r FRANÇOIS PARÉ ETUDE DE LA FAISABILITE DE DISTRIBUTION MÉCANIQUE DE LA PUNAISE MASQUÉE, PERILLUS BIOCULATUS, POUR LE CONTRÔLE BIOLOGIQUE DU DORYPHORE DE LA POMME DE TERRE, LEPTINOTARSA DECEMLINEATA (SAY) Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en génie agroalimentaire pour l'obtention du grade de maître es sciences, (M. Se.) DEPARTEMENT DES SOLS ET DE GENIE AGROALIMENTAIRE FACULTÉ DES SCIENCES DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2009 François Paré, 2009
Résumé En agriculture, la façon la plus courante de protéger les cultures des insectes nuisibles est l'application régulière d'insecticides chimiques. Toutefois, certains insectes comme le doryphore de la pomme de terre, Leptinotarsa decemlineata (Say), réussissent à développer au fil des ans, une résistance à la plupart des insecticides chimiques appliqués. Actuellement, le doryphore de la pomme de terre développe une résistance à l'imidacloprid, un insecticide efficace largement utilisé au cours des dernières années pour contrôler cet insecte nuisible. Par conséquent, les applications massives d'insecticides chimiques pour lutter contre cet insecte nuisible dans les cultures de pommes de terre deviennent inefficaces à long terme et peuvent entraîner de graves problèmes de santé et environnementaux. L'une des plus prometteuses alternatives aux moyens chimiques consiste à utiliser des ennemis naturels pour lutter contre le doryphore de la pomme de terre. L'usage de la punaise masquée prédatrice, Perillus bioculatus au deuxième stade larvaire (L2) pour contrôler le doryphore de la pomme de terre a été réalisé avec succès à petite échelle. Ce n'est pas le cas à grande échelle, car la distribution manuelle de ce prédateur n'est pas réalisable. L'objectif principal de cette étude était de concevoir, construire et tester un distributeur mécanique capable de libérer un grand nombre de Perillus bioculatus (L2) au champ au bon moment pour contrôler le doryphore de la pomme de terre. Étant donné que Perillus bioculatus n'était pas commercialement disponible au Canada au moment de l'étude, Podisus maculiventris qui possède des caractéristiques physiologiques semblables a été utilisé au cours de l'expérimentation en laboratoire. Comme il fut déterminé qu'il fallait mélanger les prédateurs à un matériel de support, une série d'essais préliminaires fut effectuée afin de sélectionner les deux matériaux les plus prometteurs, à savoir les copeaux de bois minces et le pop-corn. Les résultats obtenus ont confirmé qu'il est possible d'effectuer des lâchers mécaniques de Podisus avec un taux moyen de lâcher de 94,2% et que les deux matériaux de support sélectionnés sont adéquats. De plus, les taux de survie des prédateurs après un jour atteignirent 98,3 et 98,9% avec l'utilisation des copeaux de bois minces et du pop-corn, respectivement. Les taux de survie après sept jours ont chuté à 91 et 94,8%. Cependant, aucune différence significative entre ces deux matériaux de support ne fut trouvée. Finalement, il fut également démontré que la distribution mécanique n'a pas d'incidence
11 sur le taux de survie des prédateurs comparativement au lâcher manuel peu importe le matériel de support utilisé.
Abstract In agriculture, the most common way to protect crops from insect pests is the regular application of chemical insecticides. However, some insects like the Colorado potato beetle, Leptinotarsa decemlineata (Say), succeed to develop over the years a resistance to most of the registered chemical insecticides. Currently, the Colorado potato beetle is developing a resistance to imidacloprid, an efficient insecticide widely used in the last few years to control this insect pest. Consequently, heavy applications of chemical insecticides to control such an insect pest in potato crops become ineffective on a long-term basis and can lead to serious health and environmental problems. One of the most promising alternatives to chemical means consists of using natural enemies to manage the Colorado potato beetle. The use of the predator stink bug, Perillus bioculatus at the second nymph stage (N2), to control the Colorado potato beetle has been successful at a small scale. This is not the case at a large scale because hand release of this predator is not feasible. The main objective of this research study was therefore to design, build, and test a mechanical distributor able to release large numbers of Perillus bioculatus (N2 nymphs) in the field at the right time to control the Colorado potato beetle. Since Perillus bioculatus was not commercially available in Canada during the study, Podisus maculiventris which has the same physiological characteristics, was used during the laboratory experimentation. Since it was determined that mixing predators with a carrier material was required, a series of preliminary trials was conducted to select the two most promising materials, namely thin wood chips and popcorn. The results confirmed that it is possible to mechanically release Podisus with an average total release rate of 94.2% and that the two selected carrier materials were adequate. Moreover, the survival rate of predators after one day reached 98.3 and 98.9% with thin wood chips and popcorn, respectively. The survival rate after 7 days fell to 91 and 94.8%. However, no significant difference between the two carrier materials was found. Finally, it was also demonstrated that the mechanical distribution does not affect the survival rate of predators compared to manual release regardless the carrier material used.
Remerciements Ce travail de recherche a été réalisé sous la supervision du Dr Mohamed Khelifi, professeur au département des sols et de génie agroalimentaire, qui a su inspirer l'auteur dans sa démarche créatrice. Son support et son aide durant la rédaction de ce mémoire sont grandement appréciés. Le support financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) a permis de rendre ce travail de recherche à terme. Tous les acteurs ayant contribué au projet méritent ma plus sincère reconnaissance. L'auteur tient à remercier Yannick de Ladurantaye. Ce dernier qui a réalisé son projet de mémoire sur les critères d'entreposage, de transport et de distribution du Perillus bioculatus, m'a fourni de précieux conseils pour démarrer le projet. Comme ce projet représente en quelque sorte la continuité de son travail, je souhaite lui faire honneur en ayant pris le flambeau. Des remerciements particuliers sont également adressés à Yannick de Ladurantaye et à Louis Jalbert qui ont contribué à la fabrication du prototype. L'aide de tous ces acteurs fut cruciale tout au long du projet. J'aimerais aussi remercier le Département des sols et génie agroalimentaire qui a rendu les essais mécaniques sur les insectes prédateurs réalisables en nous donnant accès à ses laboratoires. Finalement, je veux personnellement remercier Véronique Bizier, étudiante au 2 e cycle du Département de statistique, qui a fourni son expertise afin de réaliser l'analyse statistique des données à l'aide du logiciel SAS.
Avant-propos Le Dr Mohamed Khelifi, professeur au Département des sols et de génie agroalimentaire de l'université Laval, continue ainsi la direction du programme de recherche visant l'application et l'implantation d'une méthode de lutte biologique contre le doryphore de la pomme de terre. Par la participation financière du Conseil recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), le programme avance à grands pas. Le présent travail fait suite aux expériences biologiques sur le Perillus bioculatus réalisées par le Dr Conrad Cloutier et aux travaux de Yannick de Ladurantaye sur les critères d'entreposage, de transport et de distribution de ce prédateur. En soutenant ces projets, l'université Laval joue un rôle important dans l'implantation éventuelle d'un tel moyen de lutte biologique qui supporte le développement durable.
L'homme a une multitude de destinées qui s'offrent à lui C'est donc à lui que revient le devoir de tout faire pour choisir la meilleure Et à nous tous, d'y contribuer Souhaitant réaliser au mieux la mienne et soutenir mes proches dans les leur.
Table des matières Résumé i Abstract iii Remerciements iv Avant-propos v Table des matières vii Liste des tableaux ix Liste des figures x Chapitre 1 1 Introduction 1 Chapitre 2.3 Revue de littérature 3 2.1 Culture de la pomme de terre 3 2.2 Le doryphore de la pomme de terre 3 2.3 Problématique concernant la lutte contre le doryphore 6 2.4 Méthodes alternatives de lutte contre le doryphore 8 2.4.1 Méthodes de contrôle physiques 8 2.4.2 Méthodes de contrôle biologiques 9 2.5 Lutte biologique par prédation 11 2.6 La Punaise masquée 11 2.6.1 Description 11 2.6.2 Potentiel de prédation de Perillus bioculatus 14 2.6.3 Dispersion de Perillus bioculatus au champ 15 2.7 Mécanisation de la distribution d'insectes prédateurs 18 2.7.1 Systèmes existants 19 2.7.2 Avantages et inconvénients des systèmes existants 20 2.7.3 Critères de conception d'un distributeur de Perillus bioculatus 21 2.8 Sommaire des critères de conception 23 2.9 Objectifs de recherche 24 Chapitre 3 25 Matériel et méthode 25 3.1 Volet mécanique 25 3.1.1 Principe de distribution 25 3.1.2 Design et fabrication d'un banc d'essai 26 3.1.3 Spécification des paramètres du prototype 32 3.2 Volet biologique 35 3.2.1 Caractérisation des insectes prédateurs 35 3.2.2 Conditions d'élevage des prédateurs 36 3.2.3 Préparation des prédateurs pour les essais 37 3.3 Expérimentation préliminaire 39 3.3.1 Essais préliminaires exploratoires 39 3.3.2 Observations et résultats des essais préliminaires 42 3.4 Modifications apportées 45 3.4.1 Modification du contenant de lâcher 45 3.4.2 Modifications du protocole expérimental 48 3.5 Expérimentation finale 49
3.6 Analyses statistiques 52 Chapitre 4 53 Résultats et discussion 53 4.1 Essais préliminaires 53 4.2 Expérimentation principale 54 4.2.1 Efficacité de lâcher 54 4.2.2 Effet du distributeur sur la survie des prédateurs 56 4.3 Extrapolation aux champs 60 Chapitre 5 62 Conclusions et recommandations 62 5.1 Conclusions 62 5.2 Recommandations 63 Références 64 Annexes 69 Annexe I - Spécifications des pièces principales du distributeur 69 Annexe II - Spécifications des matériaux de support utilisés dans les expérimentations préliminaires 70 Annexe III - Programmes d'analyses des données 72 Programme d'analyse de l'efficacité de lâcher du distributeur 72 Programme d'analyse des effets du distributeur sur la survie 74 Annexe TV - Résultats des analyses de données : 76 Résultats statistiques de l'efficacité de lâcher du distributeur 76 Résultats statistiques des effets du distributeur sur la survie 81 vin
Liste des tableaux Tableau 4.1. Résultats de l'anova pour les données relatives au taux de lâcher des prédateurs 54 Tableau 4.2. Taux de lâcher selon deux différents matériaux de support 55 Tableau 4.3. Résultats de l'anova des données relatives à la survie des prédateurs 57 Tableau 4.4. Taux de survie des prédateurs un et sept jours après le lâcher 59
Liste des figures Figure 2.1. Adultes du doryphore de la pomme de terre 4 Figure 2.2. Cycle de vie du doryphore de la pomme de terre (Modifié de Khelifi, 1996, rapporté par de Ladurantaye, 2008) 5 Figure 2.3. Larves du DPT en action sur le feuillage d'un plant de pomme de terre 5 Figure 2.4. Stades larvaires du doryphore : (a) premier, (b) deuxième, (c) troisième et (d) quatrième 6 Figure 2.5. Adulte de Perillus bioculatus 12 Figure 2.6. Adulte de Podisus maculiventris 12 Figure 2.7. Larves de Perillus bioculatus du premier stade (Ll) émergeant de leurs œufs.13 Figure 2.8. Larve de Perillus bioculatus du deuxième stade (L2) se nourrissant d'un œuf de DPT (longueur : environ 2 à 3 mm) 13 Figure 2.9. Adulte d'un Perillus bioculatus piquant et se nourrissant d'une larve L4 de DPT 14 Figure 2.10. Prédation sur des œufs de DPT faite par une larve (L2) de Perillus bioculatus 15 Figure 2.11. Distribution de Perillus bioculatus à différentes dates suite à un lâcher au centre d'une parcelle de 0,025 ha (250 m 2 ) en 1994 (les chiffres sous les dates correspondent à la valeur maximale observée représentée par le plus grand cercle) (Lachance, 1996) 17 Figure 3.1. Modélisation du convoyeur vertical à chaînes : (a) vue de face, (b) vue de dessus et (c) vue de côté 27 Figure 3.2. Prototype de distributeur : un convoyeur vertical à chaînes 28 Figure 3.4. Support à glissière 30 Figure 3.5. Support à glissière et insertion du contenant 30 Figure 3.6. Arrière du contenant de lâcher 31 Figure 3.7. Rails d'ouverture du contenant de lâcher 32 Figure 3.8. Modulateur de fréquence pour varier la vitesse de déplacement du convoyeur 33 Figure 3.9. Cage d'élevage des prédateurs 37 Figure 3.10. Podisus en prédation sur un vers à farine (Tenebrio molitor) 37 Figure 3.11. Contenant de mise à jeun rempli d'un mélange de prédateurs et de matériel de support (ici des copeaux de bois minces) 38 Figure 3.12. Différents matériaux de support utilisés lors des essais préliminaires 40 Figure 3.13. Géométrie de la première version du contenant causant l'effet goulot 44 Figure 3.14. Modélisation de la deuxième version du contenant de lâcher 45 Figure 3.15. Vue générale de la deuxième version du contenant de lâcher 46 Figure 3.16. Deuxième version du contenant en position ouverte : effet goulot éliminé 47 Figure 4.1. Taux moyen de lâcher en fonction du matériau de support 56 Figure 4.2. Taux de survie des prédateurs après le lâcher en fonction du type de distribution et du matériel de support utilisé 60
Chapitre 1 Introduction En agriculture, le moyen le plus commun de protéger les cultures contre les insectes ravageurs consiste en des applications régulières d'insecticides chimiques. Cependant, certains insectes comme le doryphore de la pomme de terre (DPT), Leptinotarsa decemlineata (Say), réussissent à développer, au fil du temps, une résistance à la plupart des insecticides utilisés pour leur répression. Présentement, le doryphore devient de plus en plus résistant à l'imidacloprid, un puissant insecticide largement utilisé dans les dernières années afin de contrôler cet insecte nuisible. En conséquence, des applications massives d'insecticides pour contrôler un tel ravageur dans les cultures de pommes de terre (1) deviennent inefficaces à long terme et (2) peuvent occasionner de graves problèmes à la santé humaine et à l'environnement. Une des alternatives à l'utilisation d'insecticides chimiques les plus prometteuses consiste à utiliser les prédateurs naturels pour contrôler les populations de doryphore. L'efficacité de l'utilisation de la punaise masquée, Perillus bioculatus, insecte indigène du Québec, comme prédateur naturel du doryphore, fut démontrée à petite échelle. Cette stratégie alternative, biologique et durable, est cependant la moins développée en Amérique du Nord car la distribution manuelle au champ à grande échelle est irréalisable. Ce travail de recherche vise en particulier l'examen de la faisabilité de distribuer mécaniquement la punaise masquée Perillus bioculatus tout en préservant son intégrité physique. Ce mémoire présente en premier lieu une revue de littérature sur la problématique actuelle avec le doryphore de la pomme de terre et les alternatives à l'utilisation d'insecticides chimiques. Ensuite viennent la méthodologie puis les résultats et discussions et finalement une conclusion et des recommandations. Une première étude a permis de définir une méthode de distribution d'insectes pouvant rendre réalisable mécaniquement la méthode de contrôle biologique par prédation. Un prototype de distributeur fut ensuite conçu et construit afin de réaliser des lâchers d'insectes en laboratoire pour examiner le principe d'application de la méthode de distribution. Grâce à ce prototype, une série de tests préliminaires fut réalisée afin
d'apporter certaines modifications à la méthode d'application de la distribution en fonction de critères qualitatifs reliés aux premières observations sur les insectes soumis à des lâchers. La méthode de distribution ayant subi une optimisation préliminaire, d'autres tests de lâchers ont été effectués afin d'évaluer l'efficacité du distributeur concernant le taux de lâcher des insectes ainsi que l'impact que la distribution mécanique avait sur la survie des prédateurs. Ce sont ces essais qui ont fait l'objet de l'analyse finale. Les principaux tableaux des résultats ainsi que les programmes SAS utilisés pour le traitement des données sont présentés dans les annexes.
Revue de littérature 2.1 Culture de la pomme de terre Chapitre 2 La production de pommes de terre représente un secteur de l'agriculture d'une très grande importance non seulement au Canada mais aussi dans plusieurs autres pays. Selon Statistique Canada (2008), les agriculteurs canadiens ont obtenu en 2008 des rendements moyens de 31,24 tonnes métriques à l'hectare. En cultivant globalement une superficie de 151 398 hectares, la récolte nationale était de 4 730 368 tonnes métriques. Les rendements à l'hectare en 2008 ont été pratiquement identiques à ceux enregistrés en 2007. Cependant, une diminution de 6% des superficies récoltées s'est traduite par une baisse de 5% de la production à l'échelle nationale par rapport à l'année précédente. Pour ce qui est de 2007, toujours selon Statistique Canada, la production de pommes de terre totalisa des revenus de 966 millions de dollars CAN. Par ailleurs, ces rendements ont un prix qui est de plus en plus difficilement acceptable tant pour les autorités gouvernementales que pour les consommateurs. L'utilisation abondante d'insecticides chimiques est devenue le seul moyen efficace afin de contrôler le DPT qui cause d'énormes dommages à la culture de pommes de terre. Les immenses diminutions de rendements causées par cet insecte ravageur entraînent des pertes de revenus qui sont annuellement évaluées entre 15 et 18 millions de dollars CAN (Cloutier et al., 2002). 2.2 Le doryphore de la pomme de terre Cet insecte de la famille des coléoptères est aujourd'hui bien connu à travers le monde entier. Bien que ses populations couvrent présentement la plupart des régions du globe, sa provenance est assez spécifique. Originaire d'amérique du Sud tout comme la pomme de terre, ce ravageur suivit ainsi la dispersion de cette culture et ce, en grande partie, grâce à l'homme. Possédant des capacités d'adaptations physiques incroyables, il sut s'accommoder à une multitude de conditions climatiques. Le DPT (Figure 2.1) est le principal ravageur de la pomme de terre au Canada (Howard et al., 1994; Boiteau et al.,
1992; Hare, 1980; Cloutier et al., 2002), aux États-Unis et dans plusieurs autres pays (Radcliffe et al., 1993; Jolivet, 1991). Figure 2.1. Adultes du doryphore de la pomme de terre. Le cycle de vie du doryphore (Figure 2.2) comporte une diapause de plusieurs mois qui lui permet de survivre aux hivers les plus rigoureux. À l'automne, les adultes se terrent profondément dans le sol et suspendent leurs métabolismes dans l'attente de conditions climatiques permettant la reprise de survie. À leur émergence au printemps, les adultes pondent leurs œufs en dessous du feuillage des plants de pomme de terre. La période larvaire du DPT s'étend sur quatre stades totalisant environ trois semaines. À la fin du quatrième stade, la larve descend au sol pour se transformer en adulte, c'est le stade de pupaison. Durant l'ensemble de sa vie, le DPT se nourrit du feuillage des plants de pommes de terre (Figure 2.3). Cependant, ce sont les larves du quatrième stade (Figure 2.4 (d)) qui causent le plus de dégâts. En conséquence, le contrôle des populations de DPT doit être réalisé avant l'atteinte du quatrième stade larvaire. En éliminant précocement les larves, les ravages causés par cet insecte seront réduits au maximum.
»* Diapause dans le toi (25 à 30 cm) Figure 2.2. Cycle de vie du doryphore de la pomme de terre (Modifié de Khelifi, 1996, rapporté par de Ladurantaye, 2008). Figure 2.3. Larves du DPT en action sur le feuillage d'un plant de pomme de terre.
Figure 2.4. Stades larvaires du doryphore : (a) premier, (b) deuxième, (c) troisième et (d) quatrième. 2.3 Problématique concernant la lutte contre le doryphore Jusqu'à présent, le moyen de lutte le plus efficace et le moins coûteux est l'utilisation d'insecticides chimiques. C'est ainsi que les rendements de production de la pomme de terre ont été soutenus au fil des années. Cette méthode chimique de contrôle demeure la plus utilisée (Weisz et al., 1994). En conséquence, la production de pommes de terre est devenue un des secteurs utilisant le plus d'insecticides chimiques. En effet, à la fin des années 80, ce secteur utilisait 19% de tous les insecticides utilisés annuellement en agriculture au Québec (Chagnon et Payette, 1990). Cloutier et al. (2002) confirment que peu de raisons laissent croire que la situation ait changé. Des années 1970 à 1990, l'insecticide chimique le plus utilisé fut le TEMIK qui fut ensuite retiré du marché suite à la découverte de résidus sur les tubercules de pommes de terre (Giroux, 2003). Puis vint sur le marché, en 1997, l'imidacloprid ADMIRE. Ce dernier est appliqué au sol lors du semis pour attaquer les adultes émergeant de leur diapause et, ensuite, sur les jeunes plants de
pommes de terre pour contrôler les larves de la nouvelle génération de DPT (Giroux, 2003). Depuis, ce produit continue d'être utilisé par la majorité des producteurs compte tenu de son efficacité. Toutefois, la résistance du DPT à l'imidacloprid se développe graduellement. Cette résistance a d'ailleurs été rapportée dans plusieurs états américains (Mota-Sanchez et al., 2006; Alyokhin et al., 2007). La problématique concernant l'utilisation d'insecticides chimiques est que ces derniers représentent un danger non seulement pour l'environnement mais aussi pour la santé humaine. Une étude réalisée pas le Ministère de l'environnement du Québec entre 1999 et 2001 a révélé la présence de pesticides dans 49% des puits situés à proximité des champs de pommes de terre (Giroux, 2003). Plus spécifiquement, l'insecticide ADMIRE fut présent dans 35% des puits échantillonnés. D'autre part, l'application de ces produits chimiques peut également affecter plusieurs autres insectes tels que les prédateurs naturels du DPT. En plus de ces effets négatifs, l'utilisation de produits chimiques contre le DPT ne semble plus représenter une solution durable pour contrôler cet insecte nuisible. En effet, en plus de ses grandes capacités d'adaptation climatique, le DPT devient progressivement résistant à la plupart des insecticides utilisés contre lui, incluant ceux qui étaient très efficaces au début de leur utilisation (Forgash, 1981; Martel 1987; Boiteau et al.,1987; Whalon et al., 1993; Randall, 1999). Tout comme ses prédécesseurs, l'insecticide ADMIRE devient lui aussi de moins en moins efficace (Mota-Sanchez et al., 2006; Alyokhin et al., 2007). D'après Bélanger (2003), une dose de l'insecticide ADMIRE représentant plus du double de la quantité initiale recommandée est nécessaire pour obtenir d'aussi bons taux de mortalité chez les DPT étudiés. En 2003 et avec les doses recommandées par le fabricant d'admire, seulement le tiers des populations étudiées avait un taux de mortalité supérieur à 90% et une des populations avait un taux de mortalité inférieur à 27% (Bélanger, 2004). Pour conserver d'aussi bons taux d'efficacité avec cet insecticide chimique, la seule solution est donc d'augmenter les doses et la fréquence d'application en ayant comme conséquence l'augmentation de la pollution environnementale et ainsi, les dangers sur la santé humaine. Cependant, le DPT doit être exposé moins régulièrement à ce produit afin de ralentir le développement d'une telle
8 résistance. Les méthodes alternatives pourraient donc être utilisées et ce en complémentarité ou en remplacement des insecticides chimiques (Roush et Tingey, 1994; Ferro, 1994). 2.4 Méthodes alternatives de lutte contre le doryphore 2.4.1 Méthodes de contrôle physiques Plusieurs méthodes physiques furent déjà développées et testées afin de réduire le besoin en produits chimiques pour lutter contre le DPT. Premièrement, la modification des pratiques culturales consiste en une rotation des cultures afin de rendre difficile l'accès aux plants de pommes de terre par le DPT. Cependant, dans un contexte d'agriculture moderne et intensive qui est généralement monolithique, la rotation des cultures représente un moyen peu rentable pour l'agriculteur en raison d'un manque de cultures pouvant correspondre à un cycle de rotation avec la pomme de terre, de Ladurantaye (2008) a rapporté l'existence d'autres moyens pouvant également être utilisés comme alternative aux insecticides chimiques comme les traitements thermiques ou pneumatiques ou encore l'utilisation de tranchées. Un traitement thermique utilise une flamme orientée sur les jeunes pousses des plants afin de brûler les adultes de l'ancienne génération émergeant du sol ainsi que les œufs et les larves de la nouvelle génération. Un traitement pneumatique consiste à aspirer ou souffler les DPT afin de les éliminer. Quant aux tranchées de plastique, elles servent de fosses pour piéger les DPT lors de leurs déplacements. Ces tranchées peuvent être creusées autour des parcelles cultivées ou encore entre chaque rang. Les implantations de ces différentes méthodes physiques sont cependant plus coûteuses que l'utilisation de produits chimiques, spécialement dans le cas de l'utilisation des tranchées entre les rangs. Aussi, leurs efficacités sont beaucoup moins intéressantes que celles des insecticides présentement utilisés. Cependant, ces méthodes peuvent être utilisées dans le cadre d'un programme de lutte intégrée (Vincent et al., 2001; Khelifi et al., 2005; Khelifi et al., 2007), ce qui aurait pour conséquence la réduction de l'utilisation d'insecticides chimiques.
2.4.2 Méthodes de contrôle biologiques Utilisant des agents de contrôle vivants, les méthodes biologiques sont plus prometteuses comparativement aux méthodes physiques. Dans un contexte de développement durable, ces alternatives représentent des solutions viables à long terme (Cloutier et al., 2002). Ainsi, une grande variété d'agents viraux, fongiques, bactériens ou encore animaux représente une immense banque de possibilités. Les biopesticides utilisant des champignons comme par exemple le Beauveria bassiana, présentent un bon potentiel de contrôle du DPT (Poprawski et al., 1997). L'emploi de bactéries comme agent actif contre le DPT peut également être envisagé. Le Bacillus thurgengiensis var. san diego (M-Trak mc ) ou encore le tenebrionis (Novodor mc ) ont des efficacités démontrées, en particulier sur les petites et moyennes larves de DPT (Cloutier et Jean, 1998). Le Bacillus thurgengiensis (B.t.) est surtout utilisé commercialement contre le doryphore de la pomme de terre et la pyrale du maïs. Des parasitoïdes peuvent également servir de moyen de contrôle. Ces agents, principalement de l'ordre des hyménoptères, déposent leurs œufs sur la surface ou à l'intérieur de leur proie. En se développant, la larve parasite son hôte et la consomme, ce qui résulte en la mort de la proie. Cette méthode est utilisée contre les lépidoptères comme la pyrale du maïs. Le Trichogramma brassicae, l'hyménoptère utilisé dans ce cas précis, n'est pas très spécifique, ce qui facilite son élevage. Cependant, le manque de moyens de distribution mécanisés ainsi que sa vulnérabilité aux conditions climatiques et son délai d'action sur le ravageur représentent quelques désavantages qui peuvent diminuer leur efficacité aux champs (Cloutier et Cloutier, 1992). L'utilisation de prédateurs naturels du doryphore représente également une alternative très intéressante. Cette stratégie consiste à implanter ou augmenter les populations d'un ennemi du ravageur ciblé. Elle est particulièrement intéressante pour la lutte contre les insectes nuisibles qui furent introduits, malencontreusement, dans une région où leurs prédateurs naturels sont absents ou peu présents. Déstabilisant ainsi l'écosystème, ces populations de ravageurs peuvent se voir, comme dans le cas du DPT, multipliées sans contraintes. L'emploi d'un insecte entomophage originaire de la même région que le ravageur permet d'opérer un contrôle en reproduisant le contact prédateur - proie commun à l'agroécosystème d'origine de l'insecte
10 ravageur. B est également possible d'opter pour un insecte indigène montrant également un bon potentiel de prédation élevé afin de réaliser un contrôle efficace sur le ravageur visé. 2.4.3 Avantages et inconvénients des alternatives de contrôle La hausse de la demande des consommateurs de produits biologiques représente une manne économique pour les producteurs. En effet, les coûts des produits exempts d'insecticides chimiques sont généralement bien supérieurs à ceux des produits conventionnels. En plus de représenter d'immenses avantages environnementaux, l'agriculture sans produits chimiques pourrait, du point de vue purement économique, être un investissement très avantageux compte tenu des prix de ventes de ces productions. Cependant, une multitude de facteurs rend moins attrayant ce grand 'virage vert' et difficilement réalisable dans plusieurs cas. En effet, les moyens techniques de mettre en application ces différentes méthodes de contrôle sont souvent laborieux, très coûteux ou même inexistants. De plus, les conditions optimales pour une meilleure efficacité de ces procédés sans insecticides chimiques sont souvent difficiles à obtenir. D'autre part, les exigences gouvernementales concernant les normes d'utilisation et d'étiquetage imposées aux produits biologiques peuvent aussi limiter leur entrée sur le marché. Finalement, l'introduction d'agents biologiques exotiques dans les agroécosystèmes peut représenter certains risques pour la faune et la flore indigènes. En somme, bien que plusieurs avantages incitent présentement certains producteurs à considérer un changement en faveur de l'agriculture sans produits chimiques, plusieurs obstacles continuent de calmer l'ardeur de ces derniers et de diminuer leur volonté. De plus, le manque de procédés mécaniques facilitant l'utilisation de ces procédés de contrôle alternatifs représente un désavantage notable. Les risques de diminution de rendements comparativement à une agriculture conventionnelle avec insecticides chimiques font également partie des inconvénients possibles que ces méthodes biologiques peuvent entraîner. Considérant tous ces faits, le développement d'une méthode simple et peu coûteuse de lutte biologique contre les ravageurs semble être le meilleur moyen d'inciter les agriculteurs à laisser les insecticides chimiques au profit des méthodes de contrôle biologiques. L'utilisation de cette méthode doit également résulter en d'aussi bons rendements qu'avec les méthodes chimiques conventionnelles ou du moins des rendements