1 CONSEIL D ETAT 1 place du Palais-royal 75100 PARIS CEDEX 1 RECOURS EN ANNULATION La lettre recommandée avec accusé de réception présent recours porte le n 1 A 100 259 9562 5 d envoi du POUR : Monsieur Bernard KUCHUKIAN, avocat au barreau de Marseille, né à Alger, le 31 aout 1947, de nationalité française, domicile professionnel 29 rue Lulli, 13001 MARSEILLE, adresse postale : B.P. 234, 13178 MARSEILLE CEDEX 20, adresse de courrier électronique : kuchukian@worldonline.fr CONTRE : Monsieur le premier ministre, Hôtel de Matignon, 57 rue de Varenne, 75700 PARIS PLAISE AU CONSEIL D ETAT : 1
2 Il y a très exactement un an, jour pour jour, par sa décision n 361593 du 13 décembre 2013, le Conseil d Etat, qu avait saisi le requérant, statuait contre l Etat français, dans le recours qui lui avait présenté, quant à l application de la directive européenne n 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, spécialement son article 24, n avaient pas été appliquée. Ce texte communautaire fait en effet obligation aux Etats membres, dont la France, de veiller à ce que dans le cadre d un démarchage, les membres des professions réglementées (en cause celle-ci des avocats) puissent proposer une offre personnalisée de services, quels que soient leur forme, leur contenu et les moyens employés. Pour se déterminer ainsi, le Conseil d Etat écrivait ceci considérant de la décision du 13 décembre 2013 : au 4 ème «Il résulte de ce qui précède que, comme le soutient le requérant, les dispositions de l art. 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, comme celles du second alinéa de l article 5 du décret du 25 aout 1972 et celles des deuxième et troisième alinéas de l art. 15 du décret du 12 juillet 2005 qui en font application, prohibent pour les avocats, toute activité de démarchage ou offre personnalisée de services juridiques. En vertu des dispositions des articles, 3 et 5 du décret du 25 aout 19082, il est interdit aux avocats de recourir à la publicité dans les medias en vue de donner des consultations, de rédiger des actes ou de proposer leur assistance en matière juridique. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que de telles dispositions sont incompatibles avec les articles 4 et 24 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2066, relative aux services dans le marché intérieur.» Le Conseil d Etat a, dans ces conditions, jugé qu était annulé le refus du garde des sceaux, ministre de la justice, d abroger les termes d interdiction du démarchage dans le décret du 12 juillet 2005, appliqué aux avocats. 2
3 L Etat a même été condamné à payer au requérant une modeste somme de 500 au titre de l art. L.761-11 du Code de justice administrative. Cette somme ne lui a jamais été payée. Là dessus, le décret n 2014-1251 du 28 octobre 2014 a été promulgué par sa parution au Journal officiel du 29 octobre 2014. Il est l objet du présent recours en annulation. Pour comprendre le présent recours, il convient de citer in extenso les textes. Après un premier aliéna disant ceci : «La publicité est permise à l avocat si elle procure une information au public et si sa mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession» L art. 15 du décret n 2005-790 du 12 juillet 2005 disait, à l époque ceci, 2 ème alinéa : «La publicité, incluant la diffusion d informations sur la nature des prestations de services proposées, dès lors qu elle est exclusive de toute forme de démarchage. «L arrêt du Conseil d Etat du 13 décembre 2013 statue clairement en sanctionnant le ministre qui refuse d abroger, au 2 ème alinéa précité, les termes : «dès lorsqu elle est exclusive de toute forme de démarchage.» Or, la nouvelle rédaction du texte, issue du décret du 28 octobre 2014 ici attaqué, bouleverse le texte d origine, puisqu il le réécrit complètement, et organise un nouveau mécanisme de publicité et surtout de sollicitation personnalisée, ces deux derniers mots étant apparemment la nouvelle dénomination du démarchage. Le nouvel article 15 du décret du 12 juillet 2015 est ainsi rédigé : «La publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en, œuvre respecter les principes essentiels de la profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant. 3
4 La publicité s opère dans les conditions prévues par le décret du 25 aout 1972 susvisé. La sollicitation personnalisée prend la forme d un envoi postal ou d un courrier électronique adressé au destinataire de l offre de servi ce, à l exclusion de tout message textuel envoyé sur un terminal téléphonique mobile. Elle précise les modalités de détermination du cout de la prestation, laquelle fera l objet d une convention d honoraires». Il est évident que le nouveau texte est fondamentalement différent de l ancien, et qu il ne répond certainement pas à l exigence de la décision précitée du Conseil d Etat, lui-même étant le relais de la directive européenne concernée. Dès lors qu au lieu du régime de liberté, rappelé par le Conseil d Etat au 4 ème considérant de sa décision du 13 décembre 2013, le décret attaqué limite la forme de la sollicitation personnalisée à l envoi par la Poste ou par un courrier électronique, en rejetant toute autre forme que ce soit, par exemple celle citée, de l envoi sur un terminal téléphonique mobile, le décret attaqué est abusif et bien loin alors de la formule :» une offre personnalisée de services, quels que soient leur forme, leur contenu et les moyens employés. On rappelle que la première demande du requérant avait été présentée dans le cadre juridique créé par la jurisprudence dite ALITALIA du 3 février 1989, par laquelle le Conseil d Etat institue la faculté pour tout administré de demander, sans condition de délai, à l administration d abroger les actes réglementaires illégaux dès l origine ou devenus illégaux du fait d un changement dans les circonstances de fait ou de droit. Et par suite, dans le cadre de l art. 16-1 de la loi n 2000-321 du 12 avril 2000, suivant lequel l administration est tenue d office ou à la demande d abroger tout règlement illégal ou sens objet que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures cette date. 4
5 Une fois encore que : La directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services le marché intérieur (Journal officiel L.376, p.36), applicable partout dans l Union européenne donc en France, dit à son article 24 intitulé «communications commerciales des professions réglementaires», paragraphe 1, que les Etats membres suppriment toutes les interdictions totales visant les communications commerciales des professions réglementées. Saisie d une question préjudicielle par arrêt du 4 mars 2009 du Conseil d Etat (n 310979), la Cour de justice de l Union européenne a jugé en grande chambre, le 5 avril 2011 (bien 2011, pas 2012, comme indiqué par erreur matérielle dans le recours préalable) que l art. 24, paragraphe 1, de la directive précitée doit être interprété en ce sens qu il s oppose à une réglementation nationale qui interdit totalement aux membres d une profession réglementée, telle que la profession d expert-comptable d effectuer des actes de démarchage. Par son arrêt du 22 juin 2011 (même référence que ci-dessus), le Conseil d Etat a donc annulé le I de l art. 12 du Code de déontologie des professionnels de l expertise comptable annexé au décret n 2007-1387 du 27 septembre 2007, et a même condamné l Etat à l art. 761-1 du Code de justice administrative à hauteur de 6.000 somme allouée à la société d expertise comptable plaignante. Cette disposition prohibait en effet totalement tout acte de démarchage par un expert-comptable. Le Conseil d Etat dit que : «Considérant que dans l arrêt du 5 avril 2011 par lequel elle s est prononcée sur la question dont le Conseil d Etat statuant au contentieux par décision du 4 mai 2009, l avait saisie à titre préjudiciel en application de l art. 22 de l art. 267 du traité sur le fonctionnement de l Union européenne, après avoir écarté les autres moyens de la requête, la Cour de justice de l Union européenne a dit pour droit que l art. 24, paragraphe I, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, doit 5
6 être interprété en ce sens qu il s oppose à une règlementation nationale qui interdit totalement aux membres d une profession réglementée, telle que la profession d expert comptable, d effectuer des actes de démarchage.» Le gouvernement a ensuite abrogé le Code de déontologie en question, et tout a été remplacé par le décret n 2012-432 du 30 mars 2012, qui fixe conformément aux règles européennes dans le marché intérieur, la déontologie des experts comptables, professionnels réglementés et traite le démarchage à son article 152. Dans le seul respect du deuxième point de l art. 24 de la directive précitée qui encadre la liberté du démarchage par le respect de l indépendance, de la dignité, et de l intégrité de la profession celui-ci est désormais autorisée alors qu il était préalablement totalement prohibé. Pratiquement, la première phrase de l art. 152 du décret du 30 mars 2012 dit que «les actions de promotion sont permises aux personnes mentionnées à l art. 141 (les experts-comptables) dans la mesure où elles procurent au public une information utile. Le texte est identique à la première partie de l alinéa 2 de l art. 15 du décret du 12 juillet 2005. Il ne comporte aucune réserve générale du genre «dès lors qu elle est exclusive de toute forme de démarchage». DES LORS, et en conclusion, Le requérant vous demande : D abroger, dans le texte de l art. 15 du décret du 12 juillet 2005, tel qu il est désormais rédigé par le décret n 2014-1251 du 28 octobre 2004, ici attaqué et à annuler partiellement, Au 1 er alinéa : les mots : et si leur mise en, œuvre respecter les principes essentiels de la profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant. Ainsi que le 2 ème et le 3 ème alinéa. 6
7 Et de condamner l Etat français aux dépens et au paiement au requérant d une somme de 6.000 au titre de l art. 761-1 du Code de justice administrative, Enfin, d ordonner toutes les mesures de publicité nécessaires. Et vous ferez justice. Marseille, le 13 décembre 2014. 7