Projet de Promotion de l'innovation et de la Propriété Intellectuelle en Côte d'ivoire



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Transcription:

MESRS - C.I. Mission d'étude Projet de Promotion de l'innovation et de la Propriété Intellectuelle en Côte d'ivoire RAPPORT FINAL Etude réalisée par: IRITIE Bi Goli Jean-Jacques Expert national & ROCHAT Jean-Denis Expert international Version corrigée, Septembre 2013

SOMMAIRE Remerciements 2 Contexte 3 Méthodologie 5 Définition de quelques concepts clés 7 Principaux résultats - Etat des lieux 9 Recommandations 13 Conclusion 26 Annexes 27 Bibliographie 29 1

REMERCIEMENTS L'équipe des experts exprime ses remerciements à l'organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et à son Directeur régional Afrique Son Excellence Monsieur SERY Koré Marc pour avoir bien voulu lui confier la réalisation de cette étude. Elle tient aussi à remercier les autorités ivoiriennes pour leur étroite collaboration et orientation, en particulier le Professeur KATI-COULIBALY Séraphin, Directeur Général de la recherche et de l'innovation technologique (DGRIT) au Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS), le Professeur BOHOUSSOU Denis, Directeur Général de l'office ivoirien de la Propriété Intellectuelle (OIPI) et le Docteur SANGARE Yaya, Secrétaire exécutif du Programme d'appui stratégique à la recherche scientifique (PASRES). Les experts sont particulièrement reconnaissants au Professeur TAHIRI Annick, Directrice de la Promotion, de la valorisation de la recherche et de l'innovation technologique (DPVRIT-MESRS). Sans son aide pour les prises de contacts et interviews, il aurait été impossible de conduire l'étude dans le temps limité qui leur était imparti. Enfin, l'équipe des experts tient à exprimer ses vifs remerciements à l'ensemble des acteurs et structures interviewés pour leur disponibilité, leur accueil et la franchise des échanges qu'elle a eu avec eux. Dr. Jean-Jacques B. G. Iritié Ingénieur agroéconomiste Docteur en économie de l'innovation Enseignant-chercheur INP-HB Tel:+225 59672812 email: iritiebigoli@yahoo.fr Expert national Jean-Denis Rochat Ingénieur, CEO Inventeur suisse Tel:+41(0)223660074 email: jean.denis.rochat@bio fluidsystems.com Expert international 2

CONTEXTE L'innovation est considérée comme le principal moteur de la croissance économique et social (Solow, 1957; Romer, 1986). En effet, l'accumulation de la connaissance suite aux investissements en recherche et développement (R&D), en formation ou apprentissage, en infrastructures améliore l'efficacité du capital supplémentaire investi; ce qui génère encore un accroissement du niveau de connaissance et le progrès technique (Iritié, 2012). Fort de ce fait, les activités de recherche et d'innovation ont toujours été au cœur des politiques industrielles des pays avancés. Bien que ces pays travaillent de plus en plus à la frontière technologique, ils offrent une fenêtre d'opportunité aux pays moins avancés pour exploiter la connaissance globale produite et l'adapter à leur contexte local. L'économie de la connaissance et de l'innovation suscite de plus en plus un intérêt particulier tant dans les milieux scientifique et académique que des décideurs publiques dans les pays en développement. Pour rattraper leur retard technologique, créer de la richesse et favoriser l'emploi, ces pays initient des politiques en matière de recherche et d'innovation. Le Président de la République a montré sa volonté de faire de la Côte d Ivoire un pays émergeant d ici 2020, et est donc parfaitement conscient de l absolue priorité de mettre en place une stratégie efficace de promotion de l innovation. Il avait d'ailleurs indiqué dans son programme de gouvernement 1 : "Il nous faut une recherche scientifique et technologique d'excellence au service du développement économique et social de notre pays". La présente étude se veut une première étape de la traduction de cette volonté politique en actes simples, concrets et rapidement opérationnels. Elle vise à poser les jalons d'une réflexion plus globale sur la mise en place d'un système d'innovation cohérant et à proposer une politique et une stratégie de promotion de l'innovation et de la propriété intellectuelle. Cette politique devra poursuivre deux buts essentiels: 1 Voir le chapitre XX du Programme "Vivre ensemble" du Président Alassane Ouattara. 3

o inciter à la production de savoir (dans les universités et organismes de recherche), à sa circulation et à son transfert vers le secteur privé; autrement dit à promouvoir la valorisation des résultats de la recherche. o inciter les entreprises locales à s'engager dans leurs propres activités de recherche et développement et/ou à les intensifier; autrement dit à créer un cadre propice au renforcement de la compétitivité des entreprises et à la création de nouvelles entreprises innovantes. Le premier enjeu traduit la nécessité d'une interaction forte et coordonnée entre les acteurs de deux sphères institutionnellement cloisonnées, la sphère de la production de connaissance (universités et centres de recherche) et la sphère de l'industrie (entreprises privées). Le second enjeu traduit l'importance du secteur privé et de ses activités de R&D dans la création richesses et dans l'émergence d'une économie moderne créatrice d'emploi. Pour le succès de la politique d'innovation, le soutien ferme des pouvoirs publics au plus haut sommet de l'etat est essentiel (World Bank, 2010). Il donne une crédibilité et une cohérence à la vision nationale, agit comme un catalyseur et le garant des dispositions réglementaires en la matière. L'objectif des experts à travers ce rapport est justement de prôner que la dynamique du système d'innovation, souvent complexe, doit se baser sur une relation renforcée Etat - Science - Industrie, dans laquelle chaque institution agit de manière efficace. Après avoir présenté les principaux résultats de l'analyse des informations d'enquête recueillies sur le terrain, nous faisons quelques recommandations et proposons un projet de promotion de l'innovation et de la propriété intellectuelle. 4

METHODOLOGIE Cette étude a été exécutée en trois phases successives: préparation à la collecte d'informations (essentiellement qualitatives), collecte d'informations proprement dite sur le terrain et analyse des informations. La collecte d'informations s'est faite au travers d'entretiens semi-directifs auprès d'un total de 18 acteurs et institutions 2 de l'écosystème de la recherche et l'innovation et reparties comme suite 3 : 6 centres de formation et instituts de recherche, 8 structures étatiques, 3 organisations professionnels, ONG et associations, 1 entreprise du secteur privé. La collecte des informations s'est déroulée du 19 juin au 05 juillet 2013 et a été effectuée par l'équipe des deux experts à Abidjan et banlieues et à Yamoussoukro. Le guide d'entretien utilisé à cet effet est globalement structuré en trois parties. La première partie porte sur la présentation générale des structures, la deuxième partie concerne le rôle de l'acteur interviewé dans l'écosystème national de la recherche et de l'innovation, et enfin la troisième partie porte essentiellement sur les moyens et les sources de financement des activités. La présentation générale permet de recueillir des informations sur le fonctionnement de l'institution, les textes administratifs et réglementaires (décrets, lois) et sur la qualité des ressources humaines engagées. La deuxième partie est plutôt relative aux informations spécifiques permettant de comprendre le rôle de l'acteur dans le système d'innovation, ses activités en lien avec l'innovation, la propriété intellectuelle et enfin la nature et la qualité de ses relations avec les autres structures (publiques et privées) existantes de l'écosystème. 2 Voir la liste en Annexe 1. 3 La répartition des structures est celle de la Direction de la promotion, de la valorisation de la recherche et de l'innovation technologique (DPVRIT) du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS). 5

La troisième et dernière partie du guide d'entretien permet de recueillir des informations sur l'intensité et les sources du financement des activités en lien avec la recherche et l'innovation. L'analyse que nous faisons suite aux informations recueillies est d'ordre qualitatif. La quasi-absence totale de données quantitatives est fortement liée au manque de structures institutionnelles clairement identifiées dont le rôle serait d'analyser les indicateurs et l'évolution du système d'innovation. Cependant, les informations qualitatives recueillies nous ont permis d'établir un état des lieux, certes et de caractériser l'écosystème ivoirien en matière de recherche et d'innovation. Les premiers résultats de cette étude, consignés dans un rapport préliminaire, ont été présentés en atelier de restitution les 29 et 30 juillet 2013 et dans les locaux de l'ecole Nationale de Statistique et d'economie Appliquée (ENSEA) à Cocody, Abidjan. Les différentes remarques et contributions des participants nous ont permis d'apporter des corrections et améliorations, et de produire ce rapport final. L'atelier de validation de ce rapport final s'est tenu le 24 septembre 2013 à l'ensea. Il a conduit les participants à faire des propositions et recommandations réaffirmant la nécessité du renforcement effectif des interactions entre les acteurs, la mise en place du cadre réglementaire et législatif, et enfin l'opérationnalisation de la politique d'innovation proposée dans ce rapport 4. 4 L'essentiel des conclusions de l'atelier de validation est présenté en annexe 1 (page 27) 6

DEFINITION DE QUELQUES CONCEPTS CLES o Innovation et invention Une définition assez concise et populaire est que l'innovation est l'exploitation réussie de nouvelles idées (Swann, 2009). Cette définition met en évidence le fait que l'innovation n'est pas juste la production de nouvelles idées mais plutôt leur exploitation commerciale. Il ne faut pas confondre invention et innovation. L'invention est la production de nouvelles idées soit par la recherche, soit par d'autres formes de créativité. L'innovation est l'application commerciale de l'invention. On parle donc d'innovation lorsque la nouvelle idée est utilisée ou exploitée sur le marché sous forme d'un produit ou d'un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d'une nouvelle méthode de commercialisation ou d'une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l'entreprise, l'organisation du lieu de travail ou des relations extérieures (Manuel d'oslo, OCDE 2005). o Système d'innovation Le concept de système d'innovation est principalement utilisé dans l'étude des systèmes nationaux d'innovation (SNI) 5. Freeman (1982;1987) définit les systèmes nationaux d'innovation comme "les réseaux d'institutions dans les secteurs publics et privés dont les activités et les interactions initient, importent, modifient et diffusent les nouvelles technologies". L'idée de base du concept de système d'innovation est l'abandon de la conception de l innovation comme un processus de décision individuel indépendant de l'environnement au profit d'une conception d'acteurs insérés dans différents réseaux 5 Freeman (1982; 1987), Lundvall (1992, 2007), Nelson (1993), Edquist (1997). 7

d'institutions (Aimable, 2003). Dans cette optique, l'innovation implique nécessairement des interactions entre les acteurs (les firmes, les laboratoires, les universités, etc.) et leur environnement. L'approche en termes de système d'innovation prête ainsi une attention particulière aux institutions qui concernent directement le processus d'innovation ou d'accumulation de connaissances. Elle se base sur le fait que la prise de décisions économiques repose sur des fondements institutionnels et par conséquent, différentes structures institutionnelles donnent lieu à des différences dans les comportements et performances économiques. On distingue deux conceptions différentes des systèmes d'innovation (Lundvall, 1992): la conception étroite qui se limite aux domaine de la science, la recherche, la technologie et l'éducation; la conception large qui s'étend à toutes les structures économiques et institutionnelles qui affectent le système de production. o Politique d'innovation La politique d'innovation peut être définie comme l'ensemble de stratégies et actions permettant de coordonner les différents acteurs du système avec pour objectifs de promouvoir l'innovation. Il s'agit donc de mobiliser l'ensemble des ressources techniques et humaines afin d'introduire sur les marché de nouveaux produits (bien et services) ou de nouveau procédés. Elle prend en compte la politique de formation, de recherche, de propriété intellectuelle, politique fiscale, politique de soutien, etc. 8

PRINCIPAUX RESULTATS - ETAT DES LIEUX L'analyse des informations recueillies sur le terrain permet de faire un état des lieux de l'écosystème de l'innovation de la Côte d'ivoire. Nous donnons ici les principaux atouts et faiblesses de cet écosystème. 1. Atouts o Il y a une volonté politique clairement affichée par le Président de la république, celle de faire de la Côte d'ivoire un pays émergent à l'horizon 2020 avec un accent particulier sur la recherche scientifique et l'innovation. Dans le chapitre XX 6 de son Programme "Vivre ensemble", il prévoit mettre en œuvre un plan de redynamisation de la recherche scientifique et technologique et d'y consacrer un soutien financier important, à terme environ 100 milliards de Francs CFA par an (soit 1% du Produit Intérieur Brut), secteurs public et privé réunis. o La Côte d'ivoire dispose d'un fort potentiel d'infrastructures dites de "connaissances et de compétences" (c'est-à-dire universités, grandes écoles et centre de recherches). On dénombre plus d'une dizaine d'universités (dont 5 publiques) et plus de cinquante centres et instituts de recherches employant des enseignants-chercheurs 7 et des chercheurs de compétences diverses et de qualité. Les activités (de recherche) intensives en connaissance menées au sein de ces universités, grandes écoles et centres de recherches peuvent être dictées par les impératifs de l'innovation. 6 Ce chapitre XX est intitulé "Donnons un nouveau souffle à notre recherche scientifique". 7 A titre indicatif, on dénombre au total 2731 enseignants-chercheurs, tous grades confondus, dans les universités et grandes écoles publiques (MESRS, 2012) 9

o La Côte d'ivoire dispose d'infrastructures de base et d'un environnement économique (performances macroéconomiques, environnement de affaires, gouvernance) pouvant influencer positivement sa capacité d'innovation et/ou d'adaptation des connaissances et des technologies existantes dans le monde. En effet, l'économie ivoirienne dispose des meilleures infrastructures routières de la sous région, est la première place financière et représente 40% du PIB de l'uemoa. Elle est dotée du 2ème plus grand port maritime de l'afrique avec 13 millions de tonnes par an et constitue le Hub du transport aérien de l'afrique de l'ouest 8, etc. Cet environnement peut servir de support à la mise en place d'une politique d'innovation efficace. o Il y a des acquis en termes d'études diagnostiques, de prospections en faveur de la recherche et de l'innovation. Les résultats de ces études peuvent servir à la réflexion globale sur la mise en place d'un système national d'innovation en Côte d'ivoire. On peut citer à titre d'exemple 9 : - L'excellente étude réalisée par le MESRS intitulée: "L'enseignement supérieur et la recherche en Côte d'ivoire: Etat des lieux et perspectives de développement". - Le Plan National de Développement 2012-2015 (PND): les Tomes I, II, III - Le Plan National de Développement de la Propriété Industrielle (PNDPI)" et les études monographiques et de valorisation des technologies réalisées par le Ministère de l'industrie - La réflexion de l'african Technology Policy Studies (ATPS) sur la mise en place d'un Conseil ivoirien pour la valorisation de la recherche et l'innovation technologique (CIVARITECH) - L'atelier de formation scientifique sur "le renforcement des capacités des systèmes nationaux de recherche-développement et d'innovation" organisé par l'isesco (Organisation Islamique pour l'education, la 8 Ces données sont extraites du film institutionnel de VITIB: voir http://www.vitibzonefranche.com/ 9 Une liste plus longue et détaillée est fournie à la page bibliographie. 10

Science et la Culture) et l'oasti (African Observatory of Science, Technology and Innovation). 2. Faiblesses Bien qu'il y ait la volonté politique, on note qu'il y a une absence totale de politique claire et de vision globale bien coordonnée en faveur de l'innovation et la technologie. Cela se traduit à 4 niveaux: o Niveau législatif et réglementaire On déplore l'absence d'un cadre législatif claire relatif au traitement de la question spécifique de l'innovation et de la mise en place d'une politique nationale. Le projet de loi (en cours) sur l'orientation et la programmation de la recherche scientifique, du développement technologique et de l'innovation en Côte d'ivoire ne met pas un accent particulier sur la définition d'un cadre juridique d'une politique nationale d'innovation. o Niveau structurel et organisationnel On note une dispersion des institutions (publiques, privées) traitant de la question de la recherche, de l'innovation et de la technologie. On constate une quasi-absence de collaboration et d'interaction entre les acteurs du monde de l'entreprise et du monde académique et de la recherche. Cette dispersion engendre des querelles d'intérêts personnels qui anéantissent le peu d'effort déployé et ralentissent le processus. De plus, on note une quasi-absence d'office de valorisation de la recherche au niveau des universités et centres de 11

recherche à l'exception de l'université Félix Houphouët Boigny (UFHB) avec son service de valorisation encore embryonnaire. o Niveau des incitations (rente liée à l'innovation) L'enjeu des politiques publiques en matière d'innovation est d'inciter à une production socialement efficace de l'innovation et profitable à l'innovateur (Iritié, 2012). Les moyens utilisés pour atteindre cet objectif sont en général de deux ordres: premièrement, la socialisation des coûts par la recherche publique (à travers les laboratoires et organismes publics de recherche, les subventions à des programmes communs) et deuxièmement la privatisation des gains par les droits de propriété privés créant un droit d'exploitation exclusif et monopolistique (brevets, licence, droits d'auteurs) 10. Or on constate que le système universitaire ivoirien est caractérisé par une insuffisance du financement de la recherche publique et de l'innovation. On note par ailleurs une faiblesse et la méconnaissance du système de la protection des droits de propriété intellectuelle (P.I), ce malgré l'existence de l'office ivoirien de la propriété intellectuelle (OIPI). o Niveau culturel L'innovation ne présente pas une toute première priorité pour les petites et moyennes entreprises (PME) du fait de l'insuffisance d'un environnement incitatif à la recherche privée d'une part et d'autre part parce que ces entreprises n'ont pas la culture et le goût du risque inhérent à toute activité de recherche et développement. La mise en place d'une politique d'innovation devra s'appuyer sur les atouts et faire relever tous les défis que posent les faiblesses constatées. 10 Voir Crampes et Encaoua (2005) pour une excellente revue des moyens incitatifs 12

RECOMMANDATIONS La politique et stratégie de promotion de l'innovation et la propriété intellectuelle doit s'articuler autour du renforcement des interactions entre l'etat, les acteurs de l'industrie (entreprises ou secteur privé) et les acteurs du monde académique (universités et institutions de recherche). Pouvoirs publics (Etat) Entreprises (secteur privé) Universités & centres de recherche Schema 1: Base de la politique d'innovation L'Etat joue un rôle important, celui de favoriser un environnement propice à l'innovation à travers les institutions et incitations nécessaires. Les universités, grandes écoles et centres de recherche publics sont au service de la collectivité et représentent de véritables viviers en terme de création de connaissances valorisables en produits innovants. Quant aux entreprises, acteurs principaux du système d'innovation, elles sont chargé du développement et de la mise sur le marché des produits nouveaux. 13

La mise en place de la politique d'innovation ivoirienne nécessite, dans un premier temps, de fixer un cadre réglementaire et législatif clair et dans un second temps à le rendre opérationnel à travers des structures simples et pertinentes et une dotation financière suffisante. A. Cadrage réglementaire et législatif Vu l'urgence d'une solution efficace et durable, il s'agira d'adopter le plus rapidement possible au plus tard fin 2013 une loi sur la recherche, la technologie et l'innovation (LRTI) fixant le cadre réglementaire et juridique de la politique d'innovation. L'on pourrait par exemple s'appuyer sur le projet de loi en cours et portant sur l'orientation et la programmation de la recherche scientifique, du développement technologique et de l'innovation en Côte d'ivoire. Un comité spécial devra être mis en place pour la révision de ce projet de loi en vue d'une meilleure prise en compte de l'innovation et de la valorisation de la recherche. En tout état de cause, la LRTI devra fixer: o la création de services de veille et de valorisation (SVU) des institutions publiques de recherche (universités, centres de recherche publique). o la création d'une structure centrale unique et indépendante chargée de promouvoir la valorisation de la recherche et de l'innovation. Nous proposons une structure inspirée du modèle Suisse 11. Elle pourrait prendre la forme d'une Agence pour la technologie et l'innovation. o la mise en place d'un fonds unique de soutien à la politique de recherche, de la technologie et de l'innovation. 11 La suisse est classée pour la deuxième fois consécutive (années 2012 & 2013) première nation la plus innovante (voir The Global innovation index 2013) 14

B. Cadrage structurel et opérationnel La politique doit être harmonisée autour d'une structure centrale unique et indépendante (Agence). Pour tenir compte des spécificités des universités, l'agence sera aidée dans les trois premières années de structures de veille et de valorisation des universités et centres de recherche publique (SVU). Ces SVU ont pour vocation à devenir autonomes et indépendantes de l'agence. B.1. Structures de veille et de valorisation des Universités (SVU) Il est bien établi que les universités et autres institutions publiques de recherche contribuent au changement industriel à travers le transfert de connaissances tacites et codifiées (Wright and al. 2008; Bradley and al., 2013). Les SVU, comme dans la plupart des universités européennes et américaines, ont pour mission centrale de sensibiliser les chercheurs à la valorisation et au transfert des résultats vers le monde socio-économique. De ce fait ils favorisent les partenariats entre entreprises et laboratoires de recherche dans le tissu économique. Les actions de base des SVU doivent être clairement définies dans la LRTI. De manière générale, ces actions consistent en la détection d'inventions et de projets innovants, la maturation juridique (propriété intellectuelle), l'étude de marché, le licensing et le transfert. Un modèle simplifié de transfert de connaissances des SVU peut être schématisé comme suit : 15

Découvertes / inventions des chercheurs SVU 1. Evaluation du marché potentiel 2. Décision de déposer un brevet (OIPI, OAPI) 3. Licensing et transfert vers firmes existantes (adaptation) ou auprès spinoffs et startups Schéma 2: Modèle simplifié de transfert de connaissance publique Au travers de ses outputs (brevets, licences, spin-offs, etc.), les SVU donnent plus de rayonnement aux universités et aux chercheurs. Ils participent aussi à l'autonomisation des universités. Les règles du partage des résultats entre universités et chercheurs doivent être discutés par la LRTI ou par les concernés Les activités du SVU doivent être soutenues par l'agence par la mise en place d'un programme prioritaire interne à l'agence. Pendant les 3 premières années du développement de la politique nationale d'innovation, les SVU seront considérés comme une représentation de l'agence auprès des universités et centre de recherche publique. Ils deviendront indépendants dans les années suivantes pour favoriser l'autonomie des universités mais resteront en étroite collaboration avec l'agence centrale. L'organisation de SVU doit être efficace, très simplifiée: 1 responsable, 1 secrétaire et 3 chargés de mission (1 chargé de mission PI, 1 chargé de mission études économiques et marché, 1 chargé de mission technologie et innovation). Cette organisation pourrait évoluer suivant les besoins de l'institution publique. 16

B.2. Agence pour la Technologie et l'innovation La structure centrale et unique (Agence) que nous proposons est inspirée du modèle Suisse CTI assisté d'une aide complémentaire transitoire. En effet, il y a 60 ans, en vue de la promotion de projets innovants concrets, le gouvernement suisse a créé une agence pour la promotion de l'innovation de la Confédération 12. La CTI Suisse encourage la recherche appliquée et développement orientée donc vers le marché; elle contribue à l'optimisation du transfert de savoir et de technologie des universités et hautes écoles vers les PME par le biais de domaines thématiques nationaux. La commission encourage la création et le développement des start-up et l'entreprenariat en prenant en charge de son fonds à l innovation les 50% maximum du coût du projet. Les autres 50% sont à la charge de la PME ou de fonds privés. Sa tutelle est le département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche et son travail repose sur l'article 64 (recherche) de la Constitution fédérale. L'Agence que nous proposons a pour mission principale le soutien à la valorisation de la recherche et à l'innovation dans les entreprises. Elle devra faciliter le transfert du savoir et de technologies en valeurs économiques concrètes générant un profit commun. Elle se chargera aussi d'orienter et de faire collaborer le secteur privé et/ou inventeur avec les universités appropriées. L'Agence doit être une structure décisionnelle extraparlementaire peu nombreuse et dynamique, indépendante et disposant de son propre secrétariat. Elle est constituée d'un Président, d'un secrétaire exécutif et d'experts par domaine nationaux prioritaire définis par l'etat Elle doit être placée directement sous l'autorité du Président de la République (ancrage institutionnel). L'Agence représente l'acteur "Etat" dans le triptyque Etat-Science- Industrie, socle de la réussite de la politique d'innovation ivoirienne. 12 Voir le site web institutionnel www.kti.admin.ch 17

L'Agence est l'acteur pivot de la coordination des acteurs et/ou structures déjà existants et composant l'écosystème ivoirien de la recherche et de l'innovation. On peut citer: - Universités et centres de recherche - Pôles de compétences (PC) - Commission paritaire secteur public/secteur privé - Conseil supérieur de la recherche scientifique, du développement technologique et de l'innovation (CSRDT) - Office ivoirien de la propriété intellectuelle (OIPI) - Centre de promotion des investissements en cote d'ivoire (CEPICI) - Confédération générale des entreprises de Côte d'ivoire (CGECI) - Chambre du commerce et d'industrie (CCI-CI) - Institut ivoirien de l'entreprise (INIE) - Secteur informel et inventeurs - Société savantes (AISA, etc.) - Entreprises, etc. L'articulation des relations entre ces différentes entités de l'écosystème ainsi qu'avec l'agence est présentée à la page 24 (schéma 3). Pour tenir compte des spécificités de la cote d'ivoire, l'agence devra être dotée de 2 programmes prioritaires de soutien à la valorisation de la recherche et à l'innovation des entreprises. o PROGRAMME I: Soutien à la Valorisation "Soutien Valo et R&D" (SVRD) Ce programme a pour but de promouvoir et de renforcer les liens entre universités et industrie. Cela se fera selon trois axes, c'est-à-dire, transfert universités vers l'économie, remonter les besoins du marché et soutien financier: o L'une des actions prioritaires de l'agence à travers ce programme est l'apport de soutien financier et d'accompagnement aux SVU. L'Agence agit 18

comme un intermédiaire d'innovation facilitant les mises en relation. Elle encourage le transfert de savoir des universités vers le monde socioéconomique. Dans ce cas, le programme apporterait un soutien financier à des projets de recherche entreprises dans les laboratoires publiques et qui ont un fort potentiel innovant et de marché. La sélection des projets de recherche se fera par appels à projets. o Elle fait aussi remonter de manière réciproque les besoins technologiques des entreprises vers les universités. C'est la vision "bottom-up" bien connue et qui a fait ses preuves en marketing, ou les innovations répondent à des demandes du marché, ce qui doit être confirmé par une étude faite par un des organes de l'agence. o Enfin, dans le cadre de ce programme l'agence devra cofinancer des projets de recherche et de développement menés conjointement par les entreprises, des organes publics et institutions de recherche et de formations publiques. L'Agence joue le rôle de centralisation nationale des projets R&D collaboratifs et a la responsabilité de mise en contact des institutions avec les PME (secteur privé) ou Inventeurs. Les projets peuvent être initiés par l'un des partenaires. Après analyse et acceptation d un projet par les services de l'agence, le financement du projet est versé par étapes à l Université ou l'institution d Etat agréée à hauteur de 50% maximum des coûts du projet. Le solde étant obligatoirement financé par l entreprise (PME). Cette manière de procéder, par un engagement des PME aussi à hauteur de 50%, permet d assurer une meilleure utilisation des fonds d Etat: c est un principe bancaire pour diluer les risques. D autre part, deux experts par projet sont nommés par la commission pour le coaching et le suivi des travaux. La solution 50/50 n est applicable que dans le cas d une PME qui a les moyens d investir. C est pourquoi une aide complémentaire est souvent nécessaire. 19