REEDUCATION DES TROUBLES APHASIQUES. Introduction Historique Principes Généraux



Documents pareils
N SIMON Anne-Catherine

Les mécanismes de la récupération neurologique. PPradat-Diehl DU de Rehabilitation neuropsychologique 2007

mentale Monsieur Falize la création et l utilisation d imagerie interactive, les associations noms-visages, la méthode des lieux.

UE11 Phonétique appliquée

Définition, finalités et organisation

Epilepsies : Parents, enseignants, comment accompagner l enfant pour éviter l échec scolaire?

Sophie Blanchet, Frédéric Bolduc, Véronique Beauséjour, Michel Pépin, Isabelle Gélinas, et Michelle McKerral

questions/réponses sur les DYS

ACTIVITÉS DE COMMUNICATION LANGAGIÈRE ET STRATÉGIES

L ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT EN 15 QUESTIONS - RÉPONSES

Spécial Praxies. Le nouveau TVneurones est enfin arrivé! Les métiers. NOUVEAUX JEUX de stimulation cognitive, orientés praxies.

Objectif. Développer son efficacité personnelle par une meilleure communication avec soi et les autres

LES RÉFÉRENTIELS RELATIFS AUX ÉDUCATEURS SPÉCIALISÉS

SOCLE COMMUN - La Compétence 3 Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique

La P N L appliquée à la vente

DESCRIPTEURS NIVEAU A2 du Cadre européen commun de référence pour les langues

S3CP. Socle commun de connaissances et de compétences professionnelles

VI- Exemples de fiches pédagogiques en 3 ème année primaires

Partenaires: w w w. c o g m a s t e r. n e t

Le bilan neuropsychologique du trouble de l attention. Ania MIRET Montluçon le

M2S. Formation Management. formation. Animer son équipe Le management de proximité. Manager ses équipes à distance Nouveau manager

Spécial Tablette. Spécial Tablette. Rentrez dans l ère tactile. nouveau! Le must * de la rééducation sur tablette tactile Android

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

1. Qu est-ce que la conscience phonologique?

LES TROUBLES DU GRAPHISME LA RÉÉDUCATION: QUAND ET COMMENT PASSER PAR L ORDINATEUR?

P R E S E N T A T I O N E T E V A L U A T I O N P R O G R A M M E D E P R E V E N T I O N «P A R L E R»

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Quels sont les indices observés chez les enfants présentant un trouble de traitement auditif?

Les difficultés scolaires, ou «l Echec scolaire»

Plates-formes de téléformation et modèles pédagogiques

Sciences de Gestion Spécialité : SYSTÈMES D INFORMATION DE GESTION

MASTER LPL : LANGUE ET INFORMATIQUE (P)

PRATICIEN CERTIFIÉ EN PNL

Document d aide au suivi scolaire

Transformez votre relation au monde!

Écrire à la main ou à l ordinateur Telle est la question!

Aide kinésithérapeute : une réalité?

Programme de la formation. Écrit : 72hdepréparation aux épreuves d admissibilité au CRPE

Item 169 : Évaluation thérapeutique et niveau de preuve

Organisation des enseignements au semestre 7

Isabelle GONZALEZ Orthophoniste - Mérignac

Master professionnel Urbanisme : stratégie, projets, maîtrise d ouvrage (USPMO)

Form Ortho 73. Form Ortho 73 vous propose son programme pour l année 2015

Esprit critique et dérives psychologique

e-santé du transplanté rénal : la télémédecine au service du greffé

VISIUM. Méthodologie visuelle Visualisation de système Conception et Optimisation Système d information et d organisation

FORMATION CONTINUE SUR L UTILISATION D EXCEL DANS L ENSEIGNEMENT Expérience de l E.N.S de Tétouan (Maroc)

Scolarisation et adaptations pour enfants dyspraxiques au collège

Demande d admission au Centre pédagogique Lucien-Guilbault Secteur primaire

Technicien - Expert en performance thermique de bâtiments neufs ou existants

PLAN D ÉTUDES. école fondamentale

L E C O U T E P r i n c i p e s, t e c h n i q u e s e t a t t i t u d e s

NOM : Prénom : Date de naissance : Ecole : CM2 Palier 2

C est quoi un centre d apprentissage Les centres d apprentissage sont des lieux d exploration et de manipulation qui visent l acquisition de

Il y a trois types principaux d analyse des résultats : l analyse descriptive, l analyse explicative et l analyse compréhensive.

Notes de lecture : Dan SPERBER & Deirdre WILSON, La pertinence

LES APPROCHES THERAPEUTIQUES NON MEDICAMENTEUSES

Questionnaire Lillois De Participation à la Communication : Normalisation, Validation et Elaboration d un. questionnaire de l entourage

I/ CONSEILS PRATIQUES

L évaluation de la performance de la communication media

I/ Qu est-ce que l aphasie? French

Autisme Questions/Réponses

COMPTE RENDU D ENTRETIEN PROFESSIONNEL

PACTE : Programme d Amélioration Continue du Travail en Equipe Phase d expérimentation

J e commencerai par vous donner une définition de

LES MODES D ADAPTATION ET DE COMPENSATION DU HANDICAP : Les personnes handicapées motrices à domicile (enquête HID 1999)

SOMMAIRE I. INTRODUCTION 4 II. SOURCES D INFORMATION 5

L ENTRETIEN de Recherche

DOMAINE 7 RELATIONS ET RÔLES

prise en charge paramédicale dans une unité de soins

A PROPOS DES CRITERES D ATTRIBUTION DES EQUIVALENCES

LES TROUBLES MUSCULOSQUELETTIQUES. Le 2 décembre 2008

Diapo 1. Objet de l atelier. Classe visée. Travail en co-disciplinarité (identité et origine académique des IEN)

A. BONNEFOND Maître de conférences en neuroscience cognitive Laboratoire d imagerie et de neuroscience cognitive Université de Strasbourg

Organiser des groupes de travail en autonomie

Critères de Choix d une Echelle de Qualité De Vie. Etudes cliniques dans l autisme. Introduction

PLAN D ÉTUDES DU PIANO

FONCTIONNEMENT DE GROUPE ET D'EQUIPE AU TRAVAIL

LES 11 COMPÉTENCES CLÉ DU COACH SELON LE RÉFÉRENTIEL ICF OBJECTIFS CERTIFICATION PRINCIPES ET ORIENTATIONS

COMMENT DEVENIR KINÉSITHÉRAPEUTE

Stress des soignants et Douleur de l'enfant

François Émond psychologue 2003 Centre François-Michelle. Liste des 24 catégories de connaissances et compétences à développer

Format de l avis d efficience

Télé-expertise et surveillance médicale à domicile au service de la médecine générale :

Comment la proposer et la réaliser?

NB : J ai trouvé ce texte sur le net sans que son auteur soit indiqué. Je regrette donc de ne pouvoir lui rendre hommage pour ce travail.

LES TROUBLES D APPRENTISSAGE

Attestation de maîtrise des connaissances et compétences au cours moyen deuxième année

Pour un dialogue réussi enseignant parent parent enseignant

Information destinée aux proches. Comment communiquer avec une personne atteinte de démence? Conseils pratiques

POLITIQUE RELATIVE À L EMPLOI ET À LA QUALITÉ DE LA LANGUE FRANÇAISE

Document à destination. des personnels de l enseignement supérieur.

BTS MANAGEMENT DES UNITES COMMERCIALES GUIDE DU TUTEUR

C ) Détail volets A, B, C, D et E. Hypothèses (facteurs externes au projet) Sources de vérification. Actions Objectifs Méthode, résultats

ITIL V3. Transition des services : Principes et politiques

Introduction au datamining

23. Interprétation clinique des mesures de l effet traitement

4.2 Unités d enseignement du M1

LES CARTES À POINTS : POUR UNE MEILLEURE PERCEPTION

Transcription:

REEDUCATION DES TROUBLES APHASIQUES Introduction Historique Principes Généraux

La réhabilitation du langage : un désir ancien, une pratique récente Aphasie comme «réversion de l évolution» (Jackson 1915) Ferré (1895) : traiter la perte des images articulatoires Thomas & Roux (1895), Gutzmann (1896), Mills : Approche pédagogique de la mémoire des sons Charcot (1912) : Machine à rééduquer la lecture Froment (1913) : Rééducation des aphasiques «en réveillant la mémoire des sons et les images auditives )

Naissance de l approche moderne (après 1945) Incorporation de progrès théoriques : Neurolinguistique (Alajouanine, Ombredane, Jakobson, 1941) : modèles d analyse - Sémiologie (Goldstein 1948, Head 1963, Luria 1973) : modèles syndromiques de l aphasie - Naissance de thérapies plus systématiques - GB : tâches systématisées : Butfield et Zangwill (1946). Première série de patients - USA : Stimulation Schuell (1955), Wepman (1951)

Evolution de la neurolinguistique Approche psycholinguistique comme outil de description du pathologique Meilleure sémiologie : analyse des types d erreurs, différenciation des niveaux (syntaxe) Pionniers : Hecaen & Dubois 1967; Goodglass et Kaplan 1972, Lhermitte et Roch-Lecours 1979. France : Intégration de cette approche dans la rééducation, travaux de Ducarne

Généralités sur la prise en charge Contexte de grand bouleversement psycho-cognitif Répercussions sur le plan affectif +++, touche le patient mais aussi l entourage => majoration des désordres de la la communication on : nt nt (fatigabilité excessive) e) on de groupe à envisager plus souvent dans un objectif de de communication plus général

Rythme des séances : variable suivant le stade d intervention et selon le milieu : Au stade initial : rythme quotidien, plusieurs fois par jour lors de l hospitalisation Avec évolution : rythme variable, fréquence moindre voire alternance avec périodes d arrêt. Durée : parfois plusieurs années. Dépend des objectifs. Durée des séances : ne pas faire n importe quoi! 15 minutes à 45 mn à 1h. Rôle d information au patient et à l entourage : conditionne sa participation Nécessité de fonctionner en réseaux Domicile vs cabinet : sortie hors du milieu familial, retour à une autonomie, accès au matériel, participation du patient.

Objectifs d une prise en charge : Restitution des capacités de communication (pas seulement verbale) antérieures du patient, en s adaptant à son niveau et à ses centres d intérêt Optimalisation des échanges linguistiques Développement de modes de communication palliatifs

Les différentes approches Différents courants nés des progrès théoriques Aujourd hui : cohabitation des ces courants dans la prise en charge contemporaine : - Approche empirique - Approche behavioriste - Approche pragmatique - Approche cognitive

Approche empirique Approche la plus ancienne ou approche «classique» Stratégie de stimulation Ecoles «classiques» : USA : Schuell (50/60) - France : Ducarne - Soviétique : Luria - Italienne : Basso (60/70)

Hypothèse : aphasie non pas comme conséquence d une perte des compétences linguistiques mais comme une perturbation de l accès à ces compétences Aphasie : trouble unitaire (conséquence d un désordre unique) Absence de fondements théoriques : repose essentiellement sur des faits sémiologiques Thérapie informelle et intuitive

Techniques de stimulation ou de réapprentissage : Schuell : stimulations auditives. Importance du trouble de compréhension - Luria : Stimulations plus spécifiques - Ducarne : principes de réapprentissage de type didactique reposant sur une analyse sémiologique

Approche behavioriste Structuration méthodologique Théories de Skinner (1957) sur le conditionnement opérant (60/70) Modification d un comportement «déviant» par ajustement de l environnement (techniques d apprentissage)

Instruction programmée : - planification de la conduite thérapeutique Critères de succès Hiérarchie des tâches Méthodologie très stricte et lourde Techniques peu adaptées à la diversité sémiologique et sans justification théorique du point de vue de l aphasie: lesperturbations sousjacentes n étant pas indentifiées Ex : MIT : Melodic Intonation Therapy

Approche pragmatique Ou approche écologique Pragmatique : relation entre les comportements langagiers et les contextes dans lesquels ils sont utilisés Centrée sur la communication Objectif : pas la production de structures linguistiques normales, correctes, mais l utilisation optimale de toutes les capacités résiduelles de communication (mimiques, gestes, dessins etc ) Ex : PACE : Promoting aphasic s communicative efficiency (Davis et Wilcox 1981); Rééducation de groupe

Approche cognitive Proposer des programmes thérapeutiques en fonction de la nature des troubles sousjacents. Basée sur les modèles de traitement de l information chez le sujet normal: architecture fonctionnelle du système lexical Approche didactique

Démarche : 1- Analyser les perturbations et déterminer la nature et la localisation du déficit dans un modèle 2- Fixer les objectifs de la thérapie : centrer sur une fonction linguistique 3- Choisir la stratégie thérapeutique en fonction des hypothèses relatives à la nature du déficit 4- Décider d un certain nombre de tâches pouvant servir cette stratégie 5- En établir une hiérarchie suivant le niveau de difficulté 6- Etablir une méthode d évaluation de l efficacité de la rééducation

Diagnostic : point d ancrage de la rééducation Echelles d évaluation formelles insuffisantes Tests complémentaires (Examen à tiroirs) nécessaires : hypothèses posées et testées pour identifier les fonctions préservées et perturbées Tests spécifiques évaluant : Performances dans les différentes modalités d entrée et de sortie Suivant des critères psycholinguistiques de fréquence, classe, lexicalité, concrétude, de catégorie sémantique, régularité orthographique, complexité morphologique

Diagnostic cognitif = localisation du (des) déficit(s) au sein du système lexical. Diagnostic cognitif au niveau de la nature des troubles diagnostic «classiques» = syndrome

Evaluation des performances avant et après thérapie Traitement au cas par cas, pas d études de groupe possible Profil cognitif rarement identique Traitement coûteux en temps : analyse des troubles est très longue donc rarement applicable à la phase initiale ou pour aphasie globale Application au langage écrit et aux troubles de la dénomination Rigueur des principes d utilisation de ces techniques et la volonté de mesurer l efficacité thérapeutique représentent une contribution fondamentale à la rééducation neuropsychologique.

Stratégies de rééducation 4 types de stratégies : Restauration : stimulation, ré-apprentissage Réorganisation : utilisation des capacités résiduelles Facilitation : Quand défaut d accès Palliatives : Prothèse mentale

* Restauration : vise le rétablissement d une fonction cognitive dans son mode de fonctionnement antérieur Elle concerne les représentations ou des procédures S appuie sur des techniques de stimulations répétées ou de «ré-apprentissage» Ex : MP de PARTZ : restauration des représentations orthographiques

* Réorganisation : d une fonction vise l exploitation des capacités résiduelles pour parvenir à un résultat fonctionnel équivalent Ex : rééducation de l alexie pure : défaut d identification visuelle des lettres est contourné par l utilisation de l afférence visuelle ( tracé de la lettre avec le doigt).

La facilitation : utilisée lorsque l hypothèse d un défaut d accès plutôt que d une perte ou d une dégradation des représentations est posée. Ex : rééducation de la dénomination : fournir des indices concernant l item cible Indices concernant la forme du mot, phonologique ou graphémique ou indices sémantiques. Patient dépendant du thérapeute donc estompage progressif necéssaire

* Stratégies palliatives : appel à des procédures de substitution : - aménagement de l environnement - développement de la communication non verbale Développement des technologies modernes => prothèses mentales A envisager comme soutien à la phase initiale ou conjointement aux autres formes de thérapies et non comme «dernier recours»

A) Le Pré-TESt sert : - à observer et à analyser les capacités du patient à déduire ce qui FONCTIONNE et ce qui est DEFICITAIRE Faire apparaître une image fonctionnelle : déficit perceptif, expressif, central, voie lexicale ou voie phonologique etc À préciser le BUT spécifique de la thérapie. À choisir comme MOYEN thérapeutique une capacité résiduelle (stratégie pour résoudre le problème)

B) Le Post TEST sert : - à contrôler les résultats quantitatifs/qualitatifs en les comparant à ceux du pré-test : validation de la thérapie, valorisation des efforts faits par le patient, et justificatif de la prise en charge auprès de la sécurité sociale. - à observer les transferts (apprentissage implicite) - à analyser l échec éventuel : pourquoi? Et chercher une autre thérapie et non décider que le patient ne peut plus progresser.

Analyse du transfert des effets de la thérapie Les paradigmes d évaluation ont aussi pour objectif de mesurer si les effets obtenus pour les items (ou fonctions) traité(e)s sont généralisables ou non aux items ou fonctions non travaillé(e)s.

Méthodes d évaluation des effets de la rééducation 1ers modes d évaluation de la rééducation : études de groupe Comparaison des performances moyennes entre groupes de patients rééduqués et non rééduqués ou entre patients rééduqués par des professionnels et des non professionnels ou entre groupe de patients rééduqués avec des méthodes différentes Problèmes méthodologiques : Impossibilité à apparier strictement 2 groupes

*Etudes de cas uniques - adaptées à la rééducation neuropsychologique - liées au développement de l approche cognitive - évaluer les performances avant et après la rééducation Bénéfices apportés par la rééducation vs amélioration spontanée et effet spécifique au traitement mis en oeuvre

La ligne de base représente l état des performances avant l application de la thérapie. Elle sert de référence pour évaluer l amélioration des performances après la thérapie. Etablie à partir de mesures répétées sur une période de quelques jours Entreprendre la thérapie lorsque la ligne de base est stable (fin de la récupération spontanée)

Les lignes de base multiples : évaluation des performances soit dans diverses modalités (dénomination orale, écrite, lecture) soit pour différents items selon les objectifs et les stratégies adoptées alors que seule une modalité (ou une liste d items) est travaillée. Paradigmes d évaluation : -Paradigme ABA : alternance simple d évaluation et de thérapie

- Paradigme «cross-over»: faire alterner dans un ordre prédéterminé des programmes de rééducation qui portent sur différents aspects du déficit. - Paradigme temporel successif : appliquer chez un même patient deux méthodes de rééducation différentes pour un même objectif. - Paradigme de traitements rapidement alternés : appliquer au cours d une même séance des traitements différents à des items différents.

Conclusion Intervention aux stades précoces Action rapide sur les phénomènes ischémiques et de pénombre Possibilités d adaptation à long terme Suivi avec imagerie fonctionnelle très souhaitable