Le classement machine, atouts et faiblesses

Le classement machine, atouts et faiblesses Depuis le 1 er janvier 2012, les bois de structure mis sur le marché doivent être marqués CE. Pour pouvoir appliquer ce marquage, un classement pour la résistancemécanique des bois doit être réalisé. Aujourd hui, c est principalement la méthode visuelle par opérateur qui est privilégiée par les entreprises. Pourtant les machines existent. Le point sur l offre. Bien que fiables et rapides, les machines pour le classement des bois en vue du marquage CE attirent encore peu d entreprises. En cause, le coût, le manque de flexibilité et aussi l aspect esthétique qui n est pas pris en compte. Sélection Vosges Avec l entrée en vigueur en janvier 2012 du marquage CE pour les bois destinés à un usage en structure, les scieries doivent toutes proposer à la vente des sciages classés en fonction de leur résistance mécanique. Un classement qui peut se faire visuellement par un opérateur (selon la norme NF B 52-001) ou par machine (selon la norme 14081, parties 2 et 3). Mais pour l heure, la majorité du classement se fait visuellement. Le classement par machine ne rencontre pas de franc succès en France. Seule une université, celle de Bordeaux, et cinq entreprises en sont pourvues : Monnet- Sève, Chauvin, Labadie, Gascogne et Bois des Alpes (en cours de mise en certification). D autres projets d installation sont d ores et déjà dans les tuyaux. En cause de ce peu d engouement : le manque de flexibilité des 64 machines qui ne peuvent pas encore classer toutes les essences locales, leur coût et les critères du classement qui ne prennent pas en compte l aspect esthétique exigé par le marché. «Les prix de ces machines de classement mécanique sont assez élevés et bien souvent celles-ci ne sont pas homologuées pour les bois verts, même si cela se développe. Ces machines trouvent leurs premières applications pour les bois destinés aux lamellistes», explique Bernard Kientz de Sélection Vosges. Pour un meilleur rendement Pourtant, ces machines présentent des avantages certains : un classement très fiable (5 % de marge d erreur) qui permet de mieux valoriser des bois bien souvent sous-classés par la méthode visuelle et vendus à un prix au-dessous de leur valeur. Autre atout : la rapidité. Plusieurs technologies de classement machines existent : vibratoire par une analyse de la fréquence de résonance de la pièce de bois soumise à un choc mécanique qui entraîne des vibrations (type Xyloclass, ViSCAN, Precigrader, Noesys, MTG, E- Scan, E-Control) ; par ultrasons en fonction de la mesure de la vitesse de propagation des ultrasons dans la pièce de bois (Trio matic) ; par flexion dynamique (Stressgrader CRP360) et par vision via des rayons X grâce à la mesure de la masse volumique et la distribution des nœuds le long de la pièce de bois (GoldenEye 702, CombiScan+ [en cours de certification]). Certaines machines combinent même plusieurs technologies, comme la ViSCAN-Plus qui utilise l analyse vibratoire couplée à la mesure de la masse

D O S S I E R volumique locale (par rayon X). Ou la GoldenEye 706 qui associe deux machines : la GoldenEye 702 (rayon X) et la ViSCAN (analyse vibratoire). Un modèle doté d un système multi-capteurs très élaboré qui permet de déterminer la qualité et la résistance mécanique du bois et qui en reconnaît les défauts. Ou encore la combinaison EScan et la CombiScan de Weinig. Ces derniers systèmes, que peu de scieries françaises peuvent s offrir, sont les plus complets mais aussi les plus chers : comptez entre 500 000 et 600 000 euros, contre 300 000 euros pour le laser, entre 120 000 et 130 000 euros pour le système par fréquence et par choc et 15 000 euros pour les machines portables. Faire le bon choix Évelyne Nguyen d Auvergne Promobois souligne qu il faut être vigilant avant d acheter une machine de classement. Elles n ont pas toutes les mêmes caractéristiques, ne classent pas toutes les essences et n ont pas toutes les mêmes niveaux de performance. Un choix difficile à faire en fonction des cadences de production des entreprises. «Plusieurs entreprises de la région ont pour projet d acquérir des machines de classement. Mais elles attendent avant de prendre leur décision.» C est d ailleurs pour guider les entreprises dans leur choix qu Auvergne Promobois a publié un document en collaboration avec FCBA sur l état des lieux des machines homologuées pour le classement mécanique des bois de structure. Un outil de référence très pratique qui donne des clefs pour faire la meilleure acquisition. «Il Innodura N 116 - Mai 2012 - BOISmag 65

est important de se poser les bonnes questions, prévient Évelyne Nguyen : pour quelles essences, origines, sections et classes de résistance la machine est-elle homologuée? Estelle homologuée pour les qualités mécaniques demandées par mes clients? La machine peutelle classer les bois secs et frais de sciage? Ou encore à partir de quel volume de production cela peut il être rentable?» Ce document compare, au travers de tableaux, treize machines de classement présentes aujourd hui sur le marché et leur niveau d homologation en France. Un document plus exhaustif est également disponible auprès de FCBA (Jean-Denis Lanvin). Autre point à prendre en considération, le rendement. Si une étude a permis de plus ou moins comparer une dizaine de machines européennes, les chiffres restent confidentiels. «Il est délicat de se prononcer là-dessus car le rendement dépend fortement du bois et de son origine qui est très locale alors que la certification est nationale. Cependant, lors de la campagne France Douglas, notre EScan, qui a été comparé au classement visuel, a donné un rendement de 80 % contre 62 % pour ce dernier», dévoile Jean-Philippe Hildebrand de la société Weinig. Quid des essences classées machine Il existe différentes technologies pour le classement mécanique du bois de structure. Ici, la machine Precigrader analyse la fréquence de résonance de la pièce de bois soumis à des vibrations. Precigrader/Dynalayse Autre critère à prendre en compte, celui des essences sciées et de leur provenance. «La France s étant effectivement engagée très tardivement dans l homologation des machines (en 2008), toutes les essences ne sont pas encore prises en compte», souligne Évelyne Nguyen. Pour l heure, seuls le sapin épicéa, le douglas, l épicéa de sitka, et rarement le pin maritime et le mélèze d Europe sont proposés en classement par machines. C est en cours pour le pin laricio de Corse avec l Odarc (Office du développement agricole et rural de Corse). Mais aucune homologation de machine n existe pour les pins noir ou sylvestre ou pour les feuillus. C est d ailleurs pour répondre à ce manque qu une action devrait être lancée par plusieurs interprofessions pour l homologation des machines de classement sur les pins. Mais rien n est encore validé côté financement pour l instant et concernant les feuillus, c est plutôt le grand vide : aucun projet en vue. «Les démarches reviennent cher, regrette Jean- Philippe Hildebrand de Weinig. Comptez 25 000 euros par essence. Le nombre de pièces 66 La machine CombiScan + de Weinig mesure la masse volumique et analyse la distribution des nœuds le long par un système de vision aux rayons X. Le pin revalorisé «Dans la norme NF B 52-001 relative au classement mécanique des bois de structure par méthode visuelle, le sapin épicéa et le douglas avaient des grilles de classement différentes selon les sections des pièces de bois. Pour le pin sylvestre, les critères de classement étaient les mêmes quelles que soient les sections considérées. Cela risquait de limiter l utilisation de cette essence en bois de structure», précise Évelyne Nguyen. Une action pour la requalification des grosses sections de pin sylvestre, portée par Auvergne Promobois avec FCBA et financée par France bois-forêt, la Région Auvergne et le département de la Haute-Loire, a permis de définir de nouvelles valeurs pour les critères de classement de cette essence et d étendre ces valeurs aux autres pins (pin laricio, maritime, noir). Ces modifications ont été intégrées dans la norme NF B 52-001 en septembre 2011. Weinig

à casser pour obtenir une nouvelle certification pour une machine déjà certifiée sur d autres essences/pays est de 450 pièces. Si la machine n a aucune certification il faut alors casser 1 000 pièces.» Autre problème soulevé concernant les essences, le manque de flexibilité de ces machines qui doivent bien souvent faire l objet de réglages pour chaque nouvelle essence ou provenance entrée dans la chaîne de production. C est dans ce sens que le projet européen Gradewood (WoodWisdom-Net Research Programme) a vu le jour. Plusieurs laboratoires européens, dont FCBA avec Didier Reuling, ont ainsi planché pendant quatre ans sur la question pour simplifier et harmoniser l homologation des machines en fonction des essences et de leur provenance. Quelques réponses ont été apportées sur la qualité des approvisionnements pour l établissement des réglages, même si tout n a pas vraiment pu aboutir. La norme actuelle est effectivement très restrictive : «l homologation est faite sur le territoire national. Les bois des Vosges ont plus de points communs avec ceux de la Forêt-Noire qu avec ceux du Massif central», notent plusieurs fabricants de machines dans l attente d une nouvelle norme. Une offre qui se diversifie Les fabricants de ces machines de classement tentent de s adapter au plus près du marché. Exemple de l EScan déposé par Weinig et Brookhuis : le rendement est deux à trois fois supérieur à celui du classement visuel et la rapidité est sans comparaison : des cadences de 40 à 60 pièces par minute et jusqu à 180 pièces, contre 6 à 10 planches par un opérateur. Cette machine frappe en bout la pièce de bois, un interféromètre laser analyse la vibration et la relie à la densité afin de déterminer sa classe de résistance. Si cette machine est certifiée pour les bois frais de sciage ou secs, pour Jean Philippe Hildebrand, mieux vaut classer les bois une fois secs pour un meilleur rendement - le calcul étant corrélé avec la densité. Cette machine est homologuée pour le douglas en bois sec, l épicéa de sitka en bois sec et frais de sciage et en cours d homologation pour le sapin épicéa bois sec et vert. Cette machine disponible à partir de 95 000 euros pour la version 30 pièces par minute est 68 commercialisée en France mais la cible visée est davantage internationale : des scieries de taille relativement grande qui réalisent des Classement visuel et classement machine cadences de 30 pièces par minute soit à peu prêt 35 m 3 /heure. L objectif étant d en commercialiser de 15 à 20. Parmi les La machine Triomatic de CBS-CBT évalue les propriétés mécaniques du bois en fonction de la vitesse de propagation des ultrasons dans la pièce de bois. Le classement pour la résistance par méthode visuelle (défini dans la norme NF B 52-001) permet d aller jusqu à la classe STI équivalent C30 mais ne permet pas d obtenir des rendements satisfaisants en raison du faible niveau de corrélation entre les singularités du matériau (taille de nœuds, largeur de cernes ) et ses performances mécaniques. Seul le classement par machine peut identifier des classes de résistance supérieures. Celui-ci augmente les rendements, notamment dans les classes élevées, du fait de la mesure de paramètres mieux corrélés. Pour évaluer au mieux la performance mécanique du bois, les machines de classement doivent estimer trois variables : la masse volumique, la rigidité (ou module de Young) et la résistance à la rupture. Elles utilisent pour cela différentes technologies : ultrasons, vibratoire, flexion dynamique ou vision par rayons X. Les niveaux d attestation définissent les modalités de contrôle de l application du marquage CE. Pour les bois de structure, ce niveau d attestation est le niveau 2 +. L audit initial de l entreprise pour l obtention du numéro de certification et la surveillance continue du contrôle de production en usine (CPU) sont réalisés par un organisme notifié comme l Institut technologique FCBA. Pour le classement visuel, la mise en place d un CPU est à réaliser par l utilisateur. Pour le classement machine, après vérification lors de son installation par l organisme notifié, deux audits de suivi doivent être effectués chaque année sur le CPU et sur l analyse du passage quotidien des planches de contrôle. Le marquage des bois classés mécaniquement est nécessaire pour bien caractériser la résistance de la pièce de bois. Il permet aussi d identifier le fournisseur qui a attribué ce niveau de performance mécanique. Deux méthodes de marquage sont admises : le marquage à la pièce, obligatoire pour les bois de structure classés par machine, qui peut être appliqué aussi pour les bois classés visuellement ; et le marquage au paquet accepté uniquement pour les bois de structure classés par méthode visuelle. La notion de paquet est définie dans la norme 14081-1. CBS-CBT

machines commercialisées, la Triomatic (CBS CBT) pour le classement des sciages par ultrasons. Une machine de 90 000 euros qui devrait être d ailleurs installée très prochainement dans l usine CBT de Savoie qui avait brûlé il y a deux ans. Pas de marché pour du C30 français! (Combiscan + de Weinig, GoldenEye de Microtec). Autre machine en cours d évaluation sur 500 pièces (douglas) avec FCBA, celle d Innodura par méthode vibratoire proposant un rendement optimisant. Ou les nouvelles machines de classement portatives MTG de Brokhuis qui se déclinent avec un défilement automatique des planches avec mesures (ou non) du poids et/ou de l humidité. Ou encore le classement des billons et la valorisation de la grume dès le départ par la Logamatic (CBS CBT) ou la Logeye 306 de Microtec. Des innovations dans l air. À suivre Stéphanie Obadia Pour Yann Benoît, directeur technologie pour CBT, les avantages du classement machine sont certains dont, en premier lieu, un meilleur rendement et une meilleure valorisation des bois! «Offrir du C40 à l œil nu est quasiment impossible. Du C30, c est possible mais les rendements sont de l ordre de 5 à 15 % contre 30 à 35 % pour les machines.» Certes, mais pour les scieries, en France, le marché se tourne plutôt sur du C24 pour la fermette et l ossature bois ou du C18 pour la charpente traditionnelle. Bernard Kientz, de Sélection Vosges, en explique bien les tenants et les aboutissants. «Une étude effectuée en 2010 sur les caractéristiques mécaniques des bois issus du massif des Vosges par FCBA a démontré qu environ 90 % de nos produits sont de classe C30. Or, il n y a pas de marché pour le C30. La majorité de nos ventes s effectue aujourd hui sur des bois C18 alors que l on sait qu ils ont les caractéristiques du C30. Quant au C24, à prix égal, notre C24 français est esthétiquement défavorisé par rapport au C24 allemand. Le marché n accepte pas un classement C24 si visuellement il n est pas esthétique. Si la machine reclasse des bois qui souvent sont déclassés, ce qui peut représenter un gain, l aspect esthétique reste prépondérant auprès de nos clients. Les clients, bien souvent, rejettent des sciages C30 ou C40 parce que visuellement ils présentent une couleur indésirable ou des nœuds de taille significative. L idéal serait d ajouter un classement d aspect pour que ces machines soient adaptées au marché. Et surtout que les fabricants d ossature acceptent des sciages C24 qualité «non visible» puisque enfermé dans les murs porteurs!». Bref, en France, l esthétique est importante même quand elle ne sert à rien! Alors à quand un système de classement mécanique et visuel accessible? Pour bientôt probablement. Un programme de recherche ANR «Clameb» est lancé avec FCBA et l Ensam de Cluny pour augmenter les rendements avec ce type de machine 70 La GoldenEye 706 de Microtec associe deux machines : GoldenEye 702 (rayon X) et la ViSCAN (analyse vibratoire). Le marquage CE Le marquage CE, créé dans le cadre de la législation européenne, matérialise la conformité d un produit aux exigences incombant au fabricant du produit. Il doit être apposé avant qu un produit ne soit mis sur le marché européen. Le marquage CE des bois massifs de section rectangulaire à usage structural est imposé depuis le 1/08/2007 conformément à la réglementation des produits de construction et transposée en France par décret (n 92-647). Cette dernière est entrée en vigueur le 31/12/2011. Depuis, tous les bois de structure : poutres, poteaux, madriers, chevrons, lambourdes, tasseaux dont l épaisseur est supérieure à 22 mm et dont la section est supérieure à 2 200 mm 2 doivent être marqués CE conforme aux exigences. Parmi les caractéristiques les plus importantes à déclarer pour les sciages destinés à la structure : la performance mécanique. Toute transformation (délignage, rabotage ) du bois déjà marqué CE oblige le transformateur à reclasser le bois pour lui affecter ses nouvelles caractéristiques dans certaines limites : pour une dimension à 100 mm, la réduction maximale par rabotage est de 5 mm. Le bois classé dont les dimensions sont supérieures à 100 mm peut être réduit de 10 mm au maximum sans obligation de reclassement. Microtec