Communiqué de Transparency Maroc et de Democracy Reporting International. au sujet du processus électoral 2007

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Transcription:

Communiqué de Transparency Maroc et de Democracy Reporting International au sujet du processus électoral 2007 Pour des élections démocratiques et transparentes au Maroc Rabat, Berlin, le 7 juin 2006 Suite à une mission préliminaire au Maroc effectuée par Democracy Reporting International en mai 2006 et le dialogue entamé avec Transparency Maroc relativement aux élections générales et au processus électoral, les deux organisations constatent et recommandent ce qui suit : I. Constat et observations générales sur les élections au Maroc 1. Le processus actuel de concertation sur la modification de la législation électorale reste limité, pour l instant, aux seuls partis formant la majorité gouvernementale sans participation de l opposition, de la société civile ou de l opinion publique. Etant donné les contraintes de calendrier (le code électoral révisé devant être prêt au moins un an avant les élections législatives en 2007), les modifications du cadre légal risquent d être adoptées par le parlement sans véritable débat public. Or, la question du système électoral et ses conséquences multiples concernent et engagent tout un chacun, citoyens, électeurs et partis politiques. 2. Bien que les changements apportés à la législation électorale, préalablement aux élections de 2002, aient amélioré certaines dispositions électorales, de nouveaux amendements devraient être introduits dans l esprit du respect des obligations internationales résultant de l article 25 (Droit de vote) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont le Maroc est signataire, en particulier:

- La législation électorale devrait établir les critères et les procédures qui doivent être pris en compte par le pouvoir exécutif pour la délimitation des circonscriptions électorales, en incluant l obligation de maintenir une relation électeurs/siège similaire entre les circonscriptions afin d assurer l égalité entre électeurs. Lors des élections de 2002, cette égalité n a pas été établie. - Des dispositions additionnelles devraient garantir une publication rapide et détaillée des résultats des élections à tous les niveaux du dépouillement à la proclamation. - Les règles d accès des partis et candidats aux médias ainsi que celles gouvernant le financement des campagnes électorales devrait être précisées. - La législation doit aller dans le sens de clarifier le statut, les droits et obligations des observateurs électoraux indépendants. 3. Le rôle de la chambre des représentants doit être renforcé dans le sens de l exercice d un pouvoir réel de contrôle sur l exécutif. Ceci étant souligné par le Comité des Droits de l Homme des Nations Unies qui note, dans son commentaire sur l article 25 (Droit de vote), que : Lorsque les citoyens participent à la direction des affaires publiques par l'intermédiaire de représentants librement choisis, il ressort implicitement de l'article 25 que ces représentants exercent un pouvoir réel de gouvernement et qu'ils sont responsables à l'égard des citoyens, par le biais du processus électoral, de la façon dont ils exercent ce pouvoir. 1 La valorisation du processus électoral et sa crédibilité sont déterminantes pour faire face à l érosion, largement admise aujourd hui, de la participation électorale (51,6% lors des élections de 2002) II. Recommandations en vue d améliorations ultérieures au processus électoral Des améliorations ont été apportées au processus électoral à l occasion des élections de 2002, notamment l introduction du bulletin unique en lieu et place des bulletins multiples et l utilisation de l encre indélébile afin de prévenir le vote multiple. Toutefois, les manipulations et l usage de l argent ont été enregistrés ce qui nécessite d autres améliorations pour assurer des élections plus démocratiques et transparentes. L établissement des circonscriptions devrait garantir l égalité des électeurs 1 Point 7, Commentaire général (1996). Le Maroc a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1979. Le Comité des Droits de l Homme exerce un rôle de surveillance de la mise en oeuvre de ces obligations légales. Ces commentaires représentent une interprétation du Pacte faisant autorité.

Dans l état présent, la loi (article 2 de la loi organique relative à la Chambre des Représentants 2 ) confie au Ministère de l intérieur le soin de déterminer les circonscriptions. La loi n établit ni critères ni procédures encadrant cette opération. Or, l établissement des circonscriptions électorales est un aspect particulièrement sensible du processus électoral dans la mesure où celles-ci peuvent être établies d une manière favorisant tel parti ou candidat. Le vote d un électeur doit compter autant que celui d un autre. Ce principe n a pas été respecté lors des élections de 2002, le rapport électeurs/sièges à pourvoir ayant varié considérablement entre différentes circonscriptions (de 3.000 à 64.000 électeurs par siège). 3 Pour se conformer aux obligations internationales du Maroc, la loi devrait spécifier les critères et établir des procédures transparentes pour la délimitation des circonscriptions en réitérant la nécessité d un rapport électeurs/siège équilibré entre chaque circonscription. Publication rapide et détaillée des résultats Un décompte, une agrégation et une publication détaillée des résultats sont des éléments clés pour l instauration d un climat de confiance dans tout processus électoral. En 2002, la publication des résultats a été retardée et, en contradiction avec les termes de la loi, les résultats intermédiaires n ont pas été publiés avant que le Ministère de l intérieur n annonce les résultats globaux, ce qui a nourri des doutes sérieux quant à l intégrité de ce processus. 4 La législation électorale prévoit en effet que copie des procès-verbaux de chaque bureau de vote ainsi que copie de ceux produits à chaque étape de la consolidation par l organe compétent doivent être donnés à chaque parti participant à l élection. En outre, la loi devrait prévoir explicitement l affichage public des résultats au niveau des bureaux de vote ainsi que celui des procès-verbaux d agrégation à chaque niveau intermédiaire. Les résultats détaillés des bureaux de vote ainsi que les résultats intermédiaires devraient également être disponibles sur l internet. La loi devrait également clarifier la possibilité pour les partis et candidats d être présents au niveau des bureaux centralisateurs (articles 75 et 76). Enfin, l article 80 devrait élargir la possibilité pour les candidats d inspecter les procès-verbaux après les élections à d autres intervenants (par exemple: médias, observateurs, voire électeurs). L accès équitable aux medias et le financement des campagnes devrait être mieux réglementé L article 295 du Code électoral dispose que l accès aux médias publics est réglementé par décret proposé par les Ministères de l intérieur, de l information et de la justice. Considérant que l accès équitable aux médias constitue une 2 En l absence d indications contraires, tous les articles cités sont extraits de la Loi organique 29-02. 3 Pour une Observation Non Partisane des Elections, Rapport du réseau des ONG marocaines sur les élections législatives de 2002. 4 Pour une Observation Non Partisane des Elections, supra, page 26

condition pour la tenue d élections démocratiques, la loi devrait être plus précise et établir des critères de contenu pour le décret. De manière similaire, l article 289 du Code électoral confie aux Ministères de l intérieur, de la justice et des finances la responsabilité d établir un décret relatif aux dépenses de campagnes électorales. A nouveau, la loi devrait définir des critères de contenu et clarifier la manière dont les candidats sont tenus de remplir leurs obligations (par exemple, par l utilisation d un compte bancaire unique spécial et la publication de l utilisation de l argent public et des dépenses engagées dans la campagne électorale). Contentieux électoral et traitement des plaintes Dans tout système électoral, des problèmes peuvent surgir et les résultats peuvent être contestés par les participants au scrutin, et ce d autant plus que l élection est disputée. Il est donc vital que le système prévoie des procédures permettant d introduire des plaintes et de les traiter de manière transparente et rapide. Il convient également de reconsidérer les dispositions qui prévoient que les bulletins non contestés sont détruits après dépouillement au niveau du bureau de vote. Ceci ne permet en effet pas un recomptage des voix. Or, dans des zones reculées du pays, il se peut que des bulletins ne soient pas contestés pour la simple raison de l absence de représentation des partis. Néanmoins, la possibilité de procéder à un réexamen de ces bulletins doit être conservée, par exemple lorsque les résultats paraissent peu plausibles (par exemple, 100% pour un parti). Clarification du statut des observateurs électoraux indépendants La loi est silencieuse en ce qui concerne les observateurs électoraux indépendants. Bien qu une observation électorale ait été conduite en 2002, le statut de ces observateurs n était pas clair et un certain nombre d entre eux se sont vus refuser l accès aux bureaux de vote. Le Ministère de l intérieur a, à ce sujet, indiqué que certains observateurs s étaient avérés problématiques. Afin d éviter ce type de problèmes dans le futur, la loi devrait clairement établir les droits et obligations des observateurs et définir une procédure d accréditation transparente et objective. L observation des élections par des représentants de la société civile est une situation normale dans la majorité des pays en transition, où elle joue un rôle important pour accroître la confiance de l électorat et prévenir les irrégularités. Il serait souhaitable que la loi reconnaisse ce fait. Il pourrait également être envisagé d amender la loi en vue de permettre la présence d observateurs internationaux. Cette présence est également devenue une pratique répandue, même dans les démocraties bien établies. Ainsi, les élections en France, en Espagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis ont été évaluées par l Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe 5. Récemment, les élections en Palestine et au Liban ont été observées par l Union 5 Les rapports de ces missions sont disponibles sur http://www.osce.org/odihr-elections/14207.html

Européenne. Des principes pour l observation électorale internationale ont été établis sous l égide des Nations Unies. Ces principes soulignent notamment la nécessité de l établissement au niveau national d un cadre clair pour le fonctionnement de ces missions. 6 Democracy Reporting International et Transparency Maroc suivront les prochaines étapes de la préparation des élections de 2007 et entendent procéder à une analyse détaillée du cadre légal une fois les changements de la loi effectués. Site Internet Transparency Maroc : www.transparencymaroc.org Site Internet Democracy Reporting International : www.democracyreporting.org 6 Déclaration sur les principes de l observation électorale internationale, New York, octobre 2005, disponible sur: http://www.accessdemocracy.org/library/1923_declaration_102705.pdf