Cel le Gaucher, un dessinateur témoin et acteur de la Grande Guerre



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Transcription:

Cel le Gaucher, un dessinateur témoin et acteur de la Grande Guerre

Biographie Cel le Gaucher (1895-1949)

Pierre-Louis Marcel Canguilhem, dit Cel le Gaucher, est né à Mont de Marsan, rue Martinon, le 11 décembre 1895 et est mort le 15 juillet 1949. Il a donc vécu à la même époque que les sculpteurs Despiau et Wlérick. Très jeune, Marcel aime manier le crayon et ses parents l inscrivent au cours municipal de dessin. Il dessine ses premières œuvres au crayon dès neuf ans. Cel et son frère Jules âgés de 2 et 5 ans

Sa famille n est pas très riche : il doit terminer ses études à 14 ans et passe un concours pour entrer dans l administration de la Société Générale. Mais il consacre tout son temps libre au dessin. Sa première exposition de caricatures aura lieu le 1 er novembre 1914 à Mont de Marsan. En 1914, son frère part à la guerre dès les premiers jours. Il se fait tuer quelque temps après. Cel désire le venger; il est incorporé dans le 34 ème Régiment d Infanterie et se retrouve à son tour sur le front, à Verdun. Il y découvre les horreurs de la tranchée. Il a emporté avec lui son fusil mais aussi sa feuille et son crayon. Cel à l âge de 13 ans

Entre deux batailles, dans les tranchées, il dessine, croque ses camarades de combat pour soutenir leur moral. Ses dessins témoignent de la vie qu il mène avec eux sur le front. Il montera même sur les planches pour les divertir. Il expédie généralement ses dessins chez lui. Le 22 mai, alors qu il participait à l assaut de Douaumont, il est blessé à l épaule droite par un obus. Relevé par l abbé Bordes, Cel est aussitôt évacué sur l arrière et soigné à l hôpital de Brives, ce qui lui permettra de faire éditer ses Traits Poilus, premier album de guerre exposé au Salon de la 3éme armée à Compiègne. Cet ouvrage sera sélectionné par le jury et figurera au Salon des Armées de la République. Quelque temps après, il édite un nouvel album où figurent les croquis des officiers et de ses camarades de régiment qui suivaient comme lui les cours du Centre d Education physique. Il y affirme son talent pour la caricature. Le premier album de Cel, 1916

En 1917, il est envoyé en Orient avec le 148 ème Régiment d Infanterie. Il doit gagner Salonique en bateau et croque différentes scènes de ses escales ou de la vie sur le bateau. Parvenu dans les tranchées sur le front de Macédoine, il entame la série de ses Poilus d Orient et envoie plusieurs albums dont Traits poilus, Le Chemineau de Sarrail, Macédoine de légumes. Il collabore également au journal du régiment. Dessiner est devenu pour lui un besoin et un moyen d oublier l horreur de la guerre. Il se trouve donc en Yougoslavie, sur le front serbe, où Serbes et Français se battent pour refouler sur l autre rive du Danube 450 000 Bulgares, Turcs, Autrichiens et l armée de Mackensen, sous les ordres du Maréchal Franchet d Esperey. L attaque des monts Dobropol je en Serbie fut particulièrement meurtrière L aube de la victoire, gravure

Le 15 septembre 1918, à 8h30, au moment de l affrontement final, la 122 ème division d infanterie doit attaquer le Sokol (colline dont il faut déloger les Bulgares). Cel en fait partie. Il est tout d abord blessé par des éclats de grenade à la tête et à la main, ce qui l immobilise devant les barbelés ennemis. Il remet à un autre soldat les plans d attaque et le pistolet lance-fusée dont il était chargé car il était caporal fourrier. Le feu de barrage s intensifie. Une torpille explose, tue son lieutenant et lui arrache en partie son bras droit. Son casque l a protégé des éclats qui auraient pu le tuer. Les Bulgares à cette époque achevaient les blessés. Cel y échappe de justesse grâce à l abbé Charton et à ses brancardiers basques qui récupéraient les rescapés. L abbé trouve Cel et lui demande d où il vient. Celui-ci lui répond en patois qu il est des Landes puis s évanouit. Il est emporté au poste de secours. A l hôpital de Salonique, 24 heures plus tard, on l ampute du bras droit. Dès son réveil, il déclare à ses amis : «Cela ne fait rien, il me reste la gauche et je ne veux pas décevoir ma fiancée.» Le jour de son mariage, à Marseille, le 7 février 1919

Quinze jours après son arrivée à Salonique, il demande du papier et un crayon et commence à s exercer à dessiner de la main gauche. C est de là que vient son surnom de Cel le Gaucher. Il reçoit la médaille militaire. Rapatrié sur Toulon, il est déjà capable de faire la caricature de son médecin. Carte d étudiant des Beaux Arts, 1919 En 1919, il intègre à Bordeaux l Ecole des Beaux Arts où il poursuivra ainsi la rééducation de sa main gauche pendant un an. En 1920 il remporte le concours d affiches du Bal des Etudiants de Bordeaux. Il dessine également l affiche du Congrès des Etudiants. De caricaturiste et dessinateur, il est devenu affichiste. Affiche lauréate du Concours, 1920

Ses camarades des Beaux Arts partent poursuivre leurs études aux Beaux Arts de Paris. Cel ne peut les suivre : il doit subvenir à ses besoins et entre à la Société Générale comme comptable. Il poursuit cependant son activité de dessinateur et collabore à La Course landaise le soir. Il travaille, souvent de nuit, aux affiches de course landaise qu il ne se contente pas de dessiner : il les grave sur linoléum et les tire à l imprimerie de Monsieur Pindat. L affiche de course landaise est née Une feinte d Henri Meunier

Ses activités artistiques se multiplient : il grave ses propres plaques avec un trait fin et un grand souci du détail. Il participe aux Salons annuels des Humoristes bordelais et aux expositions d Anciens Combattants de Nancy et de Caen. Il participe à différentes revues : L almanach du Combattant, Tourny Noël, Sport banque, Les Landes sportives, La jeunesse landaise, Le Filon, Les Landes mutilées. Il est fait chevalier de la légion d honneur le 14 juillet 1932. Cel faisait partie des «Gueules cassées» car il avait encore trente petits éclats d obus dans la figure et la tête. Il sculpte à la demande des Anciens Combattants le Poilu d Orient qui est transporté à Dobropol je, en Yougoslavie, à l endroit même où il perdit son bras. Cette œuvre doit commémorer la victoire française sur les Allemands et leurs alliés. Le monument est inauguré le 15 septembre 1938 en présence du roi Alexandre de Serbie et de Cel. Il est alors fait Grand Croix de l Aigle blanc de Serbie. Cérémonie de remise de la Légion d honneur, 14 juillet 1932

Cel le Gaucher a donc été à la fois caricaturiste, dessinateur, affichiste, modeleur et sculpteur. Ses thèmes favoris ont été, outre la guerre et la course landaise, les Landes, la tauromachie et le sport ( notamment le onze du Stade montois de 1925 à1926). Il a aussi dessiné des figures historiques gasconnes telles que le corsaire lou Pelot, Saint Amand, La Hire ( valet de cœur, compagnon de Jeanne d Arc et né à Préchacq), Hector de Galard ( valet de carreau, né à Saint Sever), Charles de Batz dit d Artagnan (né près de Lectoure), Saint Vincent de Paul. Il a illustré la rubrique de la Course landaise dans Sud-Ouest. Puis il a sculpté les bustes de Despiau, Wlérick, Jeanne d Arc, Bernadette, les médaillons du Général Lasserre, de Saint Vincent de Paul, de l abbé Bordes, des écarteurs Daverat à Laurède et d Henri Meunier, de lui-même.

Il a aussi réalisé différents monuments aux morts commémoratifs de cette guerre de 14 18 comme à Estibeaux. A Bascons, Cel le Gaucher crée un monument aux morts sur lequel il sculpte une émouvante Méninotte qui pleure ses fils perdus pendant la guerre. Pour sculpter ce bas-relief, et notamment le visage de cette femme désespérée, l artiste s est inspiré de celui de sa tante. Le monument aux morts de Bascons Le 10 octobre 1942, en quittant Bascons où il travaille au monument aux morts, il est victime d un accident de bicyclette : il est fauché par une voiture. Atteint à la tête, il reste 30 jours dans le coma. Il en souffrira longtemps et ne s en remettra jamais tout à fait. Malheureusement, le 15 juillet 1949, il s éteint à l âge de 54 ans sans finir sa dernière œuvre : une vierge sculptées. Détail : La Méninotte

Le dernier dessin de Cel le Gaucher

Cel le Gaucher, témoin de la Grande Guerre

LA VIE DANS LES TRANCHEES Cette œuvre est un croquis, datant de 1918, divisé en 5 parties, Cel le Gaucher l a réalisé sur le vif dans les tranchées. Il a voulu ainsi représenter les 5 principales activités de la vie d un poilu : -La première représente la correspondance entre les poilus et leurs proches. Le soldat est assis sur une caisse en bois et écrit une lettre en s appuyant sur ses genoux. - La deuxième est la toilette journalière obligatoire pour se débarrasser des poux (l épouillage), de la vermine, dans des conditions inconfortables ( boue, froid, cadavres, rats). C est une toilette succincte. - La troisième montre que les poilus peuvent avoir des moments de répit et fumer la pipe; cela leur permet de se détendre et de se réchauffer tout en restant sur leurs gardes pour se préparer à une alerte aux gaz, à une attaque ennemie -La quatrième montre leurs loisirs : ici, ils jouent aux cartes, font une partie de manoche. C est une parenthèse entre deux assauts. - La dernière montre des poilus munis de masques à gaz. Ce sont les premiers modèles. Dessin à la plume et encre de Chine, album Traits poilus, 1915 Par la suite, les gaz devenant plus toxiques, ils se perfectionneront. En réalisant cette œuvre, Cel le Gaucher a voulu amuser les civils ainsi que les poilus en faisant côtoyer humour et réalité. Il a donc utilisé la caricature et dessiné des masques à gaz en forme de bec de canard

GARDER SON HUMOUR MALGRE L HORREUR DE LA GUERRE Ce dessin a été réalisé à la plume. Il représente un soldat dessiné de dos en train d esquiver un obus. Le soldat porte sa baïonnette à la ceinture ainsi que la sacoche dans laquelle sont rangées les munitions. Il porte aussi son fusil dans le dos. Ce dessin est humoristique car il montre le soldat dans la même position que celle des écarteurs landais, la vachette est ici l obus : il fonce droit sur le soldat qui doit absolument l éviter, faire un écart. On peut voir qu il a sa gamelle fixée au ceinturon et porte son masque à gaz. L impression de mouvement est donnée par la médaille et la gamelle qui semblent voler à cause du souffle de l obus. La position de la jambe et les traits de crayon suggèrent qu il amorce un mouvement de rotation. Le dessin est dédié à Henri Carrance, poète landais qui comprendra l allusion évidente à la course landaise. Il est légendé ainsi : «Fidèle à mon passé de Landais, l obus, moi, je l écarte». Plume et encre de Chine, 1915

L équipement du poilu a évolué : le pantalon à l origine rouge garance était trop voyant et le pigment était fabriqué par les Allemands. La France, ne pouvant plus être approvisionnée en rouge, décide de changer la couleur de l uniforme qui devient bleu. Le képi en feutre se transforme en un casque en acier, le casque Adrian, qui protège mieux. Le fantassin porte une capote ainsi que des bandes molletières qui évitent au pantalon de remonter. Il est chaussé de brodequins cloutés pour pouvoir marcher dans la boue. Ses armes sont le fusil Lebel muni d une baïonnette et une cartouchière complète l armement. Le sac à dos est indispensable au poilu : il lui sert de bureau, de traversin, de chaise, de placard. Il contient généralement du matériel de campement dont une toile de tente, une couverture, une pelle, une pioche, mais aussi du linge,une paire de brodequins de rechange et des effets de toilette. Dans la musette le soldat range ses rations alimentaires et ses vivres. Dans ses poches, il conserve ses objets personnels (ses papiers d identité, de quoi écrire, un petit couteau ). L ensemble du paquetage, le «barda», pèse dans les 30 kilos. Sur ce dessin, on voit un poilu prendre de l eau non potable à une fontaine, ce qui souligne le manque de ravitaillement et les conditions difficiles de vie et d hygiène sur le front. Il a l air mal en point, n est pas rasé et des rides de fatigue se voient sur son visage. On y lit le malheur et le désespoir. La légende est en patois landais : «Potable ou nou, qué men fouti! Qu es toustém m ey clare qué déns lous traoucs d obus!». («Potable ou non, je m enfous! Elle est toujours plus claire que dans les trous d obus!»). Le dessin semble dire que le poilu n a pas le choix; résigné, il doit faire la guerre pour sauver son pays, sa famille. Eau non potable. Cliché gravé à la main sur du linoléum à partir de croquis réalisés à Verdun en 1915

L ARRIERE Ce dessin représente la vie à Paris au début de la guerre. Il est daté de 1914. Sur ce dessin, on voit trois personnages qui vont se croiser au coin d une rue : -A gauche, un truand en embuscade, armé d un couteau à la ceinture, porte une veste en drap fin et un pantalon ajusté; il est vêtu à la dernière mode et a une attitude provocante caricaturale. Il a l intention de tuer le Maréchal Gallieni. - A droite, le Maréchal Gallieni porte un képi, une vareuse noire ornée de médailles militaires, une sacoche, un pantalon et des éperons. Il marche d un pas décidé et montre son envie de combattre pour la France. - Derrière lui se tient une femme qui symbolise Paris. Elle porte une couronne, une épée à sa ceinture, un parapluie et une jupe aux couleurs du drapeau français; Elle tient dans ses bras la devise d invincibilité de Paris : «Fluctuat nec mergitur.» (Elle flotte et ne coule pas.) Elle semble admirer le Général. La parodie de la fable de La Fontaine, Le Loup et le Chien, donne tout son sens au dessin: «Pourquoi Guillaume II n a pas attaqué Paris». Dessin à la plume, encre de Chine et lavis, 1915 «L attaquer, le mettre en quartiers, Guillaume II l eût fait volontiers; Mais il fallait livrer bataille, Et Gallieni était de taille A se défendre hardiment.»

LES COMBATS Cette guerre a fait 20 millions de blessés plus ou moins graves. Jamais auparavant les corps humains n avaient été déchiquetés à ce point. Pour une blessure légère, le soldat utilise le pansement qu il porte sur lui et rejoint l infirmerie de la tranchée par ses propres moyens. S il est sérieusement touché, il doit attendre les brancardiers qui le transportent alors au poste de secours où les médecins évaluent la gravité des blessures. Les blessés intransportables et les mourants ne vont pas plus loin, les autres sont évacués vers un hôpital militaire ou un établissement faisant office d hôpital. Ces deux dessins de Cel le Gaucher illustrent la souffrance des poilus sur le champ de bataille. Le soldat blessé Ce soldat a été blessé à la tête par des éclats d obus. Son pansement est ensanglanté. Il regarde le ciel pour surveiller le prochain tir ennemi qui pourrait lui être fatal. Il devra regagner la tranchée par ses propres moyens. Ce dessin au crayon montre l enfer de Verdun : les hachures présentes sur la terre comme dans le ciel témoignent de l intensité des bombardements pendant les combats. Le soldat blessé, crayon, 1931

L aube de la Victoire Ce dessin a été réalisé en 1918 vers la fin de la première guerre mondiale. Le lieutenant de Cel le Gaucher monte à l assaut vers la tranchée ennemie, juste devant l artiste qui est caporalfourrier. Le paysage alentour est dévasté, ce qui montre la violence des combats. L aube se lève comme un renouveau, un nouveau jour, celui de la fin de la guerre et de la victoire. Il est 5h30 à Dobropol je. Un obus va causer la mort du lieutenant. Cel sera également blessé par un obus qui lui arrachera le bras droit. Ce même jour, l armistice sera signé, d où le titre de ce dessin. L aube de la Victoire, gravure

LES PERMISSIONS En haut à gauche, un poilu part en permission. Il rentre chez lui, heureux, de bonne humeur: il va pouvoir enfin retrouver sa famille et ses amis. Il siffle et fait tourner sa canne. Il marche à grandes enjambées et de petites ailes sont fixées à ses chaussures pour qu il arrive plus vite. Ses amis, dont le facteur, le regardent partir en riant : ils sont contents pour lui. En bas, le poilu rentre de permission, malheureux, accablé. On peut voir de grosses larmes qui tombent sur le sol. Il sait qu il va retrouver l omniprésence de la mort, les mauvaises nouvelles Pour montrer qu il est déprimé, Cel a dessiné un cafard qui semble le tirer vers l arrière. Le soldat traîne les pieds, appuyé sur un bâton qui ploie sous le poids de sa tristesse. Arrivera-t-il à surmonter son cafard? On voit à l arrière-plan des murs détruits et des arbres arrachés, un paysage de dévastation. Cel le Gaucher a aussi réécrit les paroles de la célèbre chanson d époque «Viens Poupoule» sur ce thème. Par ce dessin, Cel rappelle que la «perme» était un moment très attendu : en effet, seuls les colis reliaient les poilus à leur famille mais, après juillet 1915, le moral des troupes étant au plus bas, on décide de leur donner six jours de repos. Quelquefois les permes étaient prolongées, retardées ou supprimées. Le soldat français pouvait profiter d environ 60 jours de permission sur les 1500 jours qu a duré la guerre! Mais la perme n était pas forcément du repos complet : dans les campagnes, le poilu retournait travailler aux champs car la main d œuvre masculine manquait. Ce dessin est destiné au Club athlétique de la Société Générale de Mont de Marsan, où Cel était employé avant son départ pour l armée Dessin à la plume et à l encre de Chine illustrant un pastiche de «Viens Poupoule»,,montrant le départ en permission et le difficile retour. Dédié à ses amis du Club athlétique de la Société Générale,1915

LA VIE DANS LES TRANCHEES Ces deux dessins nous montrent la vie quotidienne d un poilu sur le front : on le voit dans deux activités différentes. Le premier dessin montre un soldat assis sur une caisse : il et en train de manger. Sa gamelle est coincée entre ses genoux. Il tient un couteau et une fourchette. Il mange la tête légèrement baissée, montrant ainsi sa lassitude et peut-être même son désespoir. On remarque sur son uniforme des traces de boue : cela montre que les conditions de vie des soldats sont difficiles et médiocres. Ils mangent dans les tranchées avec les rats, la boue et au milieu des cadavres. On voit aussi qu à côté de lui, le poilu a posé son fusil pour être prêt en cas d attaque. Pour éviter que le fusil ne se déclenche, il a mis une protection sur la détente. Il garde aussi sur lui les cartouchières. Dessin à la plume et lavis, 1932 «Toustém minja s ou pouce, qu en souy banleou hart!» (A toujours manger sur le pouce, je suis

Le deuxième dessin nous montre un poilu en train de marcher sur des caillebotis qui facilitaient les déplacements dans les tranchées remplies de boue. Il est chargé de la corvée de ravitaillement. Il porte notamment les rations d eau et de nourriture qui sont placées dans des gourdes et des gamelles. La scène semble se passer en hiver : le poilu porte une veste en peau de mouton, ce qui nous montre que ce poilu est un Landais. Les conditions sont très difficiles : il souffre du froid et affronte les intempéries. De plus, il doit toujours porter ses armes malgré son chargement. On remarque qu il marche le dos courbé sous le poids de son chargement, mais aussi sous le poids de la fatigue et du désespoir. Le porteur d eau. Gravure sur linoleum, rehaussé de couleur bleue, gravé en 1937 pour des menus de banquets d anciens combattants.

UNE GUERRE MEURTRIERE Ce dessin nous montre un poilu en uniforme appartenant au 34 ème régiment d infanterie de Mont de Marsan. Sur lui, il porte son «barda» au grand complet : le sac à dos, les cartouchières, le fusil Cel l a dessiné debout devant un fil barbelé qui symbolise le champ de bataille. Son visage reflète la résignation : il semble regarder l horizon, comme s il espérait un avenir meilleur. Il porte deux médailles sur son torse montrant son courage : il a dû réaliser des actions héroïques. A sa gauche, le fil barbelé retient une affiche sur laquelle figure une longue liste des régions et des villes dans lesquelles se sont déroulées des batailles très meurtrières : par exemple, on peut distinguer celles de la Somme, de Champagne, de Douaumont, d Alsace, d Hurtebise, et enfin celle du plateau de Craonne en 1917. Craonne est aussi le titre d une chanson qui décrit toutes les horreurs de la guerre. Et la liste des batailles n est pas terminée : une des plus terribles débutera le 21 février 1916 autour de Verdun. Ce soldat symbolise tous les poilus morts pour leur pays pendant ces batailles. C est un hommage qui leur est rendu. Ce dessin insiste également sur la violence de ces batailles qui doivent leur célébrité à leur nombre de morts. Plume, encre de Chine et lavis