Diagnostic d'une otite séro-muqueuse

Documents pareils
Item 201. Évaluation de la gravité et recherche des complications précoces chez un traumatisé crânio facial : fracture du rocher.

Pseudotumor cerebri. Anatomie Le cerveau et la moelle épinière baignent dans un liquide clair, appelé le liquide céphalo-rachidien (LCR).

L'OTITE CHEZ LE BÉBÉ ET L'ENFANT

Le reflux gastro-oesophagien (280) Professeur Jacques FOURNET Avril 2003

Leucémies de l enfant et de l adolescent

AVERTISSEMENT. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction encourt une poursuite pénale. LIENS

Apport de la TDM dans les cellulites cervico-faciales

MIGRAINES. Diagnostic. A rechercher aussi. Critères IHS de la migraine. Type d aura. Particularités chez l enfant. Paraclinique.

Otite Moyenne Aiguë. Origine bactérienne dans 70 % des cas. Première infection bactérienne tous âges confondus

ACOUSTIQUE 3 : ACOUSTIQUE MUSICALE ET PHYSIQUE DES SONS

Conduite à tenir devant une morsure de chien (213b) Professeur Jacques LEBEAU Novembre 2003 (Mise à jour mars 2005)

Céphalées vues aux Urgences. Dominique VALADE Centre d Urgence des Céphalées Hôpital Lariboisière PARIS

Place et conditions de réalisation de la polysomnographie et de la polygraphie respiratoire dans les troubles du sommeil

TRAUMATISME CRANIEN DE L ENFANT : conduite à tenir?

Cancers de l hypopharynx

UN SYSTÈME POLYVALENT D'IMAGERIE ORL ET DENTAIRE. CS 9300 / CS 9300C

Traitement des plaies par pression négative (TPN) : des utilisations spécifiques et limitées

Caractéristiques des ondes

Dr Laurence FAYARD- JACQUIN Cœurs du Forez Mise à jour

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Don d organes et mort cérébrale. Drs JL Frances & F Hervé Praticiens hospitaliers en réanimation polyvalente Hôpital Laennec, Quimper

Chapitre 2 Les ondes progressives périodiques

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

Unité d enseignement 4 : Perception/système nerveux/revêtement cutané

neurogénétique Structures sensibles du crâne 11/02/10 Classification internationale des céphalées:2004

La Dysplasie Ventriculaire Droite Arythmogène

COMMENT DEVENIR KINÉSITHÉRAPEUTE

Le son est une vibration aérienne, une onde, qui se caractérise par sa hauteur (aigu ou grave) et son intensité (son fort, son faible).

Docteur, j ai pris froid!

INSUFFISANCE CARDIAQUE DROITE Dr Dassier HEGP

Les différentes maladies du coeur

Diabète de type 1 de l enfant et de l adolescent

TRAVAUX PRATIQUES SCIENTIFIQUES SUR SYSTÈME

MINISTERE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES DIRECTION GENERALE DE LA SANTE- DDASS DE SEINE MARITIME

Item 262. Migraine et algie de la face. Objectifs pédagogiques

Item 262 : Migraine et algie de la face

Concours d Internat et de Résidanat

Notions de base Gestion du patient au bloc opératoire

chronique La maladie rénale Un risque pour bon nombre de vos patients Document destiné aux professionnels de santé

REEDUCATION APRES RUPTURE DU LIGAMENT CROISE ANTERIEUR OPERE

La langue, constituant la majeure partie de la partie inférieure de la cavité orale,

Qu est-ce qu un sarcome?

Céphalées. 1- Mise au point sur la migraine 2- Quand s inquiéter face à une céphalée. APP du DENAISIS

Guide des Bonnes Pratiques en Audiométrie de l Adulte. Audiogrammes commentés

QUE SAVOIR SUR LA CHIRURGIE de FISTULE ANALE A LA CLINIQUE SAINT-PIERRE?

mémo santé du bâtiment Chef d entreprise artisanales Le bruit est un son désagréable et gênant.

«Tous les sons sont-ils audibles»

Prolapsus génital et incontinence urinaire chez la femme Professeur Pierre BERNARD Septembre 2002

2 g Net - 36 g emballé 2 tips silicone anallergique small + 2 medium + 2 filtres à membrane. 2 tailles d embouts

Module 2. De la conception à la naissance

Anatomie. Le bassin inflammatoire. 3 grands cadres. 4 tableaux. Spondylarthrite ankylosante. Spondylarthrite ankylosante 26/10/13

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

La prise en charge de l AVC ischémique à l urgence

INTERET PRATIQUE DU MDRD AU CHU DE RENNES

DÉFICITS IMMUNITAIRE COMMUN VARIABLE

Accidents des anticoagulants

TUMEURS DU BAS APPAREIL URINAIRE

Qu est-ce que la maladie de Huntington?

Le cliché thoracique

Vertiges et étourdissements :

TECHNIQUES D AVENIR LASER DOPPLER IMAGING LASER DOPPLER IMAGING LASER DOPPLER IMAGING

MIEUX COMPRENDRE CE QU EST UN ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL AVC

Sport et traumatisme crânien

Item 313. Epistaxis (avec le traitement) Objectifs pédagogiques

QUI PEUT CONTRACTER LA FA?

3 ème rencontre autour de la DCP

Infestation par Dipylidium caninum,

Prise en charge de l atrésie choanale Choanal atresia management

Les anomalies des pieds des bébés

Item 182 : Accidents des anticoagulants

ACADÉMIE D ORLÉANS-TOURS NOTE D INFORMATION n 50

B06 - CAT devant une ischémie aiguë des membres inférieurs

La réadaptation après un implant cochléaire

Maternité et activités sportives

PRÉSERVEZ DES MAINTENANT VOTRE AUDITION!

Module digestif. II. Prévention du reflux gastro-œsophagien :

Migraine et Abus de Médicaments

Tuméfaction douloureuse

Positionnement de l implant

A. ANDRO 1, C. MESTON 2, N. MORVAN 3

Contraception après 40 ans

Prise en charge de l embolie pulmonaire

Échographie normale et pathologique du grand pectoral

Ischémie myocardique silencieuse (IMS) et Diabète.

Démarche d évaluation médicale et histoire professionnelle

o Anxiété o Dépression o Trouble de stress post-traumatique (TSPT) o Autre

Biométrie foetale. Comité éditorial pédagogique de l'uvmaf. Date de création du document 01/ Support de Cours (Version PDF) -

L hépatite C pas compliqué! Véronique Lussier, M.D., F.R.C.P.C. Gastroentérologue Hôpital Honoré-Mercier 16 avril 2015

L'imputabilité et l'état antérieur dans le dommage corporel

La prise en charge de votre artérite des membres inférieurs

Épreuve d effort électrocardiographique

7- Les Antiépileptiques

Version du 17 octobre Le bruit

GUIDE D INFORMATIONS A LA PREVENTION DE L INSUFFISANCE RENALE

PROGRAMME DU CONCOURS D ACCES AU RESIDANAT DE CHIRURGIE DENTAIRE

Assurance maladie grave

RÉFÉRENCES ET RECOMMANDATIONS MEDICALES

Recommandations régionales Prise en charge des carcinomes cutanés

Le traitement du paludisme d importation de l enfant est une urgence

Transcription:

Diagnostic d'une otite séro-muqueuse Author : dr-jahidi I - DEFINITION INTERETS L otite séro-muqueuse est une affection caractérisée par la présence d un épanchement de viscosité variable de l oreille moyenne sans symptôme d inflammation aiguë avec une membrane tympanique intacte. Elle est responsable essentiellement d une surdité de transmission. L intérêt de cette affection réside dans: - Sa fréquence, surtout chez le jeune enfant, intéressant 5 à 10% des enfants de 2 à 5 ans. - Son évolution habituellement spontanément favorable. C est la première caisse de surdité chez l enfant. - Sa gravité potentielle chez l adulte, où elle peut être le signe d appel d un cancer du cavum. Après un rappel anatomique et éthiopathogénique, nous envisagerons successivement les diagnostics positif, étiologique et différentiel puis les complications des OSM. II. RAPPEL ANATOMIQUE L oreille moyenne est composée d un ensemble de cavités communiquant entre elles, orientées selon le grand axe du rocher et qui sont d arrière en avant : les cellules mastoïdiennes, la caisse du tympan et la trompe d Eustache. Longue de 25 mm chez l adulte, la trompe d Eustache est composée de 2 cônes opposés par leur sommet, cet étranglement constituant l isthme. La portion postérieure est osseuse, creusée dans le tiers antérieur de l os temporal et s ouvrant sur la face antérieure de la caisse du tympan. La portion antérieure est fibro-cartilagineuse mue par des muscles externes et s ouvrant sur la paroi latérale du rhinopharynx par un pavillon à 8 mm de la queue du cornet inférieur et 10 mm au-dessus du voile du palais. Entre les orifices des deux trompes d Eustache, se situent chez l enfant les végétations adénoïdes. La lumière tubaire est normalement virtuelle au repos. Elle s ouvre régulièrement et passivement à la manière d une soupape, lors de la déglutition ou du bâillement ou activement lors de la manoeuvre de Valsalva. La trompe d Eustache assure ainsi le drainage et la ventilation de l oreille moyenne, autorisant l équipression avec le milieu externe. 1 / 6

L oreille moyenne est tapissée d une muqueuse de type respiratoire, pluristratifiée, cylindrique et ciliée riche en glandes à mucus en continuité avec celle du cavum par les trompes d Eustache. III - ETHIOPATHOGENIE L éthipathogénie de l OSM est incertaine. L étude histologique du liquide d épanchement a montré qu il s agit d un exsudat inflammatoire vraisemblablement d origine infectieuse, qui génère un oedème sous muqueux, une diminution des mouvements ciliaires et un épanchement muqueux. La contamination par voie tubaire par des virus ou bactéries est incriminée. Parallèlement, une obstruction tubaire, soit primitive, par dysfonctionnement tubaire, soit secondaire à l épanchement muqueux, gêne la ventilation des cavités de l oreille moyenne et provoque une dépression dans la caisse par consommation physiologique de l oxygène au niveau de la muqueuse. Cette dépression entraîne le collapsus du tympan et des parois de la trompe d Eustache. Un cercle vicieux s installe alors, le collapsus tubaire accentuant l hypoventilation de la caisse et par suite l épanchement séromuqueux. IV - DIAGNOSTIC POSITIF Le diagnostic positif est clinique et para-clinique. Il repose sur: A) Des circonstances de découverte qui varient selon l âge: * Chez l adolescent et l adulte L hypoacousie est le mode de révélation habituel, prédominant sur les fréquences graves avec une variabilité suivant le temps et la position de la tête. Le patient entend mieux en position allongée sur le côté opposé à l oreille atteinte. Le patient peut signaler une sensation de pleinitude de l oreille, de bruits liquidiens et parfois de vertiges ou d otophonie. L otalgie n est guère fréquente ni intense. * Chez l enfant La surdité provoquée est suspectée devant un trouble du comportement (apathie, agressivité), un trouble de l acquisition du langage, un retard scolaire ou suite des OMA récidivantes. 2 / 6

* L otoscopie systématique Peut conduire au diagnostic dans le cadre de dépistage de sujets à risques ou dans le cadre de la médecine scolaire ou du travail. B) Examen clinique Face à ces symptômes L otoscopie est l examen clé. Elle est faite après inspection et palpation de la région auriculaire qui est normale. Elle est réalisée au miroir de Clar, puis au microscope binoculaire et doit être bilatérale. Elle trouve un tympan fermé mais anormal. * Au stade précoce, le tympan encore transparent laisse voir un niveau liquidien surmonté de bulles d air. * Plus tard, s installe un bombement homogène de l ensemble du tympan qui par la suite devient mat, dépoli voire bleu. Il existe constamment des vaisseaux radiés à la périphérie du tympan qui débordent sur la partie adjacente du CAE. Le tympan est paresseux voire immobile au spéculum de Siegle. * Le tympan va ensuite se rétracter. L'acoumétrie vocalerévèle une baisse de l audition de la voix chuchotée à 5 mètres du coté atteint. L'acoumétrie instrumentale à l aide de divers diapasons met en évidence une surdité de transmission et recherche une éventuelle labyrinthisation. - Le TEST DE WEBER au diapason 256 Hz posé sur le vertex est latéralisé vers l oreille sourde ou la plus sourde. - Le TEST DE RINNE qui compare les conductions aériennes et osseuses se négative en cas d épanchement important traduisant une altération de la conduction aérienne de plus de 17,5 db par rapport à la conduction osseuse du côté atteint. - Enfin le diapason 4096, très aigu, est normalement perçu, sauf en cas de labyrinthisation. C) Examens complémentaires L audiométrie tonale liminaire confirme et quantifie les données de l acoumétrie la courbe en conduction aérienne est abaissée surtout sur les fréquences graves la courbe en conduction osseuse est normale, horizontale à 0 db, (sauf en cas de labyrinthisation) et. La différence entre ces courbes est appelée Rinne audiométrique,. Sa valeur est proportionnelle à la surdité. Chez l enfant, l atteinte est bilatérale dans 80% des cas, tandis que chez l adulte elle est plutôt unilatérale. Chez l enfant de moins de 5 ans. L audiométrie tonale liminaire est impossible à réaliser. On 3 / 6

utilise donc d autres tests. - Méthodes subjectives en champ libre à l aide de jouets sonores calibrés de 0 à 2 ans. - Reflex d orientation conditionnée de 2 à 3 ans. - Technique du peep-show de 2 à 6 ans. La tympanométrie confirme l existence d un épanchement. C est l examen clé objectif et simple, réalisable à tout âge qui apprécie la compliance du système tympano-ossiculaire en faisant varier la pression dans le CAE. La courbe normale est en toit de pagode, à pic centré sur le 0 pressionnel (type A). La dysperméabilité tubaire provoque un décalage de la courbe vers les pressions négatives (type C). En cas d épanchement dans la caisse, la courbe s émousse pour adopter la forme d un dôme (type B) voire aplatie lorsque l épanchement est très épais. V - DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE L interrogatoire recherche : - Un terrain particulier : allergie, signes de RGO, ATCD d irradiation du massif facial supérieur. - Des facteurs environnementaux : crèche, tabagisme passif. L examen clinique O.R.L. tente de retrouver une cause locale : L utilisation du nasofibroscope rend l examen plus toléré surtout chez l enfant. On recherche: * Une malformation congénitale - Une division vélaire ou vélopalatine ou une trisomie 21. * Une cause obstructive facteur d hypoventilation de la caisse du tympan - Une hypertrophie des végétations adénoïdes. - Une hypertrophie des cornets ou une déviation septale. 4 / 6

- Un cancer du cavum chez l adulte surtout chez les asiatiques et les maghrébins qui se présente comme une masse ulcéro-bourgeonnante et saignant au contact. - Un rhabdomyosarcome avec son aspect caractéristique en grappe de raisin. - Un fibrome nasopharyngien d implantation choanale. * Un foyer infectieux local facteur d inflammation de la trompe d Eustache - Une rhinosinusite, une amygdalite. - Des végétations infectées - Un mauvais état dentaire. Des examens complémentaires seront demandés en cas de besoin : * Un hémogramme et une VS, à la recherche d un syndrome inflammatoire ou infectieux, un phadiatop, une glycémie à jeun, un dosage du fer sérique pour explorer le terrain. * PH-métrie en cas de suspicion de RGO. * Radiographie ou scanner du cavum, des sinus, panoramique dentaire à la recherche d une tumeur ou d un foyer infectieux. VI - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL Il se pose avec les épanchements à tympan fermé Inflammatoires * Les OMA congestives et suppurées collectées, d apparition récente et brutale, dans un contexte algique et fébrile avec un tympan congestif et bombé. * Les mastoïdites non fistulisées qui donnent des signes inflammatoires rétro-auriculaires et un bombement en pis de vache du quadrant postéro-supérieur du tympan, dans un contexte fébrile. Traumatiques * Epanchement clair de liquide labyrinthique ou LCR dans un contexte traumatique évident. * Devant un tympan bleu, le diagnostic est plus difficile. Il peut s agir d un hémotympan, et il faut rechercher la notion de traumatisme ou de BT. 5 / 6

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) UPR ORL * Tumorales * tumeur vasculaire ( anévrisme carotidien, chémodectome jugulaire) qui donnent des acouphènes pulsatiles souvent objectifs et un bombement pulsatile et violacé de la moitié inférieure du tympan. - Enfin un tympan bleu idiopathique dû à des dépôts de cholestérine consécutifs à une mastoïdite granulomateuse. VII - EVOLUTION - COMPLICATIONS La guérison spontanée sans séquelles est de règle en quelques semaines ou mois chez l enfant du fait de la maturation du système immunitaire. Les récidives ou l aggravation chez certains sujets peut évoluer vers une otite atélectasique puis fibro-adhésive. La tympanosclérose est une séquelle fréquente. Elles peuvent se compliquer d OMA à répétition et l apparition d une poche de rétraction postéro-supérieure expose à l accumulation d épiderme et la formation d un cholestéatome avec risque de lyse ossiculaire. VIII - CONCLUSION L otite séromuqueuse est une affection banale chez l enfant en règle brève et non compliquée. Il faut savoir dépister ses formes marginales qui favorisent les complications infectieuses, auditives ou morphologiques avec risque cholestéatomateux. D où l importance de l examen otologique systématique chez les enfants et chez les patients ayant présenté des OMA à répétition. Le retentissement sur l audition doit être apprécié, la récidive doit faire rechercher une cause et la traiter, et le retour à la normal du tympan doit faire l objet de surveillance jusqu à deux mois après l atteinte. Enfin, une OSM doit entraîner un examen du cavum, car elle peut être le premier symptôme d une tumeur à ce niveau. 6 / 6