Mouvement coopératif et mondialisation



Documents pareils
Le mouvement coopératif et mutualiste: un réseau d entreprises et un mouvement ouvert aux autres

ORIGINES ET CONTOURS, FONDEMENTS ET TRAJECTOIRE DES ENTREPRISES COLLECTIVES AU QUÉBEC ET DANS LE MONDE

Projet de loi-cadre sur l économie sociale au Québec Mémoire présenté par La Coopérative de développement régional de l Estrie

CAISSE D ÉCONOMIE SOLIDAIRE DESJARDINS

Charte. pour. de la coopération décentralisée. le développement durable

Crédits pour la publication

!Mutuelle!!de microfinance (Québec)!!!!Défis et enjeux!

educationsolidarite.org

Pour la prospérité : investissons dans le développement social du Québec

Consultation sur le référencement entre assureurs de dommages et carrossiers. Commentaires présentés à L Autorité des marchés financiers

COLLÈGE D'ENSEIGNEMENT GÉNÉRAL ET PROFESSIONNEL BEAUCE-APPALACHES POLITIQUE

Pourquoi le Canada a besoin de services bancaires postaux

POLITIQUE INTERCULTURELLE

Transaction proposée entre Groupe TMX inc. et London Stock Exchange Group plc

LES PARTICULARITÉS DE LA COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ

1 Travailler dans le secteur social

L entreprenariat collectif : une force à ne pas négliger

Mémoire sur le projet de loi n o 36, Loi sur la Banque de développement économique du Québec

La fiscalité nous permet de nous offrir collectivement des services et une qualité de vie supérieurs. Les revenus de l État sont à la baisse

Et si l économie sociale créait une mutuelle d épargne solidaire?

Une longue histoire de traditions dans la région

Coup d œil sur les inégalités de revenus au

Déclaration sur le droit au développement

Une loi de reconnaissance de l'economie Sociale et Solidaire

41/128 Déclaration sur le droit au développement

par Ségolène Royal Présidente de la Région Poitou-Charentes

Apports de l économie sociale et solidaire en contexte de pénurie et de précarité; examen du cas Centrafrique

Entreprendre autrement: Introduction à l économie sociale et solidaire et à l Entrepreneuriat social

Les Principes fondamentaux

La Caisse d éd. économie solidaire Desjardins

I ON S S IR E OI R ULT U R A MO S AV LE LIVRE, AU CŒUR DE LA CULTURE. Plan d action sur le livre

Déclaration de Jakarta sur la Promotion de la Santé au XXIème Siècle

COOPERATION DECENTRALISEE. CESR 5 octobre 2007

LA FINANCIÈRE AGRICOLE DU QUÉBEC PLAN D ACTION DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

CHARLES DAN Candidat du Bénin pour le poste de Directeur général du Bureau international du Travail (BIT)

Plan stratégique

Commentaires de l ICÉA à la Commission canadienne de l UNESCO - Suivi de CONFITEA VI page 2

Notre approche de développement local

SECTION : Politique NUMÉRO : P201 PAGES : 6 SERVICE ÉMETTEUR : Direction des Services aux étudiants

«Challenging social reality, inspiring experiences»

DECLARATION UNIVERSELLE DE L UNESCO

Plan stratégique

mission Le conflit des «gars de Lapalme»,

PROPOSITIONS EN VUE DE LA TENUE DU CONGRÈS DE LA FSSS 2009 «POUR LE MEILLEUR ET POUR L AVENIR»

Réponse du parti Libéral au questionnaire du Syndicat canadien des communications, de l énergie et du papier

PRIORITÉS POUR LE BUDGET FÉDÉRAL DE 2012

Conférence mondiale sur les déterminants sociaux de la santé. Déclaration politique de Rio sur les déterminants sociaux de la santé

Appel à contribution pour l'organisation de laboratoires d'expériences et de modules

Etre societaire, pour vivre la banque autrement.

FINANCEMENT D ENTREPRISES ET FUSIONS ET ACQUISITIONS

au concept de «développement durable» Pour une éducation ouverte sur le monde

L Industrielle Alliance en un coup d œil Bref historique Envergure de l Industrielle Alliance aujourd hui Notre offre de produits et de services

Volet thématique «Prévention des crises et consolidation de la paix»

Plan d orientations stratégiques

Les Fondations du groupe Bouygues

Une autre façon de financer le développement

Cela a notamment conduit à l accroissement de la rentabilité du capital au détriment du travail dans toutes les économies occidentales.

SPONSOR. In cooperation with. Media partners

Secrétariat d Etat auprès du Premier Ministre chargé des Technologies Nouvelles

CLUB 2/3 Division jeunesse d Oxfam-Québec 1259, rue Berri, bureau 510 Montréal (Québec) H2L 4C7

RÉUNION DES MINISTRES DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE DES PAYS MEMBRES DU CIHEAM 9ÈME DECLARATION FINALE

le QuEbec POUR Enrichir Affirmer les valeurs communes de la société québécoise

LE CONGÉ SOLIDAIRE DEUX SEMAINES POUR AGIR AU SERVICE DE LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

Les valeurs et les acteurs de l économie sociale et solidaire : une culture de réseaux pour développer le tiers secteur

Convention européenne sur la promotion d'un service volontaire transnational à long terme pour les jeunes

solutions Investir dans des Plan stratégique

Allocution. de monsieur Louis Vachon. président et chef de la direction. de la Banque Nationale du Canada. Centre Mont-Royal

LE MANDAT DE MELBOURNE Un appel à l'action pour accroître la valorisation de la gestion des relations publiques et des communications

Considérations sur la crise et le marché intérieur 1

MÉMOIRE CONSEIL QUÉBÉCOIS DU COMMERCE DE DÉTAIL SUR LE DOCUMENT DE CONSULTATION VERS UN RÉGIME DE RENTES DU QUÉBEC RENFORCÉ ET PLUS ÉQUITABLE

RENCONTRE PRESSE SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, HISTOIRE, ENJEUX ET PERSPECTIVES

résumé un développement riche en emplois

Standards d accès, de continuité, de qualité, d efficacité et d efficience

SGPNB au Nouveau-Brunswick. Le développement de l industrie des services financiers et des marchés boursiers dans la province

FRANCHISE, COOPÉRATION ET ORGANISATION EN RÉSEAU

Click to edit Master title style

La plateforme de micro-dons du CCFD-Terre solidaire

LA SOLIDARITE INTERNATIONALE ET LES ENTREPRISES.

Déclaration des Parlementaires africains sur les Objectifs du Millénaire pour le développement et l'ordre du jour du développement post 2015

N 1020 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

CONFIANCE DANS L INDUSTRIE AGRO-

Solidarité et relance ou égoïsme et austérité : l'europe doit choisir

Les personnes handicapées ont les mêmes droits

Fiche 7: Privatisation et eau

Résumé. La transformation du système de crédit du Brésil. Que peuvent apprendre les pays africains de la croissance et du développement du Brésil?

Le M.B.A. professionnel

LIVRET DE PRESENTATION

Projet éducatif vacances enfants et adolescents

SOUTENEZ L ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE!

INVESTIR DANS LA DÉMOCRATIE LE PROGRAMME GLOBAL D APPUI AU CYCLE ÉLECTORAL DU PNUD

CADRE DECENNAL DE PROGRAMMATION CONCERNANT LES MODES DE CONSOMMATION ET DE PRODUCTION DURABLES (10YFP) RIO + 20 ADOPTE LE 10YFP

La Caisse des Dépôts acteur du développement économique et de l économie sociale et solidaire

Consultation publique

Document d information n o 1 sur les pensions

Du mondial à chez nous

CHARTE D ÉTHIQUE PROFESSIONNELLE DU GROUPE AFD

Désignation d organisations non gouvernementales aux fins de l article 77 du Règlement intérieur du Conseil

QU EST-CE QU UNE MUTUELLE SOCIALE?

La consigne: un système primordial dans le développement durable de l industrie de la bière au Québec

Transcription:

Mouvement coopératif et mondialisation Par Ernesto Molina Conseiller à la recherche au Conseil québécois de la coopération et de la mutualité et chargé de cours à l'université de Sherbrooke Introduction Nous sommes présentement dans l'urgence de construire des solutions de rechange à la mondialisation néolibérale qui conduisent à une économie plurielle au service d'une société équitable, solidaire et durable. Quelles sont les pratiques d'intercoopération internationale du mouvement coopératif québécoise qui, émergeant de l'identité coopérative, expriment le potentiel de contribuer à cette tâche? Voilà la question guidant ces lignes de réflexion. 1. La reconnaissance internationale des coopératives En 2002, dans sa recommandation 193, http://www.copac.coop/publications/un/a64r136f.pdf l'organisation internationale du travail (OIT) a reconnu la capacité des coopératives d'éviter la séparation de l'économique et du social. L'OIT reconnaît que les coopératives contribuent de façon importante à l'économie, à la mobilisation des ressources ainsi qu'à la stimulation de l'investissement en même temps qu'elles promeuvent la plus complète participation au développement économique et social de toute la population. Donc, en tant que forme puissante de solidarité humaine, les coopératives favorisent d'une part la création de richesses et leur répartition plus équitable, ce qui bénéficie à leurs membres et à leur communauté; par ailleurs, les coopératives deviennent des espaces d'insertion sociale pour leurs membres. Cette capacité d'imbriquer l'économique dans le social est reconnue pour tous les pays, quel que soit leur niveau de développement. Les coopératives, principale composante d une économie qui s appuie sur des entreprises à propriété collective, sont ainsi reconnues comme faisant partie d'une sphère de l'économie plurielle, au même rang que l'économie publique et privée. Une sphère de l'économie où les biens et les services produits servent à augmenter le bien-être des membres et dont le paramètre de définition de la valeur est la contribution à la réalisation des objectifs de l'organisation (Petrella, 2007: 126-128). Les coopératives sont donc reconnues internationalement comme une forme d'entreprise capable de produire de la richesse et de promouvoir le développement économique et social de toute la population, et pas seulement une croissance économique qui profite à quelquesuns. Une richesse qui tend à offrir de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail aux travailleurs-membres; de meilleurs prix et des produits de meilleure qualité aux consommateursmembres; de meilleurs bénéfices et de meilleures conditions d'écoulement de la production aux producteurs-membres; des relations plus équitables pour tous les partenaires de l'activité économique; des retombées solides et directes pour les communautés. De plus, http://www.copac.coop/publications/un/a64r136f.pdf l'assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2012 «Année internationale des coopératives» en hommage à la contribution des coopératives à la réduction de la pauvreté, à la création d'emplois et à l'intégration sociale,

dans plus de 100 pays, incluant autant les États-Unis et le Canada que le Burkina Faso et la Bolivie. Le premier considérant de cette résolution reconnaît que les coopératives aident toute la population, notamment celle appartenant aux groupes qui risquent l'exclusion, à participer au développement économique et social. Les coopératives sont donc internationalement reconnues aussi par leur capacité de production d'une richesse favorable aux pauvres, contribuant non seulement à l'augmentation de leurs revenus, mais aussi à la création d'espaces de participation et d'inclusion sociales. 2. Le potentiel coopératif Cette reconnaissance internationale des coopératives est, en définitive, la reconnaissance des actions déjà mises en place par les coopératives, mais aussi du potentiel coopératif à proposer des solutions de rechange face à ce que nous appellerons la montée des inégalités et de l'exclusion dans un monde marqué par l'abondance de la richesse. Une reconnaissance de la contribution des coopératives à la construction d'une société où l'économie n'est pas reine mais outil, où la coopération l'emporte sur la compétition, où le bien commun prévaut sur le profit (Kempf, 2009). Ce potentiel coopératif émerge de l'identité coopérative exprimée dans la définition, les valeurs et les principes qui guident l action coopérative, qui se confrontent dans cette action, qui se nourrissent d elle et qui, en même temps, lui offrent une structure. Faisons un rappel de ces éléments de l'identité coopérative. http://www.ica.coop/fr/ L'Alliance coopérative internationale définit une coopérative comme «une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d'une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement». Un lien particulier s'établit donc, entre l'aspect social (une association), l'aspect économique (une entreprise), l'aspect politique (la propriété collective et le pouvoir démocratique). C'est le sens de «s'associer pour entreprendre autrement» (Demoustier, 2003). Par ailleurs, la prise en charge et la responsabilité personnelle et mutuelle, la démocratie, l égalité, l équité et la solidarité sont les valeurs clés reconnues internationalement par les coopératives. Cependant, prises individuellement, ces valeurs ne permettent pas de comprendre la complexité de cette identité, non plus d en imaginer ses particularités. Il faut donc comprendre l ensemble de ces valeurs et les liens qui existent entre elles comme alternative à l utilitarisme dominant depuis la naissance du capitalisme http://www.uqo.ca/observer/coopsi/nouvelles_formes/mouvcoop.pdf (Molina, 2009). Finalement, rappelons-nous que l'adhésion volontaire et ouverte à tous, le pouvoir démocratique exercé par les membres, la participation économique des membres, l'autonomie et l'indépendance, l'éducation, formation et information, la coopération entre les coopératives et l'engagement envers la communauté sont les sept principes coopératifs reconnus internationalement. Seul un de ces principes parle d'économie, les autres faisant mention des individus et des communautés, de liberté et d'engagement, de démocratie et d'éducation, d'indépendance et de coopération. Il s'agit à nouveau de participer pleinement de l'activité productive, mais de le faire différemment, de mettre l'économie au service du social en passant par le politique.

Il ne s agit pas de peindre un tableau naïf selon lequel les coopératives agissent toujours selon leur identité. Il n est pas question de cacher ce qui pourrait être considéré comme des erreurs, des contradictions, des déviations, des ambiguïtés de la pratique des coopératives. Il n est pas question non plus d essayer de séparer les coopératives et les mutuelles en deux camps: les bonnes et les mauvaises, les vraies et les fausses, les petites et les grandes, les anciennes et les nouvelles, celles des pauvres et celles des riches. Au contraire, ce qui nous guide dans cette réflexion c'est plutôt la conviction de la pertinence, des particularités et de la légitimité de l identité coopérative, de son potentiel considérable pour faire face aux crises actuelles, alimentaire, climatique, énergétique, financière. Une identité capable de contribuer à la construction de solutions de rechange qui utilisent le marché pour satisfaire les besoins des individus et des communautés et pas seulement ceux du capital; qui produisent de la richesse pour la partager entre les différentes parties prenantes et pas seulement pour enrichir les propriétaires du capital-action; qui comprennent que c'est la société qui doit être durable et pas seulement le développement. En définitive, des solutions de rechange qui permettent de s enrichir ensemble, sans nuire aux autres acteurs sociaux et économiques, tout en respectant l environnement. Les coopératives possèdent donc un potentiel comme entreprises différentes sur le plan social et politique, mais aussi comme entreprises productives sur le plan économique. Mais elles possèdent aussi un potentiel comme mouvement social http://jupiter.uqo.ca/ries2001/carnet/spip.php?article38 (Favreau, 2010), comme des hommes et des femmes qui agissent ensemble de façon intentionnelle, nommant le juste et l'injuste, partageant des intérêts et des visions d'un nouvel ordre de vie, sortant d'une neutralité qui interdit de participer pleinement à la formulation de réponses aux enjeux de la société actuelle. Comment les coopératives et les mutuelles québécoises, en tant qu'entreprises différentes, mais aussi en tant que mouvement, interviennent-elles au niveau international? 3. Intercoopération internationale Le sixième principe coopératif adopté par l'alliance coopérative internationale décrit ainsi l'intercoopération: «Pour apporter un meilleur service à leurs membres et renforcer le mouvement coopératif, les coopératives œuvrent ensemble au sein de structures locales, nationales, régionales et internationales.» Quelles sont les pratiques d'intercoopération internationale du mouvement coopératif et mutualiste du Québec? Nous aborderons la représentation politique, le réseautage et l'appui aux coopératives, mutuelles ou autres associations du Sud. 3.1 Représentation politique internationale Le regroupement des coopératives en fédérations et confédérations qui exercent la représentation politique face aux gouvernements ou aux autres acteurs sociaux est une pratique d'intercoopération que nous pourrions qualifier de traditionnelle et de base. Sur le plan international, l'organisme de représentation politique des coopératives est l'alliance coopérative internationale (ACI). Elle vise la promotion d'un environnement politique permettant aux coopératives de se développer et de prospérer ainsi qu'elle promeut la reconnaissance de la

contribution des coopératives au développement international. Par ailleurs, l'aci établit un lien privilégié avec les organismes internationaux d'aide multilatérale et bilatérale. En plus de faire connaître les coopératives, l'aci encourage le renforcement des capacités, aide à la création d emploi et soutient des programmes de réduction de la pauvreté et de microfinance, et apporte un soutien financier aux mouvements à travers le monde. L'ACI vise, par exemple avec la campagne mondiale http://www.ica.coop/outofpoverty/index.html «Coopérons contre la pauvreté», à faire valoir, reconnaître et promouvoir les coopératives en tant que forme d'entreprise capable d'être concurrentielle sur le marché tout en créant de l'emploi, en favorisant la protection sociale, l'expression et la représentation des membres et la réduction de la pauvreté. L'ACI est une association indépendante et non gouvernementale qui regroupe, représente et assiste les coopératives du monde entier. Elle fut fondée à Londres en 1895 et compte présentement 240 membres qui représentent quelque 800 millions de personnes dans 90 pays et procurent de l'emploi à plus de 100 millions de personnes dans le monde. Par l'entremise du Conseil canadien de la coopération et de la mutualité, dont il est membre, le http://www.coopquebec.coop/site.asp Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), participe à l'aci. Le CQCM, organisme supérieur des coopératives et des mutuelles au Québec, regroupe 15 fédérations des coopératives et trois mutuelles, donc 3300 entreprises collectives qui génèrent 90 000 emplois, possèdent des actifs évalués à plus de 166 milliards de dollars et produisent un chiffre d'affaires de 22 milliards de dollars. 3.2 Réseautage international de l'économie sociale et solidaire Les coopératives et les mutuelles du Québec sont aussi présentes dans les initiatives québécoises de réseautage international de l'économie sociale et solidaire de tous les continents. En effet, le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), la Société de coopération pour le développement international (SOCODEVI) ainsi que Développement international Desjardins (DID) sont membres du http://www.uqo.ca/ries2001/gesq/ Groupe d'économie solidaire du Québec (GESQ). Cette coalition a pour but de contribuer à arrimer les projets de coopération internationale réalisés par chacune de ses organisations membres à un réseau de solidarité internationale en économie sociale. Les mandats spécifiques du GESQ incluent l'appui à la réflexion collective québécoise sur les enjeux et les perspectives d une mondialisation solidaire, la promotion et la circulation de l information sur les initiatives et réalisations québécoises de partenariat Nord-Sud en économie sociale et solidaire ainsi que l'organisation de la contribution québécoise au développement de réseaux continentaux et internationaux, à la mise en place d organismes de soutien et à la reconnaissance de l économie sociale et solidaire par les États et les organisations internationales. 3.3 Appui aux coopératives, mutuelles ou autres associations du Sud Les deux grands acteurs du mouvement coopératif et mutualiste québécois de l'intercoopération internationale visant l'appui aux coopératives, mutuelles ou autres associations du Sud sont la http://www.socodevi.org/fr/ Société de coopération pour le développement international et http://www.did.qc.ca/fr/default.html Développement international Desjardins.

SOCODEVI est un réseau de coopératives et de mutuelles, fondé en 1985, qui contribue au développement durable des pays où elle intervient et qui favorise la prise en charge des populations locales. Ce réseau permet aux coopératives et mutuelles québécoises de partager leur expertise et leur savoir-faire avec des coopératives, mutuelles ou autres associations des pays du Sud pour offrir des services de qualité et enrichir leurs membres, à partir de la mise en place et du renforcement d activités génératrices de revenus en gardant le cap sur une distribution équitable de la richesse au sein des organisations appuyées. Centrées sur le développement et l accompagnement des réponses locales aux besoins locaux, les pratiques d'intercoopération internationale de SOCODEVI visent l amélioration des capacités des membres, des dirigeants et du personnel des coopératives et des mutuelles accompagnées, de même que l amélioration des compétences organisationnelles et opérationnelles de ces coopératives, afin de mieux remplir leurs fonctions. La capacité des individus associés à se donner des services visant à satisfaire leurs besoins et ainsi améliorer leurs conditions sociales, économiques et politiques fait partie de la prise en charge locale, indispensable pour assumer les tâches d entrepreneurs collectifs. Enfin, cette intercoopération internationale qui accompagne les réponses locales aux besoins locaux favorise le processus qui permet de passer de la précarité et de la survie à la satisfaction des besoins et au développement des communautés. À l'aube de son 25e anniversaire, SOCODEVI a accompagné plus de 500 organisations coopératives, mutualistes et associatives dans une quarantaine de pays en développement. En 2008-2009, la valeur totale des mandats octroyés à SOCODEVI par divers partenaires financiers est de 23 millions de dollars canadiens et la contribution totale des institutions membres pour l'équivalent de 1,5 million de dollars canadiens. Pour sa part, DID, une composante du Mouvement Desjardins fondée en 1970, contribue à renforcer le secteur de la finance de proximité dans les pays en développement et en émergence. DID vise le renforcement de la capacité d'agir et d'entreprendre de populations locales, en favorisant la maîtrise d'institutions financières à propriété collective et à rayonnement communautaire. Les pratiques d'intercoopération internationale de DID contribuent à rendre disponible le crédit aux populations moins nanties, en développant, de façon rentable et pérenne, des institutions financières dont les principales ressources proviennent des communautés desservies. DID travaille avec une trentaine d'institutions partenaires dans presque autant de pays en développement. Voici les indicateurs de performance financière et sociale de 18 des réseaux d'institutions de finance de proximité partenaires de DID: 6,1 millions de membres et de clients; 801$ de crédit moyen; 1771 caisses et points de services; 4593 employés dont 52% sont des femmes; 7048 dirigeants dont 30% sont des femmes. Ces coopératives, mutuelles ou associations appuyées par SOCODEVI et par DID risquent d'éprouver, comme toutes les initiatives populaires comme le signalent pertinemment Favreau, Fréchette et Lachapelle (2008), des difficultés de maintenir la dynamique participative initiale, de définir leur horizon propre face à l'entreprise privée et les services publics, de transiger avec la

transformation des structures basées sur le bénévolat ou le militantisme vers la professionnalisation des services. Ces risques n'empêchent pas que, autant dans le cas de DID que de SOCODEVI, leurs interventions favorisent la lutte contre la pauvreté et les inégalités ainsi que la création de richesse qui profite aux membres des organisations partenaires et à leurs communautés d'appartenance. Cette intercoopération favorise la génération d'activités économiques par des organisations performantes atteignant une rentabilité économique et une rentabilité sociale suffisantes et donnant de meilleurs services à leurs membres et à la population en général. Il faut noter que dans cette perspective, la lutte contre la pauvreté ne peut pas se dissocier de la lutte contre les inégalités, cause fondamentale de la pauvreté et de l'exclusion. Ainsi, cette lutte contre la pauvreté et les inégalités en est une en faveur du développement humain qui crée des occasions et des possibilités de choix permettant aux individus de mener une vie décente, donnant aux pauvres les moyens d'acquérir des ressources. Autrement dit, la lutte contre la pauvreté veut s'attaquer aux inégalités derrière la pauvreté et à la dépendance économique des communautés http://jupiter.uqo.ca/ries2001/carnet/spip.php?article35 (Favreau, 2009). Très récemment, faisant référence à l'amérique latine, José Miguel Insulza, secrétaire général de l'organisation des États américains (OEA), déclarait que la pauvreté et les inégalités étaient des limitations critiques à la démocratie puisque cette dernière est interdépendante du développement économique et social équitable. Le grand paradoxe de l'amérique latine est qu en même temps que s'instaure une démocratie politique électorale, sur le plan économique et social ces sociétés montrent davantage des inégalités, augmentant la fragilité de la démocratie. La solution est de reconnaître l'interdépendance entre développement, équité et démocratie http://www.eclac.org/prensa/noticias/comunicados/8/38918/conferenciainsulzaoea_cepal30 Marzo2010.pdf (Insulza, 2010). Les organisations coopératives, mutualistes et associatives possèdent un énorme potentiel pour y contribuer. Les interventions de SOCODEVI et de DID possèdent aussi le potentiel de contribuer au développement des communautés en raison de la pérennité des coopératives et des mutuelles du Sud qui sont accompagnées ainsi que des retombées de leurs activités sur leurs membres et les communautés locales. Mais aussi, en renforçant la capacité d'agir et de se prendre en main des populations du Sud ainsi qu'en renforçant les espaces de pratiques citoyennes et de participation démocratique au façonnement du bien commun, les pratiques d'intercoopération de SOCODEVI et de DID favorisent le potentiel des coopératives et des mutuelles du Sud à exercer une influence accrue au sein de la société civile de leurs pays et auprès de leurs gouvernements pour générer un impact plus significatif dans leur milieu. Finalement, autant les pratiques d'intercoopération internationale de SOCODEVI que celles de DID sont basées sur le partage et les échanges du savoir-faire, sur la mise au service des partenaires des pays du Sud des expertises techniques des coopératives et des mutuelles du Québec ainsi que de l expertise propre à chacune des deux institutions. Pour les coopératives et les mutuelles du Québec, de même que pour leurs membres participants à des projets de développement international, cette mobilisation d expertises québécoises représente souvent un retour ou un rappel des valeurs et des principes coopératifs. Il s agit d une expression vivante du

défi vécu par des coopératives et des mutuelles qui, ayant si bien réussi sur le plan économique, risquent d oublier ou de négliger leur raison d être: s'associer pour entreprendre autrement. Conclusion Les coopératives et les mutuelles possèdent un grand potentiel de réponse aux crises actuelles; leur identité porte des solutions de rechange pour la construction d'une mondialisation équitable, solidaire et durable; les pratiques d'intercoopération internationale des coopératives et mutuelles québécoises contribuent au développement des communautés en raison de la pérennité et des retombées des coopératives et des mutuelles qu'elles accompagnent au Sud. Aujourd hui, la mondialisation néolibérale et sa conséquente montée des inégalités ont relancé le débat qui cherche à construire des solutions de rechange au modèle fondé uniquement sur les lois du marché et de la régulation publique. Un débat qui, au Québec, prend forme dans la Conférence internationale qui porte le titre suivant: http://www.projetdesociete.coop/ Quel projet de société pour demain? Coopératives, mutuelles et territoires: Enjeux, défis et alternatives. Partant de la pertinence des coopératives et des mutuelles pour le développement économique et social autant au Québec que sur le plan international, cette conférence se questionne, entre autres aspects, sur le positionnement du mouvement coopératif devant la fracture sociale et économique de la planète entre le Nord et le Sud: «Quelle sera la participation voire l engagement du mouvement coopératif auprès des acteurs des pays en situation de précarité? Quelles pratiques suivront dans les échanges qui transitent à travers les réseaux coopératifs organisés à toutes les échelles de territoire?» Bibliographie Demoustier, Danielle. 2003. S'associer pour entreprendre autrement, Paris, La Découverte, 207 p. Favreau, Louis, Lucie Fréchette et René Lachapelle. 2008. Coopération Nord-Sud et développement. Le défi de la réciprocité, Québec, PUQ, 185 p. Kempf, Hervé. 2009. Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Paris, Seuil, 155 p. Petrella, Riccardo. 2007. Pour une nouvelle narration du monde, Montréal, Écosociété, 176 p.