L HOMMAGE PAROISSIAL Le vitrail Le vitrail patriotique est l une des représentations de l Hommage paroissial aux victimes de la Grande Guerre. Il consacre, aussitôt la fin des hostilités, ces Martyrs d un nouvel âge : les Morts pour la France, qui, désormais sont admis à côtoyer saints et apôtres dans les édifices religieux. Déjà, après la guerre franco-prussienne de 1870-1871, les premiers vitraux à thèmes militaires étaient apparus ; peu nombreux ils sont malgré tout significatifs d un genre en renouveau et contrastent avec les thèmes religieux rencontrés jusque là. Dès les années 20, les verrières commémoratives, (communément appelés vitraux), prennent place dans les églises des villes et des campagnes, des basiliques aux plus modestes chapelles votives, voir dans des chapelles funéraires. Très en vogue dans les régions dévastées, elles sont partie prenante de la reconstruction, de la rénovation du patrimoine religieux.
L église qui a besoin de se «refaire une santé» aborde la disparition de ses enfants sous un angle nouveau qui se veut rassembleur. La reconstruction est l occasion de remotiver les croyants, de faire revenir vers l église ceux qui l ont désertée de longues années durant. Avec les vitraux patriotiques vont revenir ceux qui pleurent leurs disparus. Le choix des artistes n a pas de règle mais souvent le clergé n hésite pas à proposer la participation de peintres ou de maîtres-verriers, très souvent réputés. C est ainsi que l on retrouve les mêmes signatures sur Verdun, Bar-le-Duc, Nancy où des ateliers importants et renommés de longue date ont prospéré dans le genre. Le phénomène touche toutes les régions mais en particulier celles dont la réputation «pratiquante» n est plus à démontrer. Les sujets abordés pour illustrer le souvenir de tous les disparus sont variés mais bien souvent édictés par les prêtres et conformes aux principes de l église. Ils rappellent les souffrances endurées par les biens comme par les hommes et sont d autant plus significatifs que les communes se trouvaient proches du front ou avaient été au cœur même de celui-ci durant le conflit. Certains thèmes font l objet de fabrications en série, tout comme ce fut le cas pour la réalisation de Monuments aux Morts, vendues sur catalogue ; cela n ôte rien à leur signification et à l hommage que leur confient ceux qui les choisissent. L origine de la réalisation des vitraux, dans la plupart des cas est issue, soit d une souscription lancée auprès des paroissiens, soit de dons faits par les familles de Morts pour la France de la paroisse. Petit tour d horizon des sujets rencontrés au cours de mes randonnées et illustrés à l aide de photos tirées de ma collection personnelle. A) L hommage est fait aux hommes qui sont tombés pour la Patrie, ont défendu leur village, leur famille et leurs biens. Leurs noms s inscrivent sur les vitraux, jeunesse villageoise ou citadine, paradant pour l éternité au bas d un vitrail multicolore où apparaissent le Christ, Jeanne d Arc ou St Georges ou l un des Saints Patrons de leurs églises. 08- Signy l Abbaye 55-Châtillon sous les Côtes
Parfois, en plus de leurs noms, ce sont leurs visages en médaillon qui illustrent la liste macabre : reproduction de clichés du temps du service militaire qui pour beaucoup d entre eux fut le seul passage devant un photographe 51-Saint-Imoges 51-Ville en Selve Ailleurs, certaines familles ont souhaité que le visage des silhouettes rappelle celui d un disparu, parent, fils, frère ou époux, connu ou non de la paroisse. B) Des silhouettes colorées les représentent en uniforme, rouge et bleu du début de la campagne, ou bleu horizon et kaki des quatre années qui suivirent. Dans des scènes de bataille, sous les obus, le feu et la mitraille, le maître-verrier glorifie les combattants et représente avec eux de hauts-lieux qui resteront synonymes de dévastation, de souffrances et de mort. 51-Somme-Suippe 55-Billy les Mangiennes Les armes, les uniformes sont fidèlement reproduits ; le Drapeau est présent, flottant au dessus du champ de bataille ou linceul du soldat mourant.
C) Souvent blessés, mourants, recevant le secours de la religion ou l aide d un compagnon de misère. 55 Douaumont-Chapelle ossuaire Transportés sous les obus par des brancardiers qui peinent sous la charge, les soldats sont entourés de croix, de crucifix, d anges, de fleurs et d enluminures. Des saintes et saints (Jeanne d Arc est omniprésente), le Christ, dans un halo de lumière les accompagnent, les assistent ou les accueillent dans le Paradis des Martyrs. 55-Mangiennes On retrouve, derrière eux, le champ de bataille, les tranchées, les réseaux de barbelés, les ruines et la mort qui rôde, les cimetières où reposent les copains. Nombreux sont les vitraux qui représentent ceux que le soldat a laissé au pays : parents, femme, enfants. Tantôt ils sont représentés faisant leurs adieux au soldat, tantôt ils accueillent son retour, mais trop souvent c est au dessus de sa tombe qu ils se penchent, se recueillent et prient. 55 Merles sur Loison 55-Neuvilly en Argonne Et toujours en arrière plan, le village, sa terre et son église, des voisins que le fils de la terre a laissé au pays quand sonna le tocsin du malheur.
D) Dans nombre de vitraux l on peut se rendre compte de l importance qu ont tenu les gens d église dans les moments périlleux, douloureux, vécus par les soldats. Ici c est un prêtrebrancardier qui béni ses frères d armes, panse un blessé, assiste un mourant ou simplement part à l assaut avec la première vague. Là, c est un abbé casqué, campé au creux de la tranchée avec en arrière plan une église en ruines, un village qui brûle. 55-Vaucouleurs 55-Brandeville Ailleurs c est le prêtre qui, resté au village, soutient la mère, l épouse ou la veuve éplorée et les orphelins Au-delà de la représentation de l homme d église qui se fait porteur du message de Dieu, le prêtre se veut rassembleur, protecteur, accompagnateur et confident de l homme dont la destinée est toute écrite et que plus personne ne peut faire changer. Il est aussi l image de ce que d aucun ont laissé au pays, parfois oublié ou renié : la foi. Mais avant tout, il est un homme comme les autres, un frère d armes exposé au danger et à la mort. Des religieuses ont été le sujet, rare, de fresques historiques ; saluant le courage des unes et honorant le sacrifice d autres qui, au service des blessés et des populations, ont participé au grand conflit, les artistes ont sût restituer le dévouement de ces femmes. (Texte et photos : Alain GIROD Décembre 2010) Bibliographie: - Blondel Nicole - "Le vitrail lorrain et la technique (éd Serpenoise 1983) - Musée de la Meuse - "Monuments de lumière" 1998 - Archives départementales de la Meuse