Étude d'une œuvre. Bassin au Havre. Albert MARQUET (Bordeaux, 1875 - Paris, 1947) Fiche technique. Description et analyse de l'œuvre



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Transcription:

Étude d'une œuvre XX e siècle / Fauvisme Bassin au Havre Albert MARQUET (Bordeaux, 1875 - Paris, 1947) Fiche technique Description et analyse de l'œuvre Bassin au Havre Albert Marquet (Bordeaux, 1875 - Paris, 1947) Daté de 1906 Huile sur toile. H. 65 ; L. 80,5 cm Composition du tableau Le premier plan, qui occupe les deux premiers tiers de la hauteur du tableau, représente l'eau du bassin dans laquelle se reflètent des lampadaires et des bâtiments. Cette eau est enfermée par les quais. Elle est relativement calme mais pas totalement immobile puisque les reflets y sont fortement ondulés. Le deuxième plan forme un arc de cercle, constitué des quais du bassin en légère oblique, reliés à peu près au centre du tableau par la double ligne horizontale d'un pont et de son ombre. Les bâtiments à gauche sont à l'ombre, très sombres. On distingue mal leurs portes et fenêtres. Complètement à gauche du quai, on remarque un bateau de pêcheur. À droite de ces bâtiments, juste à gauche du pont, on distingue quelques personnages réduits à des points noirs. À l'opposé, le quai droit, très éclairé, semble désert. En arrière-plan, derrière le pont, on aperçoit une mince bande de mer. Le ciel occupe le tiers supérieur du tableau. Il est bleu et s'éclaircit vers l'horizon. Couleurs du tableau La palette de couleurs est plutôt douce, les tons bleu, mauve, saumon et violet dominent en un camaïeu. On remarque cependant quelques touches de vert entre le pont et son ombre, ainsi que du rouge orangé en bas des bâtiments à droite du tableau. La lumière est douce, diffuse, s'éclaircissant au centre du tableau dans des tons blanc rosé. Le ton rosé des bâtiments à droite peut laisser penser que nous sommes au petit matin. 1906 est pour Marquet une année charnière dans l'utilisation de la couleur. Après avoir peint à ses débuts dans des tons atténués, des harmonies pâles de blanc, de gris et de beige, Marquet adopte une palette beaucoup

plus vive, éclatante, parfois stridente qu'on peut qualifier de fauve (voir le tableau de 1901, La Percaillerie). En 1906, il revient à des teintes plus douces et à une palette réduite (mauve, saumon, rose délicat, violet et beige) sans pour autant abandonner les couleurs vives. Ainsi, la même année que Bassin au Havre, il utilise pour Les Affiches à Trouville (conservé au Museum of Modern Art, New York) du bleu et du jaune purs, disposés en contraste très appuyé avec des ombres vivement colorées. Même chose dans le tableau Le 14 juillet au Havre (conservé au musée de Bagnols-sur-Cèze) où éclate le rouge des drapeaux. Touche, matière Les traces de brosse sont nettement visibles, notamment au premier plan où, pour figurer l'eau du bassin, s'entremêlent de courtes et rapides traces horizontales et oblique. Les traces de brosse du ciel sont moins nettes mais bien visibles de près. La couche de matière est plutôt mince, laissant à l'extrême droite du tableau clairement voir la trame de la toile qui n'a pas été recouverte d'un apprêt. Les lampadaires ont été peints d'un coup de brosse rapide, à main levée, d'un trait d'une épaisseur variable et ne couvrant pas toujours le bleu du ciel, ce qui crée des effets de lumière suivant l'endroit d'où l'on observe le tableau. On remarque cependant quelques empâtements, notamment sur les bâtiments du quai de droite. Une représentation synthétique, un art de la concision Le graphisme de Marquet est rapide, parfois sommaire. Il simplifie les formes, en dégage les éléments essentiels, les lignes expressives, n'hésitant pas à fausser la perspective pour renforcer l'impact visuel du motif. Il privilégie les éléments rectilignes dans un esprit géométrique. Il répète les formes et condense les motifs. Il supprime les détails superflus, l'anecdotique et le narratif. Les bâtiments le long des quais sont cernés d'un trait sombre, noir, gris ou violet à la manière fauve. De petites traces de brosses figurent les portes et fenêtres. Il s'agit d'une vision subjective, d'une recomposition. La représentation est synthétique, concise. Marquet évacue les détails et l'anecdotique pour offrir une vision subjective, recomposée du bassin, unique sujet du tableau. Un tableau fauve? On ne retrouve pas dans ce tableau les couleurs pures et les contrastes violents des fauves parmi lesquels on classe Albert Marquet. Les couleurs sont rompues, nuancées, plutôt locales mis à part les quelques touches de vert et de rouge orangé. Même si elles ne sont pas complètement réalistes, elles ne sont pas non plus arbitraires et totalement détachées de leur sujet comme le sont souvent les couleurs d'autres fauves comme Derain ou Matisse. Marquet est en effet le «moins violent» des fauves. Hormis les couleurs, ce tableau est toutefois caractéristique de la manière fauve par sa volonté de simplification, son exécution rapide, sa touche visible, nette, vibrionnante, sa manière d'indiquer les reflets, l'importance des lignes sombres par lesquelles le pinceau cerne les contours. On pourra comparer ce tableau à un autre tableau de Marquet présent au musée des Beaux-Arts et situé juste à côté, La Percaillerie, œuvre de 1901. Il s'agit d'un paysage de bord de mer, aux tons jaunes, ocres, terre contrastant fortement avec le bleu-vert intense de la mer. Les formes, très simplifiées, sont cernées d'épais traits bruns. La matière est beaucoup plus épaisse que dans Bassin au Havre, on peut y voir de nombreux empâtements. Marquet, peintre de l'eau L'eau est le motif le plus fréquent des tableaux de Marquet. Celui-ci préfère les sites industriels aux lieux de villégiature, les activités portuaires aux loisirs balnéaires. Ses motifs de prédilection sont les grues tournantes, les ponts transbordeurs, les docks, les entrepôts, les quais et les jetées, les pontons et les embarcadères, les bassins et les rades, les canaux, les chenaux. La vie y est suggérée par quelques détails simplifiés, loin du pittoresque : embarcadères, panaches de fumée, silhouettes, mâts.

Quand Marquet s'installe dans un port, il choisit une chambre d'hôtel qui lui offre une vue plongeante sur celui-ci. Il peint aussi parfois depuis une colline, un jardin en hauteur, une terrasse, un balcon, toujours en retrait du monde actif, souvent en vue plongeante. Le surplomb lui présente les rives du fleuve ou les quais du port en ligne oblique, oblique qui est l'axe autour duquel s'organisent à la verticale les lignes secondaires des mâts, des réverbères, des cheminées, des grues, des bâtiments et à l'horizontale les lignes des ponts, toits, péniches, navires. Les ports de Marquet, ou du moins les portions qu'il en représente, sont presque toujours clos (Vieux Port de Marseille, port de La Rochelle) ou encombrés et étranglés (Alger, Rotterdam, Hambourg). Le port, en effet, n'est pas, dans la peinture de Marquet, un point de départ pour l'évasion et l'aventure. Les embarcations y sont le plus souvent amarrées et les passants rares. Ce qui l'intéresse dans ce lieu, c'est l'enchevêtrement des lignes, des bâtiments et des quais et les contrastes de valeur en présence de l'eau. Celle-ci est la masse autour de laquelle tout s'ordonne mais aussi un lieu de mouvement où se reflète la lumière. Elle n'est jamais agressive et remplit l'espace de sa masse calme, de ses ondes et de ses reflets. La profondeur spatiale peut être accentuée par un bateau qui passe au loin, un pont ou une jetée qui traverse l'étendue liquide. L'horizon est souvent fermé par un arrière-plan bouchant la vue par des constructions ou des montagnes parfois percées d'une trouée, ce qui accentue l'effet de profondeur.

Biographie de l'artiste 1875 : naissance à Bordeaux. Dessine dès l'enfance. 1890 : arrivée à paris, inscription à l'école nationale des Arts décoratifs. 1891 : y rencontre Henri Manguin et Henri Matisse qui devient son ami pour la vie. 1894 : Marquet et Matisse entrent à l'école Nationale des Beaux-Arts. 1895 : ils sont accueillis à l'atelier de Gustave Moreau qui leur donne des cours et des conseils. 1898 : Matisse et Marquet travaillent à ce qu'on appellera plus tard la manière fauve : exaltation de la couleur pure et de sa vibration. 1899-1900 : ils collaborent tous deux à la décoration du Grand Palais à l'occasion de l'exposition universelle. 1901 : première participation, aux côtés de Matisse, au Salon des Indépendants présidé par Paul Signac. Marquet est remarqué par la critique pour son emploi des couleurs pures. 1902-1905 : expose dans des galeries et au premier Salon d'automne. 1904 : en juin, peint des régates à Fécamp. 1905 : voit son confort financier assuré par un contrat d'exclusivité signé avec le galeriste Eugène Druet. Débute sa période voyageuse par la Provence. Expose au Salon d'automne aux côtés de Camoin, Derain, Dufy, Manguin, Matisse et Vlaminck. Leurs toiles sont très colorées, les tons violents sont inspirés des paysages vus dans le Midi et transcrits en grands aplats de couleur pure. Le critique Louis Vauxcelles les qualifie péjorativement de «fauves». Marquet peint une série de vues de la Seine. 1906 : du 14 juin au 14 juillet, Marquet séjourne au Havre à l'hôtel du Ruban bleu avec Raoul Dufy sur les conseils de Charles Camoin. C'est là qu'il peint Bassin au Havre. Tous deux peignent le 14 juillet au Havre, et le déploiement des drapeaux dans la rue marqués dans les tableaux par des rouges purs. Ils explorent les environs, suivant le rivage. Ils peignent à Fécamp, Dieppe, Sainte-Adresse. Au Salon d'automne, Marquet expose avec les autres fauves. Son tableau Le Port de Fécamp reçoit d'excellentes critiques et est acheté par l'état. 1907 : Marquet expose pour la première fois seul à Paris. Les critiques sont bonnes, son succès grandissant. 1908-1914 : la plupart des fauves abandonnent leurs couleurs violentes pour des teintes plus austères et des recherches de stylisation d'où va sortir le cubisme. L'art se Marquet se transforme aussi mais reste à l'écart de ces voies nouvelles. Les couleurs vives laissent place à des harmonies plus sourdes, parfois des camaïeux de bruns. Son thème principal est le paysage d'eau, fleuve ou port. Le succès se confirme et permet à Marquet de voyager : Naples, Hambourg, Honfleur, Tanger, Collioure, Rouen. 1914-1920 : réformé pendant la première Guerre Mondiale. Passe ses hivers à Marseille où il peint le Vieux Port de son atelier. L'été, il revient sur les bords de la Marne ou de la Seine. Il s'oriente vers une palette plus nuancée. 1920-1939 : Paris et Alger deviennent les deux pôles de sa vie. Il séjourne en Tunisie, en Norvège, Égypte, Espagne, Roumanie, URSS, Maroc, Italie et Suisse. En 1934, Marquet peint à nouveau au Havre : Le Port du havre et Les quais, Port au Havre. 1940-1947 : il se réfugie à Alger pendant la guerre et y peint. Il retourne à Paris en 1945 et y décède en 1947.

REPÈRES Le Fauvisme Ce mouvement pictural français, né entre 1894 et 1897 par la rencontre de jeunes artistes dans l'atelier du symboliste Gustave Moreau à l'école des Beaux-Arts de Paris, s'affirme au Salon d'automne de 1905 et s'éteint en 1907. Créé en 1903 au Petit Palais, le Salon d'automne a un double objectif : offrir des débouchés aux jeunes artistes et faire découvrir l'impressionnisme et ses prolongements à un public populaire. 1905 marque le basculement du Salon vers le modernisme : un quart des sociétaires de l'association chargée de la mise en place du Salon en 1904, plutôt conservateurs, sont éliminés, en faveur d'artistes élèves de Gustave Moreau, plus tournés vers les avant-gardes. Le jury décide de favoriser l'originalité sur l'«impressionnisme édulcoré». Le Salon compte dix-huit salles. C'est la salle VII, placée au cœur de l'exposition qui occupe tous les regards. Elle regroupe trente-neuf œuvres d'henri Matisse, Henri Manguin, André Derain, Maurice de Vlaminck, Albert Marquet et Charles Camoin. Ceux-ci ont autour de 25-30 ans sauf Matisse, plus âgé, qui a 36 ans. Ce sont de jeunes artistes en réaction contre l'impressionnisme qui est devenu le classicisme de l'époque et les a pourtant inspirés à leurs débuts. Ils s'opposent aux sensations visuelles, à la douceur et aux nuances de la palette impressionniste. Ils refusent l'évocation réaliste de la nature et construisent leurs tableaux sur des tons purs, arbitraires. Ils sont influencés par Gauguin auquel ils reprennent les grands aplats de couleurs et le cerne autour des formes. Ils s'inspirent également des œuvres pointillistes vivement colorées de Signac et des peintures de Van Gogh. La salle VII fait scandale : Le critique Camille Mauclair évoque un «pot de peinture jeté à la face du public». Marcel Nicolle, critique d'art au Journal de Rouen, parle de «jeux barbares et naïfs d un enfant qui s exerce avec la boîte à couleurs.». Plusieurs points considérés comme choquants sont mis en avant par les opposants, en particulier le manque de savoir-faire et la visibilité de la technique, le manque de fini. C'est le critique d'art Louis Vauxcelles qui est à l'origine de la dénomination «fauves». Dans le supplément au quotidien parisien Gil Blas du 17 octobre 1905, il écrit : «Au centre de la salle, un torse d'enfant et un petit buste en marbre d'albert Marquet, qui modèle avec une science délicate. La candeur de ces bustes surprend au milieu de l'orgie des tons purs : Donatello parmi les fauves.» De rares marchands, parmi lesquels Ambroise Vollard et Berthe Weill soutiennent les fauves tandis qu'ils sont conspués par la critique et moqués par le public. Les peintures fauves sont des huiles sur toile de format modeste. Les sujets, paysages, nus et portraits, restent figuratifs mais la représentation est simplifiée, synthétique. La perspective classique, profondeurs et volumes, sont rejetés. La ligne et l'arabesque sont privilégiées. La couleur est pure, éclatante, expressive, souvent présente en grands aplats, séparée de sa référence à l'objet et cernée d'un trait noir qui en marque le contour et crée ainsi un fort contraste. Son intensité est souvent renforcée par un apprêt blanc. Les contrastes de tons permettent de différencier les plans. L'exécution est manifestement rapide, la touche toujours visible, souvent large et participe, avec la couleur, à conférer au tableau un fort pouvoir émotionnel.