GIST: diagnostic, identification et classification

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Transcription:

GIST: diagnostic, identification et classification Jean-Yves SCOAZEC Service central d Anatomie et Cytologie Pathologiques, Hôpital Edouard Herriot, Lyon

GIST: tumeurs rares mais Tumeurs modèles en cancérologie générale Un des premiers exemples de succès d un traitement ciblé (imatinib, Glivec, Novartis)

GIST: diagnostic, identification et classification Que faire devant une suspicion de GIST? Comment affirmer le diagnostic? Comment utiliser l immunohistochimie? Quand recourir à la biologie moléculaire? Comment distinguer les GIST des autres tumeurs conjonctives du tube digestif?

GIST: diagnostic, identification et classification Consensus international (Diagnosis of gastrointestinal stromal tumors: a consensus approach. Fletcher et al, Human Pathol 2002;33:459-465.) Consensus européen (European Society for Medical Oncology (ESMO), 20-21 mars 2004) Recommandations françaises (20 novembre 2004)

GIST: définition Tumeurs mésenchymateuses du tube digestif, éventuellement du mésentère Présentant des caractéristiques histologiques évocatrices (prolifération de cellules le plus souvent fusiformes, parfois épithélioïdes) Exprimant habituellement, mais non constamment, la protéine KIT, à un niveau suffisant pour permettre sa détection par une technique immunohistochimique Associées fréquemment, mais pas constamment, à des altérations dans deux gènes cibles : KIT et PDGFRA

Comment affirmer le diagnostic de GIST?

Comment affirmer le diagnostic de GIST? L aspect histologique est très évocateur Variantes histologiques Fusiforme (70%) Epithélioïde (20%) Mixte (5%) Autres variantes (5%) À stroma myxoïde Paragangliome-like Carcinoïde-like Pléiomorphe 70% des cas 20% des cas

Caractères cytologiques

Caractères particuliers Tumeurs à fibres skénoïdes: Intestin grêle fibres skénoïdes

Aspects trompeurs atypies palissades

L étude immunohistochimique Le premier marqueur à utiliser: c-kit ou KIT (CD117) Comment faire l immunodétection de KIT sur coupes tissulaires? Avec ou sans démasquage antigénique? Avec: une sensibilité «excessive» (faux amis) Sans: une sensibilité insuffisante? Recommandations françaises A5402 (Dako) Dilution 1/300 après restauration antigénique (tampon citrate ph6) Dilution 1/50 sans restauration antigénique

KIT: parfois un faux ami! Une longue liste de tumeurs KIT+: attention aux faux amis dans le tube digestif et l abdomen! mélanomes certains carcinomes (notamment sarcomatoïdes) sarcome de Kaposi sarcomes divers tumeurs desmoïdes mélanome carcinosarcome

Immunodétection de KIT: interprétation Règles de base Toujours interpréter les résultats immunohistochimiques dans le contexte des données histologiques (un bon moyen d éviter des erreurs diagnostiques) Toujours exiger des contrôles internes positifs mastocytes cellules de Cajal

Immunodétection de KIT: interprétation C est facile: 100% des cellules tumorales sont positives

Expression de KIT membranaire cytoplasmique en «dots» mixte

Immunodétection de KIT: interprétation C est facile: 100% des cellules tumorales sont négatives, mais Eliminer les faux négatifs Artefacts (fixation, ) Echantillonnage (biopsies) Connaître les cas particuliers GIST authentiques avec perte d expression de KIT au cours de l évolution (métastases +++) GIST authentiques n exprimant pas KIT

Immunodétection de KIT: interprétation C est plus difficile: expression hétérogène de KIT

Immunodétection de KIT: interprétation C est plus difficile: expression hétérogène de KIT Question: à partir de combien de cellules positives déclare-t-on que la tumeur est c-kit +? Consensus international: pas de réponse précise En pratique: c-kit hétérogène (5 à 20% des cellules), pas d autres marqueurs: GIST (estomac +++) c-kit hétérogène, d autres marqueurs positifs: cas particuliers

Attention aux pièges SMA Léiomyome avec cellules de Cajal caldesmone c-kit

GIST: après avoir testé KIT Deux questions pratiques: Faut-il compléter le bilan immunohistochimique? Faut-il faire systématiquement une étude en biologie moléculaire à la recherche de mutations des gènes codant pour KIT et PDGFRα?

Immunohistochimie Les marqueurs de l ère pré-kit CD34 h-caldesmone SMA Desmine Protéine S100 60-70% 80% 30-40% <5% 5%

Immunohistochimie Nouveaux marqueurs protéine DOG1 (Am J Pathol 2004;165:107-113) protéine PKC theta PDGF-R Intérêt dans les tumeurs KIT-

Place de la biologie moléculaire Recherche des mutations KIT et PDGFRΑ Technique: en laboratoire spécialisé Extraction ADN PCR/dHPLC Objectif pour tout pathologiste: préserver la faisabilité des techniques d analyse moléculaire Congélation de fragments tumoraux Fixation en formol tamponné (éviter le liquide de Bouin)

GIST: biologie moléculaire Structure des récepteurs KIT et PDGFRA Partie extramembranaire Membrane cellulaire Partie intramembranaire

GIST: biologie moléculaire KIT PDGFR α Exon 9 (18,1 %) Exon 11 (66,9 %) Exon 13 (1,6 %) Exon 12 (0,8 %) Exon 14 Exon 17 (1,6 %) Exon 18 (3,9 %) Fréquence et localisation des mutations

Intérêts potentiels de la recherche des mutations de KIT et PDGFRA Diagnostic : tumeurs KIT Pronostic : évaluation de la malignité Traitement: prédiction de la réponse au traitement par l imatinib compréhension des résistances secondaires au traitement par l imatinib

Intérêts potentiels de la recherche des mutations de KIT et PDGFRA Diagnostic : GIST KIT (<5% des GIST) Mutations de PDGFRA: 72% Mutations de KIT: 16% Pas de mutation détectée: 12%

Intérêts potentiels de la recherche des mutations de KIT et PDGFRA Prédiction de la réponse au traitement par l imatinib Mutations Réponse Objective Survie sans progression à 6 mois Exon 11 (70%) Exon 9 (17%) Aucune mutation (8%) 83% 90% 46% 50% 8% 54%

Indications de la recherche des mutations de KIT et PGFRA GIST: indication sanitaire de cryopréservation selon l INCa Indications des techniques de biologie moléculaire: Diagnostic: tumeurs KIT- Traitement: analyse moléculaire uniquement dans le cadre de protocoles et d essais cliniques

Evaluation du pronostic Fletcher C et al. Human Pathol 2000, 33: 459-65

Toutes les tumeurs conjonctives du tube digestif ne sont pas des GIST 180 160 140 120 100 80 60 initial final 40 20 0 léiomyome léiomyosarcome schwannome autre sarcome 30% des tumeurs conjonctives ne sont pas des GIST

Toutes les tumeurs conjonctives digestives ne sont pas des GIST léiomyome schwannome

D après Rudolph et al (Virchows Arch, 2002;441:234-248) Léiomyomes vrais (GILT) caldesmone +, desmine +, calponine + Tumeurs c-kit - CD34 - Schwannomes vrais (GIGT) S100+, GFAP+ Tumeurs neuronales/gliales (GINT) S100+, GFAP+, Tau+ Tumeurs fibreuses (GIFT) vimentine+

Problèmes diagnostiques Problèmes de diagnostic positif GIST KIT négatives (5 cas, <1% des cas de GIST) GIST épithélioïdes de l estomac avec expression faible et focale de KIT Problèmes de diagnostic différentiel Léiomyomes riches en cellules de Cajal KIT positives Entités méconnues: liposarcome dédifférencié, sarcome du stroma endométrial Problèmes de diagnostic non résolus: Tumeurs inclassables (10 cas)

Conclusion GIST: Les plus fréquentes des tumeurs conjonctives digestives (70% des cas) Diagnostic: combinaison d un aspect histologique caractéristique et de la positivité de KIT Biologie moléculaire: Implication des gènes KIT et PDGFRA Intérêt pour le diagnostic (GIST KIT-), la prédiction de la réponse au traitement par l imatinib et la compréhension des résistances secondaires