Stratégies psychothérapeutiques pour déjouer la dépression résistante Alain Taillefer D.Ps, psychologue en collaboration avec le travail de Alain Mercier Ph.D, psychologue Programme des troubles anxieux et de l humeur Institut universitaire en santé mentale de Montréal 12 septembre 2014
Plan de la présentation La dépression résistante Les différentes cibles thérapeutiques : Comportementale Cognitive Somatoaffective Interpersonnelle Les comorbidités
La dépression résistante Ce qui caractérise la dépression résistante : Récurrence et récidives dépressives (vulnérabilité) Comorbidités : Physiques (ex. : douleurs chroniques) Psychologiques (ex. : troubles de la personnalité, troubles anxieux) Toxicomanie
La dépression résistante Entre 33 et 66 % des personnes dépressives ne répondront pas au premier antidépresseur. Entre 15 à 33 %«résisteront» aux interventions multiples, y compris aux thérapies non pharmacologiques. Le trouble bipolaire I n est pas détecté chez 35 à 45 % des personnes traitées pour dépression. Ces personnes présentent 2 à 3 X + de phases dépressives que de phases maniaques. A. Ledoux, D. Cioltea, L. Angeletti. (2014) : Une approche clinico-phénoménologique des dépressions résistantes. L Encéphale. 40, 168 173
La dépression résistante La dépression résistante est associée à un âge de survenue précoce (< 18 ans) et à la présence de caractéristiques mélancoliques. Une définition classique est : «échec de réponse à 2 essais ou plus d antidépresseurs adéquats». À l IUSMM, la psychothérapie est considérée comme un traitement adéquat! A. Ledoux, D. Cioltea, L. Angeletti. (2014) : Une approche clinico-phénoménologique des dépressions résistantes. L Encéphale. 40, 168 173
Le traitement Comportementale Interpersonnelle Observer Réguler Choisir Agir Accepter Prévenir Cognitive Somatoaffective
LES COMPORTEMENTS
Comportementale Moyens pour favoriser l auto-observation des comportements Auto-observation des activités quotidiennes Observation des comportements d évitement (TRAPs) Observations des comportements fonctionnels (TRACs) Identification des valeurs et des besoins fondamentaux favorisant les renforcements potentiels Identification des orientations professionnelles et des projets de vie
Comportementale Mécanismes d action Amélioration de la qualité de vie et de l hygiène de vie (pyramide de Maslow) Augmenter les renforcements dans le quotidien Favoriser les actions en lien avec les besoins et les valeurs
Comportementale Mécanismes d action Diminuer les comportements d évitement émotionnel Diminuer la rumination Actualisation des projets de vie Retour au travail; Implication bénévole; Éducation Stratégies de prévention de la rechute
Comportementale Approches préconisées Activation comportementale (Addis & Martel) Thérapie d acceptation et d engagement (Hayes & Wilson) volet : action engagée vers les valeurs L action opposée : Thérapie comportementale dialectique de Linehan
LES COGNITIONS
Cognitive Moyens pour favoriser l auto-observation des pensées Auto-observation des pensées automatiques Auto-observation des distorsions cognitives Identification des schémas cognitifs
Cognitive Mécanismes d action Changer le contenu des pensées irrationnelles Restructuration cognitive Changer la relation avec les pensées Défusion Percevoir les pensées comme des idées ou des hypothèses Augmenter la flexibilité des pensées Pleine conscience Modifier les croyances et les schémas fondamentaux Stratégies de prévention de la rechute
Cognitive Approches préconisées Approche d Aaron Beck Thérapie d acceptation et d engagement (Hayes & Wilson) (volets défusion et pleine conscience) Thérapie des schémas (Jeffrey E. Young)
LES ÉMOTIONS ET SENSATIONS PHYSIQUES
Somatoaffective Moyens pour favoriser l auto-observation Apprendre à devenir témoin de soi : sensations physiologiques, pensées, émotions Reconnaître les automatismes
Somatoaffective Moyens pour favoriser l auto-observation Remplacer l évaluation par la curiosité Favoriser le contact avec le moment présent : suis-je dans le passé, dans le futur?
Somatoaffective Mécanismes d action Modifier la relation avec les comportements, les pensées et les émotions par l acceptation et la compassion Pratiquer la tolérance à la détresse émotionnelle par des exercices d exposition et d apaisement émotionnel
Somatoaffective Mécanismes d action Intervenir au niveau de l activation différentielle (Segal, Williams, Teasdale, Gemar, 1996). En phase dépressive, des associations se forment entre les émotions, les cognitions et les comportements. Ces associations sont comparables à un schème dépressif.
Chaque épisode renforce les liens Schème dépressif pas aimé culpabilité rejet dépression tristesse perte d espoir sans valeur
Somatoaffective Mécanismes d action Plus il y a une activation du mode dépressif, plus l association entre les éléments (pensées, émotions, comportements) est forte. L émotion étant souvent considérée comme l élément unificateur d une expérience. Une multitude de facteurs sont maintenant associés à une humeur dépressive et tous peuvent précipiter une rechute dépressive. Stratégies de prévention de la rechute
Somatoaffective Approches préconisées Approche cognitive basée sur la pleine conscience pour la prévention de la rechute dépressive. Approche de Segal, Williams et Teasdale (2002; 2006) La gestion des émotions et de la détresse. : Approche dialectique comportementale de Marsha Linehan
LES RELATIONS INTERPERSONNELLES
Interpersonnelle Moyens pour favoriser l auto-observation Dans la dépression résistante, le changement dans les interactions perdure dans le temps et peut engendrer l insatisfaction et le désintérêt de la part des proches Les symptômes dépressifs peuvent être associés à des modèles interactionnels problématiques (éléments de personnalité accentués), isolement social, manque d initiative ( ) déjà présents avant la dépression.
Interpersonnelle Moyens pour favoriser l auto-observation Ces modèles s activent dans les différents champs interactionnels Importance de l attachement comme matériau à construire des capacités sociocognitives (ex. : impact sur la relation parent-enfant, de couple)
Interpersonnelle Mécanismes d action Prendre soin des relations Équilibrer les priorités vs les demandes Équilibrer les devoirs vs les plaisirs Acquérir une maîtrise et se respecter
Interpersonnelle Mécanismes d action En thérapie : La communication explicite et implicite, incongrue, à potentiel d échec devient source d intervention Relation : facilite l apprentissage interpersonnel Aider la personne à identifier leur propre contribution à la création de scénarios relationnels particuliers, sources de souffrance, et qui peuvent être compris de manière développementale à partir de modèles intériorisés.
Interpersonnelle Mécanismes d action Importance de donner un sens à ses expériences pour moduler les activations affectives et le contact avec la réalité La psychiatrie citoyenne, pleine citoyenneté Stratégies de prévention de la rechute
Interpersonnelle Approches préconisées Psychothérapie interpersonnelle de la dépression (G. Klerman) Cognitive Behavioural Analysis System of psychotherapy (pour dépression résistante) L entraînement aux compétences sociales : Approche dialectique comportementale de Marsha Linehan Les schémas cognitifs de Young ou autres traitements pour les éléments de personnalités
LES COMORBIDITÉS?
comorbidité Autant le guide NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence) que le CANMAT (Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments) recommandent d intervenir conjointement sur la dépression et sur les composantes comordides. De façon générale, préconiser un traitement intégré plutôt que séquentiel.
comorbidité L évitement émotionnel a un rôle important dans l étiologie, le maintien et la modification de différentes formes de pathologie. C est considéré comme un facteur de risque pour plusieurs pathologies (Baer, 2007; Barlow, Allen, & Choate,2004; Harvey, Watkins, Mansell,&Shafran, 2004). Un même mécanisme d action, par exemple l exposition, permet de contrer l évitement. Ceci facilite le traitement de la dépression, de l anxiété et la régulation de la colère. L exposition s utilise aussi pour les douleurs chroniques, les troubles de personnalité, la toxicomanie, les troubles anxieux.
comorbidité Réduire l'évitement expérientiel ou augmenter la conscience émotionnelle est une composante essentielle des traitements basés sur l'acceptation, telle que la thérapie d acceptation et d'engagement (Hayes, 2004). C est aussi le cas dans la plupart des thérapies comportant un protocole unifié pour le traitement des troubles émotionnels (Barlow, 2011).
comorbidité Les quelques études portant sur le traitement transdiagnostic soutiennent prudemment l'efficacité de ces formes de traitement pour l'anxiété et la dépression (Hunot et al, 2013;. Churchill et al, 2013.;Reinholt et Krogh, 2014). Elles démontrent que ces traitements sont plus efficaces que l'absence de traitement, mais pas plus efficaces que les traitements spécifiques pour chaque trouble.
comorbidité/personnalité Exemple : Équipe spécialisée au programme PTAH à l IUSMM Vise une clientèle avec un trouble de l humeur et/ou anxieux et des enjeux avec la personnalité. Approche préconisée : Théorie du champ relationnel (Psychothérapie du lien) Séquence thérapeutique : Observation Régulation Mentalisation Reproduction Reconnaissance Réparation
comorbidité/personnalité Les problèmes interpersonnels chez les personnes déprimées sont bien documentés (Luyten,2005) La dépression est associée à un haut niveau de comorbidité avec d autres désordres caractérisés par des difficultés interpersonnelles importantes, particulièrement avec les troubles limites (Zanarini et al. 2009, 2010)
comorbidité/personnalité Comorbidité dépression/fonctionnement limite est associée à une plus longue durée d intervention pour atteindre la rémission (Grillo et al. 2005) Lien entre dépression et problématique limite mérite d autres recherches, mais d un point de vue clinique cette relation est trop importante pour être négligée (Fonagy et al. 2011)
Période de questions À vous de jouer!