Parents séparés ou divorcés : respecter l'exercice de l'autorité parentale Dossier Autonome de Solidarité Laïque paru le 16/09/13 http://www.autonome-solidarite.fr/articles/autorite-parentale Les divorces ont augmenté de 11% de 1996 à 2011. Dans l exercice de leur métier, les personnels de l éducation sont impactés par cette évolution sociétale. Sauf avis contraire d'un Juge aux affaires familiales, un divorce ou une séparation ne remettent pas en cause l'exercice conjoint de l'autorité par les deux parents. Quels sont les risques liés à l exercice de l autorité parentale? Comment se traduit l'exercice exclusif de l'autorité parentale? Qu implique l autorité parentale conjointe? L exercice de l autorité parentale conjointe (ou coparentalité) remplace depuis 2002 la notion de «garde». Elle rend les deux parents responsables de l'éducation, de la santé, de la sécurité et de la moralité de l'enfant. La relation personnels de l'éducation-parents d'élèves La coéducation, partagée en théorie entre les parents d'élèves et l'éducation nationale, suppose une responsabilité éducative commune. Cependant la relation enseignant-responsable légal peut être conflictuelle. Les dossiers ouverts par les Autonomes de Solidarité Laïques reflètent les dysfonctionnements possibles de cette relation. Ainsi, en 2011-2012, 65% des dossiers ouverts pour insultes ou menaces et 68% des dossiers ouverts pour diffamation impliquent les responsables légaux des élèves (statistiques 2011-2012). L'introduction de la coparentalité La loi 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a consacré le principe de coparentalité. Selon l'article 371-1 du Code civil, l'autorité parentale est définie comme «l'ensemble des droits et devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant». Le père et la mère doivent l'exercer conjointement jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant, et ce quelle que soit la situation familiale : mariage, concubinage, séparation ou divorce. L'exercice en commun de l'autorité parentale rend chaque parent également responsable de la vie de l'enfant. Lorsque les parents détenteurs de l'autorité parentale sont en désaccord sur l'intérêt de leur enfant, un des deux parents peut saisir un Juge aux affaires familiales conformément à l'article 372-2-8 du Code civil. Le Juge aux affaires familiales peut alors décider d'un exercice exclusif de l'autorité parentale, qui est alors accordé à un seul parent.
La longue construction de l'autorité parentale - Antiquité gréco-romaine : le «pater familias» avait une toute-puissance absolue et sans limite de temps. - 1970 : une loi met fin à la notion de «puissance paternelle» au profit de l'«autorité parentale» qui place les deux parents mariés à égalité de droits et de devoirs à l égard de leurs enfants. - 1987-2002 : la loi Mahuret du 22 juillet 1987 consacre l exercice en commun de l autorité parentale des couples divorcés, à la condition qu il y ait accord des deux parents. A défaut, c est le parent chez qui est domicilié l enfant qui exercera seul l autorité parentale. La loi du 8 janvier 1993 va poser comme principe l exercice en commun de l autorité parentale, que les parents soient séparés ou non. - Depuis le 4 mars 2002 : les principes de coparentalité et de résidence alternée de l enfant en cas de séparation sont consacrés. Comment respecter l exercice de l'autorité parentale conjointe? Les conflits familiaux s invitent à l école. Les personnels de l éducation doivent maîtriser les textes et cas de figure régissant l exercice de l'autorité parentale pour leur sécurité juridique et un exercice serein du métier. Relations avec les parents : faire preuve de neutralité Si la communauté éducative est souvent sollicitée par les parents, le chef d établissement ou l enseignant doit respecter une stricte neutralité face au conflit parental. Sauf en cas exceptionnel de réquisition judiciaire (par exemple dans le cadre d une enquête sociale), les personnels n'ont pas à entrer dans l'organisation des droits de visite et d'hébergement mis en place par le Juge aux affaires familiales, à défaut d'accord entre les parties. Conseil de l'asl - Entretenez avec chacun des parents des relations de même nature et gardez à l'esprit l'intérêt de l'enfant. - N'oubliez pas qu'en cas de conflit entre les parents, vous devez rester neutre. Les personnels de l'éducation ne doivent exprimer leur avis que s'il est requis par le Juge aux affaires familiales. - Établissez un document à la demande de l un ou l autre des parents exclusivement sur la scolarité de l'enfant (nombres d absences ou notes par exemple). Consultez le témoignage d'un directeur d'école adhérent Information des parents : distinguer les actes usuels des actes non usuels Selon Paul Raoult, nouveau Président de la FCPE, «il est important qu'en début d'année les parents remplissent les fiches de renseignements. L'établissement doit en retour bien faire son travail d'information aux deux parents et respecter l'exercice de l'autorité parentale dans les actes quotidiens».
Dans quels cas prévenir les deux parents? Accord obligatoire (un seul ou deux parents) Orientation Démarches Redoublement Saut de classe Inscription dans une école privée Instruction à domicile Décision d orientation (actes non usuels) Scolarité (actes non usuels) Livret scolaire Informations sur les élections des délégués des parents d élèves Proposition d aide personnalisée Mise en place d un Programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) Difficultés et comportement de l enfant Bilan par le psychologue scolaire Résultats scolaires Convocation rencontre parent-professeur Demande d autorisation de sortie scolaire facultative (sur plusieurs jours avec hébergement) Changement d établissement public Radiation Inscription (actes usuels) Information et autorisations (actes usuels) Règlement intérieur de l école Informations sur l assurance scolaire Demande de certificat de radiation Demande d autorisation de prise de vue de l enfant (par exemple photo de classe) Demande d autorisation de sortie scolaire facultative (sur la journée sans hébergement) Programme scolaire Demande d attestation de scolarité Demande de relevé d absence Date de réunion de rentrée
Françoise Llaurens, Président de chambre honoraire : «le Juge aux affaires familiales tranche les litiges entre parents» Françoise Llaurens a été Président de la chambre de la famille d Aix-en-Provence de 2002 à 2012. La chambre de la famille juge les décisions rendues par les Juges aux affaires familiales lorsqu elles sont renvoyées en appel. Le Juge aux affaires familiales peut être saisi lorsque les parents détenteurs de l'autorité parentale sont en désaccord sur ce qu'exige l'intérêt de leur enfant. En quoi le Juge aux affaires familiales intervient-il sur l autorité parentale? Françoise Llaurens : Le Juge aux affaires familiales tranche les litiges entre parents, portant sur l exercice de l autorité parentale, en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs. Depuis la loi n 2002-305 du 4 mars 2002, l'autorité parentale appartient aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant. Les décisions du Juge aux affaires peuvent être modifiées ou aménagées à tout moment, en fonction de l intérêt de l enfant. Le Juge aux affaires familiales traite du contentieux pouvant exister entre les parents, qu ils soient mariés ou non et ce en cas de séparation du couple parental. Le métier de Juge aux affaires familiales a évolué, il est le reflet de mutations sociologiques qui ont été traduites dans la loi. Ainsi actuellement, le Juge aux affaires familiales ordonne un certain nombre de résidences en alternance, modalité d exercice de l autorité parentale consacrée dans la loi de 2002. En quoi consiste l exercice exclusif de l autorité parentale? F. L : Dans l exercice conjoint de l autorité parentale les parents sont égaux en droit et en devoirs, les pères et mères disposent des mêmes pouvoirs qu ils sont appelés à mettre en œuvre conjointement. Toute décision concernant l enfant suppose en principe l accord des deux parents, notamment en matière de santé et scolarisation. Le Juge aux affaires familiales peut confier l exercice exclusif de l autorité parentale à l un ou l autre des parents. Sa décision doit être prise pour des motifs graves. Le parent qui n exerce plus l autorité parentale bénéficie d un droit à entretenir des relations personnelles avec l enfant. Ce droit doit être toujours exercé dans l intérêt supérieur de l enfant. Pour les personnels de l'éducation nationale, comment respecter l exercice de l autorité parentale en cas de séparation ou divorce? F. L : La préoccupation commune au Juge aux affaires familiales et aux personnels de l'éducation nationale est l'intérêt de l'enfant. Dans le cadre d enquêtes sociales, le magistrat peut demander à l école certains éléments comme le dossier scolaire de l enfant. Face aux enfants de parents séparés ou divorces, les personnels de l'éducation nationale doivent favoriser l information. Lors de chaque rentrée, les personnels de l'éducation nationale doivent absolument faire préciser la situation des deux parents et
leurs coordonnées, et demander aux parents de justifier une décision de justice relative à l autorité parentale. Les personnels de l'éducation nationale doivent par ailleurs connaître les textes relatifs à l exercice de l autorité parentale. En cas de litiges, les personnels de l'éducation nationale doivent faire valoir leur bonne foi, notamment s ils ne disposent pas d informations sur les dispositions des jugements liés à l exercice de l autorité parentale. Il ne pourra pas être reproché à un personnel d avoir remis un enfant au père, s il n avait pas connaissance d une disposition l interdisant! En cas de difficulté avec des parents séparés ou divorcés, il est important de ne pas faire de blocages et de prendre l initiative de réunir les deux parents. Les personnels de l'éducation nationale doivent toujours privilégier le dialogue et la médiation entre les parents. S il y a une difficulté il appartient aux parents de la faire trancher par le Juge aux affaires familiales. Les personnels peuvent toutefois temporiser le conflit. Thomas Kalinowski, directeur d école : «faire preuve d'objectivité et d'apaisement face aux conflits familiaux» Directeur d école depuis onze ans, Thomas Kalinowski souligne la nécessité d être à la fois humain et neutre dans les relations avec les parents séparés ou divorcés. Comment respectez-vous l exercice de l autorité parentale au quotidien? Thomas Kalinowski : Le respect de l autorité parentale incombe au directeur d école. Il est en quelque sorte le maître d œuvre de son respect et donne aux enseignants une marche à suivre. Dès le début d année, la fiche de renseignements permet aux équipes de connaître la situation familiale. Tant que l autorité parentale est exercée conjointement, je tiens à ce que les deux parents soient systématiquement informés du parcours de l élève. Lorsque l'exercice de l autorité parentale est exclusif, le directeur doit se baser sur le document officiel du Juge aux affaires familiales. Comment gérez-vous les situations conflictuelles? T. K. : J ai bien sûr rencontré des cas de séparations conflictuelles. Les parents sont alors convoqués séparément. Les personnels doivent alors se focaliser sur l intérêt de l enfant et faire preuve d apaisement et d objectivité. Un divorce, qu il soit bien ou mal géré, a un impact sur l enfant. La neutralité des personnels et le respect des institutions ne pourront qu être positifs pour une meilleure gestion de ces situations très délicates.