L addictologie hospitalière de liaison



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Alcolo_N4-03_0311-0317 1/03/04 10:30 Page 311 MISE AU POINT Dr Raymund Schwan*, **, Dr Alain Rigaud***, Dr Benoît Fleury****, Dr Laurent Malet**, Dr Didier Boussiron**, Dr Pascal Bérenger*****, Pr Pierre Michel Llorca** * Président de l association des équipes de liaison et de soins en addictologie (ELSA) ** CMP B, CHU, Rue Montalembert, F-63003 Clermont-Ferrand Cedex 1. Tél. : 33 (0) 4 73 75 20 76. Fax : 33 (0) 4 73 75 20 74. E-mail : rschwan@chu-clermontferrand.fr *** Centre d alcoologie médico-psychologique, Intersecteur d alcoologie 51 A 01, Reims **** ELSA, CHU de Bordeaux ***** Unité d alcoologie de liaison hospitalière, département d hépato-gastroentérologie, Centre hospitalier de Chambéry Reçu août 2002, accepté juillet 2003 L addictologie hospitalière de liaison Chronologie d un dispositif innovant Résumé 20 % des hospitalisations correspondent à des patients présentant un mésusage de substances psychoactives. Les pouvoirs publiques ont incité les hôpitaux à développer des équipes de liaison et de soins en addictologie afin de répondre à ce problème de santé publique et d améliorer l intervention auprès de ces malades. Le présent article examine les différentes étapes de la mise en place de ce dispositif innovant pour la prise en charge hospitalière des conduites addictives. Mots-clés Alcoologie de liaison Addictologie de liaison. Summary Hospital liaison addictology. Chronology of an innovative system 20 % of hospital admissions concern patients with psychoactive substance abuse. Health authorities have encouraged hospitals to develop liaison addictology and care teams in order to deal with this public health problem and to improve the management of these patients. This article examines the various steps involved in the setting up of this innovative system for the hospital management of addictive behaviour. Key words Liaison alcohology Liaison addictology. La notion d addictologie de liaison est nouvelle : la mise en place de cette activité est encore récente et n a pu et ne peut se développer que progressivement. Après les deux circulaires de 1996 relatives à la création (et au financement) des premières équipes de liaison en toxicomanie et en alcoologie (1, 2), la circulaire du 3 avril 2000 (3) relative à la lutte contre le tabagisme et celle du 8 septembre 2000 (4), ainsi que le financement les accompagnant, ont véritablement impulsé une politique de prise en charge des conduites addictives dans les établissements de santé. Les coûts humains, sociaux et financiers des complications liées à la consommation de substances psychoactives (5) sont malheureusement là pour justifier cette impulsion. Pour la pathologie alcool, le coût global pour la collectivité en France a été estimé en 1996-1997 à au moins 12 milliards d euros, en ne comptant que les cas de maladie déclarée (6). Plusieurs études réalisées ces dernières années ont montré l importance du problème du mésusage des substances psychoactives à l hôpital. Ainsi, une étude transversale exhaustive réalisée en 1998, sur un jour donné, de la morbidité hospitalière régionale en France (concernant 9 552 lits, soit 7 826 patients de plus de 15 ans) a montré que la prévalence de l alcoolisation excessive, tous services confondus, était de 20 %. La moitié de ces patients étaient dépendants, un quart avaient un diagnostic d abus et un quart avaient un problème d alcool non repéré lors 311

Alcolo_N4-03_0311-0317 1/03/04 10:30 Page 312 de leur admission. Les soins alcoologiques à l hôpital apparaissaient dans cette étude comme très insuffisants : seulement 38 % des patients ayant un diagnostic d usage nocif ou de dépendance recevaient des soins alcoologiques ; 59 % des patients reconnus à problèmes ou dépendants bénéficiaient de soins alcoologiques en psychiatrie et seulement 17 à 19 % étaient soignés pour ce problème dans les autres disciplines. En cas de diagnostic d abus d alcool, les soins ne concernaient plus que 13 % des patients (7). D autres études ont montré qu aux urgences, la prévalence d une alcoolémie positive chez des patients admis variait entre 10 % pour les sujets âgés (8), 50 % pour les patients ayant eu un accident de voiture non mortel (9) et jusqu à 62 % pour les patients ayant fait des tentatives de suicide (10). Une étude conduite aux États-Unis a trouvé que la mortalité sur une durée de cinq ans était 2,4 fois plus élevée pour les patients admis aux urgences pour intoxication éthylique aiguë que celle du groupe témoin. Dans le même sens, Reynaud et al. (11) ont démontré chez des patients hospitalisés aux urgences pour intoxication éthylique aiguë que 66 % d entre eux avaient un taux de CDT supérieur à la normale, 42 % avaient les GGT supérieures à la normale et environ 80 % avaient soit les GGT soit la CDT supérieures à la normale. Le questionnaire CAGE était positif pour 83 % d entre eux. Ainsi, 9 % seulement de la population concernée avaient les GGT, la CDT et un questionnaire CAGE négatifs. Si l on regarde du côté des autres substances psychoactives, les données sont aussi parlantes. Le tabac occasionne de nombreux dommages, et le tabagisme est responsable de près de 65 000 décès par an en France et d une morbidité encore plus lourde. L incidence du cancer bronchique est de 55/100 000 chez les hommes et de 59/100 000 chez les femmes (proportion qui ne cesse d augmenter chez ces dernières). De plus, le tabac constitue un facteur de risque majeur pour de nombreuses pathologies dont l hôpital assure la prise en charge (12, 13). En ce qui concerne les drogues illicites, la multiplicité et l hétérogénéité des produits consommés constituent une situation complexe qui complique la description épidémiologique des dommages médicaux induits. En 1995, 15,8 % des individus de 18 à 75 ans déclaraient avoir déjà consommé une substance illicite au cours de leur vie et 4,4 % au cours des 12 derniers mois. Environ 64 000 personnes ont été pris en charge dans les CCST en 1999 (14), et une étude récente a trouvé une prévalence d un abus d une substance psychoactive illicite d environ 30 % parmi des patients admis aux urgences et qui nécessitaient une hospitalisation en milieu psychiatrique (15). Du concept d alcoologie de liaison à celui d addictologie de liaison Émergence de la notion d alcoologie de liaison La notion d alcoologie de liaison apparaît comme l adaptation au domaine de l alcoologie de la notion de psychiatrie de liaison. En effet, la notion d activité de liaison est issue de la psychiatrie d exercice public quand il lui fut demandé de répondre aux besoins en santé mentale des patients hospitalisés à l hôpital général. Neuf étapes ont scandé cette émergence (16). Le psychiatre de liaison Ferreri et Alby soulignaient en 1976 (17) l intérêt porté depuis fort longtemps par de nombreux auteurs aux problèmes psychologiques posés par les patients hospitalisés dans les divers services de médecine ou de spécialités de l hôpital. Le psychiatre à l hôpital doit répondre à une double demande de ces services : dépister, diagnostiquer et traiter les troubles mentaux, mais aussi faire accepter et comprendre au personnel soignant les patients présentant une souffrance d ordre psychiatrique. Une prise en charge dans le service demandeur permet de ne pas psychiatriser d emblée le patient. Comme nous le verrons, cette attente concerne également la pathologie alcoolique. Ferreri et Alby insistaient sur la notion de célérité : la demande des soignants doit être satisfaite dans les plus brefs délais s il s agit d une urgence, dans la journée pour les autres cas. Cette pratique nécessite donc un dispositif d intervention mobile, disponible, efficace et souple. Ces auteurs insistaient également sur le fait que le psychiatre de liaison doit rester affecté au sein d une équipe de secteur afin, d une part, qu il ne s isole pas ou ne se sente pas isolé et, d autre part, qu il puisse informer son service des difficultés qu il rencontre, élaborer des réflexions sur les différents cas rencontrés et surtout préparer la prise en charge ultérieure et donc extérieure des patients. Le rôle du psychiatre de liaison est donc non seulement de collaborer à la prise en charge thérapeutique des patients, mais également de sensibiliser le personnel soignant à la dimension psychologique de la pratique médicale, de régler ainsi d éventuels conflits entre le patient et l équipe soignante qui pourraient s avérer préjudiciable à ses soins, et d assumer un rôle d enseignement auprès de l équipe soignante à partir des cas qui ont motivé l appel. Il a également un rôle de recherche. La circulaire dite Évin du 14 mars 1990 Relative aux orientations de la politique de santé mentale (18), elle a rappelé ensuite combien il est impératif d envisager les problèmes de santé publique sous un angle élargi, notamment par une ouverture vers la communauté. Elle appelait à développer des soins plus complexes dans certains domaines [...] en structurant des unités fonctionnelles spécialisées et en mettant en commun des moyens avec d autres secteurs. Il s agissait ainsi de diversifier les pôles d activités des services psychiatriques en fonction des catégories de patients et notamment de développer la psychiatrie à l hôpital général. On y soulignera que le rattachement de secteurs de psychiatrie à des hôpitaux généraux demeure ainsi l une des priorités [...] et que si ce rattachement n est pas possible, le centre hospitalier spécialisé passera convention avec le centre hospitalier général pour y implanter une ou plusieurs structures. 312

Alcolo_N4-03_0311-0317 1/03/04 10:30 Page 313 Addictologie hospitalière de liaison La loi n 91-748 du 31 juillet 1991 Portant sur la réforme hospitalière et imposant l élaboration de projets médicaux aux établissements, elle a fait apparaître aussi bien leurs carences ou insuffisances que leurs points forts dans les réponses qu ils apportaient aux besoins et attentes des usagers dans certains domaines spécifiques, tel l alcoolisme. En autorisant des actions de coopération par des conventions ou la constitution de syndicats inter-hospitaliers, cette loi a également ouvert la possibilité à des équipes spécialisées d apporter leur compétence dans des établissements voisins qui en sont dépourvus et en ont besoin : c est évidemment le cas pour la psychiatrie de liaison, et partant pour l alcoologie, notamment avec la constitution et l implantation à partir de 1996 des équipes hospitalières d alcoologie de liaison. Le rapport Massé Publié en 1992 (19), il a recommandé de nouvelles évolutions pour la psychiatrie d exercice public, parmi lesquelles on relèvera ici encore l intérêt des unités intersectorielles et du déploiement des équipes de secteur à l hôpital général. En 1995, Massé et Mie sont revenus sur [l]évolution et [le] devenir des institutions psychiatriques pour rappeler l importance de la collaboration étroite avec l ensemble du champ médico-chirurgical ; ils insistaient sur la psychiatrie de liaison en décrivant plusieurs de ses modalités de déploiement et indiquaient son intérêt pour certaines situations cliniques : [...] l accentuation de la présence des équipes psychiatriques en hôpital général représente, de même, un facteur favorisant de la prise en charge des alcooliques (20). Rapport à la Direction des hôpitaux en mai 1995 Dans son rapport sur la notion d intersectorialité en psychiatrie appliquée au domaine de l alcoolisme (21), Rigaud rappelait d abord que J.-P. Descombey puis B. Laroche avaient à la fois réaffirmé la pertinence de l approche psychiatrique dans la prise en charge des patients en difficulté avec l alcool et dénoncé l inadéquation du plateau technique sectoriel standard pour atteindre cet objectif. Après eux, Rigaud a souligné à son tour combien sont nécessaires des lieux d accueil, de soins et d accompagnement qui soient spécifiquement destinés et organisés pour cette catégorie de patients. Deux types au moins d institutions spécialisées lui paraissent indispensables à implanter à proximité : a) les centres d alcoologie pour le travail ambulatoire (accueil, bilan diagnostique médico-social, écoute, aide, sevrage ambulatoire, accompagnement et/ou orientation le cas échéant), que ces centres soient des centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA) ou des centres médico-psychologiques (CMP) spécialisés en alcoologie ; b) les unités hospitalières d alcoologie (UHA) pour assurer le temps hospitalier (bilan, sevrage, cure programmée nommée aujourd hui soins intensifs de postsevrage), qu elles soient promues par des établissements hospitaliers médico-chirurgicaux et obstétricaux (MCO) ou par des établissements psychiatriques. D autres institutions spécialisées, tels les centres de postcure (soins de suite et de réadaptation) et les CHRS viennent utilement compléter ce dispositif minimum pour poursuivre dans certaines indications le traitement entrepris et consolider l évolution. Rigaud insistait enfin sur la nécessité, pour améliorer la prise en charge des patients présentant un mésusage d alcool, que l activité de ces structures soit coordonnée. Leur complémentarité apparaît en effet indispensable pour assurer la continuité des soins et la cohérence et donc la qualité de leurs activités. Le dipôle centre d alcoologie/uha peut alors constituer un pôle de compétences et de ressources pour contribuer au développement d un réseau alcoologique dans la communauté. Assurant proximité et continuité des soins, ce dipôle devient pour l alcoologie ce que le CMP et l unité d hospitalisation temps-plein sont au dispositif sectorisé de psychiatrie, d où l idée de promouvoir ce modèle d organisation pour l alcoologie. En effet, un tel dispositif, en disposant comme n importe quel secteur de psychiatrie mutatis mutandis de ce dipôle, voire d une palette de structures complémentaires et coordonnées, ainsi que d une équipe spécialisée pluridisciplinaire et mobile, permet d établir des relations de travail inter-institutionnelles pour renforcer la cohérence de l organisation alcoologique déjà existante sur un bassin géodémographique donné. Si un intersecteur d alcoologie avec son équipement au complet est de nature à constituer un modèle organisationnel, ce modèle peut être adapté à l existant pour associer par convention, par exemple, un CCAA avec une UHA promue par un secteur de psychiatrie ou, autre exemple, un centre d alcoologie intersectoriel avec une UHA promue par un hôpital général ; le modèle vaut encore quand il coordonne une telle UHA avec un CCAA. L important en effet est bien que soient assurées la continuité et la coordination et donc la qualité des étapes ambulatoires et résidentielles qu impliquent la prise en charge d une personne en difficulté avec l alcool, notamment quand il s agit d alcoolodépendance, qui vont de l accueil, du bilan et du travail d émergence de la motivation à l accompagnement après le sevrage en passant par le sevrage, le postsevrage et le cas échéant les soins de suite et de réadaptation. Quoi qu il en soit, au delà de l application à l alcoologie des principes de proximité et de continuité des soins issus du modèle de la psychiatrie sectorisée, dont la réalisation dépendra pour beaucoup de la résolution des questions administratives liées à l hétérogénéité du dispositif de lutte contre l alcoolisme (6), Rigaud rappelait également dans son rapport qu une part importante de la morbidité alcoolique est reçue dans les SAU et les services MCO des hôpitaux généraux. Pour mieux la prendre en compte, il reprend l idée du travail de liaison expérimenté en psychiatrie pour l appliquer à l alcoologie en proposant l expression d alcoologie de liaison. Cette activité spécialisée conduite à l hôpital général peut être déployée à partir de l UHA quand il en existe une ou par l équipe d un centre d alcoologie implanté à proximité. La circulaire DGS/DH 96-239 du 3 avril 1996 Relative aux orientations dans le domaine de la prise en charges des toxicomanes en 1996 (1), elle prolonge le plan de lutte 313

Alcolo_N4-03_0311-0317 1/03/04 10:30 Page 314 contre la drogue et la toxicomanie annoncé par le Gouvernement le 14 septembre 1995. Parmi ces trois axes prioritaires, l on relève l amélioration de la prise en charge des toxicomanes à l hôpital prévoyant la mise en place d équipes de liaison et de soins aux toxicomanes dont les missions annoncent celles qui vont être précisées et développées cinq mois plus tard pour le versant alcoologique (cf. infra). La circulaire DH/EO4 96-557 du 10 septembre 1996 Relative à la constitution d équipes d alcoologie hospitalière de liaison (EAHL) (2), elle affirme que les établissements de santé doivent organiser les conditions d une prise en charge spécifique des sujets alcoolodépendants et des buveurs excessifs, que la consommation d alcool soit la cause de l hospitalisation ou qu elle soit repérée à cette occasion. Pour ce faire, la circulaire précise : Sans se substituer aux équipes soignantes des services, les équipes d alcoologie de liaison ont pour mission d aider à la prise en charge du problème alcool pour l ensemble de l établissement, en sensibilisant les instances consultatives [...] et en formant les équipes soignantes au repérage du problème, en les assistant dans la prise en charge et en participant à l orientation du malade après l hospitalisation. Au service des urgences, notamment, elles proposent une stratégie de prévention primaire et secondaire des problèmes d alcoolisation. L intervention des équipes d alcoologie de liaison doit être l occasion d engager le patient dans un projet thérapeutique au delà de la période d hospitalisation, en liaison avec les acteurs sanitaires et sociaux agissant en réseau. Cette circulaire, qui lance un appel d offres, affirme également que ces équipes doivent être pleinement rattachées à un service hospitalier qui doit avoir une activité alcoologique identifiée. La circulaire DGS n 96-707 du 19 novembre 1996 Relative à la promotion du travail en réseau pour l organisation de la prise en charge précoce des problèmes liés à l alcool (22), elle rappelle que le Haut comité de la Santé publique considère l alcool comme l un des principaux déterminants des problèmes de santé, et [que] 16 régions ont identifié la consommation d alcool comme déterminant prioritaire. Cette circulaire souligne ensuite que la plupart des acteurs de soins confrontés à des patients en difficulté avec l alcool ne les prennent en charge, le plus souvent, qu au titre de leur pathologie associée, et non au titre de leur consommation d alcool. Cette absence de prise en charge spécifique présente des conséquences financières et humaines considérables [ ] qu il importe de réduire. Enfin, elle affirme que les conditions sociales (précarité, exclusion...) sont des déterminants essentiels des mécanismes d alcoolisation et de la sortie durable de l alcool. La circulaire poursuit : Pour mettre en œuvre cette priorité, l action [...] s articule autour de trois axes : - l information et la sensibilisation des médecins généralistes [...] ; - l amélioration de la prise en charge hospitalière des personnes en difficulté avec l alcool : à ce titre, la direction des hôpitaux favorise la création d équipes d alcoologie de liaison intra-hospitalières ; - la mise en réseau et la formation des différents acteurs pouvant intervenir dans la prévention et dans les soins aux personnes alcooliques [...]. Cette circulaire promeut donc officiellement, et pour la première fois en alcoologie, le principe du travail en réseau pour l organisation de la prise en charge précoce des problèmes liés à l alcool. Les objectifs de ce travail en réseau sont nombreux et importants, mais l on relèvera ici parmi eux qu il s agit entre autres de permettre, en s appuyant sur les compétences reconnues du dispositif spécialisé de lutte contre l alcoolisme et des équipes hospitalières impliquées dans la prise en charge des malades alcooliques (notamment les équipes hospitalières d alcoologie de liaison), de sensibiliser, former, et mobiliser les acteurs non spécialisés (notamment les services hospitaliers et les médecins généralistes) [ ]. L organisation de liens entre les différents acteurs intra- et extra-hospitaliers doit permettre une prise en charge globale et pluridisciplinaire, et facilite les prises en charge-relais à la fin des hospitalisations. Ces trois dernières circulaires consacrent la notion de travail et d équipe de liaison, à la fois en en soulignant l intérêt et en mobilisant de nouveaux moyens pour les promouvoir. Pour autant, nous devons souligner qu elles ignorent encore l approche addictologique. En effet, leur élaboration et leur promotion se sont inscrites dans la continuité des dispositifs de lutte contre respectivement l alcoolisme et la toxicomanie qui se sont historiquement développés de manière différenciée et cloisonnée (23), et aucune des trois ne fait de recommandation ni même de référence renvoyant au secteur voisin. Cette différenciation se poursuit d ailleurs jusque dans le dernier texte que nous signalerons et auquel d ailleurs la circulaire du 19 novembre 1996 fait explicitement référence. Le rapport Reynaud-Parquet Réalisé en 1998 (6), il concernait les personnes en difficulté avec l alcool et préconisait pour le dispositif hospitalier une équipe d alcoologie de liaison pour chaque structure, des unités résidentielles centrées sur l alcoologie, une réorganisation des services d urgences afin de permettre une prise en charge des patients en difficulté avec l alcool et un hôpital de jour spécialisé en alcoologie pour un secteur géographique d environ 100 000 habitants. Émergence de la notion d addictologie de liaison La notion d addictologie de liaison apparaît comme le confluent des pratiques de liaison développées simultanément et indépendamment en alcoologie et en toxicomanie. Cette confluence vient s inscrire dans une évolution récente des représentations et des concepts dans le domaine des comportements de consommation de substances psychoactives. L approche par produit fondée sur le modèle biomédical devenait insuffisante et il paraissait de plus en plus nécessaire de la dépasser pour considérer les relations de la consommation avec le fonctionnement de la personne et l aborder en termes de comportement. La notion d addiction est apparue, malgré ses ambiguïtés, propice pour soutenir une approche de ces comportements qui soit descriptive, intégratrice 314

Alcolo_N4-03_0311-0317 1/03/04 10:30 Page 315 Addictologie hospitalière de liaison et pragmatique dans une perspective de santé publique et d intervention médico-psychosociale, afin de réduire les risques, prévenir les dommages et la dépendance, et préserver le lien social ainsi que les équilibres économiques. Cette approche dite addictologique appelle les pratiques professionnelles à se décloisonner pour s intéresser aux aspects communs et spécifiques à la fois des différentes substances psychoactives et de leurs effets (psychoactivité, puissance addictogène, nocivité induite), des différents comportements de consommation ou pratiques addictives, et enfin des objectifs et stratégies d interventions, ainsi que des espaces où les mettre en œuvre. Ce faisant, une nouvelle politique publique a été promue sous l égide de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), avec notamment l adoption par le Gouvernement du Plan triennal 1999-2001 (24). Dans le champ sanitaire et social, cette politique a invité les différents dispositifs spécialisés dans la lutte contre l alcoolisme et la toxicomanie à repréciser voire redéfinir leurs spécificités en termes d objectifs, de méthodes et d outils, corrélativement aux autres acteurs et à leurs actions (23, 25). Quatre nouvelles circulaires engagent cette évolution dans les établissements hospitaliers. La circulaire DGS/SP3/DH/EO2/99/ n 346 du 15 juin 1999 Relative à l organisation des soins hospitaliers pour les personnes toxicomanes (26), elle recommande principalement la poursuite du développement des équipes de liaison, dont les missions sont précisées d une manière analogue à celles dévolues aux équipes hospitalières d alcoologie de liaison issues de la circulaire de septembre 1996, ainsi que l augmentation de la capacité d hospitalisations pour sevrage, bilan et soins. L on y relève aussi que s y amorce le décloisonnement des dispositifs mobilisés contre respectivement l alcoolisme et la toxicomanie, avec la recommandation explicite de développer les liens avec les structures d alcoologie et le secteur psychiatrique. La circulaire fait précisément référence aux fréquentes dépendances à l alcool observées chez les patients toxicomanes et aux modèles d intervention souvent similaires pour suggérer de coordonner les réponses et s inscrire dans la perspective addictologique en voie d émergence. La circulaire DH/EO2/DGS/2000/182 du 3 avril 2000 Relative à la lutte contre le tabagisme dans les établissements de santé et au renforcement ou à la création de consultations hospitalières de tabacologie et d unités de coordination de tabacologie (3), elle définit la politique de santé publique concernant le tabagisme au sein de l hôpital. Elle rappelle que l hôpital n est pas un lieu ordinaire : il a valeur d exemple pour tout ce qui touche à la santé. Ainsi, elle recommande la création des consultations hospitalières et d unités de coordination de tabacologie afin de mettre en place, au sein de l hôpital, des lieux où former les professionnels de santé, d initier des actions de formation, d information et de prévention du tabagisme [...] ; de développer un travail de liaison ; [...] et, enfin, de réaliser un baromètre Soignants sans tabac permettant d apprécier la proportion de fumeurs parmi les soignants. Cette circulaire prévoit des consultations de tabacologie dans tous les hôpitaux de plus de 500 lits. Elle envisage déjà un rapprochement des différentes structures qui prennent en charge des patients ayant un mésusage de substances psychoactives. Ainsi, elle souligne que le travail de liaison effectué par les équipes de tabacologie doit à terme être intégré dans le dispositif général de prise en charge des dépendances. Il est également préconisé que [...] lorsqu il existe une équipe de liaison en addictologie (alcool ou toxicomanie), l unité de coordination de tabacologie y sera intégrée. Le rapport Reynaud-Parquet-Lagrue Présenté au public début 2000 (27), il concernait les pratiques addictives et établissait le concept d addictologie. Il rappelait que pendant longtemps, dans le cadre du développement des connaissances scientifiques, on a principalement considéré les comportements de dépendance comme la conséquence des effets des substances psychoactives sur le système nerveux central et sur l ensemble de l organisme. Ainsi, la rupture avec le produit, la cure de sevrage et le maintien de l abstinence suffisaient pour réinscrire les patients dans une démarche de santé. Cette démarche conduisait à fractionner le champ d intervention en ce qui a trait à l alcool, aux drogues illicites, au tabac ou aux médicaments psychotropes. La prise en compte de la spécificité de chaque produit contribuait donc à la mise en place de politiques distinctes tant du point de vue législatif que sanitaire (l alcoolisme, la toxicomanie, le tabagisme). Les personnes étaient caractérisées par la nature du produit consommé : alcoolique, tabagique, héroïnomane, cocaïnomane.... Reynaud proposait une définition des conduites addictives axée sur les comportements pathologiques de consommation de substances psychoactives [...]. Ce changement de paradigme permettait d envisager des réponses centrées sur les personnes et les comportements, et non plus uniquement sur les produits, et donc de mieux répondre aux besoins des patients. La circulaire DHOS/O2-DGS /SD6B 2000/460 du 8 septembre 2000 Relative à l organisation des soins hospitaliers pour des personnes ayant des conduites addictives (4), elle est présentée au public le 15 septembre 2000. Elle introduit le concept d addictologie au sein de l hôpital. L approche doit dorénavant prendre en compte les comportements addictifs définis comme l impossibilité de contrôler un comportement de consommation de substances psychoactives qui vise à produire un plaisir ou écarter une sensation de malaise interne, poursuivi en dépit de ses conséquences. Pour autant, les populations présentant une conduite addictive, c est-à-dire un mésusage d une substance psychoactive, sont loin de se confondre toujours. Les comportements de consommation, qu il s agisse d un seul produit ou de l association de plusieurs substances, sont très différents. Le principe est donc de favoriser le rapprochement des équipes, d améliorer les coopérations et les échanges de savoir-faire, et enfin de mutualiser les moyens et les outils thérapeutiques pour adapter les réponses aux réalités du terrain hospitalier et mieux prendre en compte la diversité des situations. 315

Alcolo_N4-03_0311-0317 1/03/04 10:30 Page 316 Dans ce cadre, la circulaire prévoit la création d une unité fonctionnelle d addictologie [...qui] pourra disposer d un budget spécifique et présenter son propre rapport d activité. Elle poursuit en précisant que le rattachement de l équipe de liaison à cette unité fonctionnelle d addictologie ou à un service disposant de lits pour assurer les sevrages [...] est décisif pour assurer l identification et la reconnaissance de l équipe de liaison. Rapprocher les compétences en alcoologie, toxicomanie et tabacologie au sein des établissements hospitaliers apparaît comme une des priorités de cette circulaire et répond à une vraie nécessité. Il reste que la perspective addictologique n implique pas nécessairement la négation de certaines spécificités et que certaines doivent être précisément prises en considération. La circulaire DGS/DHOS n 2002/57 du 30 janvier 2002 Relative à la prescription de la méthadone par les médecins exerçant en établissement de santé (28), elle règle la primoprescription de la méthadone par les médecins des établissements de santé. Elle donne la possibilité aux médecins exerçant dans ces structures d initier la substitution des opiacés par la méthadone, tout en les obligeant à s assurer à la sortie de l établissement de la continuité de la prise en charge par des structures spécialisées. De plus, cette circulaire réaffirme les missions de l équipe de liaison et de soins en addictologie (ELSA) : d une part, la prise en charge de la conduite addictive des patients, d autre part, l assistance et la formation des personnels soignants des unités MCO : Ces équipes ont en effet pour principale mission de former et d assister les équipes soignantes de l hôpital, d élaborer les protocoles de soins et de prise en charge et de développer les liens avec le dispositif de prise en charge permettant un suivi médico-psychosocial. Créées souvent au départ sous la modalité d équipes hospitalières d alcoologie de liaison, en référence à la circulaire du 10 septembre 1996, les équipes hospitalières de liaison adoptent aujourd hui la perspective addictologique pour mieux décloisonner leurs compétences jusque-là réparties en fonction des produits, coordonner voire mutualiser leurs moyens et élargir leurs missions à l ensemble des comportements addictifs. Conclusion Il apparaît déjà aujourd hui que l intervention d une équipe de liaison in situ dans les unités de soins MCO ou de moyen séjour présente le double et indiscutable avantage d un échange direct avec les équipes soignantes et d une prise de contact avec le patient inscrite dans la continuité de son séjour hospitalier. C est bien ainsi qu il devient possible d assurer au mieux un rôle d aide à la prise en compte des problèmes d addiction, non seulement en proposant au patient un suivi spécialisé au-delà de son séjour à l hôpital, mais surtout en sensibilisant nos collègues praticiens et paramédicaux hospitaliers au repérage des différentes formes cliniques et évolutives des conduites addictives, aussi en les informant sur les possibilités et méthodes concrètes de prises en charge, d abord dans leur service, ensuite à l extérieur par les dis- positifs spécialisés et leurs partenaires en ville coordonnés, le cas échéant, par un réseau. Dans les prochaines années, si l on se réfère aux études épidémiologiques concernant les jeunes consommateurs, les besoins risquent d évoluer considérablement. Aussi, la structure des équipes de liaison devrait leur permettre de s adapter rapidement aux futures attentes de leurs partenaires hospitaliers et de ville. Nous rappellerons à ce sujet qu aucune norme d effectif n a été définie pour composer une ELSA et que la seule référence à ce sujet est celle donnée par la circulaire du 10 septembre 1996, à savoir : Les moyens peuvent être attribués dans la limite d un mitemps de praticien hospitalier et de deux à quatre équivalents tempsplein non médecins par équipe en fonction de l activité prévisionnelle, ces non-médecins pouvant être des infirmiers, des psychologues, ainsi que des travailleurs sociaux et un temps partiel de secrétariat médical. À noter que le mi-temps de praticien peut être complété par un mi-temps issu d une structure extra-hospitalière type CHAA, c est-à-dire aujourd hui d un CCAA et d un CSST, et demain d un CSAPA (centre de soin, d accompagnement et de prévention en addictologie). En 1999, la MILDT recensait pour le Plan triennal (24) 62 équipes de liaison pour les toxicomanes et 21 pour les personnes en difficulté avec l alcool. La même année, la Direction des hôpitaux a réalisé une enquête (29) auprès des agences régionales d hospitalisation (ARH) qui a recensé 96 équipes d alcoologie de liaison dans 164 établissements de santé, dont 21 financées par des crédits spécifiques suite à la circulaire du 10 septembre 1996. Leur déploiement s est poursuivi et l enquête DHOS-O2 du 25 juin 2001 auprès des établissements de santé financés par dotation globale, menée par M. Jeanfrançois et E. Fernandes, a recensé 252 équipes de liaison (30, 31). À l heure actuelle environ la moitié de ces équipes se sont regroupées dans l Association française des ELSA. Si ce développement est sans doute important et très encourageant, il reste encore loin du projet de la MILDT d équiper les 617 établissements publics français de santé de plus de 200 lits. Qui plus est, si les besoins auxquels ces ELSA vont devoir répondre à l hôpital sont assez bien décrits sur le plan qualitatif, l on est encore loin de bien connaître leur prévalence sur le plan épidémiologique qui relève encore pour l instant de l estimation. De ce fait, aucune réflexion n est officiellement engagée sur la hauteur et la catégorie des effectifs soignants qu il conviendra de mobiliser dans les prochaines années pour faire face à cet enjeu majeur de santé publique. 316

Alcolo_N4-03_0311-0317 1/03/04 10:30 Page 317 Addictologie hospitalière de liaison R. Schwan, A. Rigaud, B. Fleury et al. L addictologie hospitalière de liaison. Chronologie d un dispositif innovant Références bibliographiques 1 - Circulaire DGS/DH N 96.239 du 3 avril 1996 relative aux orientations dans le domaine de la prise en charge des toxicomanes. 2 - Circulaire DH/E04/96 557 du 10 septembre 1996 relative à la constitution des équipes d alcoologie hospitalière de liaison (EAHL). 3 - Circulaire DH/DGS/2000/182 du 3 avril 2000 relative à la lutte contre le tabagisme dans les établissements de santé et au renforcement ou à la création de consultations hospitalières de tabacologie et d unités de coordination de tabacologie. 4 - Circulaire DHOS/02-DGS/SD6B 2000/460 du 8 septembre 2000 relative à l organisation des soins hospitaliers pour les personnes ayant des conduites addictives. 5 - Kopp P, Fengold P. Le coût social des drogues licites (alcool et tabac) et illicites en France. Observatoire français des drogues et des toxicomanies, 2000 ; 22 septembre. 6 - Reynaud M, Parquet PJ. Les personnes en difficulté avec l alcool. Paris : CFES, 1999 : 245-257. 7 - Reynaud M, Malet L, Facy F, Glanddier P. Hospital morbidity of alcohol use disorders in the center of France. Alcohol Clin Exp Res 2000 ; 24 (7) : 1057-1062. 8 - Callahan CM, Tierney WM. Health services use and mortality in older primary care patients with alcoholism. J Am Geriatr Soc 1995 ; 43 (12) : 1378-1383. 9 - Macdonald S, Wells S, Giesbrecht N, Cherpitel CJ. Demographic and substance use factors related to violent and accidental injuries: results from an emergency room study. Drug Alcohol Depend 1999 ; 55 (1-2) : 53-61. 10 - Soukas J, Lonnqvist J. Suicide Attempts in which alcohol is involved: a special group in general hospital emergency rooms. Acta Psychiatr Scand 1995 ; 91 (1) : 36-40. 11 - Reynaud M, Schwan R, Loiseaux-Meunier MN, Albuisson E, Deteix P. 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Bilan du développement des équipes d alcoologie de liaison dans les établissements de santé. Septembre 1999. Paris. 30 - DHOS-O2. Renforcement des moyens en addictologie et tabacologie hospitalières en 2000 et 2001. Enquête du 25 juin 2001 auprès des établissements de santé financés par dotation globale. Paris. 31 - Bérenger P. Alcoologie de liaison : la réalité sur le terrain. Alcoologie et addictologie 2001 ; 23 (3) : 458-459. 317