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4. Le rôle de la mémoire lexicale orthographique et l apprentissage de la lecture et de l orthographe La mémoire lexicale orthographique joue un rôle majeur dans l établissement du processus phonologique en permettant la mémorisation des différentes correspondances graphèmes-phonèmes nécessaires à la lecture (reconnaissance des mots) et à l orthographe phonologique. Son rôle est aussi essentiel dans l établissement du processus orthographique, car elle permet de mémoriser l information relative à l orthographe des mots. Cette mémoire offre ainsi un accès rapide et global à l orthographe des mots pour les lire en une seule fixation et pour les orthographier dans la norme. Son rôle est plus important dans des systèmes d écriture dont les phonèmes (sons du langage) peuvent être représentés par différents graphèmes (lettre ou groupe de lettres représentant un son) comme le français et l anglais. Par exemple, il existe 46 manières d écrire le son /o/: o, au, eau, etc. (Dumais, Stanké, Moreau et Beaudoin, 2014) et en moyenne 3,7 façons d écrire chaque phonème (Ziegler, Jacobs et Stone, 1996). Les mots comportant un ou plusieurs phonèmes pouvant être représentés de différentes façons sont nommés «mots inconsistants». En français, le rôle de la mémoire lexicale orthographique est plus marqué sur le plan de l orthographe lexicale que dans la reconnaissance des mots, puisque plus de 56% des mots ne peuvent s écrire à partir des simples correspondances phonèmes-graphèmes (Lété, Peereman et Fayol, 2008). Ce qui n est pas le cas de la lecture. En effet, en français, le seul recours aux correspondances graphèmesphonèmes permet de lire la quasi-totalité des mots, car leur consistance est plus élevée, soit 96% (Lété, Peereman et Fayol, 2008). Ainsi, en français tout comme en anglais, la mémoire lexicale orthographique est plus sollicitée pour orthographier les mots dans la norme que dans d autres langues transparentes comme l italien ou l espagnol. Un déficit de l un ou de plusieurs processus mnésiques de la mémoire lexicale orthographique (encodage, consolidation et récupération) entraverait l élaboration et le développement du processus orthographique. L apprenant ne serait pas en mesure de construire un lexique orthographique stable suffisamment important pour lui permettre de reconnaître les mots en une seule fixation, mais plus particulièrement pour orthographier correctement les mots inconsistants ou irréguliers. Ainsi, un déficit de cette mémoire

entraînerait une dyslexie-dysorthographie de type mnésique (visuo-orthographique). Un déficit suffisamment important pourrait même conduire à entraver l établissement des correspondances phonèmes-graphèmes en raison d une difficulté à mémoriser les graphèmes correspondant aux phonèmes, correspondances nécessaires pour l établissement du processus phonologique. Dans ce cas, le trouble entraînerait une dyslexie de type mixte (phonologique et de surface de type mnésique). L hypothèse d un trouble de consolidation de la trace mnésique est la plus souvent évoquée par les enfants et les adultes présentant une dyslexie-dysorthographie, mais on peut également suspecter des difficultés d encodage de l information associées à une lenteur d apprentissage. L étude de Stanké, Flessas et Ska (2008) est la première à examiner le lien entre la capacité de la mémoire lexicale et l apprentissage du langage écrit à partir d une étude longitudinale réalisée auprès de 508 enfants typiques, dont 217 suivis de la maternelle 5 ans (GSM) à la 2 e année (CE1). Cette étude a permis de montrer que dès la maternelle, des différences apparaissent dans la capacité de la mémoire lexicale orthographique et que cette capacité permet de prédire tant leurs compétences orthographiques en maternelle qu en fin de 1 re (CP) et 2 e (CE1) année du primaire. Ces études ont donné lieu à un Outil de dépistage d enfants à risque de présenter des difficultés d apprentissage du langage écrit (ODLE) (Stanké et Flessas, 2013). Une seconde étude (Stanké, Flessas et Ska, 2008) a été réalisée auprès d un échantillon de 408 enfants de 1 re année (CP) dans le but de confirmer l existence d un lien entre la mémoire lexicale orthographique et les compétences en orthographe lexicale. Ces enfants ont été soumis à deux épreuves: une épreuve de mémoire lexicale orthographique et une épreuve de dictée. Les résultats de cette étude ont montré que la capacité de rétention de la mémoire lexicale orthographique jouait un rôle important dans les compétences en orthographe lexicale, indépendamment du processus d encodage et des capacités d apprentissage. En effet, 11% des enfants montraient une faible capacité de maintien à long terme de la mémoire lexicale orthographique, alors que 77% d entre eux montraient une bonne capacité d encodage et d apprentissage.

Les résultats préliminaires d une troisième étude en cours (Stanké, 2015a) montrent que la mémoire lexicale orthographique joue un rôle important dans la dyslexiedysorthographie développementale, indépendamment des deux facteurs cognitifs déjà reconnus, soit les capacités de conscience phonologique et visuoattentionnelle. Dans cette troisième étude, des comparaisons de groupes ont été menées pour vérifier l existence de différences dans la capacité de mémoire lexicale orthographique d enfants présentant une dyslexie-dysorthographie scolarisés au primaire et celle des deux groupes d élèves typiques (de même niveau scolaire et de même niveau orthographique). Un groupe de 36 enfants présentant une dyslexie-dysorthographie a été apparié à des groupes contrôles, un premier de même niveau scolaire et un deuxième de même niveau orthographique. Ces comparaisons ont permis de montrer que parmi les élèves présentant une dyslexiedysorthographie, 1) un sous-groupe présente une faible capacité de mémoire lexicale orthographique tant par rapport à leurs pairs de même niveau scolaire qu à leurs pairs de même niveau orthographique; 2) environ 16% d entre eux montrent un déficit isolé de la mémoire lexicale orthographique, dont 5% éprouvent une difficulté d encodage; et 3) 11% ont une difficulté de maintien à long terme de l orthographe, tout en ayant de bonnes capacités de traitement phonologiques et visuoattentionnelles. Ainsi, la dyslexie-dysorthographie de surface serait, pour certains d entre eux, la conséquence d une altération du processus orthographique, lequel pourrait avoir pour origine un déficit de la mémoire lexicale orthographique. Une atteinte sélective d un ou des processus de mémorisation entraînerait des formes distinctes de dyslexiedysorthographie. En effet, des difficultés d encodage, de maintien ou de consolidation des représentations orthographiques en mémoire lexicale orthographique nuiraient au développement du processus orthographique et entraîneraient une dyslexie de surface de type mnésique. L enfant présenterait une difficulté à apprendre l orthographe des mots venant toucher plus particulièrement la précision en lecture et en orthographe des mots inconsistants et irréguliers. L orthographe serait plus touchée que la lecture, car dans notre système d écriture, les mots sont plus inconsistants en orthographe qu en lecture (p. ex. le son /o/ du mot bateau peut s écrire de différentes façons, alors que la lettre o ne se lit que d une seule façon).

Si le déficit de mémoire est sévère, il pourrait même entraver le développement du processus phonologique (assemblage ou analytique). L enfant montrerait une difficulté à apprendre les différentes graphies correspondant à chaque phonème, occasionnant ainsi une difficulté à lire et à orthographier de façon phonologique. La dyslexiedysorthographie pourrait alors être qualifiée de mixte (phonologique et de surface). Un deuxième facteur à l origine d une dyslexie-dysorthographie de surface consisterait en un déficit visuoattentionnel (voir le chapitre 3). Ainsi, un déficit de la mémoire lexicale orthographique (encodage ou maintien à long terme) pourrait être à l origine d une dyslexie-dysorthographie développementale (figure 5.4). Figure 5.4 Déficits cognitifs à l origine de la dyslexie-dysorthographie (DD) Déficit phonologique Déficit visuoattentionnel Déficit mnésique (visuo-orthographique DD phonologique et/ou DD visuoattentionnelle et/ou DD mnésique DD mixte Stanké, 12 décembre 2014. UQTR 4 5. Le substrat neuroanatomique de la mémoire lexicale orthographique D un point de vue neuroanatomique, la mémoire lexicale orthographique serait sous la dépendance de l aire dénommée par Cohen (2004) et Dehaene et Cohen (2011), «l aire de la forme visuelle des mots» (AFVM) ou «la boîte aux lettres du cerveau!» (Dehaene, 2011, p. 27) (Dehaene et Cohen, 2011; Kolinsky, Morais, Cohen, Dehaene-Lambertz et

Dehaene, 2014). En effet, ces chercheurs affirment qu au cours de l apprentissage du langage écrit, un réseau neuronal, qui était tout d abord consacré au traitement des stimuli visuels (visages, couleurs, etc.), se «recycle» progressivement dans l hémisphère gauche pour se spécialiser dans le traitement de la forme visuelle des mots (FVM), soit les mots écrits. Plusieurs travaux en imagerie fonctionnelle ont mis en évidence une augmentation de l activation de l AFVM chez les lettrés, qui est proportionnelle aux compétences en langage écrit lors de tâches de lecture et d écoute de mots et de phrases ainsi que des tâches de segmentation phonémique (Dehaene et Cohen, 2011). Tout comme en lecture, l AFVM serait également activée lors de tâches orthographiques (pour une synthèse, Planton, Jucla, Roux et Démonet, 2013; Purcell, Turkeltaub, Eden et Rapp, 2011). L aire de la forme visuelle des mots aurait pour fonction principale d encoder et de stocker les propriétés abstraites de l ensemble des formes visuelles des mots. La mémoire lexicale orthographique pourrait alors être considérée sous la dépendance de ce système neuronal. Cette aire semble correspondre au siège critique des lésions cérébrales responsables de certaines formes de dyslexie-dysorthographie acquises (Gaillard et al., 2006) et développementales (Samuelsson, Bogges et Karlsson, 2000). En effet, une lésion de cette région chez l adulte entraîne une sévère incapacité à lire et à orthographier les mots écrits inconsistants et irréguliers, bien que le traitement d autres formes visuelles (visages, objets, etc.) demeure préservé. Enfin, des données de différentes études suggèrent que l AFVM est une des régions dont l activation fonctionnelle est réduite chez les sujets présentant une dyslexie développementale (Blau et al., 2010; Cao, Bitan, Chou, Burman et Booth, 2006; Kronbichler et al., 2006; Shaywitz, Mody et Shaywitz, 2006).... Encadré 5.1 BR est un élève de 11 ans présentant une dyslexie-dysorthographie. Le garçon est scolarisé en 4 e année (CM1). Une évaluation de ses capacités de mémorisation, de conscience phonologique et d attention, ainsi qu une évaluation de ses compétences en lecture et en orthographe ont été réalisées à l aide de la «batterie analytique du langage écrit» (BALE) (Jacquier-Roux, Lequette, Pouget, Valdois et Zorman, 2010). Les résultats mettent en évidence des scores tout à fait dans les normes aux épreuves de conscience

phonologique, d attention, de mémoire phonologique à court terme (répétition de chiffres endroit et envers) ainsi que de mémoire à long terme d une liste de mots appris à l oral à l issue de trois essais consécutifs (épreuve de mots couplés de l Échelle de mémoire pour enfant (CMS) (Cohen, 1997). À cette dernière épreuve, les résultats de BR le situent dans les normes des jeunes de son âge (scores: 50 e percentile), ce qui suggère qu il parvient à apprendre de nouvelles informations verbales en modalité orale (phonologique) et à les mémoriser à long terme. Il présente donc une bonne capacité de mémoire phonologique à court et à long terme. Ce n est toutefois pas le cas pour les informations verbales écrites. Les résultats du test MLO, évaluant la mémoire lexicale orthographique, montrent que BR parvient pourtant à bien encoder et à apprendre l orthographe des pseudomots. En effet, au premier essai (rappel 1), il n orthographie qu un seul des six pseudomots, mais par la suite, dès le deuxième essai, il parvient à orthographier correctement 5 des 6 pseudomots, score le situant dans la norme des jeunes de son âge (rappels 2 et 3). Toutefois, le rappel différé, réalisé sept jours suivant la phase d apprentissage (rappel 4), est inférieur à ce qu obtiennent ses pairs de même âge chronologique ainsi que de même niveau orthographique; BR montre donc une difficulté à maintenir en mémoire l information apprise. L analyse des erreurs orthographiques montre que le jeune ne parvient pas à mémoriser à long terme les voyelles inconsistantes (qui peuvent s orthographier de différentes façons) qu il avait pourtant réussi à apprendre au cours des trois essais d apprentissage. Par exemple, bien qu il ait réussi à apprendre l orthographe du pseudomot notain, au cours des 2 e et 3 e essais, BR n était plus en mesure de l orthographier une semaine plus tard. Il a écrit notin. Rappel 1 des pseudomots du test MLO

Rappel 2 des pseudomots du test MLO Rappel 3 des pseudomots du test MLO

Rappel 4 des pseudomots du test MLO Cette évaluation met en évidence chez BR un trouble propre à la capacité de la mémoire lexicale orthographique en raison d un déficit du processus de maintien. Ce déficit entraîne une dyslexie-dysorthographie de surface de type mnésique. Il montre donc une difficulté à apprendre l orthographe des mots comportant des inconsistances ou des irrégularités orthographiques, comme en témoignent les résultats de l évaluation de l orthographe à l aide de la BALE (Jacquier-Roux et al., 2010). Résultats de l évaluation de l orthographe à l aide de la BALE

Source: Jacquier-Roux et al. (2010).