Demeurez en place pour les Isotopes!

Documents pareils
Transformations nucléaires

Chapitre n 6 MASSE ET ÉNERGIE DES NOYAUX

Chapitre 6. Réactions nucléaires. 6.1 Généralités Définitions Lois de conservation

Chapitre 11: Réactions nucléaires, radioactivité et fission

L ÉNERGIE C EST QUOI?

Chapitre 10 : Radioactivité et réactions nucléaires (chapitre 11 du livre)

Compétence 3-1 S EXPRIMER A L ECRIT Fiche professeur

A retenir : A Z m n. m noyau MASSE ET ÉNERGIE RÉACTIONS NUCLÉAIRES I) EQUIVALENCE MASSE-ÉNERGIE

Chapitre 5 : Noyaux, masse et énergie

Transformations nucléaires

Lycée Galilée Gennevilliers. chap. 6. JALLU Laurent. I. Introduction... 2 La source d énergie nucléaire... 2

THEME 2. LE SPORT CHAP 1. MESURER LA MATIERE: LA MOLE

La physique nucléaire et ses applications

C4: Réactions nucléaires, radioactivité et fission

Energie nucléaire. Quelques éléments de physique

8/10/10. Les réactions nucléaires

EXERCICES SUPPLÉMENTAIRES

LA A RESPIRATION CELLULAIRE

Compléments - Chapitre 5 Spectroscopie

P17- REACTIONS NUCLEAIRES

Energie Nucléaire. Principes, Applications & Enjeux. 6 ème /2015

Équivalence masse-énergie

Stage : "Développer les compétences de la 5ème à la Terminale"

Lycée français La Pérouse TS. L énergie nucléaire CH P6. Exos BAC

C3. Produire de l électricité

5 >L énergie nucléaire: fusion et fission

POLY-PREPAS Centre de Préparation aux Concours Paramédicaux. - Section Orthoptiste / stage i-prépa intensif -

Q U E S T I O N S. 2/ Le soleil nous procure (plusieurs réponses correctes) De la lumière De l énergie Du feu De la chaleur De la pluie

DM 10 : La fusion nucléaire, l énergie de l avenir? CORRECTION

Dossier «L énergie nucléaire»

Professeur Eva PEBAY-PEYROULA

Chapitre 1 : Qu est ce que l air qui nous entoure?

BTS BAT 1 Notions élémentaires de chimie 1

Principe et fonctionnement des bombes atomiques

Atelier : L énergie nucléaire en Astrophysique

I. Introduction: L énergie consommée par les appareils de nos foyers est sous forme d énergie électrique, facilement transportable.

Production mondiale d énergie

A. Énergie nucléaire 1. Fission nucléaire 2. Fusion nucléaire 3. La centrale nucléaire

a. Fusion et énergie de liaison des noyaux b. La barrière Coulombienne c. Effet tunnel & pic de Gamov

Complément: Sources naturelles de rayonnement

Le compost. Un petit écosystème au jardin

L ÉLECTRICITÉ C EST QUOI?

Rapport annuel de monitoring automatisé de la qualité de l eau

Introduction à la physique nucléaire et aux réacteurs nucléaires

4 ème PHYSIQUE-CHIMIE TRIMESTRE 1. Sylvie LAMY Agrégée de Mathématiques Diplômée de l École Polytechnique. PROGRAMME 2008 (v2.4)

La physique nucléaire

L eau c est la vie! À l origine était l eau... La planète bleue. Les propriétés de l eau. L homme et l eau. ... et l eau invita la vie.

nucléaire 11 > L astrophysique w Science des étoiles et du cosmos

Comprendre l Univers grâce aux messages de la lumière

Historique. Les radiations nucléaires 1

Où est passée l antimatière?

Panorama de l astronomie

SOLUTIONS TECHNOLOGIQUES D AVENIR

Comment expliquer ce qu est la NANOTECHNOLOGIE

L ÉLECTRICITÉ, C EST QUOI?

La Fusion Nucléaire (Tokamak) Nicolas Carrard Jonathan Carrier Guillomet 12 novembre 2009

Origine du courant électrique Constitution d un atome

Partie Observer : Ondes et matière CHAP 04-ACT/DOC Analyse spectrale : Spectroscopies IR et RMN

A) Les réactions de fusion nucléaire dans les étoiles comme le Soleil.

Allégations relatives à la teneur nutritive

SYSTEME DE PARTICULES. DYNAMIQUE DU SOLIDE (suite) Table des matières

L'ÉNERGIE ET LA MATIÈRE PETITE EXPLORATION DU MONDE DE LA PHYSIQUE

Physique Chimie. Utiliser les langages scientifiques à l écrit et à l oral pour interpréter les formules chimiques

ne définition de l arbre.

3 Charges électriques

La vie des étoiles. La vie des étoiles. Mardi 7 août

Parcours de visite, lycée Exposition: LA RADIOACTIVITÉ De Homer à oppenheimer

lire les Étiquettes et trouver les sucres cachés

EPREUVE COMMUNE DE TIPE 2009 partie D ANALYSES RADIOCHIMIQUES ET ISOTOPIQUES : LES TRACEURS RADIOACTIFS

Opérateur d analyseurs à fluorescence X portatifs. Livret de renseignements sur la certification et la préparation relatives aux évaluations

BAC BLANC SCIENCES PHYSIQUES. Durée : 3 heures 30

Résonance Magnétique Nucléaire : RMN

TS1 TS2 02/02/2010 Enseignement obligatoire. DST N 4 - Durée 3h30 - Calculatrice autorisée

Chap 2 : Noyaux, masse, énergie.

Pour l'environnement, avec les énergies renouvelables, agissons contre le changement climatique

TD 9 Problème à deux corps

L échelle du ph est logarithmique, c està-dire

Chapitre 6 : les groupements d'étoiles et l'espace interstellaire

LE MONITORING DE LA BIODIVERSITE EN SUISSE. Hervé LETHIER, EMC2I

CHAPITRE 2 : Structure électronique des molécules

LE COSMODETECTEUR : UN EXEMPLE DE CHAÎNE DE MESURE

Application à l astrophysique ACTIVITE

Les jours de la semaine

Chapitre 02. La lumière des étoiles. Exercices :

La Commission. canadienne de sûreté nucléaire Présentation à la Conférence nationale sur l assurance au Canada. suretenucleaire.gc.

Chapitre 2 RÉACTIONS NUCLÉAIRES

Cahier d enquête. Suspect N 5. Reproduction interdite

ACIDES BASES. Chap.5 SPIESS

Commission canadienne de sûreté nucléaire : Leadership dans la réglementation aux fins de la sûreté

>Si j ai réussi, je suis capable de

Activité 38 : Découvrir comment certains déchets issus de fonctionnement des organes sont éliminés de l organisme

Le défi énergétique. Exercices. Correction. 1. Le charbon est une ressource renouvelable. Il s puise. 2. L énergie s exprime en Watt (W).

Les émissions de GES au quotidien et les gains possibles

Sport et alpha ANNEXES

PHY113 : Cours de Radioactivité

AIDE-MÉMOIRE LA THERMOCHIMIE TABLE DES MATIERES

FUSION PAR CONFINEMENT MAGNÉTIQUE

La recherche sur l énergie nucléaire: relever le défi de la durabilité

L École nationale des pompiers du Québec. Dans le cadre de son programme de formation Pompier I

NOYAU, MASSE ET ENERGIE

Transcription:

Demeurez en place pour les Isotopes! Stéphan Reebs Département de biologie Université de Moncton, Canada www.unregardscientifique.com Dans la série animée Les Simpson, l équipe de baseball de Springfield s appelle Les Isotopes. Le nom s explique par le fait que l équipe est financée par la centrale nucléaire de Springfield et les isotopes sont souvent des substances radioactives. Mais qu est-ce qu un isotope, en fait? Pour répondre à cette question, il faut se souvenir que les noyaux des atomes de la matière sont composés de deux types de particules : les protons et les neutrons. Les protons ont une charge positive, et leur nombre détermine le nombre d électrons de charge négative qui orbitent autour du noyau, ce qui détermine comment l atome réagit chimiquement avec les autres éléments. Les neutrons, quant à eux, n ont pas de charge, et leur nombre n a pas autant d importance en dehors d assurer une certaine stabilité au noyau. Ce qui nous amène à la réponse : un isotope est une variante d un élément qui ne diffère que par le nombre de neutrons dans le noyau de ses atomes. Il peut exister plusieurs différents isotopes d un même élément : ils ont tous le même nombre de protons dans leur noyau ce qui définit un élément mais ils n ont pas le même nombre de neutrons. Le carbone-12, carbone-13, et carbone-14 en sont des exemples. Le «12» représente les 6 protons et 6 neutrons du noyau, le «13» représente 6 protons et 7 neutrons, et le «14» correspond à 6 protons et 8 neutrons. Les six protons définissent ces trois entités comme étant des isotopes de carbone, et le nombre variable de neutrons différencie chacun des trois isotopes. Le carbone «ordinaire», de loin le plus abondant en nature, est le carbone-12. Le carbone-13 est rare (il ne représente qu environ 1 % du carbone total sur terre) et tout comme le carbone-12 il est un isotope dit «stable»; il n a pas tendance à se désintégrer. Le carbone-14, quant à lui, est encore plus rare (seulement 0.0000000001% du carbone total) et il est radioactif : il a tendance à se désintégrer en émettant des radiations. Cependant, la quantité relative de carbone-14 sur terre ne va pas en diminuant au fil du temps, car la perte par désintégration est compensée par un processus de formation à haute altitude (entre 9 et 15 km) par des radiations cosmiques qui transforment quelques-uns des atomes d azote de

l air en carbone-14. Ce dernier peut s associer à l oxygène au même titre que le carbone normal pour former du CO2. Sous cette forme le carbone-14 se répartit dans l atmosphère tout entière et éventuellement entre dans la chaîne alimentaire après avoir été absorbé par les plantes qui font de la photosynthèse. Puisque votre corps se forme à partir des plantes que vous mangez, ou des animaux qui se sont nourris de ces plantes, il y a présentement en vous des atomes de carbone-14, et une partie d entre eux se désintègrent. Votre corps émet environ 1 millirem de radiations par année à cause de son carbone-14. (C est une dose très faible car vous contenez très peu de carbone-14, seulement 0.0000000001% de votre carbone total, tout comme l ensemble des organismes vivants et de l atmosphère par comparaison, un vol en avion du Nouveau-Brunswick jusqu en Colombie- Britannique vous expose à 2-5 millirem, et un examen aux rayons X chez le dentiste vous expose à 10-40 millirem; les mêmes radiations cosmiques qui forment le carbone-14 en altitude vous soumettent à 300 millirem de radiations par année). Bien qu on associe souvent les isotopes avec le phénomène de la radioactivité, il est bon de se rappeler qu il existe aussi des isotopes stables. En fait, environ 80% des isotopes retrouvés naturellement sur terre sont stables. Mais qu ils soient stables ou radioactifs, tous les isotopes sont détectables par des appareils spéciaux tels que les spectromètres de masse. Les isotopes radioactifs, de plus, peuvent être détectés par des compteurs de radiations. Ces appareils permettent toutes sortes d applications intéressantes en science. La suite de cet article en présente quelques-unes. Datation isotopique Une caractéristique des isotopes radioactifs est qu ils se désintègrent à un taux proportionnel à leur quantité. Ils ont une «demi-vie» : après une certaine période de temps x (qui varie d un isotope à l autre), la moitié des isotopes se seront désintégrés, et après une durée x supplémentaire, la moitié de ceux qui restaient (donc, le quart de la quantité originale) se seront désintégrés eux aussi, et ainsi de suite. Il y a donc une relation entre le temps et la quantité d isotopes radioactifs présents dans un échantillon de matière. Cela permet de déterminer l âge de cet échantillon. La datation au carbone-14 fonctionne selon le principe suivant. Tant et aussi longtemps qu un organisme est vivant, il mange, et donc la proportion de carbone-14 dans son corps reste la même que dans l environnement en général, soit 0.0000000001% du carbone total (ce qui émet 450 rayons bêta par minute par once de carbone total). C est une petite quantité, certes, mais mesurable avec les appareils. Mais lorsque l organisme meurt (par exemple, lorsque le lin une plante est coupé pour en faire un vêtement), le carbone-14 n est plus renouvelé et donc sa quantité relative commence à baisser à mesure qu il se désintègre. Sachant que le carbone-14

a une demi-vie de 5730 ans, on peut calculer depuis combien de temps la plante est morte (depuis combien de temps le vêtement existe) en mesurant le nombre de rayons bêta émis par minute par once de carbone total. C est grâce à cette technique qu on a confirmé, par exemple, que le fameux Suaire de Turin, présumé comme étant le linceul qui a entouré le corps de Jésus Christ après sa mort, ne pouvait pas l être puisqu il n était vieux que de 900 ans tout au plus. C est aussi grâce aux isotopes radioactifs ceux qui ont une demi-vie particulièrement longue, comme certains isotopes d uranium et de potassium que l on peut établir l âge des fossiles (ou plus précisément, l âge des couches rocheuses dans lesquelles les fossiles se trouvent) vieux de plusieurs millions d années. Mais la datation n a pas besoin d être toujours fondée sur les isotopes radioactifs et leur demi-vie. Voici un exemple de datation avec un isotope stable. Notre planète est constamment bombardée par des rayons cosmiques des particules (électrons, hypérons, mésons, neutrons, nucléons) en provenance de l espace interstellaire de notre galaxie. Ceci nous expose à une irradiation qui est beaucoup trop faible pour nuire à notre santé. Mais cette même irradiation en plus de former le carbone-14 dans la haute atmosphère, tel que mentionné ci-haut affecte quand même légèrement les roches autour de nous. Elle finit par provoquer la formation de néon-21, un isotope stable qui reste emprisonné dans la roche. Plus il y a de néon-21 dans une roche, le plus longtemps que cette roche a dû être exposée aux rayons cosmiques à la surface de la terre. Pour qu une roche demeure en surface, il ne faut pas qu il y ait d érosion, et donc pas de pluie. Présentement, l endroit le plus sec au monde est le désert d Atacama dans le nord du Chili. Grâce à des mesures de néon- 21, un groupe de géologues sous la direction du professeur Tibor Dunai a établi que les roches de ce désert sont demeurées exposées à la surface pendant plus de 23 millions d années. Ceci est un record qui fait du désert d Atacama le plus vieil endroit sur terre à n avoir subi aucune modification de son paysage au fil du temps. 1 Marquage isotopique En exposant des atomes «ordinaires» à des radiations, il est possible de former certains isotopes, et par certaines réactions il est possible d intégrer ces isotopes à des molécules. Les molécules deviennent ainsi marquées par la présence d un isotope inhabituel. On peut donc, par exemple, déterminer où et quand dans le corps une certaine substance est utilisée. On peut ainsi marquer des molécules de glucose avec du deutérium 1 Geology 33 : 321-324, 2005

(un isotope de l hydrogène), et déterminer quelle partie du cerveau entre en fonction (consomme du glucose comme source d énergie) lors d une certaine activité. Plusieurs hôpitaux ont des départements de médecine nucléaire qui font appel à l utilisation d isotopes comme marqueurs dans divers tests diagnostiques. À la fin de 2007, la centrale nucléaire de Chalk River en Ontario fut temporairement fermée pour ne pas avoir installé un dispositif de sécurité demandé par la Commission Canadienne de Sûreté Nucléaire, et cela a causé une crise dans le monde médical puisque cette centrale, vieille de 50 ans il faut bien le dire, fournissait plus de la moitié des isotopes radioactifs utilisés en médecine dans le monde entier. On estime que plus de 75,000 tests médicaux étaient effectués à chaque jour dans le monde à l aide d isotopes fournis par cette centrale. Signature isotopique Un os peut demeurer intact pendant des milliers d années avant de se fossiliser. Pendant tout ce temps, l os contient les mêmes isotopes qu il avait lorsqu il remplissait ses fonctions dans le corps vivant de son propriétaire d origine. Or, la nature et la quantité de ces isotopes sont influencées par ce que l animal, ou la personne, mange. Les anthropologues qui ont la chance de trouver de vieux ossements peuvent donc se faire une idée du régime alimentaire de sociétés anciennes en analysant le contenu en isotopes de ces os. Par exemple, l anthropologue Ekaterina Pechenkina, de la City University à New York, a analysé les squelettes de fermiers chinois qui vivaient près du fleuve Jaune il y a 4000-7000 ans. Elle a aussi étudié les os des animaux de leurs fermes. En mesurant les proportions relatives de carbone-13 et d azote-15, elle a pu déterminer que les fermiers se nourrissaient à partir d une céréale bien particulière, le mil. De plus, les porcs de la ferme se nourrissaient eux aussi de mil. 2 Donner des céréales à un porc plutôt que de les consommer soi-même directement est un luxe que seule une société agricole bien productive peut se payer. On peut aussi supposer que les porcs en question étaient bien engraissés. Peut-être que les villageois chinois aimaient organiser des méchouis il y a déjà 4000 ans? Les poils d un mammifère et les plumes d un oiseau ont aussi un contenu isotopique qui varie en fonction de ce que l animal mange. Dans le cas du renard de l Arctique, un poil prélevé au printemps nous renseignera sur ce que l animal a mangé pendant l hiver, tandis qu un poil à l automne 2 Journal of Anthropological Science 32 : 1176-1189, 2005

reflète le régime alimentaire de l été. La proportion relative de carbone-12 et de carbone-13 dans les poils indique si la nourriture du renard est surtout d origine terrestre ou marine les organismes marins contiennent relativement plus de carbone-13. L écologiste James Roth a ainsi trouvé que les renards se nourrissent plus à partir de la mer pendant l hiver que pendant l été. 3 Ce sont en fait les ours polaires qui font lien entre la mer et les renards : les ours attrapent des phoques (créatures surtout marines), en délaissent éventuellement les carcasses, dont les restants font quand même l affaire des petits renards. En été, les renards capturent eux-mêmes leurs propres proies, habituellement des lemmings (petits rongeurs terrestres). En été, les renards se font aussi des omelettes. Ils volent des œufs dans les colonies de grandes oies des neiges on a déjà vu un renard particulièrement diligent subtiliser plus de 2000 œufs en une saison. Plusieurs de ces œufs sont consommés immédiatement, mais la plupart sont enterrés par les renards pour faire état de réserve en prévision de temps plus durs. La question se pose alors : combien de temps ces œufs restent-ils comestibles? Quelle est leur date d expiration? Cette fois-ci, c est en prenant des échantillons de sang dans les renards et en y mesurant les proportions de carbone-13 et d azote-15 qu on a pu trouver la réponse. L écologiste Gustaf Samelius et ses collègues de l Université de la Saskatchewan ont en effet trouvé que même au printemps suivant, les renards portaient dans leur sang les signes isotopiques qu ils se régalaient encore d œufs (même si les oies, migratrices, n étaient pas encore arrivées). 4 Bien entendu, le gel préserve les œufs en hiver, mais il est plus surprenant de constater que les œufs ne pourrissent ni en automne ni au printemps. Les membranes qui recouvrent le blanc d œuf, et des protéines spéciales dans ce même blanc, semblent bien protéger les petits snacks du renard. Les études ci-haut font appel au concept de «signature isotopique». Il s agit de la notion que les proportions relatives de divers isotopes peuvent identifier la provenance d un objet. De nos jours on se sert des signatures isotopiques dans des domaines aussi variés que les enquêtes de scène de crime (pour trouver l origine d un poil de tapis, disons), la paléontologie (par exemple, on peut se faire une idée de la salinité et de la température de l eau dans laquelle des coraux ou autres organismes calcaires ont vécu il y a des millions d année), ou bien les études environnementales (on a ainsi pu déterminer l étendue géographique des retombées nucléaires après l accident de Tchernobyl, et on peut mesurer, à partir du contenu isotopique des plantes, l étendue de la pollution suite à l utilisation d hydrocarbures dans les pays industrialisés). 3 Oecologia 133 : 70-77, 2002 4 Journal of Animal Ecology 76 : 873-880, 2007

Mot de la fin Les amateurs de racines grecques devineront peut-être le double entendre du titre du présent article. «Isotope» vient d un mot grec qui veut dire «à la même place». Cela fait référence au fait que les isotopes d un élément occupent tous la même place dans le tableau périodique, à savoir la place de l élément lui-même.