Chapitre 16 : La plante domestiquée Les plantes directement ou indirectement sont à la base de l alimentation humaine. Elles constituent aussi des ressources dans différents domaines : pour l énergie, l habillement, la médecine, les arts, les pratiques socioculturelles La culture des plantes constitue un enjeu majeur pour l humanité. Grâce aux fossiles, nous savons que nos ancêtres ont commencé à domestiquer les plantes (mais également les animaux) il y a environ 10 000 ans avant JC. C est un élément fondamental qui a permis de sédentariser les populations qui sont passés d un mode «chasseur cueilleur» à un mode «agriculteur». Au cours des siècles l homme a sélectionné chez les plantes sauvages des caractéristiques génétiques qui lui étaient favorables. Des techniques basées sur la génétique et sur la physiologie permettent aujourd hui encore d améliorer les plantes cultivées. TP 28 : la domestication de la carotte Problème : comment une plante sauvage peut-elle être domestiquée par l Homme? 1. La domestication des plantes. A. Les premières plantes cultivées. Les espèces cultivées sont issues de la modification d espèces sauvages par l Homme au cours d un processus que l on nomme domestication. Pour chaque espèce cultivée, la domestication a eu lieu dans une ou plusieurs régions, depuis au moins - 10 000 ans. Dans ces régions, appelés foyers de domestication, on observe des «ancêtres» sauvages ressemblant à l espèce cultivée et on trouve généralement les plus anciens vestiges archéologiques qui témoignent de sa culture par l Homme. Eastern US [4000 BC] Tournesol, chénopode (patte-d oie) Fertile Crescent [10000-9000 BC] Orge, blé, lin, lentilles China [8500-5000 BC] Millet, riz, chou, ramie Sahel [5000 BC] Sorgho, riz Southeast Asia [10000-5000 BC] Fève, taro, igname, rave letchi, banane, canne à sucre Mesoamerica [9000-3500 BC] Maïs, haricot, courge, coton Andes and Amazonia [6000 BC] Patate douce, pomme de terre, coton à fibre longue, poivron, ananas, papaye, quinoa, lupin West Africa [3000 BC] Palmier à huile Ethiopia [? 4500? BC] Café, teff New Guinea [10000 BC] Taro, banane Zones de domestication (centres of origin of food Zones agricoles les plus productives du Monde D après Jared Diamond : 2002 Nature Magazine, Vol 418 Une espèce cultivée diffère des espèces sauvages proches par différents caractères qui facilitent sa culture, sa récolte et son utilisation par l Homme. 1
Ces caractères qui constituent le syndrome de domestication, sont souvent défavorables à la vie de la plante en milieu naturel, ce qui explique pourquoi on ne rencontre jamais les espèces cultivées dans les écosystèmes naturels. Exemple : le «syndrome de domestication» du blé B. Les étapes et les résultats de la domestication. 1. Une sélection initialement empirique : la sélection visuelle (= sélection massale) Pendant des centaines d années, l Homme a donc sélectionné, croisé des plantes de manière empirique puis ensuite de manière volontaire. Cette sélection était basée sur l observation de caractères directement perceptibles : aspect visuel, goût Le «scénario» de cette sélection peut se résumer ainsi : cueillette et semis des graines des plantes les plus intéressantes, puis croisement successifs aboutissant à une stabilisation des caractères retenus. Ces plantes au départ très rares dans la population sauvage voient leurs fréquences augmentées, on observe donc l apparition d une espèce adaptée à la culture. Après cette domestication, les plantes cultivées ont continué d être soumis à la sélection naturelle. De plus, pour chaque espèce cultivée, les critères de sélection ont pu varier selon les régions ou les époques. Ainsi au cours du temps, au sein de chaque espèce sélectionnée, sont apparues des populations adaptées aux conditions du milieu et aux conditions de culture constituant une diversité variétale. 2
RRQ. La diversité des variétés, produit de l activité de sélection dirigée par l Homme et la nature constitue par ailleurs un enjeu majeur puisqu elle tend désormais à être conservée par le biais de banques de semences (Norvège) et de conservatoires de ressources génétiques en France. Cette démarche permet, entre autres, d éviter de perdre les acquis de cette forme de diversité qui peut à tout moment être employée dans l amélioration d espèces. 2. Une sélection génétique Les caractéristiques phénotypiques distinguant une espèce cultivée de son ancêtre sauvage sont associées à certains allèles de quelques gènes. Les plants sélectionnés par l Homme au cours de la domestication sont le résultat de modifications génétiques spontanées comme : L hybridation entre deux espèces différentes. Le doublement de chromosomes par polyploïdisation après hybridation L apparition de mutations sur certains gènes. Exemple du blé : Les blés forment un complexe où de nombreuses espèces ont été dénommées. Les botanistes ont eu longtemps tendance à donner un nom d'espèce à chaque variant morphologique. Depuis le début du XXe siècle, les blés ont fait l'objet de nombreuses études cytogénétiques, et l'on sait maintenant qu'ils se classent dans une série polyploïde (cf. généalogie cidessous)). Ils diffèrent par leur nombre de chromosomes et par la constitution de leur génome. Ainsi, l amidonnier sauvage est le résultat d une hybridation entre deux variétés sauvages : l Engrain sauvage et Un Aegilops (fau-épeautre). L amidonnier sauvage a ensuite été domestiqué à l origine des variétés d espèces comme le blé dur. Le blé tendre est le résultat d une hybridation entre le blé dur et une espèce sauvage : l Aegilops de Tausch. Certaines espèces sont donc diploïdes (2n = 14) et partagent le génome appelé AA. D'autres sont tétraploïdes (4n = 14 + 14) et de formule AABB. Un groupe est hexaploïde (6n = 14 + 14 +14) et de formule AABBDD. Enfin, des blés endémiques de Géorgie forment une série parallèle, avec les génomes AAGG et AAAAGG. 3
2. L amélioration actuelle des plantes : le rôle de la génétique moderne La découverte des lois de l hérédité par Mendel (1866) ouvre la voie à la sélection scientifique des plantes cultivées. A. L obtention des lignées pures. Dans une population, les meilleures plantes sont repérées et soumises à des autofécondations successives. A chaque génération, un tri est effectué, le sélectionneur ne garde que les individus les plus intéressants. Au bout d une dizaine de générations, il obtient des individus génétiquement homogènes et stables. Mais chez certaines espèces, l homozygotie affaiblit considérablement les plantes de lignée pure. B. Une technique de croisement, l hybridation En réalisant des croisements entre lignées pures, le sélectionneur peut retrouver chez les F1 une vigueur hybride, c est à dire des phénotypes qui allient les qualités des deux parents. Pour cela, il réalise une fécondation croisée ou hybridation : il enlève les étamines des fleurs d'un des deux individus (c est la castration comme par exemple chez le Maïs) et dépose le pollen de l'autre individu sur le stigmate de l'individu castré. L'hybridation peut être intraspécifique, on obtient une nouvelle variété qui cumule les caractères des parentaux (exemple, le maïs) ; elle peut aussi être interspécifique, on obtient une espèce hybride (Cas du Triticale : croisement entre le Blé tendre et le Seigle). Ce croisement allie les qualités des 2 parents : la productivité du Blé et rusticité du Seigle à savoir, résistance au froid et aux maladies. Remarque : l'hybridation interspécifique est très rare et peut donner un plant fertile par polyploïdisation : c'est le cas du blé tendre (résultat d'une hybridation entre blés sauvages) ou du colza (hybridation naturelle entre la navette et le chou). C. Génie génétique et plante cultivée. Le génie génétique désigne l'ensemble des techniques permettant d'introduire et de faire exprimer dans un organisme vivant un ou des gènes provenant de n'importe quel autre organisme ; les organismes ainsi obtenus sont dits Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). On distingue les techniques de biologie moléculaire qui permettent de préparer les séquences d'adn qui seront introduites, on parle de construction génétique, et les techniques de transgénèse qui permettent de transférer le gène. La transgénèse permet de modifier le génome des plantes cultivées en introduisant des gènes d'intérêt qui codent des caractères de qualité nutritionnelle, la résistance à certains insectes, à certaines maladies, à des herbicides, à des conditions climatiques etc. 4
Compte tenu de la forte capacité des végétaux à s hybrider entre eux, il existe un risque de diffusion du gène transféré vers d autres variétés ou vers des espèces sauvages plus ou moins proches. D. Un risque élevé d avoir une homogénéité des cultures. Exemple 1 : La grande famine en Irlande (1845-1848) 1 million d'irlandais décèdent et plus d 1 million émigrent entre 1845 et 1850. Principales causes : o Monoculture de la pomme de terre associée à un faible choix variétal ; o Venue d'europe continentale le mildiou, un champignon appelé Phytophtora infestans, allié à l'humidité du climat, provoqua une forte chute, de l'ordre de 40 %, de la production de pomme de terre en 1845 entraînant une famine. Exemple 2 : La crise phylloxérique dans le Midi de la France Vers 1870 apparaît dans le Gard un insecte piqueur, le Phylloxera vastratix, qui provoqua une épidémie qui s étendit à toute l Europe. A de rares exceptions près, tous les ceps de vigne moururent. Il fallut greffer des cépages sur des pieds de vigne américains naturellement résistants au phylloxera (il s attaque aux racines), pour voir renaître le vignoble français qui mit plus de vingt ans à se reconstruire. Exemple 3 : En 1970 aux USA, destruction des cultures de maïs du «Corn-belt» en 3 ans par un champignon, l Helminthosporiose. Heureusement, l existence d une variété de maïs, le maïs cireux, a permis d éviter la destruction de plus de 80% du maïs Nord-américain. 5