Exposé 4 Philosophie spéculative 16 janvier 2012 Un philosophe contemporain a ouvert une nouvelle voie Quentin Meillassoux Philosophe né à Paris en 1967 Normalien, agrégé et docteur en philosophie (1997) Enseignant à l Ecole Normale Supérieure Il appartient au mouvement philosophique du réalisme spéculatif. Pour lui la philosophie ne doit pas penser ce qui est, mais ce qui peut être. Il cherche à installer la pensée dans un tout autre rapport à l expérience du monde que celui proposé par Kant en s écartant simultanément : - des prétentions nécessitantes de la métaphysique classique telles que formulées par Descartes, - du partage critique entre l empirique et le transcendantal tel que Kant l a opéré. Au début, il y avait la Métaphysique dogmatique Principe de raison : toute chose, fait, évènement doit avoir une raison nécessaire d être ainsi plutôt qu autrement.
2 Pour Descartes et Leibniz, si l on remonte de cause en cause, on aboutit nécessairement à une cause ultime. Descartes pose son raisonnement en deux temps : 1 Etablissement d un absolu «Dieu est parfait. L existence est une perfection. Dieu ne peut qu exister». 2 Déduction de la portée absolue des mathématiques «Ce Dieu parfait ne peut me tromper si je fais bon usage de mon entendement». «Il me paraît qu existent en dehors de moi des corps dont je me fais une idée distincte. Ils doivent donc effectivement exister en dehors de moi, car autrement Dieu ne serait pas vérace, ce qui répugne à sa nature». Réfutation des thèses cartésiennes par Kant Pour lui, on peut bien dire qu un être pour être parfait doit posséder l existence, mais non qu étant pensé comme parfait, il existe. Nous pouvons toujours concevoir sans contradiction qu un étant déterminé existe ou non. Il y a réfutation de toute preuve prétendant démontrer la nécessité absolue d un étant déterminé. (Abandon du principe de raison) 1 La chose en soi est non contradictoire 2 Il existe bien une chose en soi.
3 Réponse de Kant au problème de Hume Il n est pas absolument nécessaire que la causalité régisse toute chose, mais si la conscience existe, ce ne peut être que parce qu une causalité régit nécessairement le phénomène. Réfutation des thèses kantiennes par le corrélationisme fort Comment la pensée kantienne peut-elle sortir d elle-même pour s assurer que ce qui est impensable pour nous est impossible en soi? Il n y a aucun moyen pour la pensée de rejeter la possibilité que l insensé pour nous soit véridique en soi. (Abandon du principe de non-contradiction). Ceci interdit la possibilité de penser ce qu il y a lorsqu il n y a plus de pensée. (Pb de l ancestralité). Il est impensable que l impensable soit impossible. (Facticité des invariants) Il y a eu glissement de l inconnaissabilité de la chose en soi à son impensabilité.
4 Réfutation de Kant par Meillassoux sur le problème de Hume Pour Hume : Si on ne peut démontrer la nécessité de la connexion causale, c est qu elle n a rien de nécessaire. Comment alors expliquer la stabilité des lois physiques si elles sont contingentes? En fait la stabilité des lois ne présuppose pas comme condition impérative la nécessité des lois. On ne peut en effet étendre le raisonnement probabiliste appliqué à un évènement interne à notre univers, à notre univers lui-même. Le tout (quantifiable) du pensable est impensable (notion de transfini, théorème de Cantor) La croyance de Kant dans la nécessité des lois est récusée comme prétention outrancière de la raison aléatoire à s appliquer en dehors des seules limites de l expérience. La sur immensité du virtuel chaotique est ce qui permet l impeccable stabilité du monde visible néanmoins contingent. Réfutation du corrélationisme fort, confortation du corrélationisme faible par Meillassoux La chose en soi est bien non contradictoire : Un étant contradictoire est impossible car sinon, il serait nécessaire, ce qui est impossible. La non-contradiction qui permet le pouvoir devenir implique la nécessité de la contingence, donc la toute puissance du chaos qui impose que rien ne lui résiste. Il y a une chose en soi : La nécessité de la contingence de l étant impose l existence nécessaire de l étant contingent. Il y a donc quelque chose et non pas rien car il est nécessairement contingent qu il y ait quelque chose et non quelque autre chose. Il y a donc abandon du modèle fort (le chaos peut n importe quoi) Pour le modèle faible (le chaos peut tout sauf l impensable)
5 Réfutation du corrélationisme sur le problème de l ancestralité par Meillassoux La mathématisation de la nature ouvre à la science expérimentale la possibilité d un écart temporel et spatial entre pensée et être. Les énoncés ne relèvent plus du mythe, mais sont des hypothèses susceptibles d être corroborées ou réfutées par des expérimentations actuelles. Le mathématisable désigne un monde capable d autonomie (mouvement) indépendamment du lien sensible que nous nouons avec lui. Il y a découverte d une puissance de persistance et de pérennité du monde que n affecte en rien notre existence ou notre inexistence. Le monde est indifférent à l existence humaine et à la connaissance que l homme peut en avoir. C est la pensée de la contingence de la pensée pour le monde. Ce qui est mathématisable n est pas réductible à un corrélat de pensée, ce qui est mathématiquement pensable est absolument possible.
6 Absolutisation de la facticité (Le fait d être et de pouvoir être autre sans raison) Rien n a de raison d être et de demeurer ainsi plutôt qu autrement (lois, choses ), ceci en l absence d une loi supérieure capable de préserver de sa perte quelque chose que ce soit. L absence de raison inhérente à toute chose n est pas une limite rencontrée par la pensée dans sa recherche de la raison ultime, c est la propriété ultime de l étant. Il n y a donc pas seulement inaccessibilité de l absolu, mais dévoilement de l en soi. Refus du principe de raison et confirmation de la non-contradiction Pour Meillassoux, l absence de raison est la propriété ultime de l étant, tandis que la contingence de toute chose qui suppose la non-contradiction est le dévoilement de l en soi.
7 Un chaos qui, pour rester chaos ne peut produire l impensable Pour Meillassoux, Si l univers est effectivement contingent, alors il y a du devenir, le Chaos pour rester le Chaos, ne peut produire l impensable, le pensable est possible, Il y a donc obligatoirement quelque chose plutôt que rien et il y a de la stabilité. Seule la contingence est nécessaire Illustré par Serge Naud Références : Quentin Meillassoux Après la finitude, essai sur la nécessité de la contingence Seuil 2006
8 Bonne année 2012 Souhaiter, c est espérer et c'est désirer sans jouir, sans pouvoir et sans savoir. (*) «Nous ne pouvons désirer que ce qui nous manque» Platon «Il n y a pas d espoir sans crainte, ni de crainte sans espoir.» Spinoza «Toute notre vie oscille comme un pendule de la souffrance à l ennui» Schopenhauer «Nous ne vivons jamais, nous espérons de vivre» Pascal Prendre des résolutions, c'est décider c'est à dire choisir le possible : aimer ce que nous avons, faire ce qui dépend de nous et connaître ce qui est. (*) «Si tu désapprend à espérer, je t apprendrai à vouloir.» Sénèque Le sage qui n espère rien peut jouir pleinement de ce qui est car il est sans crainte. Le bonheur de désirer vaut mieux que le désir de bonheur. (*) A. Comte-Sponville Référence : André Comte-Sponville Le goût de vivre Albin Michel - 2010