SEISME DU 11 MARS 2011 (Mw 9.1) DE LA COTE PACIFIQUE DU TOHOKU. Note sur les accélérations et vitesses maximales enregistrées

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Transcription:

SEISME DU 11 MARS 2011 (Mw 9.1) DE LA COTE PACIFIQUE DU TOHOKU Note sur les accélérations et vitesses maximales enregistrées Synthèse : Le BRGM a pu obtenir auprès des collègues japonais de NIED (National Research Institute for Earth Science and Disaster Prevention) les premières données concernant les enregistrements du séisme du 11 mars 2011. Elles montrent: que des accélérations supérieures à 1g ont affecté de larges secteurs côtiers, et en particulier la région de la centrale nucléaire de Fukushima ; que toute la zone côtière (500 km de longueur sur 100 km de largeur) et en particulier l agglomération de Tokyo ont été affectées par des accélérations supérieures à 0.2g ; que la rupture sur le plan de faille semble s être initiée en deux points distincts ; que la durée du mouvement fort atteint les 2 à 3 minutes, ce qui est exceptionnel, mais cohérent avec la magnitude et la longueur de faille qui a rompu ; la singularité des spectres en vitesse du séisme du 11 mars 2011 qui présentent un plateau de vitesses maximales très large compris entre 0.5 s et 20 s environ couvrant donc la gamme des périodes propres de structures très différentes en termes de taille ou de typologie de constructions. Les réseaux sismologiques K Net et Kik Net et disponibilité des données instrumentales Le Japon est de très loin le pays le plus instrumenté du monde. Suite au séisme de Kobé en 1995, une action forte a été menée pour installer des appareils peu sensibles ne «saturant» pas en cas de secousses majeures. Il s agit d accéléromètres calibrés pour enregistrer des accélérations jusqu à 4g (4 fois l accélération de la pesanteur). Ces appareils sont disposés selon un maillage homogène couvrant l ensemble du pays (Figure 1). C est ainsi que le réseau K Net (Kyoshin Network constitué de stations du K Net sont en champ libre) a été peu à peu construit à la fin des années 90. Il a, par la suite, été complété par le réseau Kik Net dont les stations sont placées à différentes profondeurs dans des puits atteignant 200 m. Il en résulte un maillage de plus de 1000 appareils pour le K Net et autant pour le Kik Net. La distance moyenne entre deux stations de chacun de réseau est de l ordre de 25 km. Les conditions de site de l ensemble des stations ont été caractérisées. Les données enregistrées sont rapatriées automatiquement vers un site central. Les sites internet des deux réseaux (http://www.k net.bosai.go.jp et http://www.kik.bosai.go.jp) sont restés inaccessibles depuis l occurrence du séisme. Ils sont de nouveau accessibles à la date de rédaction de la présente note, cependant que leur dernière mise à jour est en date du 11 mars (date du choc principal). Il est à noter également que les données ne sont pas encore téléchargeables. Du fait des coupures d alimentation électriques et de réseau, nos collègues japonais restent encore pessimistes, quant au rapatriement de tous les enregistrements relatifs au choc principal et surtout à l ensemble des répliques.

Figure 1 : Le réseau Kik Net (National Research Institute for Earth Science and Disaster Prevention, NIED) Accélération maximales enregistrées Nos collègues japonais de NIED précisent que les dix plus forts enregistrements présentent tous des accélérations dépassant les 1000 gal soit 1g, ce qui est exceptionnel car les différentes stations sont situées à plusieurs dizaines de kilomètres les unes des autres (Figure 2). On notera que la station FKSH10, située dans la province de Fukushima, proche de la centrale nucléaire la plus touchée par le séisme, a enregistré une accélération de plus de 1,3 g. Il s agit ici des accélérations maximales enregistrées sur l une des deux composantes horizontales. Figure 2 : Accélérations maximales enregistrées par les réseaux K Net et Kik Net. La colonne de droite donne l intensité JMA (intensité semi instrumentale, la valeur 7 est la valeur maximale de l échelle).

Cartographie des accélérations et des vitesses maximales Rappelons en préalable, que le PGA indiqué est la valeur scalaire maximale du vecteur représentatif de l accélération reconstitué à partir des 3 composantes enregistrées par les différentes stations (deux composantes horizontales et une composante verticale). Les accélérations maximales du sol (Peak Ground Acceleration ou PGA) ont pu être cartographiées à partir des données disponibles. Cette cartographie confirme qu une partie significative du pays a subi de très fortes accélérations (Figure 3). Figure 3 : Accélérations maximales enregistrées par les réseaux K Net et Kik Net interpolées pour l ensemble du pays (NIED) Ainsi, les accélérations ayant affecté de larges secteurs côtiers et en particulier la région de la centrale nucléaire de Fukushima dépasse la valeur de 1g (Figure 4). Il s agit d accélérations très

importantes, observées en général en champ très proche, à l aplomb d une rupture de faille (exemple l Aquila 0.6 g à l aplomb de la faille, 0.8 à 1g à Christchurch pour les stations situées également à l aplomb de la faille). Rappelons que la distance épicentrale est ici de plus de 150 km. Ces très hautes valeurs sont à rapprocher de la magnitude exceptionnelle du séisme du 11 mars 2011. On notera également que l agglomération de Tokyo comme toute la zone côtière (500 km de longueur sur 100 km de largeur) ont été affectées par des accélérations supérieures à 200 gal soit 200 mg soit 0.2 g (environ 200 cm/s 2 ). A titre de comparaison, rappelons que ces valeurs d accélérations sont supérieures aux accélérations recommandées dans la règlementation parasismique françaises pour ce qui concerne le bâti courant (160 cm/s 2 au rocher en métropole et 300 cm/s 2 au rocher aux Antilles. Figure 4 : Accélérations maximales enregistrées par les réseaux K Net et Kik Net interpolées dans la zone la plus touchée (NIED). Zoom de la carte précédente. On observe une décroissance rapide des accélérations vers l ouest et le sud, au fur et à mesure qu on s éloigne de la zone de rupture. En intégrant les enregistrements accélérométriques, il est possible de reconstituer la vitesse du sol au niveau des stations (Figure 5). La valeur maximale de ces pseudo vitesses est le PGV (Peak Ground Velocity).

Figure 5 : Vitesses maximales enregistrées par les réseaux K Net et Kik Net interpolées pour l ensemble du pays (NIED) Analyse des accélérogrammes Nos collègues japonais ont sélectionné une douzaine de stations distribuées le long de la zone la plus impactée par le séisme du 11 mars 2011 (Figure 6). Notons que les stations sélectionnées ne sont pas celles situées immédiatement en bord de mer mais dans une bande située à 30 40 km de la côte. En analysant les accélérogrammes enregistrées par les stations K Net/Kik Net, on peut noter que, dans la zone épicentrale (enregistrements en rouge), deux événements (séismes) sont bien différenciés alors qu au nord et surtout au sud les enregistrements indiquent la présence d un seul événement. Ceci pourrait être dû à la nature de la rupture qui se serait initiée en deux secteurs du plan de faille («patchs»). Ainsi, en champ proche ces deux sources sont différenciables cependant qu en champ lointain, un seul événement est identifié du fait de la propagation des ondes et des effets de directivité. La durée du mouvement fort est de l ordre de 2 à 3 minutes, ce qui est également exceptionnellement long mais cohérent avec la magnitude et la longueur de faille qui a rompue.

Figure 2 : Sélection d accélérogrammes enregistrés sur du nord au sud de la zone la plus touchée, un peu à l intérieur des terres. Les deux événements sont parfaitement observables sur l enregistrement de la station MYG004 pour laquelle les accélérations les plus importantes ont été enregistrées (Figure 7). Figure 3 : Accélérogramme enregistré à la station MYG004

Spectres de réponses Les spectres de réponse en vitesse ont également été analysés par nos collègues japonais. On remarque qu ils présentent une forme originale. En effet, alors que ce type de spectres présente généralement des pics pour des fréquences caractéristiques, les vitesses maximales des spectres du séisme du 11 mars 2011 forment un plateau très large compris entre 0.5 s et 20 s environ (Figure 8). Cette singularité pourrait être en partie à l origine les dommages observés. En effet, ce plateau de fortes vitesses couvre de fait la gamme des périodes propres de structures très différentes en termes de taille ou de typologie de constructions depuis les grandes structures de type gratte ciel (période propre de plusieurs secondes) jusqu aux maisons traditionnelles en bois (période propre inférieure à 0.5 s), en passant par des petits immeubles (période propre de l ordre de 1 s). Figure 4 : Spectres de réponse en vitesses (amortissement 5%) pour les stations CHB009 en haut et TKY007 en bas (composante Est Ouest à gauche, compostane Nord sud à droite)

Cette singularité est particulièrement remarquable en comparant le spectre en vitesse du séisme du 11 mars 2011, à des séismes de magnitudes moins importantes enregistrés en champ proche comme, par exemple, le séisme de Nigata de 2004 (Mw6.8) : Figure 5 : Spectres de réponse en vitesses (amortissement 5%) pour le séisme de 2011 en rouge, comparé au séisme de Niigata en 2004 en bleu (Earthquake Research Institute, ERI) BRGM Service Risques Naturels et Sécurité du Stockage du CO2 Note préparée par : H. Aochi et J. Rey Contact BRGM : Ph. Sabourault p.sabourault@brgm.fr tél : 02 38 64 35 02