L autobiographie : histoire et évolution du genre. : Définition. Le mot «autobiographie», composé des 3 racines grecques «auto» = «soi- même» / «bios» = «la vie» / «graphein» = «écrire», n est apparu qu au début du XIXè siècle. Genre narratif dans lequel une personne réelle raconte sa propre existence à travers un texte dont elle est à la fois l auteur, le narrateur et le personnage principal. Les origines et l évolution du genre du genre. - A la fin du IV siècle, saint Augustin, évêque des premiers temps de la chrétienté, a écrit Les Confessions, première «autobiographie» reconnue. Dans cet ouvrage (dont le titre, issu du latin «confiteor»= «avouer ses fautes» mais aussi «faire connaître»), il s adresse à Dieu pour «confesser» ses péchés et ses doutes. Il raconte l itinéraire de sa formation, ses combats contre les tentations, jusqu à sa conversion au christianisme. - Au XVI siècle, Montaigne (1533/1592), dans Les Essais, fait le projet de se peindre lui- même «Je suis moi- même la matière de mon livre» écrit- il. Il se pose la question «qui suis- je?» dans l intention de mieux se connaître, mais aussi et surtout de mener une réflexion d ordre général sur l humain («chaque homme porte la forme entière de l humaine condition»). - Au XVII siècle, les écrivains classiques s interdisent de parler d eux- mêmes: «le moi est haïssable», dit Blaise Pascal (1623/1662). Pourtant, les Mémoires du cardinal de Retz (1613/1679) et la Correspondance de Mme de Sévigné (1626/1696) témoignent de la vitalité du genre autobiographique. - A partir du XVIII siècle, les mentalités changent : l individu triomphe comme une valeur nouvelle. Avec Les Confessions, JJ Rousseau apparaît comme le fondateur du genre : «Je forme une entreprise qui n eut jamais d exemple», déclare- t- il en ouverture de son oeuvre. Il est le premier à être allé aussi loin dans la peinture et l analyse de soi et à avoir cherché à se présenter avec ses faiblesses. Motivé par un besoin de justification très fort, notamment face aux attaques de Voltaire, qui avait révélé qu il avait abandonné ses enfants, il expose au lecteur tous les aspects de son existence, les plus nobles comme les moins avouables, pour obtenir son pardon et celui de Dieu. Le genre autobiographique aux XIX ET XX siècles. - L autobiographie est parue en Angleterre et Allemagne vers 1800. Ce terme d origine savante n a pénétré que tardivement en France il n apparaît dans la langue que vers 1820, se substituant peu à peu à «Mémoires». L adj. autobiographique est concurrencé par «intime», «personnel». Au XIX s. il ne s agit pas d un genre particulier mais le terme marque le nouvel intérêt des lecteurs pour la vie, la personnalité des auteurs. Dans la 2 moitié du XIX s l autobiographie désigne un genre particulier (incluant les «romans intimes», les «journaux», les «mémoires»). Ce terme va refléter un nouvel engouement pour un genre plus ancien, celui des «confessions»
Le XIX siècle voit naître le mouvement romantique, caractérisé par l émergence du Moi, l épanchement des sentiments personnels et par un intérêt profond pour l individu et la diversité des destins. Chateaubriand, Stendhal, George Sand retracent l histoire de leur vie, selon des intentions assez différentes : se situer dans l Histoire, exalter les valeurs personnelles, faire partager son expérience - Au XX siècle, l autobiographie s est affirmée comme un genre à succès. Les travaux de Freud (1856/1939), dans le domaine de la psychanalyse (exploration de l inconscient), l ont fait évoluer : celui- ci conteste la possibilité de se connaître soi- même et considère que l on ne peut pas écrire sur soi. La conception traditionnelle de l autobiographie se voit ainsi remise en cause : André Gide dans Si le grain ne meurt, bouscule les caractéristiques du genre en posant la question de la sincérité. JP Sartre, dans Les Mots, limite son autobiographie au récit de son enfance et à l éveil de sa vocation littéraire. Dans Enfance, N Sarraute construit son autobiographie comme un monologue intérieur où s entrecroisent deux voix : la narratrice se dédouble, pour mieux se livrer à l autocritique. G Pérec et M Leiris choisissent l écriture par fragments. Vers 1920 apparaît la distinction entre roman et autobiographie. L emploi de ce mot peut être péjoratif Julien Green parle de «tomber dans l autobiographie» (=anecdote) mais il y a un engouement pour l autobiographie. Le phénomène touche toutes les catégories sociales, tous les âges et tous les domaines (cinéma, radio, TV) et fait appel à l écriture, à l enregistrement de souvenirs ensuite retranscrits (cf Le cheval d orgueil, mémoires d un breton du pays bigoudin» Pierre Jakez- Helias, Une soupe aux herbes sauvages Emilie Carles) De M. Proust à G Perec aux souvenirs de vedettes du «show- business», l autobiographie a marqué le XX s et certains auteurs «jouent» avec l autobiographie en brouillant les pistes au point que certains critiques ont proposé le terme nouveau «d autofiction» Variations sur l autobiographie Le journal intime : auteur, narrateur et personnage principal ne font qu un, mais le récit est fait au jour le jour même si la rédaction n est pas quotidienne De plus aux évènements intimes se mêlent de évènements extérieurs, voire l Histoire, ce qui rapproche ceci des mémoires(journal d Anne Frank) L essai même identité auteur- narrateur- personnage principal mais la chronologie est abandonnée, le récit suit plus la pensée de l auteur que les évènements intimes. Sorte de journal recomposé où le narrateur dépasse son expérience perso pour atteindre une réflexion d ordre général. Les mémoires Identité auteur- narrateur mais il s agit le plus souvent d un témoin des évènements racontés et non du personnage principal.. Les événements historiques dont l auteur a été témoin ou auxquels il a participé sont mis en avant ( Mémoires d outre- tombe F.R de Chateaubriand Le récit d une vie «nouveau genre» apparu dans les années 60 à partir d enquêtes des sociologues. Ce récit n est en général pas écrit par le héros du récit qui en reste le narrateur-, mais retranscrit, mis en forme par un «rédacteur» - les fragments (les souvenirs se présentent sous forme de courts paragraphes sans lien logique) Le roman autobiographique Le héros du récit qui peut ou non être le narrateur (texte à la 1 ou à la 3 personne) n est pas l auteur, ils ont des noms différents mais le lecteur a des raisons de soupçonner des ressemblances entre les deux. (cf le
narrateur de L Enfant, Le Bachelier ; L Insurgé est Jacques Vingtras, l auteur est Jules Vallès, mais ils ont de très nombreux points communs) La correspondance (lettres) l auteur y dévoile une partie (le temps d une lettre) de son existence quotidienne et fait part de ses réactions face à certains événements ( Paroles de Poilus donne une idée des conditions de la vie des soldats durant la 1 guerre mondiale N.B.1 La biographie = Récit de la vie d une personne réelle, fait par une autre personne. IL ne s agit donc pas d autobiographie. N.B.2 pour de nombreux écrivains la frontière est très indécise entre mémoires et autobiographie, entre roman et autobiographie et certains jouent sur les pseudo- mémoires(ex Mémoires d Hadrien «reconstituées» par M. Yourcenar), pseudos autobiographies (ex La vie devant soi «enregistrement» fait par Ajar/Gary), pseudo- journaux (ex Le Horla de Maupassant,) pseudo- correspondances (ex le «roman par lettes» Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos) Les codes de l autobiographie. = "pacte autobiographique" (Philippe Lejeune) Pour appartenir au genre autobiographique, un texte doit présenter les 4 critères suivants : - récit en prose - traitant de la vie de l auteur - avec une totale identité entre l auteur et le narrateur, le narrateur et le personnage principal - récit rétrospectif de la vie de l auteur. Quand ces 4 condit sont remplies, on peut parler de pacte autobiographique ; le lecteur ne peut mettre en doute la véracité des faits même s il peut s interroger sur la manière dont ils sont choisis et rapportés. Dans le pacte romanesque au contraire, le lecteur est placé devant une œuvre de fiction marquée par la non identité de l auteur et du personnage. On ne parle ni d implication personnelle de l auteur ni d authenticité des évènements racontés. Cas particulier du roman à la 1 personne. Le lecteur sait que le «je» du personnage n est pas celui de l auteur. Le récit autobiographique est le plus souvent (mais pas toujours) fait à la première personne. Les indices de temps et le jeu des temps verbaux permettent de distinguer le moment de l écriture (présent comme temps repère ) et le moment des événements racontés ( temps du passé ou présent de narration ). Il y a un va et vient entre ces deux systèmes de temps, caractéristique de l autobiographie Le narrateur prend souvent le lecteur à témoin (adresses plus ou moins explicites au destinataire) Même si le narrateur évoque des problèmes de mémoire, il y a pacte d authenticité. Les motifs de l autobiographie. L autobiographe commence souvent le récit de sa vie par l évocation de sa naissance et de son enfance, considérés comme des moments décisifs dans la construction de sa personnalité. Les sujets traités (=motifs) de l autobiographie sont: - La généalogie de la famille - Le portrait des parents - Les souvenirs scolaires et les amitiés
- Le souvenir de lectures - Les premières amours - Les rêves d avenir Les enjeux de l autobiographie. Lorsqu on parle de l enjeu ou des enjeux d un texte, il s agit de faire apparaître les raisons ayant poussé l auteur à écrire, les buts visés. Les enjeux peuvent être multiples et mêlés, explicites ou implicites. L autobiographe peut chercher à se justifier, à mieux se comprendre, se connaître, (- >pour trouver un sens à sa vie), à faire revivre le passé, au contraire à prendre de la distance, à apporter un témoignage sur des événements historiques précis. Pour savoir si l autobiographe s implique dans son récit ou non il faut : - observer s il prend du recul // ce qu il raconte (= distanciation) - étudier le jeu des temps : présent de narration= actualisation des évènements (signe d implication) passé- simple marque un temps éloigné, révolu (signe de distanciation) - repérer les marques de la subjectivité qui traduisent l implication - repérer les passages exprimant un jugement ou une opinion (ceci le plus souvent est signe de distanciation) Un texte autobiographique peut poursuivre plusieurs de ces enjeux. Pour déterminer si l auteur d un texte autobiographique s implique dans son récit ou raconte ses souvenirs avec détachement, il faut: - déterminer si l auteur d un texte autobiographique s implique dans son récit ou raconte ses souvenirs avec détachement, il faut: - Observer s il prend du recul par rapport à ce qu il raconte (=distanciation ) ou s il revit ses émotions (=implication) - Étudier le jeu des temps: présent de narration qui actualise les événements (=implication) ou passé simple qui marque un temps éloigné et révolu (=distanciation) - Étudier les champs lexicaux dominants, les métaphores, les comparaisons et leurs connotations - Repérer les marques de la subjectivité qui traduisent le plus souvent l implication - Repérer les jugements, opinions sur les événements, ce qui marque en général la distanciation. Quand un récit est écrit à première personne, il faut toujours se demander s il s agit d un récit autobiographique (vrai, ou présenté ainsi par l auteur) ou bien d une fiction (d un récit inventé). Si le récit est autobiographique, il faut s interroger sur les raisons pour lesquelles l auteur raconte sa vie. Lectures conseillées (outre les textes envisagés en classe) liste non exhaustive L ami retrouvé Fred Ulhmann (Folio), L Enfant, Le Bachelier ; L Insurgé Jules Vallès (Poche ), Les Confessions J.J. Rousseau (livre I à III Poche), Les mots J. P Sartre (Poche) Enfance N.Sarraute, Sido Colette