25 JANVIER 2007 C.05.0522.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N C.05.0522.F d. L. V., demandeur en cassation, représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est fait élection de domicile, contre 1. ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LOUISE 351, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Louise, 351-355, défenderesse en cassation, 2. N. d. B. C., défenderesse en cassation ou, à tout le moins, partie appelée en déclaration d arrêt commun. I. La procédure devant la Cour
25 JANVIER 2007 C.05.0522.F/2 Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 1 er juin 2005 par le tribunal de première instance de Bruxelles, statuant en degré d appel. Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport. L avocat général André Henkes a conclu. II. Le moyen de cassation Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées - articles 1068, spécialement alinéa 1 er, 1122 et 1125 du Code judiciaire ; - articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil. Décisions et motifs critiqués Le jugement attaqué déclare irrecevable la tierce opposition formée par le demandeur devant le tribunal de première instance de Bruxelles. Il justifie cette décision par tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits, en particulier par les motifs suivants : «Il résulte [des articles 1122 et 1125 du Code judiciaire] que la tierceopposition doit être introduite par voie de citation, devant le juge qui a rendu la décision attaquée. Une tierce opposition peut également être introduite de manière incidente par voie de conclusions écrites devant un juge égal ou supérieur à celui qui a rendu la décision attaquée. Toutefois, pour ce faire, il faut avoir la qualité de partie à l'instance pendante devant ce juge égal ou supérieur. En effet, l'article 1125, alinéa 2, du Code judiciaire, en prévoyant que la tierce opposition est formée par le dépôt de conclusions écrites, confirme
25 JANVIER 2007 C.05.0522.F/3 que pareil acte ne peut être introduit que par une partie à la cause au procès principal (cour d'appel de Mons, 14 janvier 1998, J.L.M.B., 1999, p 497). En l'espèce, [le demandeur] n'est pas partie à la procédure d'appel introduite à l'encontre du jugement du juge de paix du deuxième canton de Bruxelles du 11 octobre 2000. [Il] ne peut raisonnablement soutenir être devenu partie à cette cause par l'introduction de sa citation en tierce opposition - irrecevable - et pouvoir dès lors déposer des conclusions par lesquelles il formule une tierce opposition incidente au jugement entrepris. Surabondamment, le tribunal rappelle qu'une intervention agressive ne peut intervenir en degré d'appel. Tel est le cas en l'espèce, [le demandeur] ne se contentant pas de demander la mise à néant du jugement du 11 octobre 2000 mais sollicitant la condamnation de l'association des copropriétaires à lui payer une somme de 5.000 euros à titre de préjudice causé par l'attitude fautive que cette dernière aurait adoptée». Griefs Première branche L'article 1122 du Code judiciaire dispose : «Toute personne qui n'a point été dûment appelée ou n'est pas intervenue à la cause en la même qualité, peut former tierce opposition à la décision, même provisoire, qui préjudicie à ses droits et qui a été rendue par une juridiction civile, ou par une juridiction répressive en tant que celle-ci statue sur les intérêts civils». L'article 1125 du Code judiciaire dispose : «La tierce opposition est portée par citation, donnée à toutes les parties, devant le juge qui a rendu la décision attaquée. Elle peut être formée à titre incident, par conclusions écrites, devant le juge saisi de la contestation, s'il est égal ou supérieur à celui qui a rendu la décision attaquée, pour autant que toutes les parties en présence lors de celleci soient en cause. En cas d'inobservation des règles énoncées au présent article, la tierce opposition ne sera pas admise».
25 JANVIER 2007 C.05.0522.F/4 Selon l'article 1068, alinéa 1 er, du Code judiciaire : «Tout appel d'un jugement définitif ou avant dire droit saisit du fond du litige le juge d'appel». En vertu de l'effet dévolutif de l'appel, tel qu'il est consacré par l'article 1068 du Code judiciaire, l'appel défère au juge d'appel la connaissance du litige avec toutes les questions de fait et de droit qu'il comporte. Cet effet dévolutif connaît diverses exceptions, toutes étrangères au cas d'espèce. Le Code judiciaire n'a notamment prévu aucune autre exception au principe de l'effet dévolutif de l'appel, exception qui réserverait exclusivement au premier juge la faculté d'être à nouveau saisi de la cause en cas de tierce opposition formée contre sa décision, ultérieurement frappée d'appel, au risque de prononcer une décision contraire à celle qui aurait été ou qui serait ultérieurement prononcée par le juge d'appel. La tierce opposition est une voie de recours autonome, instituée au bénéfice des tiers, dont l'exercice ne peut être limité par l'appel formé par une partie au procès. Elle doit, en règle, être formée par citation. Cette citation peut certes être introduite devant le juge qui a prononcé le jugement visé, même si celui-ci est frappé d'appel, aussi longtemps que le juge d'appel n'a pas statué sur cet appel, et dès lors que le tiers opposant entend se réserver le bénéfice du double degré de juridiction sur sa propre demande. Il n'en résulte pas que cette citation ne pourrait être introduite que devant le premier juge et qu'elle ne peut être introduite devant le juge d'appel, saisi du jugement visé par la tierce opposition. Dès lors que ce juge d'appel est, conformément à l'article 1125, alinéa 2, du Code judiciaire, compétent pour statuer sur une tierce opposition formée à titre incident par conclusions écrites prises par une partie en cause en degré d'appel, il est pareillement compétent pour statuer sur une tierce opposition formée contre le jugement dont l'appel lui est déféré par une partie non encore à la cause en degré d'appel, et ce à titre principal, par voie de citation, le demandeur en tierce opposition renonçant dans ce cas au bénéfice du double degré de juridiction. La citation en tierce opposition, introduite par le demandeur devant les juges d'appel, tendait effectivement à entendre mettre à néant le jugement du 11 octobre 2000 qui leur était déféré. Les conclusions soumises par le
25 JANVIER 2007 C.05.0522.F/5 demandeur aux juges d'appel n'avaient pour objet [que] de confirmer la demande de tierce opposition formée à titre principal par cette citation. Le jugement attaqué, en ce qu'il déclare irrecevable la tierce opposition formée par la citation du 13 décembre 2004, viole en conséquence la règle de l'effet dévolutif de l'appel consacrée par l'article 1068, alinéa 1 er, du Code judiciaire et viole en outre les articles 1122 et 1125, alinéa 1 er, du Code judiciaire. En outre, en tant qu'il considère que la tierce opposition du demandeur aurait été formée à titre incident par voie de conclusions et la déclare irrecevable par application de l'article 1125, alinéa 2, du Code judiciaire, le jugement attaqué applique cette règle légale à une hypothèse qui lui est étrangère et, en conséquence, la viole. La considération, selon laquelle la demande formée par la citation du 13 décembre 2004 est irrecevable en tant qu'elle tend en outre à obtenir la condamnation de la défenderesse à payer la somme de 5.000 euros au demandeur, ne justifie pas la décision par laquelle le jugement attaqué déclare irrecevable la demande principale tendant à la mise à néant, par voie de tierce opposition, du jugement du 11 octobre 2000. En déclarant pour cette raison la demande irrecevable, le jugement attaqué fait des articles 1122 et 1125 du Code judiciaire une fausse application et en conséquence les viole. Seconde branche Le jugement attaqué énonce que le demandeur «ne peut raisonnablement soutenir être devenu partie à cette cause par l'introduction de sa citation en tierce opposition - irrecevable - et pouvoir dès lors déposer des conclusions par lesquelles il formule une tierce opposition incidente au jugement entrepris. La tierce opposition formée par (le demandeur) ne remplissant pas les conditions énoncées par l'article 1125 du Code judiciaire est dès lors irrecevable». En réalité, c'est par la citation en tierce opposition du 20 décembre 2004 que le demandeur formait tierce opposition, tandis que ses conclusions
25 JANVIER 2007 C.05.0522.F/6 n'avaient pas pour objet de former une telle demande, mais de soutenir la demande ainsi antérieurement formée. En énonçant que c'est par ses conclusions que le demandeur formerait une tierce opposition incidente au jugement entrepris, alors que l'objet de ses conclusions était d'obtenir le bénéfice de la citation en tierce opposition antérieure, dont il avait, en terme de conclusions, justifié la recevabilité, le jugement attaqué donne aux conclusions du demandeur une portée inconciliable avec leurs termes et viole partant la foi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil). III. La décision de la Cour Quant à la première branche : L article 1125 du Code judiciaire dispose que la tierce opposition est portée par citation, donnée à toutes les parties, devant le juge qui a rendu la décision attaquée, qu elle peut être formée à titre incident, par conclusions écrites, devant le juge saisi de la contestation, s il est égal ou supérieur à celui qui a rendu la décision attaquée, pour autant que toutes les parties en présence lors de celle-ci soient à la cause et qu en cas d inobservation de ces règles, la tierce opposition ne sera pas admise. En vertu de cette disposition, une tierce opposition principale, formée par citation, doit être portée devant le juge qui a rendu la décision attaquée, même si cette décision fait l objet d un appel sur lequel il n a pas encore été statué. Le jugement attaqué, qui constate que le demandeur a formé par citation devant la juridiction d appel une tierce opposition contre le jugement entrepris, justifie légalement sa décision de dire ce recours irrecevable. Les autres considérations du jugement attaqué que critique le moyen, en cette branche, sont, dès lors, surabondantes. Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
25 JANVIER 2007 C.05.0522.F/7 Quant à la seconde branche : Il ressort de la réponse à la première branche du moyen que la décision du jugement attaqué de dire la tierce opposition principale irrecevable est légalement justifiée. Dirigé contre une considération surabondante, le moyen, en cette branche, est irrecevable. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens. Les dépens taxés à la somme de quatre cent nonante-sept euros soixante et un centimes envers la partie demanderesse. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis, Christine Matray et Sylviane Velu, et prononcé en audience publique du vingt-cinq janvier deux mille sept par le président de section Christian Storck, en présence de l avocat général André Henkes, avec l assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.