Réponse de France Hydro Electricité. à la consultation sur l évolution des mécanismes de soutien aux installations sous obligation d achat 25.02.

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Transcription:

Réponse de France Hydro Electricité à la consultation sur l évolution des mécanismes de soutien aux installations sous obligation d achat 25.02.14

1 Les propositions de France Hydro Electricité Il nous semble essentiel de bien distinguer les objectifs et le mécanisme de soutien : Les objectifs de la filière ont déjà été fixés à 3 TWh nets supplémentaires à l horizon 2020 (3x20 à l échelle européenne, Grenelle de l environnement en France) ils sont pertinents et restent la ligne d horizon pour le développement de la filière. Le mécanisme de soutien doit assurer l atteinte de ces objectifs pour un coût maîtrisé permettant une rémunération normale des capitaux investis. Pour la petite hydroélectricité, l atteinte des objectifs est déjà complexe dans la situation actuelle : Forte sensibilité à l incertitude réglementaire et administrative du fait des temps de développement particulièrement long ; Augmentation forte des contraintes réglementaires et environnementales qui renchérissent le coût des projets ; Diminution du potentiel de développement (-72% du fait du classement des cours d eau) et diminution de la production avec l augmentation des débits réservés (~ -15%). Pour la petite hydroélectricité, l enjeu d évolution du mécanisme de financement n est pas de contrôler un développement qui restera quoi qu il arrive maîtrisé. Cette singularité appelle à un soutien spécifique pour la petite hydroélectricité afin de lui permettre d atteindre les objectifs dans un environnement déjà fortement contraint. Dans ce contexte, France Hydro Electricité propose : N Proposition 1 Le maintien du tarif d obligation d achat pour les capacités inférieures à 5 MW, seul schéma permettant d assurer une visibilité de long terme indispensable au financement du projet. Le modèle de la petite hydroélectricité (prédominance des investissements, temps de retour très long) est incompatible avec une exposition à un risque marché. 2 L organisation d appels d offres nationaux sur les zones propices au développement, portant sur une prime ex-post pour les installations de plus de 5 MW, pourrait permettre d engager des développements à conditions qu ils facilitent les démarches administratives une fois le projet sélectionné. 3 La stabilisation d un cadre pérenne et lisible permettant de réduire le risque réglementaire et donc les coûts : 4 L activation de vrais leviers de coûts : La fin de la quote-part des S3REnR pour la petite hydroélectricité. Les S3REnR organisent un transfert de coûts du gestionnaire de réseau vers les producteurs et ne respectent pas le principe du shallow cost, renchérissant indûment le coût des projets. La simplification et l accélération des procédures afin de lever les barrières administratives : création d un permis unique d aménagement (fusion des autorisations au titre du code de l environnement et code de l urbanisme, énergie, défrichement, réserves naturelles) Instruire au niveau régional les dossiers hydroélectriques et confier ce rôle aux DREAL (pôles Energie). L instruction des services se ferait alors dans une logique positive de résultats énergétiques. Une procédure de ce fait bienveillante allégerait le coût pour la collectivité. 2 /12

5 L exploitation du potentiel d intégration au système électrique sans confondre mécanisme de financement, intégration au marché et services au réseau L effort d intégration au système doit être concentré sur la boucle locale d énergie où se situe le potentiel d intégration de la petite hydroélectricité. A court et moyen terme, la déconnexion en période de prix négatifs de la petite hydroélectricité, qui n est pas responsable de cette situation, n est pas pertinente. A long terme (si apparition massive de prix négatifs) un service d effacement de production rémunéré au prix de l obligation d achat majoré d un premium (coûts d investissement additionnels, coûts de transaction) pourrait trouver une pertinence économique. La priorité d injection a un sens économique et environnemental pour une énergie fatale (facilitant à plein l utilisation de nos ressources énergétiques) et n a pas à être remise en cause. Sur la participation aux services d équilibrage du réseau (Marché d Ajustement): Cette mesure pourrait être envisagée si elle est adaptée techniquement à chaque filière et à la condition que l on rémunère le service rendu. 6 La diminution de la pression fiscale : il convient de clarifier l assiette des impositions locales (entre immobilisation affectées à la production d énergie et immobilisation foncières) et d exonérer de taxe foncière les nouvelles centrales de façon temporaire. 7 La mise en place d un marché du carbone efficace et représentatif des externalités négatives des centrales conventionnelles, afin d évaluer à son juste niveau le calcul des «coûts évités» et diminuer le coût de la CSPE pour les consommateurs. 2 La filière de la petite hydroélectricité La petite hydroélectricité, correspondant aux installations hydrauliques de moins de 12 MW, totalise actuellement 2178 MW pour 7 TWh soit 10% de la production hydroélectrique française et 1,5 % de la production nationale totale. Cela représente plus de 3000 heures à pleine charge. Les 1870 usines de production décentralisées assurent à la petite hydroélectricité un ancrage local fort. Elle est directement liée à son environnement rural et montagnard de part les enjeux cruciaux de la gestion partagée des cours d eau. La filière est une source très importante de revenus, souvent même la plus importante, pour les collectivités locales avec une redistribution de la valeur créée dans la vallée. Cette filière est autant portée par des petites entreprises indépendantes ou des collectivités locales que par les grands énergéticiens français. Dans son ensemble, la filière hydraulique est porteuse d emploi en France, avec 20 000 emplois 1 directs, indirects et induits. La petite hydroélectricité ne représente que 2,5% du coût des énergies renouvelables dû à l obligation d achat (OA) 2 pour 13,5% de l énergie en OA. Cela représente ~1 /an sur la facture d un foyer 3 en 2013 avec un impact inchangé à horizon 2020 (compte tenu des sites sortant d OA). Elle n a aucune responsabilité dans l augmentation de la CSPE. C est une filière en développement raisonné avec un objectif de 1,5 TWh annuels supplémentaires d ici à 2020 : la petite hydroélectricité peut fournir 50% des objectifs hydroélectriques Grenelle ou de la PPI de 2009. 1 Etude SER/BIPE 2013 2 CRE, Charges prévisionnelles au titre de l année 2013 relatives à la CSPE, Zones non Interconnectées inclues, avec 54 /MWh de coût évités 3 Pour une consommation résidentielle de 132 TWh pour 31 millions de sites résidentiels (CRE 2013) 3 /12

3 Le marché électrique connait des difficultés, mais ces événements sont largement indépendants du développement des énergies renouvelables en France 3.1 Une situation de surproduction expliquée par : La crise économique, qui a réduit fortement la consommation par rapport aux prévisions. Ainsi, la consommation de 2012 était prévue à 500,2 TWh en 2007 et fut finalement 4 inférieure de ~20 TWh (Annexe 7.1). La diminution des exportations d électricité : RTE prévoyait en 2007 une exportation de 67,4 TWh pour 2012. Le chiffre réel fut inférieur de ~20 TWh. Cette diminution peut s expliquer principalement par la compétitivité des centrales au charbon et la hausse de leurs productions en Allemagne (Annexe 7.4), la crise économique, le déploiement beaucoup plus massif des énergies renouvelables outre-rhin. L évolution des conditions du marché, avec l essor des gaz de schistes américains qui ont fortement diminué le prix du charbon sur le marché européen. Combiné à la chute du prix du carbone, cet effet a considérablement avantagé les centrales au charbon aux dépens des centrales gaz, comme le montre l inversion du CSS et du CDS 5 entre 2009 et 2013 (Annexe 7.3). Des investissements dans les capacités conventionnelles : 5 GW de capacités conventionnelles de base ou semi-base ont été construites entre 2007 et 2012, dont 3,4 GW de cycles combinés gaz (Annexe 7.2) Parmi ces dynamiques, le développement des EnR est un facteur très secondaire (voire questionnable car les objectifs de développement étaient déjà connus en 2007). En particulier, le développement de la petite hydroélectricité est d un ordre de grandeur inférieur aux volumes déterminant de l équilibre offre/demande. Quant au bilan en puissance, la situation actuelle de surcapacité pourrait ne pas perdurer : RTE prévoit un retour à une marge nulle de la capacité par rapport au besoin à partir de 2017. Cela inclut notamment la fermeture de Fessenheim. De plus, le programme politique actuel de réduction de la part nucléaire à horizon 2025 pourrait augmenter le besoin de capacité après 2017. Or, c est à ces horizons 2017/2020 que tout changement des mécanismes de financement aura un impact compte tenu des durées de développement d un projet. 3.2 Des imperfections de marché : Les volumes sur le marché représentent seulement 33% de la demande totale et une production particulièrement concentrée avec un HHI de 8458 6. La liquidité du marché de gros est limitée et se réduit : les marchés ont enregistré une baisse de ~20% de leurs volumes échangés entre 2010 et 2012 7. Le marché n est pas parfait. Ainsi, il est biaisé notamment par l ARENH (Voir Annexe 7.5) qui permet aux fournisseurs alternatifs d obtenir jusqu à 100 TWh au prix régulé de 42 /MWh. En 2012, environ 60 TWh ont ainsi été soustraits du marché de gros. La liquidité du marché de détail est aussi très faible, avec la prédominance des TRV bleus, jaunes et verts : 70% de la consommation finale française (420 TWh) est réalisée aux tarifs réglementés en septembre 2013 (CRE), et ce taux monte à 90% pour les petits sites aux tarifs bleus qui vont se maintenir après 2015 (seul marché en croissance 8, pour l opérateur historique). 4 Consommation intérieure corrigées des aléas météorologiques 5 CSS : Clean Spark Spread, CDS : Clean Dark Spread. 6 HHI : Herfindahl-Hirschman-Index : L indice HHI est égal à la somme des carrés des parts de marché des intervenants. Un HHI de plusieurs milliers témoigne d un marché particulièrement concentré 7 CRE 2013 : Fonctionnement des marchés de gros de l électricité, du CO 2 et du gaz naturel 8 2,07% TCAM pour les < 36 kva contre -1,95% TCAM les autres (entre 2011 et 2013) 4 /12

3.3 Des imperfections structurelles : Outre les conditions de marché, c est la structure «pur-énergie» qui, si elle est efficace pour envoyer des signaux d arbitrage court terme, est remise en cause pour sa faible capacité à stimuler certains investissements : La résolution de contraintes réseau sans développement du réseau semble difficile. Ex : la centrale cyclecombiné de Landivisiau a été financée par le biais d un appel d offre. Les investissements très capitalistiques à coût marginal d exploitation faible. Par exemple, le «Contract for Difference» de Hinkley Point C, obtenu par EDF pour une future centrale nucléaire, est un mécanisme de prime ex-post (prix de référence de ~110 /MWh), démontrant la nécessité de garanties pour le financement de ces projets. Le développement des mécanismes de capacité vise à apporter une solution à la garantie de fourniture. A titre d illustration, plusieurs plaques électriques ont fait le choix d un marché de capacité bien avant que les énergies renouvelables n apparaissent de manière significative sur leurs réseaux : PJM (premier mécanisme en 1999, réformé en 2007), NYSIO, ISO-NE (2008). France Hydro Électricité partage le constat d une situation délicate du marché de l électricité français. Cependant, France Hydro Electricité ne considère pas que les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables et en particulier à la petite hydroélectricité soient la cause de cette situation et ne partage donc pas l intérêt d une exposition plus grande des EnR au marché 4 Un potentiel pour développer l intégration de la petite hydroélectricité au système électrique existe à l échelle locale, mais il n est pas du ressort du mécanisme de financement En préambule, rappelons que le renforcement du réseau peut être une alternative pertinente aux services délivrés par la production, d un point de vue économique pour la collectivité. La petite hydroélectricité contribue déjà au réseau électrique local de manière automatique (ex : réduction des pertes sur les réseaux amonts du fait de la proximité avec la consommation) et au travers de la livraison de réactif, essentielle pour la bonne gestion du plan de tension sur le réseau de distribution. Le Dispositif d Echange d Informations d Exploitation (DEIE) est un autre exemple de la participation active de la petite hydroélectricité au réseau local. Cette contribution sera amenée à se développer avec les concepts de Smart Grids ou de Boucle Locale de L Energie. Néanmoins, l intégration de la petite hydroélectricité au système électrique doit tenir compte de ses spécificités : La production reste principalement conditionnée par le débit de la rivière. Certaines installations, en particulier les nouvelles, disposent de flexibilités par télécommande. L utilisation de ces flexibilités fait face à des contraintes spécifiques. La capacité de modulation est réduite par l interdiction du marnage 9 dans le cahier des charges alors qu elle est techniquement possible. L arrêt instantané de la production d une centrale provoque une variation de débit dans la rivière qui pose des problèmes de sécurité des personnes, et soulève des questions complexes de responsabilité des acteurs contrôlant à distance les centrales. Elle est non-intermittente, avec une production stable, et intègre naturellement «l inertie» des masses en rotation turbine alternateur, précieuse pour le réglage en fréquence. Elle est mieux prévisible que d autres technologies (~5% à J-1), dans la mesure où les débits sont relativement stables. Elle peut dépendre de l activation des barrages de type lac en amont, qui sont normalement corrélés au signal du marché et à l état du réseau. Le tarif H07 valorise d ailleurs la régularité de la production 9 Le marnage est la variation des niveaux de l eau 5 /12

(«MQ») et la contribution à la pointe (composantes du tarif). Enfin, les maintenances sont nécessairement placées lors de l étiage, qui correspond à une période de faible consommation sur le système électrique 10 et de faible prix. Les installations sont de faibles puissances, 1 MW de moyenne, et majoritairement raccordées au réseau de distribution et positionnées au plus près de la consommation, près des bassins industriels historiques. Dans la mesure où la plupart des services au réseau sont hors marché (Services systèmes, RE ), la modification des mécanismes de financement ne changerait rien. D ailleurs, on peut noter que la gestion technique des 450 MW de centrales qui ne sont plus sous obligation d achat est identique à celles sous obligation d achat. La modification du système de financement n aura aucune incidence sur l intégration au système électrique mais remettrait en cause les fondations du modèle économique de la filière. Compte-tenu des spécificités de la petite hydroélectricité, France Hydro Electricité considère que le développement de l intégration au système électrique pourrait être pertinent uniquement pour les mesures relevant d abord d une optimisation locale (ex : gestion locale du plan de tension). Concernant le système électrique national : Sur la déconnexion des installations lors d épisodes de prix négatifs : France Hydro Electricité considère que pour la petite hydroélectricité, une telle mesure ajouterait une couche de complexité sans générer de réel impact sur l équilibre offre/demande. La déconnexion, lors de prix négatifs, des centrales de petite hydroélectricité représenterait au maximum quelques centaines d euros par installation 11. Cela ne justifie pas l investissement et les coûts de transactions liés à une telle mesure. Par ailleurs, le besoin national qu exprime un prix négatif n exprime pas un besoin local. A long terme (apparition massive de prix négatifs) un service d effacement de production rémunéré au prix de l obligation d achat majoré d un premium (coûts d investissement additionnels, coûts de transaction) pourrait trouver une pertinence économique. Sur la priorité d injection : Pour une énergie fatale, cette priorité d injection fait sens d un point de vue économique et environnemental tant que le prix est supérieur à zéro (voire un seuil négatif si l on intègre les externalités), c'est-à-dire 99,9% du temps. La suppression de cette priorité pourrait entrainer un véritable gaspillage énergétique. Sur la participation aux services d équilibrage du réseau (Marché d Ajustement) : Cette mesure pourrait être envisagée si elle est adaptée techniquement à chaque filière et à la condition que l on rémunère le service rendu. Sur les services systèmes : Aujourd hui, les centrales raccordées au Réseau Public de Distribution (sous obligation d achat ou pas) n entrent pas dans le cadre des services systèmes (les obligations pesant sur les sites à partir de 40 MW). Comme pour l équilibrage, cette participation pourrait être envisagée si elle est pertinente technico-économiquement et rémunérée. La petite hydroélectricité est déjà intégrée au système électrique dans la mesure des possibilités actuelles, des contraintes propres à ces installations et des règles techniques actuelles. France Hydro Électricité considère que la priorité d injection est inhérente au caractère des EnR, et que la déconnexion des installations n est pas pertinente compte tenu de leurs spécificités et tant que le réseau n est pas renforcé. France Hydro Electricité a la conviction que le potentiel d intégration de la petite hydroélectricité dans le système électrique se concentre à l échelle locale (gestion locale du plan de tension, gestion de la charge du poste source, etc.), sur le Réseau Public de Distribution. 10 L étiage correspond au moment de l année où le débit de l eau est le plus faible statistiquement, généralement entre miaoût et mi-octobre 11 Cette évaluation considère que l ensemble de la filière de petite hydroélectricité (2178 MW), au facteur de charge moyen de 37%, s arrête lors des 15 heures à prix négatif (nombre en 2013) pour un prix négatif moyen de -72,8 /MWh, économisant ainsi la valeur négative de l énergie qui aurait été produite, correspondant au produit de la production et du prix. Ce bénéfice est ensuite ramené au site moyen (1870 sites en France) 6 /12

5 Le soutien aux énergies renouvelables dépend du format du soutien, de la méthode de révélation du prix et de la durée du contrat Le mécanisme de soutien peut être défini sur trois dimensions quasi indépendantes : Le format du soutien : tarif de rachat, prime ex-post, prime ex-ante, certificats verts. La méthode d identification du prix : appel d offre, actualisation en fonction du volume, par analyse des coûts de la filière. La période de versement : sur 1 an, sur 20 ans (comme le contrat H07) voire plus. Toute évolution du mécanisme de soutien aura entre autres un impact sur les garanties demandées au producteur pour financer le projet. Malgré l obligation d achat, les garanties demandées aux petits développeurs indépendants sont déjà très importantes : nantissements sur des parts, sur le matériel, sur l obligation d achat elle-même ; caution personnelle du porteur de projet, baux emphytéotiques, etc. de plus en plus souvent, les banquiers exigent un cofinancement de la BPI pour accorder leur prêt, ce qui engendre des coûts supplémentaires de syndication. Il faut d ailleurs noter la frilosité de la BPI ellemême dans le financement des projets et des garanties demandées. L hydroélectricité est une activité très capitalistique qui n entre pas dans les canons de la finance actuelle, qui exigent des retours sur 3 à 4 ans. 5.1 Le format du soutien 5.1.1 Tarifs d achat Les tarifs d achat permettent de fournir une visibilité de long terme pour le producteur qui est déjà exposé à des risques volume, industriels, administratifs et réglementaires. Cette visibilité est indispensable pour obtenir les financements nécessaires au porteur de projet et donc au développement de la filière. C est particulièrement vrai pour les petits investisseurs qui, comme les collectivités territoriales, n investiront pas sans garantie de l Etat sur un tarif d achat long terme qui permette la rémunération normale de ce type de projet très capitalistique : Ils n ont pas de mutualisation du risque quand ils portent un projet. Les garanties bancaires demandées engendrent un coût important (pas de «garantie maison mère»). Sans tarif d obligation d achat, ces petits investisseurs, auxquels les élus sont très attachés pour maintenir un tissu économique local, disparaitront, mais ne seront pas forcément remplacés par des acteurs plus importants (projets en dessous de leurs seuils d investissement, non compatibles avec leurs coûts de structure ). France Hydro Electricité est favorable au maintien des tarifs d achats fixes sur les puissances en dessous de 5 MW 12. En effet, la visibilité qu ils offrent et la réduction des barrières à l entrée pour les petits porteurs permettent à la petite hydroélectricité de poursuivre son développement dans les objectifs du Grenelle de l environnement. Un seuil trop faible pourrait avoir des effets néfastes spécifiques à la petite hydroélectricité : les installations n étant pas modulables, cela pourrait inciter les porteurs à diminuer la taille des installations pour bénéficier du tarif d obligation d achat, tout en diminuant le potentiel capté. Le potentiel de développement de la petite hydroélectricité étant aujourd hui de 1,5 TWh environ, il n est pas à craindre d inflation de la CSPE du fait du maintien de ces tarifs d achat, qui permettraient toutefois la réalisation d une grande majorité des projets. 12 Seuil évoqué par la DG Compétition de l UE pour l éolien 7 /12

5.1.2 Prime ex-post : La prime ex-post est semblable au tarif d obligation d achat, dans la mesure où elle assure un financement stable au producteur, en l exposant à un risque marché limité pouvant tout de même atteindre jusqu à ~10 /MWh 13. Cette prime existe en Grande Bretagne (ex : Hinkley Point C) et en Allemagne. Elle n en est pas moins une rupture imposant la vente de l électricité produite sur les marchés. Les exploitants de petite hydroélectricité connaissent bien les impacts de cette commercialisation, avec 450 MW de centrales existantes qui vendent leur production sur le marché depuis plus d un an. Ce mécanisme pourrait défavoriser les plus petits acteurs ne bénéficiant pas de compétences marchés, d effet d échelle et de foisonnement. Malgré le recours à des acteurs de marché, la prime ex-post (comme la prime ex-ante et l appel d offre) multiplierait les coûts de transactions (coûts de commercialisation, de gestion des contrats avec les acteurs de marché, et les coûts administratifs), compte tenu du nombre d installations de petite hydroélectricité. Cela diminuerait notablement l efficacité du mécanisme de soutien. En dessous de 5 MW, ce risque lié à la performance de la commercialisation n est pas supportable pour un petit producteur qui n a pas les compétences pour agir sur le marché. France Hydro Electricité considère que seules les centrales de plus de 5 MW pourraient être soutenues par une prime ex-post sans remettre en cause le développement de la filière. 5.1.3 Prime ex-ante : La prime ex-ante, expose complètement le producteur au risque marché. Or, le producteur n a une vision du marché qu à court terme (~3 ans) tandis que la durée de réalisation du projet est d une dizaine d années pour une durée d amortissement parfois supérieure à 20 ans. Compte tenu du risque, cette prime réduirait fortement le levier de la dette pour de tels projets. A moins que cette prime soit versée intégralement en début de projet, et très élevée (>50% du LCOE, ce qui impliquerait une hausse de la CSPE), ce mécanisme de financement condamnerait le développement de la petite hydroélectricité. 5.1.4 Certificats verts associés aux quotas : Même si ce type de mécanisme est souvent lié à une approche de neutralité technologique favorable à la petite hydroélectricité, France Hydro Electricité juge ce mécanisme complexe et peu adapté aux projets sur le long terme. En effet, ce mécanisme crée deux risques distincts qui se cumulent : le risque de marché, déjà soulevé par la prime ex-ante, et le risque de la valeur des certificats verts, rendant très incertaine la valorisation de l énergie renouvelable. Ces deux risques ne sont pas adaptés aux projets de petite hydro-électricité. France Hydro Electricité juge indispensable le maintien des tarifs d obligation d achat pour les installations de moins de 5 MW. Pour les centrales de plus de 5 MW, seule la prime ex-post pourrait remplacer les tarifs d obligation d achat sans paralyser le développement. 5.2 Révélation du prix Le prix du soutien aux EnR (tarif de rachat ou montant de la prime) peut être déterminé par un appel d offre ou par une analyse des coûts de la filière pour assurer une juste rémunération au porteur du projet. L appel d offre n est pas adapté à la petite hydraulique : cette procédure ne serait compatible ni avec la taille des acteurs et leurs possibilités de montage et de financement des dossiers d appels d offres, ni avec l obligation de maîtrise foncière des terrains. Le coût des études (techniques, environnementales, enquêtes publiques) à réaliser en amont du chiffrage est très élevée : 10 à 12% du coût total. Les projets sont complexes et longs comparés aux autres énergies. Cela nécessite une garantie d obtenir un financement si le projet est pertinent. 13 Ecart de revenu de la vente d électricité sur le future Cal-15 en base entre le vendeur au meilleur prix et le vendeur au moins bon prix entre juin 2012 et janvier 2014. Source : EEX 8 /12

S ils sont retenus pour de plus grandes puissances (> 5 MW), les appels d offres nationaux ou régionaux, réalisés sur les zones identifiées comme propices au déploiement (cours d eau non classés au titre de la loi sur l eau), pourraient permettre de révéler les coûts réels des projets. La volonté de l Etat ainsi affichée permettrait en outre d améliorer et d accélérer l instruction des projets. De tels appels d offres devront garantir l équité de traitement entre les porteurs de projets de taille différente. A l inverse, la filière de la petite hydroélectricité étant mature, sa structure de coûts est connue. Il est donc possible, sous réserve de mettre à jour régulièrement les coûts des matières premières, les coûts environnementaux et de raccordement, de se baser sur des coûts de référence, et d appliquer les méthodes actuelles d analyse comptable pour fixer le tarif. Contrairement à d autres technologies, un tarif incitatif n induirait pas un développement incontrôlé ou une bulle : cela protège la collectivité d une dérive des coûts. Enfin, le marché des garanties d origine doit être développé. Il est nécessaire de préciser, lors de la révélation du prix, si la valeur de ces garanties est inclue dans le tarif garanti, ou si elle est valorisable sur un marché qui gagnerait à s étoffer pour mieux fonctionner. 5.3 Durée du soutien Une durée de soutien pendant 20 ans est indispensable pour assurer la rentabilité normale de projets très capitalistiques, dont la durée de vie est longue. Il permet le développement de la filière sans peser significativement sur la CSPE. 6 Les enjeux de la transition Du point de vue de France Hydro Electricité, les problèmes constatés sur les marchés de l électricité ne seront pas résolus par le changement de mécanisme de soutien. En revanche, une profonde modification pourrait avoir des conséquences négatives sur le développement de la petite hydroélectricité. Il convient également de ne pas fragiliser le développement des projets en cours par une transition qui serait facteur d instabilité. Une transition différée est nécessaire : la durée de développement des projets hydroélectriques (~10 ans) impose le maintien des règles actuelles jusqu à la finalisation des projets en cours, pour ne pas remettre en cause l objectif 2020 qui se joue aujourd hui. Les temps de développement de la petite hydroélectricité assurent au législateur une stabilité de la situation actuelle et lui permet cette transition sur le long terme sans risque financier pour la collectivité. La transition doit garantir : La définition au plus vite du futur dispositif ; La mise en œuvre différée pour que les projets déjà lancés puissent se réaliser dans le cadre actuel ; D éviter tout système transitoire facteur d instabilité. Quels que soient les choix retenus, ils ne seront pas rétroactifs. Pour tout contact : France Hydro Electricité 66 rue La Boétie 75008 Paris Tél. 01 56 59 91 24 jm.levy@france-hydro-electricite.fr 9 /12

7 Annexes 7.1 La croissance de la consommation a subie une rupture nette en 2009 avec la crise économique (graphique RTE BP 2013) 7.2 Pourtant, la mise en service des centrales classiques s est poursuivie, sur des actifs gaz principalement (graphique RTE BP 2012) 7.3 Les conditions de marchés sont devenues défavorables au centrales gaz, au profit des centrales charbons en 2010 10 /12

7.4 Le marché allemand est en difficulté, mais c est la hausse de la production du charbon qui empêche les centrales gaz de produire (source : Fraunhofer ISE) Evolution de la production d électricité (en TWh) entre 2012 et 2013 en Allemagne 7.5 Le marché français n est plus aligné sur le marché Allemand depuis 2012. 11 /12

Ecart de prix France- Allemagne 12 /12