Formation plénière Jugement n 2014-0007 Audience publique du 18 décembre 2014 Lecture publique du 12 février 2015 COMMUNE DE CAMPAGNAN Poste comptable : CLERMONT-L HERAULT N codique : 034007 047 Exercice 2010 La République Française Au nom du peuple français La Chambre, VU le réquisitoire, pris le 10 janvier 2014 et notifié le 3 février, par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon a saisi la juridiction de charges présomptives à l encontre dudit comptable au titre d opérations relatives à l exercice 2010 ; VU les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Campagnan, par M. Bernard X..., pour l exercice 2010 ; VU l arrêté de charges provisoires en date du 17 janvier 2013, pris par l autorité compétente de l Etat à l encontre de M. Bernard X..., comptable de la commune de Campagnan, et communiqué au procureur financier près la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon le 24 janvier 2013 ; VU les justifications produites à l appui de l arrêté de charges provisoires ; VU l article 60 modifié de la loi de finances n 63-156 du 23 février 1963 ; VU le code des juridictions financières ; VU les lois et règlements applicables à la commune de Campagnan ; VU le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; VU le décret n 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; VU le décret n 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ; VU le rapport de M. Alain SERRE, premier conseiller, magistrat chargé de l instruction ; VU les conclusions de M. Jean-Luc LE MERCIER, procureur financier près la chambre ; Jugement 2014-0007 page 1 sur 6
VU les pièces du dossier ; ENTENDU, lors de l audience publique du 18 décembre 2014, M. Alain SERRE en son rapport et M. Jean-Luc LE MERCIER en ses conclusions ; Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre, le comptable et l ordonnateur n étant ni présents ni représentés à l audience publique ; Sur la présomption de charge unique, soulevée à l encontre de M. Bernard X..., au titre de l exercice 2010 : 1 - Sur le réquisitoire ATTENDU qu en application de l article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, «La responsabilité personnelle est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent. Les ministres concernés peuvent déléguer cette compétence ; Lorsque le manquement du comptable ( ) n a pas causé de préjudice financier à l organisme public concerné, le juge des comptes peut l obliger à s acquitter d une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d Etat en fonction des garanties mentionnées au II. Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I ont causé un préjudice financier à l organisme public concerné ou, que par le fait du comptable public, l organisme public a dû procéder à l indemnisation d un autre organisme public ou d un tiers ou a dû rétribuer un commis d office pour produire les comptes, le comptable a l obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante ( )» ; ATTENDU qu en application de l article 12 du décret du 29 décembre 1962, «Les comptables sont tenus d exercer : ( ) en matière de dépenses, le contrôle ( ) de la validité de la créance dans les conditions prévues à l article 13 ( )» ; qu en application de l article 13 du même décret, il est précisé qu «en ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur ( ) l exactitude des calculs de liquidation ( ) et de la production des justifications» ; que le décret n 2007-450 du 25 mars 2007 modifiant l article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales mentionne au paragraphe 21011 les justificatifs à produire lors du premier paiement de la rémunération «dont l acte d engagement mentionnant la référence à la délibération créant l emploi ou autorisant l engagement pour les agents des SPIC, les contrats aidés ou les vacataires» ; ATTENDU que, sur ces fondements et par réquisitoire susvisé du 10 janvier 2014, le procureur financier près la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon a requis la juridiction, au motif que la responsabilité de M. Bernard X... pourrait être engagée pour un montant de 2 533,96 pour quatre mandats, n 322 du 14 septembre 2010, n 377 du 14 octobre 2010, n 419 du 9 novembre 2010 et n 445 du 6 décembre 2010 d un montant unitaire de 633,49, ainsi que pour un montant de 6 461,45 pour neuf mandats, n 135 du 14 avril 2010, n 158 du 17 mai 2010, n 191 du 11 juin 2010, n 252 du 13 juillet 2010, n 286 du 11 août 2010, d un montant unitaire de 633,49 et les mandats n 321 du 14 septembre 2010, n 376 du 14 octobre 2010, n 418 du 9 novembre 2010 et n 444 du 6 décembre 2010 d un montant unitaire de 823,50 ; que lesdits mandats ont été émis, pour les premiers, au nom de Mlle ( ) et, pour les seconds, au nom de Mme ( ) pour valoir rémunération mensuelle versée dans le cadre d un contrat d accompagnement dans l emploi ; qu ils ont été payés sans qu il y ait eu préalablement contrôle exhaustif de la validité de la dépense au regard des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 et des dispositions de l article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ; Jugement 2014-0007 page 2 sur 6
2 - Sur l existence d un manquement du comptable à ses obligations ATTENDU que les caractéristiques du contrat d accompagnement dans l emploi sont définies à l article L. 5134-20 du code du travail, lequel relève des dispositions du livre premier, titre III, chapitre IV dudit code intitulé «Contrats de travail aidés» ; ATTENDU que le contrôle de la validité de la créance, aux termes des dispositions du décret du 29 décembre 1962 et du code général des collectivités territoriales trouve à s appliquer pour les contrats d accompagnement dans l emploi ; ATTENDU qu au cours de l exercice comptable 2010 quatre mandats pour un montant total de 2 533,96, n 322 du 14 septembre 2010, n 377 du 14 octobre 2010, n 419 du 9 novembre 2010 et n 445 du 6 décembre 2010 d un montant unitaire de 633,49, ont été payés au bénéfice de Mlle ( ) pour quatre rémunérations mensuelles au titre d un contrat d accompagnement dans l emploi conclu avec la commune de Campagnan, ainsi que neuf mandats pour un montant total de 6 461,45, n 135 du 14 avril 2010, n 158 du 17 mai 2010, n 191 du 11 juin 2010, n 252 du 13 juillet 2010, n 286 du 11 août 2010, d un montant unitaire de 633,49 et mandats n 321 du 14 septembre 2010, n 376 du 14 octobre 2010, n 418 du 9 novembre 2010 et n 444 du 6 décembre 2010 d un montant unitaire de 823,50, ont été payés au bénéfice de Mme ( ) pour neuf rémunérations mensuelles au titre d un contrat d accompagnement dans l emploi conclu avec la commune de Campagnan ; ATTENDU que le mandat n 322 du 14 septembre 2010 d un montant de 633,49 s apparente au premier paiement de la rémunération convenue au profit de Mlle ( ) ; que le mandat n 135 du 14 avril 2010 d un montant de 633,49 s apparente au premier paiement de la rémunération convenue au profit de Mme ( ) ; que les pièces justificatives attachées à ces premiers mandats révèlent l absence d éléments relatifs aux délibérations créant l emploi ou aux délibérations autorisant l engagement pour les contrats d accompagnement dans l emploi à compter respectivement du 1 er septembre pour Mlle ( ) et du 1 er avril pour Mme ( ) ; ATTENDU que les prises en charge par le comptable des mandats n 377 du 14 octobre 2010, n 419 du 9 novembre 2010 et n 445 du 6 décembre 2010 d un montant unitaire de 633,49 apparaissent consécutives au mandat n 322 du 14 septembre 2010 relatif au premier paiement de la rémunération convenue au profit de Mlle ( ) et que les pièces justificatives attachées au mandat révèlent l absence d élément relatif à la délibération créant l emploi ou à la délibération autorisant à compter du 1 er septembre le contrat d accompagnement dans l emploi ; qu également, les prises en charge par le comptable des mandats n 158 du 17 mai 2010, n 191 du 11 juin 2010, n 252 du 13 juillet 2010, n 286 du 11 août 2010, d un montant unitaire de 633,49 et mandats n 321 du 14 septembre 2010, n 376 du 14 octobre 2010, n 418 du 9 novembre 2010 et n 444 du 6 décembre 2010 d un montant unitaire de 823,50, apparaissent consécutives au mandat n 135 du 14 avril 2010 relatif au premier paiement de la rémunération convenue au profit de Mme ( ) et que les pièces justificatives attachées au mandat révèlent l absence d élément relatif à la délibération créant l emploi ou à la délibération autorisant à compter du 1 er avril le contrat d accompagnement dans l emploi ; que ces prises en charge doivent obéir aux vérifications précisées à l article 4 de l annexe I du code général des collectivités territoriales, lequel précise que la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales «distingue dans certains cas, les pièces justificatives à fournir à l appui du premier mandatement de celles à fournir à l appui des mandatements suivants. Sur la pièce justificative jointe aux mandatements postérieurs au premier paiement ou sur le document servant au mandatement lui-même il est fait référence aux pièces justificatives produites uniquement au premier mandatement. Les références à porter sont : ce numéro du mandatement de référence, le millésime de l année d imputation de la dépense initiale, l imputation budgétaire de la dépense lors du premier paiement.» ; qu en conséquence, et dès lors que le premier paiement serait entaché de manquement aux obligations de contrôle, les contrôles successifs le seraient nécessairement tout autant ; Jugement 2014-0007 page 3 sur 6
ATTENDU qu en réponse aux observations de l administrateur des finances publiques du 27 juin 2012, M. Bernard X... a confirmé l absence de délibération du conseil municipal préalable au contrat d engagement ; ATTENDU qu en réponse à la demande d information de la chambre en date du 26 mai 2014, M. Bernard X... a indiqué, le 2 juin 2014, qu il n avait aucune observation à formuler sur sa mise en cause ; qu il notait cependant que les petites communes, comme Campagnan, étaient couramment à l affût de tout dispositif d emploi «à moindre coût» ; que, dès lors que la signature du contrat était la seule pièce exigée par les services subventionneurs, la commune négligeait de délibérer expressément, même si à travers l ouverture des crédits de paiement, il était manifeste que l assemblée délibérante avait approuvé ce recrutement ; ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que la production de tels éléments n est en rien exonératoire de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ; que l existence du manquement est certaine et que l insuffisance de pièces justificatives produites à l appui du recrutement au moment des faits n est pas contestée ; qu en l espèce deux manquements concernant deux personnes distinctes au cours du même exercice peuvent être constatés et qu en conséquence, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable pourrait être engagée ; ATTENDU qu en l absence d élément relatif aux délibérations créant les emplois ou aux délibérations autorisant l engagement, à compter du 1 er septembre 2010 pour le contrat d accompagnement dans l emploi de Mlle ( ) et à compter du 1 er avril 2010 pour le contrat d accompagnement dans l emploi de Mme ( ), le contrôle de la validité de la créance a fait défaut, entachant la régularité de la prise en charge, d une part du mandat n 322 du 14 septembre 2010 et, consécutivement, des mandats n 377 du 14 octobre 2010, n 419 du 9 novembre 2010 et n 445 du 6 décembre 2010 d un montant de 633,49 et, d autre part, du mandat n 135 du 14 avril 2010 et, consécutivement, des mandats n 158 du 17 mai 2010, n 191 du 11 juin 2010, n 252 du 13 juillet 2010, n 286 du 11 août 2010 d un montant unitaire de 633,49 ainsi que des mandats n 321 du 14 septembre 2010, n 376 du 14 octobre 2010, n 148 du 9 novembre 2010 et n 444 du 6 décembre 2010 d un montant unitaire de 823,50 ; ATTENDU par conséquent que le comptable a ainsi commis deux manquements distincts au cours du même exercice susceptibles d engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; 3 - Sur l existence d un cas de force majeure exonératoire ATTENDU qu aux termes du V de l article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : «Lorsque le ministre dont relève le comptable public, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes constate l'existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public» ; ATTENDU que l existence de circonstances constitutives de la force majeure n est pas établie ; que, par suite, il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ; 4 - Sur l existence d un préjudice financier du fait du manquement du comptable ATTENDU que les éléments joints aux mandats de dépenses sont de nature à attester tant la création que la réalité des emplois occupés d une part par Mlle ( ) et d autre part par Mme ( ) et qu en toute hypothèse, les salaires payés étaient bien dus par la commune de Campagnan ; ATTENDU qu aucune contestation de ces dépenses n a été relevée lors de l instruction ; ATTENDU par conséquent que le manquement du comptable n a pas causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l article 60 de la loi du 23 février susvisée, à la commune de Campagnan ; Jugement 2014-0007 page 4 sur 6
5 - Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable ATTENDU qu aux termes du deuxième alinéa du paragraphe VI de l article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : «lorsque le manquement du comptable [ ] n a pas causé de préjudice financier à l organisme public concerné, le juge des comptes peut l obliger à s acquitter d une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l espèce» ; ATTENDU que le décret n 2012-1386 du 10 décembre 2012 susvisé, fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ; que ce montant s établit, au moment de la commission des faits, à 144 000 pour le poste comptable de Clermont-l Hérault, dont relève la commune de Campagnan ; ATTENDU qu il y a lieu de retenir deux manquements de la part du comptable pour l ensemble des défauts de vérification lors de la prise en charge des mandats n 322 du 14 septembre 2010, n 377 du 14 octobre 2010, n 419 du 9 novembre 2010 et n 445 du 6 décembre 2010 d une part, et des mandats n 135 du 14 avril 2010, n 158 du 17 mai 2010, n 191 du 11 juin 2010, n 252 du 13 juillet 2010, n 286 du 11 août 2010 et des mandats n 321 du 14 septembre 2010, n 376 du 14 octobre 2010, n 418 du 9 novembre 2010 et n 444 du 6 décembre 2010 d autre part, ainsi qu il a été précisé précédemment ; que ces deux manquements ont été constatés au cours du seul exercice 2010 ; ATTENDU que la dépense, objet de la présente décision, n entrait pas dans le champ du contrôle sélectif des dépenses mis en œuvre au sein de la commune de Campagnan ; ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que les manquements sont avérés, que ces derniers n ont pas entraîné de préjudice financier pour la commune de Campagnan et que ces manquements concernent deux personnes distinctes au cours d un même exercice ; ATTENDU qu ainsi, eu égard aux circonstances de l espèce, il y a lieu d arrêter le montant de la somme non rémissible laissée à la charge du comptable à quatre cent quarante-sept euros (447 ) ; Jugement 2014-0007 page 5 sur 6
Par ces motifs, DÉCIDE : Article 1 er : Sur la présomption de charge unique, au titre de l exercice 2010 ; M. Bernard X... devra s acquitter d une somme de quatre cent quarante-sept euros (447 ), en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de l article 60 de la loi n 63-156 du 23 février 1963. Article final : La décharge de M. Bernard X... ne pourra être donnée qu après apurement de la somme à acquitter, fixée ci-dessus. Délibéré le dix-huit décembre deux mille quatorze par M. André PEZZIARDI, président de la chambre, président de séance ; Mme Marie-Agnès COURCOL, présidente de section et M. Joël BACCATI, premier conseiller. En présence de M. Richard GINESTE, greffier de séance. Richard GINESTE, greffier de séance André PEZZIARDI, président de séance En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu ils en seront légalement requis. Jugement 2014-0007 page 6 sur 6
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon et délivré par moi, secrétaire générale, Pour la secrétaire générale empêchée et par délégation, Frédéric LACZKOWSKI greffier En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 du même code. Au titre des dispositions de l article R. 242-18 du code des juridictions financières, ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes résidant à l étranger. Jugement 2014-0007