Symposium sur l adhésion au traitement 6 novembre 2013 Comment l alliance thérapeutique et la collaboration interprofessionnelle peuvent contribuer à l adhésion au traitement du point de vue des proches de la personne atteinte de schizophrénie La schizophrénie, comme vous le savez sans doute, est considérée comme la maladie mentale la plus grave. En conséquence, la non-adhésion au traitement pour les personnes atteintes comporte de graves conséquences, non seulement pour le patient, qui voit sa maladie s aggraver et son avenir compromis, mais également pour sa famille et ses proches. Malheureusement, les recherches indiquent que de 40 à 50% des personnes traitées arrêtent, à un moment ou à un autre, de prendre leur médication antipsychotique. 1 Certaines études ont même rapporté un taux variant entre 50 à 80%. Les principales raisons de la non-adhésion en psychiatrie sont bien connues : la négation de la maladie, la stigmatisation liée à la prise d antipsychotique, la toxicomanie concomitante, la présence d effets secondaires, l absence d efficacité de la médication, la gravité des symptômes, les troubles cognitifs, l oubli, les systèmes de soutien limités, le multi-dosage et finalement, une faible alliance thérapeutique. 1 En effet, une faible alliance thérapeutique a un impact négatif sur le pronostic, la mortalité, la morbidité et, en conséquence, sur les coûts liés à la schizophrénie. Au contraire, une alliance efficace est de plus en plus reconnue comme étant un facteur positif sur le taux l adhésion au traitement et ce, tant en matière de maladies physiques que psychiatriques. Or, on considère qu une telle alliance s établit dès la première rencontre entre le malade et le médecin traitant. Le premier traitement pour le contrôle efficace des symptômes demeure les médicaments antipsychotiques. S il importe de souligner, d entrée de jeu, que la prise régulière de la médication ne garantit pas l absence de rechute, le contraire est invariablement un facteur important de rechute. Ainsi le fait d éviter ou d oublier de prendre sa médication ou d en diminuer le dosage peut avoir des conséquences néfastes ou même très néfastes sur le fonctionnement du patient ou sur son bien-être. Arrêter de prendre sa médication va entrainer à court/moyen terme, à coup sûr, une rechute. 1. www. Cignabehavioral.comehavioral.com/web/basicsite/provider/newsAndlearning/newsletter/ newslewtter2009quarter2/pages/medicationnonadherenceinschizophrenia.html 1
Ce qui nous amène à parler d un aspect fondamental pour le patient soit, de participer activement aux décisions relatives à son traitement. Cette ouverture contribue également à son adhésion. Ainsi, lors des rencontres avec le patient, il est conseillé de lui poser des questions aux sujets de ses symptômes, de sa qualité de vie, de l efficacité de la médication et des effets secondaires qu elle entraîne. À titre d exemple, il peut paraitre plus important pour un patient de réduire les effets secondaires de la médication (dysfonction sexuelle, impression d être sous sédation, ou autre) que d atténuer ses voix. Ces préoccupations peuvent inciter le patient à arrêter sa médication si on ne lui pose pas de questions ou si on ne lui donne pas la possibilité de s exprimer. Poser des questions, c est donc engager un dialogue avec le patient et lui permettre de participer aux décisions qui le concernent. Cette façon de procéder améliore la motivation, la communication et développe un véritable partenariat avec le patient et ses proches. Au cours du traitement, on peut même questionner le patient à savoir s il a parfois le goût d interrompre sa médication. En discuter, avant que le patient ne passe à l acte, permet de répondre à ses questions et d aborder les conséquences potentielles d un tel arrêt. L abus de substances est souvent la raison qui pousse le patient à interrompre sa médication. L abus peut être la cause de l aggravation de la maladie ou la conséquence de l arrêt de la médication. Certains patients, pensant que les médicaments et les drogues font mauvais ménage, interrompent leur traitement pour cette raison et rechutent. S ils en avaient discuté au préalable avec leur médecin, ce dernier aurait sans doute proposé des alternatives pour éviter une rechute potentielle. Les patients craignent tous d être hospitalisés. Alors, ils écouteront peut-être les conseils pour éviter les rechutes même s ils consomment un peu, à l occasion. En bout de ligne, c`est toujours le patient qui décide. Par ailleurs, s il demeure chez ses parents, le patient devra comprendre que le fait de consommer des drogues leur enlève probablement le goût de le garder à la maison. Si le patient doit quitter la maison familiale, il existe de bonnes chances qu il se retrouve à la rue. Si cette discussion a lieu en présence du médecin, ce dernier sera sans doute en mesure de suggérer des modus vivendi au sein de la famille. Enfin, l abus de substances demeure une problématique importante et doit être discuté en profondeur considérant ses conséquences sur la trajectoire éventuelle du patient. La règle d or à suivre lors de ces discussions est, évidemment, de ne pas porter de jugement à l égard de la personne. Toutes ces discussions et les solutions proposées à l égard des préoccupations du patient renforcent l alliance thérapeutique et soutiennent l adhésion des patients au traitement. 2
Les interventions psychosociales Aux médicaments, s ajoutent diverses interventions psychosociales qui aident à faire face à la situation, à améliorer la prise des médicaments et, à accéder à une meilleure qualité de vie. Les interventions les plus courantes sont la psychothérapie, l entrainement aux habilités sociales, le soutien et la thérapie aux familles et les programmes de suivi intensif dans la communauté. Au cours des dernières années, une forme modifiée de la thérapie cognitivocomportementale (TCC) a été développée spécifiquement pour la schizophrénie. Elle a suscité énormément d intérêt de la part des cliniciens, des chercheurs d une part, et des proches également invités à recevoir cette formation d autre part. Cette version de la TCC peut également être utilisée pour favoriser l adhésion au traitement des patients. Il s agit alors de cibler les besoins précis des patients et de les inciter à s intéresser davantage à leur traitement. De nouveaux outils Il existe de plus en plus d inventions utiles pour soutenir l adhésion, comme par exemple, les systèmes de surveillance électroniques, les boîtes à pilules et autres inventions similaires. Les médicaments injectables à effet prolongé constituent une alternative intéressante pour bon nombre de patients. Ils permettent, entre autres, au patient d avoir moins de rendez-vous à justifier auprès de leur employeur. De plus, le patient est moins stressé et l aidant naturel n a plus à lui rappeler quotidiennement de prendre sa médication. Les médicaments injectables permettent de plus au clinicien d obtenir des informations fiables sur le dosage tout en lui permettant de l ajuster au besoin. 2 Toutes les mesures déjà évoquées s ils elles sont utilisées de façon adéquate devraient finalement améliorer, avec le temps, les statistiques sur l`adhésion au traitement, du moins nous le souhaitons vivement. Une alliance à trois, est-ce possible? L accès aux soins pour la personne atteinte d une première crise psychotique a lieu le plus souvent à l urgence d un établissement hospitalier. Normalement, une fois stabilisé, le patient sera hospitalisé et les proches seront rencontrés par le psychiatre traitant et/ou l équipe des premières psychoses. Il sera alors question du parcours de vie du patient depuis la naissance; parcours que les parents sont souvent seuls à connaître du moins pour ses débuts. Ces derniers sont, en conséquence, déjà impliqués jusqu à un certain point dans le processus thérapeutique. Si les relations sont ouvertes entre le médecin traitant, le malade et les proches, les chances d une bonne alliance 2 J Clin Psychiatry. 2010;71 Suppl 2 :20 6. Pub Med NCBI 3
thérapeutique s en trouvent améliorées. Pour cela, le médecin adoptera une attitude compréhensive à l égard des préoccupations de la famille et de la personne atteinte. Il devra s employer à leur faire comprendre leurs positions respectives et, tenter de favoriser l entente entre eux en invoquant leur intérêt commun. Cet intérêt commun porte sur l amélioration de la condition médicale du patient et ce, si possible sans rechute. Le médecin pourra démontrer les bienfaits éventuels pour le patient de faire de ses proches de fidèles alliés. Malheureusement, on sait maintenant que les ruptures avec la famille sont courantes dans le parcours de vie des personnes atteintes qui se retrouvent, entre autres, souvent en situation d itinérance tel que démontré par la Recherche Chez soi. Ce projet financé par la Commission canadienne de la santé mentale démontre, en outre, que la plupart des itinérants ont été suivis en psychiatrie avant de se retrouver à la rue. Cela illustre à notre avis, l importance de cette collaboration entre médecin, malade et les proches et ce, même si le malade ou même les proches démontrent une réticence au début à cet égard. Encore une fois, si on ne suscite pas des échanges entre ces trois parties, on pourra difficilement trouver à court et à moyen terme, des solutions acceptables et adéquates pour tous. La collaboration interprofessionnelle La collaboration interprofessionnelle est largement développée dans le document du RUIS de l Université de Montréal intitulé «Vers une pratique collaborative optimale entre intervenants et avec le patient 3» en date du 29 mai 2013 Dans ce nouveau cadre d intervention, le patient devient partenaire et membre à part entière de l équipe d intervenants. Les intervenants se préoccupent de ses besoins et de son projet de vie. Le proche aidant identifié par le patient lui offre le soutien nécessaire et fait partie intégrante de l équipe. On reconnaît ainsi l importance d inclure un proche dans le processus thérapeutique, si le patient le désire, bien entendu. Cette décision appartient au patient en autant qu il soit en mesure de prendre une décision éclairée. Sinon, la présence du proche aidant sera requise au sein de l équipe de soins et de services. En contribuant aux discussions du groupe d intervenants, les proches pourront suggérer des solutions susceptibles de convenir au patient. Au cours des discussions, ils comprendront mieux les problèmes causés par la médication. Ils apprendront à communiquer de façon appropriée avec le patient en écoutant et en observant les façons de faire des professionnels. 3 Guide d implantation du partenariat de soins et de services Vers une pratique collaborative optimale entre intervenants et avec les patients. Comité sur les pratiques collaboratives et la formation interprofessionnelle. Réseau universitaire intégré en santé. Université de Montréal. 29 mai 2013 4
Alors, le fait d inclure les proches dans l équipe, de les informer sur la maladie et de les aider à soutenir le patient offre de meilleures perspectives pour le malade. Pour les proches aidants, la collaboration comporte des avantages appréciables. Notons, à cet égard, une synergie et une harmonie dont les effets contribueront positivement au cheminement du patient. En guise de conclusion, je résume quelques avantages de la collaboration entre les intervenants pour les patients et les proches aidants mentionnés à l annexe 1 du Guide 3 : Amélioration des soins au patient; Réponse complète et mieux adaptée aux besoins du patient et de ses proches; Évitement de cueillettes à répétition d information auprès du patient et de ses proches; Cohérence du message véhiculé par l équipe auprès du patient et des proches; Valorisation liée à la reconnaissance de leur expertise, au partage des responsabilités et à la prise de décision; Diminution des complications chez le patient; Diminution du taux de mortalité. Merci beaucoup, Odette Beaudoin 5