larmes. Figure 1 : Brûlure par base de gravité modérée Opacification minime de la cornée, pas d ischémie conjonctivale. Figure 2 : Brûlure sévère par base Opacification totale de la cornée, ischémie de la conjonctive limbique inférieure, avasculaire et de coloration blanchâtre. 3. Classification pronostique Elle s apprécie après instillation d une goutte de fluorescéine dans le cul de sac lacrymal et par l inspection en lumière bleue. Les zones désépithélialisées prennent la fluorescéine. Les zones de conjonctive ischémique sont très blanches, sans les habituels vaisseaux conjonctivaux. Ceci permet de classer les brulûres suivant la classification de Roper-Hall, qui comporte quatre grades de gravité croissante, en fonction de : la désépithélialisation cornéenne, l atteinte du stroma cornéen, l ischémie conjonctivale. Une autre classification, la classification de Dua, reprend les mêmes éléments mais décrit six grades. Figure 3 : Séquelles de brûlures Figure 4 : Séquelles de brûlures 4

4. Traitement d'urgence Le traitement d urgence par lavage (+++) est particulièrement important en cas de brûlure chimique. Il consiste essentiellement à laver l oeil atteint, en déplissant soigneusement les culs de sacs conjonctivaux, abondamment et longuement (20 à 30 minutes) ;on peut également s aider de la mesure du ph des larmes par des bandelettes jusqu à obtention d un ph neutre. Ce lavage s effectue au mieux avec une poche de 500 ou 1000 ml de sérum physiologique, à défaut avec de l eau. Ce traitement doit être le plus précoce possible après la brûlure. Il doit permettre d éliminer totalement le produit caustique encore présent. Il est souvent nécessaire d instiller une goutte d un collyre anesthésique pour permettre l ouverture correcte des paupières. La gravité de la brûlure sera ensuite évaluée selon la classification de Roper-Hall. Un traitement par collyre corticoïde doit être débuté le plus précocement possible afin de limiter la réaction inflammatoire intense, elle-même source de complications. 5. Formes particulières 1. Brûlures dues aux ultraviolets (ski, lampes à UV) C est la classique «ophtalmie des neiges», qui apparaît avec 6 à 8 heures de décalage : on observe une kératite ponctuée superficielle (piqueté fluorescéine positif), à l origine de douleurs, photophobie, larmoiement, et blépharospasme. Elle guérit sans séquelle en 48 heures. 2. «Coup d arc» Le coup d'arc donne un tableau analogue au précédent, après soudure à l arc sans lunettes de protection. 3. Phototraumatisme Réalisé lors de l observation d une éclipse peut entraîner une atteinte maculaire qui peut évoluer vers une lésion cicatricielle avec baisse d acuité visuelle définitive. Points essentiels La gravité des brûlures oculaires est maximale pour les brûlures caustiques, et parmi celles-ci, pour les brûlures par bases. L appréciation de la gravité s effectue par une instillation de fluorescéine pour visualiser l étendue de la désépithélialisation, et par l inspection pour quantifier l ischémie du limbe. Le traitement d urgence associe lavage soigneux après instillation de collyre anesthésique, puis instillation de collyre corticoïde. Toute brûlure oculaire avérée doit faire l objet d une prise en charge ophtalmologique rapide. 5