PROALVEOLIES SUPERIEURES ET FRACTURES ALVEOLO-DENTAIRES APPROCHE PREVENTIVE DES RISQUES TRAUMATIQUES OKA A. E.*, N CHO K.J.C. **, GUINAN J.C. *, KATTIE A.L. *, DJAHA K. ***, BAKAYOKO-LY R. INTRODUCTION L augmentation progressive des fractures alvéolodentaires chez les enfants et les adolescents, du fait de la multiplicité des activités d éveil, des activités sportives et des accidents de la circulation, est liée à plusieurs facteurs de risque dont la proalvéolie supérieure. Ces traumatismes touchent statistiquement deux fois plus les garçons que les filles, vu la violence des sports et des jeux pratiqués par ces derniers (7) et surviennent aux alentours de huit - onze ans (7). Ils atteignent particulièrement les dents antérieures et cela implique la nécessité de mettre l accent sur leur prévention grâce notamment à l interception précoce et à la correction ou la protection des proalvéolies supérieures. I - FRACTURES ALV E O L O - D E N TAIRES ET FA C T E U R S DE RISQUE Les traumatismes alvéolo-dentaires peuvent être dus à un choc direct ou un choc indirect. Ils sont régis par des facteurs favorisants parmi lesquels la proalvéolie supérieure (15). Il existe une notion de sujets à risque selon laquelle un même choc peut provoquer un traumatisme grave chez un enfant, alors que chez un autre, les dents n auront pas souffert. Aussi, cette notion de contexte à risque apparaît essentielle. Les traumatismes sont donc, la convergence d un sujet à risque avec une situation à risque dans un secteur à risque. On distingue les traumatismes des tissus durs qui sont essentiellement les fractures coronaires et radiculaires et ceux des tissus de soutien comprenant la contusion, la subluxation, la luxation latérale, l intrusion, l extrusion, l expulsion (17) et la fracture alvéolaire. Le risque de ces différents traumatismes est donc majoré par l existence d une proalvéolie supérieure. Faculté d Odonto-Stomatologie, Abidjan, 22 BP 612 Abidjan 22 * Service de Pédodontie - Prévention - Epidémiologie ** Service de Prothèse Maxillo-Faciale *** Service d Orthopédie Dento-Faciale Les sujets présentant une protrusion incisive supérieure avec une incompétence labiale particulièrement accentuée ou une béance antérieure liée à une succion du pouce ou à l interposition d un objet quelconque, sont des sujets à risque, plus exposés aux traumatismes. Selon MUGNIER (15), la proalvéolie supérieure associée à une rétro-alvéolie mandibulaire vraie pathologique, associée ou non à la succion digitale ou à une déglutition atypique, est un facteur évident et connu favorisant les traumatismes des incisives supérieures principalement des incisives centrales. Les proalvéolies supérieures avec supraclusion importante augmentent le risque traumatique dès l âge de 8 à 9 ans. Les études faites en Côte d Ivoire par DJAHA et coll. (10) montrent que la face du sujet noir est caractérisée sur le plan squelettique par un prognathisme facial avec une forte vestibulo-version des incisives. Ce phénomène est entretenu par les comportements oraux néfastes de l enfance tels que la succion du doigt, de la langue, de la lèvre ou de tout autre objet. Cette succion provoque une protrusion du bloc incisivo-canin supérieur et dans certains cas, une béance antérieure. Les traumatismes rencontrés sont aussi favorisés par la pratique sportive sport de combat, rugby, cyclisme...) (17). Il est important de constater le rajeunissement progressif des enfants victimes de traumatisme en raison du développement des pratiques sportives. Les traumatismes peuvent engendrer des complications redoutables comme la nécrose pulpaire d une incisive permanente immature (11, 13). La perte d une incisive du fait de ces traumatismes peut entraîner à long terme un préjudice esthétique. L intérêt, surtout pour les enfants sportifs ayant une proalvéolie, est de prévenir les différents traumatismes par l interception et le traitement précoces de cette proalvéolie ou par le port de protège-dents.
Figure 1 : Patient de 7 ans 1/2, sexe masculin : proalvéolie supérieure et fracture coronaire de la 21 Figure 3 : Moulage d un patient de 8 ans, de sexe masculin, ayant une biproalvéolie et qui a été victime d un traumatisme : fracture coroanire sur la 21 Figure 2 : Même patient : radiographie de profil objectivant la proalvéolie supérieure Figure 4 : Radiographie de profil objectivant la biproalvéolie du même patient de 8 ans III - APPROCHE PREVENTIVE DES RISQUES TRAUMATIQUES La prévention des traumatismes passe par : - l information et la sensibilisation, - l i n t e rception et le traitement précoces des parafonctions et des proalvéolies - la protection dento-maxillaire. III. 1 - Information et sensibilisation L information des parents et des enfants est capitale. Elle se fera par des spots et des affiches publicitaires dans les endroits les plus fréquentés, toutes les couches sociales étant indexées. Des campagnes de dépistage seront o rganisées afin de sensibiliser parents et enfants sur les 20
risques et les complications des traumatismes dentaires et alvéolaires. III.2 - Interception et traitement précoces des parafonctions et des proalvéolies supérieures Dès le plus jeune âge, les parafonctions et les proalvéolies, les béances incisives, les succions digitales, doivent être interceptées et corrigées le plus précocement par l orthodontiste afin de diminuer, voire même d éliminer tout facteur favorisant les traumatismes du bloc incisif. Le traitement précoce des malocclusions, tout en n évitant pas une deuxième période de traitement en denture adulte jeune, réduit considérablement les facteurs de risque. Selon DJAHA (10), les thérapeutiques interceptives des comportements oraux néfastes consistent à l emploi : - d appareils amovibles chez l enfant coopératif, - d appareils fixes chez l enfant non coopératif ou chez le très jeune enfant, - de la sucette physiologique qui permet de remplacer le doigt ou la lèvre, ou la langue sucés. L efficacité des dispositifs amovibles est fonction de la collaboration des parents et de l enfant. La participation de l enfant est fonction de son âge, de son caractère et de son éducation. L arrêt de la succion varie de 3 semaines à 3 mois après le port régulier de l appareil pour le pouce et de 6 à 12 mois pour la langue et la lèvre (10). Les anti-pouces, appareillages fixes par contre, sont efficaces car ils ne requièrent pas forcément la participation de l enfant et des parents (10). III.3 - La protection dento-maxillaire La protection dento-maxillaire par le port de protègedents intéresse aussi bien les dents, les lèvres, les joues, la langue, les maxillaires que les articulations temporomandibulaires. Elle doit répondre aux critères généraux propres à toute réalisation endo-buccale et doit respecter les principes suivants (12) : - isoler les lèvres des dents, - protéger les dents maxillaires contre les chocs directs, - amortir les contacts interdentaires, - solidariser les maxillaires, - respecter les fonctions de phonation, de déglutition et de respiration, - être stable, rétentive et d une innocuité totale, - être de réalisation facile et moins onéreux. Il existe trois types de protège-dents : - les protège-dents standard, - les protège-dents semi-adaptables, - les protège-dents personnalisés. III.3.1 - Les protège-dents standard Portés tels qu ils sont trouvés dans le commerce et maintenus par la seule fermeture buccale, ces protège-dents sont peu adaptables. En plus, ils ne sont pas conformes aux exigences élémentaires médicales et sportives. Ils constituent en fait, un simulacre de protection. Si l on considère le protège-dents comme un simple accessoire sportif, il reste sous l influence de la mode et complète, sans priorité particulière, la panoplie du parfait pratiquant (12). Si, au contraire, il est admis comme un véritable objet de protection des traumatismes incisifs, son utilisation régulière ou réglementaire doit être sous la responsabilité des fédérations sportives, des organisateurs de compétition, des responsables de clubs, ou des parents conscients de son utilité (12). III.3.2 - Les protège-dents semi-adaptables Ils sont commercialisés et se présentent sous-forme de gouttières uni ou bi-maxillaires en polyéthylène transparentes et thermo-formables distribuées par les officines pharmaceutiques et parfois même par certains clubs sportifs. L enfant peut lui-même adapter son protègedents par trempage dans l eau chaude, suivie de l application en bouche et enfin de la stabilisation de la forme par un refroidissement. Une autre méthode utilise l adjonction de résine autopolymérisable dans une gouttière préfabriquée en butyl-métacrylate, positionnée en bouche jusqu au durcissement complet. Prévus en taille unique, ils sont très encombrants et peu confortables en raison du goût et de l odeur persistants de la résine autopolymérisable. Adaptés au cabinet par le praticien traitant, les résultats sont améliorés, mais ne peuvent parvenir à un ajustage assez précis et durable. Ces protègedents standard et semi-adaptables ne sont pas vendus en Côte d Ivoire. Lorsqu ils sont utilisés par les clubs sportifs, ils sont importés de l Europe. III.3.3 - Les protège-dents personnalisés Ils sont préparés sur modèle et sont mieux adaptés aux arcades puisque parfaitement sur mesure. De nombreux auteurs, tels que SAMETZKY (18, 19) ont décrit une méthode qui consiste à réaliser une plaque thermoformée renforcée ou non par des armatures en résine ou en nickel-chrome simple ou double en fonction des besoins particuliers de chaque sport. Ces protège-dents remplissent les conditions d efficacité et de confort attendus. Ils sont particulièrement adaptés à la denture adulte stable. D autres auteurs comme FORTIER (12) préconisent la confection d une protection 21
unimaxillaire simple sans renfort, par une plaque thermoformée de 3 mm d épaisseur. Peu encombrante, elle n entrave pas la fonction respiratoire, est bien acceptée par l enfant et reste compatible avec les sports pratiqués à l âge de la denture mixte. Pendant la période de la denture mixte, les protège-dents s adaptent mal et pour peu de temps à une situation en perpétuel remaniement. Ce qui oblige à les refaire souvent. Leur réalisation est un peu complexe et coûteuse pour une période d efficacité courte. Il existe des cas où des protections bi-maxillaires peuvent être confectionnées et assurer ainsi une protection plus complète. Figure 5 : Protection dento-maxillaire : protège-dents personnalisé réalisée avec une plaque thermoformée non renforcée par des armatures en résine. CONCLUSION La proalvéolie supérieure est donc un facteur de risque des traumatismes. L accent doit être mis sur la nécessité du traitement précoce ou sur l utilisation de protègedents. Les traitements interceptifs et précoces des proalvéolies ont leur place dans la prévention des traumatismes alvéolo-dentaires. Cependant, ces traitements ne sont pas accessibles à tous et en plus, il n existe que très peu d orthodontistes dans la sous-région. Pour ces différentes raisons, la protection dento-maxillaire est bien venue car, les protège-dents sont facilement réalisables par tout praticien et ils ne sont pas onéreux surtout les protège-dents personnalisés qui sont réalisés en résine photopolymérisable ou en matériaux thermoformés souples, à partir d une empreinte. Cependant, ces protège-dents constituent une étape avant le traitement orthodontique. En dehors de l éducation des enfants et des responsables sportifs, nous sommes persuadés de l importance des traitements orthodontiques précoces au niveau du bloc incisif pour réduire la proportion des individus à risque. RESUME L augmentation progressive des traumatismes alvéolo-dentaires chez les enfants et les adolescents est liée à plusieurs facteurs de risque dont la proalvéolie supérieure. Ces traumatismes sont régis par un choc direct ou indirect et atteignent principalement le secteur incisivo-canin supérieur et cela implique la nécessité de mettre l accent sur leur prévention grâce notamment au diagnostic et à la correction précoce des proalvéolies supérieures. Les auteurs montrent dans cet article, l intérêt de réaliser des protections dento-maxillaires afin de réduire les risques traumatiques inhérents à la proalvéolie supérieure, principal facteur de risque. Mots-clés : Traumatisme alvéolo-dentaire, proalvéolies supérieures, protection dento-maxillaire. BIBLIOGRAPHIE 1 - ANDREASEN J. et J. O. Etiology and pathogenesis of traumatics dental injuries. Clinical study of 1298 cases. Scand. Dent. Res. 1970 : 329-342. 2 - ATHOUEL P., ATHOUEL D., BREAL J. M. Les attelles de contention collées. Une conclusion possible au traitement parodonto-orthodontique. Entretiens de Bichat, 1991, 55-59. 3 - BASSIGNY F. Les répercussions orthodontiques des traumatismes dentaires sur les incisives permanentes chez l enfant et leur traitement. Rev. Odonto-Stomatol. Pédiatrique, 1994, 4, (2) : 7-19. 4 - BIRCH R., ROCK W.P. The incidence of complications following root fracture in permanent anterior teeth. Br. Dent J., 1986, 160 : 119. 5 - BOURRY M., VERFAILLIE-VANDAELE F. Prévention de la traumatologie bucco-dentaire de l enfant en milieu sportif. Inf Dent., 1991, 33 : 2827-2833. 6 - BRIONNET J. M., TUBER T S., ROGER V., DURIN D., ALBUISSON E. Traumatismes bucco-dentaires et port de protections dento-maxillaires chez les joueurs de rugby en Auvergne. Actual. Odonto-Stomatol., 1995 ; 190 : 265-274. 7 - CAPR10GLIO D. et Coll. Traumatismes des incisives de l enfant et de l adolescent. Milan, Paris Ed. Masson ; 1990. 8 - CROLL T. P. Réparation d une fracture coronaire sévère. 22
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