Détermination préliminaire de l existence du dumping, du dommage et du lien de causalité

Documents pareils
E-COMMERCE VERS UNE DÉFINITION INTERNATIONALE ET DES INDICATEURS STATISTIQUES COMPARABLES AU NIVEAU INTERNATIONAL

CIRCULAIRE N 01/02 (annule et remplace la circulaire n 01/00)

Estimations définitives des prix pour les bobines d acier laminé à chaud européens, reconnues par le secteur

PROTOCOLE RELATIF À L ARRANGEMENT DE MADRID CONCERNANT L ENREGISTREMENT INTERNATIONAL DES MARQUES

ACCORD SUR LA MISE EN OEUVRE DE L'ARTICLE VI DE L'ACCORD GENERAL SUR LES TARIFS DOUANIERS ET LE COMMERCE DE 1994 PARTIE I. Article premier.

Appel d offres ouvert N 01/2015

LES MESURES DE DEFENSE COMMERCIALE DE L APE UE/AO. Par M. Fallou Mbow FALL, Chef de la Division des Politiques Commerciales Sectorielles/DCE.

Rabat, le 30 décembre 2005 CIRCULAIRE 4976/222

BNP PARIBAS ISABEL CONDITIONS GÉNÉRALES

Note de présentation de la circulaire du CDVM n 02/06 relative à la réception-transmission d ordres via un support électronique

Sur le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT :

Comité permanent du droit des marques, des dessins et modèles industriels et des indications géographiques

Convention de Licence Érudit (Open Source)

Norme comptable internationale 33 Résultat par action

LOIS SUR LES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS

Protocole n 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés fondamentales (STCE n 213) Rapport explicatif

Décrets, arrêtés, circulaires

LICENCE SNCF OPEN DATA

Proposition de DÉCISION DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

NOTE CIRCULAIRE N 723 RELATIVE AU REMBOURSEMENT DU CREDIT DE TAXE CUMULE

Bourse de Casablanca. Arrêtés ministériels d application relatifs aux Sociétés de Bourse

Eco-Fiche BILAN DE L ANNEE 2012 QUELLES PERSPECTIVES POUR 2013? 1

Royaume du Maroc المرجع :

RÈGLEMENT DE CONSULTATION

EPARGNE SELECT RENDEMENT

Agricultural Policies in OECD Countries: Monitoring and Evaluation Les politiques agricoles des pays de l OCDE: Suivi et évaluation 2005.

III.2 Rapport du Président du Conseil

Guide de la pratique sur les réserves aux traités 2011

Cent quinzième session. Rome, septembre 2006

Régime de réinvestissement de dividendes et d achat d actions

DOLLARAMA ANNONCE DE SOLIDES RÉSULTATS POUR LE PREMIER TRIMESTRE ET RENOUVELLE SON OFFRE PUBLIQUE DE RACHAT DANS LE COURS NORMAL DES ACTIVITÉS

SÉNAT PROPOSITION DE LOI

Licence ODbL (Open Database Licence) - IdéesLibres.org

instruments de paiement échangés à travers les circuits bancaires

Propositions législatives et notes explicatives concernant la Loi de l impôt sur le revenu

ACCORD SUR LES SAUVEGARDES

AVIS N 118 DU 13 FEVRIER 2009 DU BUREAU DU CONSEIL DE L EGALITE DES CHANCES ENTRE HOMMES ET FEMMES, RELATIF A LA PROPOSITION DE DIRECTIVE PORTANT

Avis n sur la méthodologie relative aux comptes combinés METHODOLOGIE RELATIVE AUX COMPTES COMBINES

ACCORD ENTRE LA COMMISSION BANCAIRE ET LA BANQUE NATIONALE DE ROUMANIE

Présentation de la consolidation

Violation du «Transitional Rule Book» (Swiss Blue Chip Segment) de SIX Swiss Exchange et de la «Blue Chip Segment Directive 19» de SIX Swiss Exchange

Chapitre 7 Ministère du Développement des ressources humaines / Andersen Consulting

Nouvelle norme de révision: Contrôle du rapport de gestion sur les comptes annuels (ou consolidés)

Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur et la Loi sur le recouvrement de certaines créances

DOCUMENT D INFORMATION DATÉ DU 7 NOVEMBRE 2011 PROGRAMME DE LIVRAISON PHYSIQUE DE LA BANQUE DE MONTRÉAL DESCRIPTION DU PROGRAMME DE LIVRAISON PHYSIQUE

2.3. Toute modification ou tout complément apporté au contrat nécessite impérativement un accord préalable écrit entre les deux parties.

POLITIQUE 4.4 OPTIONS D ACHAT D ACTIONS INCITATIVES

MANUEL DES NORMES Audit légal et contractuel

LICENCE SNCF OPEN DATA

PETRO-CANADA ÉTATS FINANCIERS CONSOLIDÉS

Le nouvel indice de taux de change effectif du dollar canadien

Décision du Défenseur des droits MDE-MSP

alpha sélection est une alternative à un placement risqué en actions et présente un risque de perte en capital, en cours de vie et à l échéance.

BULLETIN OFFICIEL DES DOUANES ET DES IMPOTS. Texte n DGI 2011/25 NOTE COMMUNE N 16/2011

TURBOS WARRANTS CERTIFICATS. Les Turbos Produits à effet de levier avec barrière désactivante. Produits non garantis en capital.

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

I La conservation des dossiers médicaux répond à un triple intérêt :

RAPPORT D ACTIVITES DE MISE EN ŒUVRE DU DEVIS-PROGRAMME N 1 (DP1) ( Période du 1 er Octobre 2003 au 31 Décembre 2005)

CONDITIONS GENERALES DE VENTE

ORDONNANCE. relative au portage salarial. NOR : ETST R/Bleue RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

RÈGLEMENT GÉNÉRAL DE LA BANQUE INTERAMÉRICAINE DE DÉVELOPPEMENT

Proposition de règlement municipal concernant l installation et l exploitation d un pipeline terrestre dans le territoire d une municipalité

Direction de la recherche parlementaire

(BO N 4181 DU ) (BO N 4259 DU ) (BO N 4482 DU ) Dispositions générales. Article premier

Projet de loi n o 30 (2003, chapitre 25)

LOI N DU 7 MARS 1961 déterminant la nationalité sénégalaise, modifiée

ÉBAUCHE POUR COMMENTAIRE MODALITÉS RELATIVES AUX ADJUDICATIONS DES OBLIGATIONS À TRÈS LONG TERME DU GOUVERNEMENT DU CANADA

La publication, au second

Estimations des résultats consolidés du premier semestre clos le 31 mars 2014 Évaluation de l option de vente Áreas

n 7 F é v r i e r Note d information sur le Credit Bureau

Conditions Générales de Vente d applications pour le Système de Commande en Ligne via la Boutique d Applications Mercedes-Benz.

MARCHE DE PRESTATION DE SERVICES DE NETTOYAGE DES AUTORAILS CAHIER DES CLAUSES ADMINISTRATIVES PARTICULIERES

Plan de travail du Bureau de l audit et de la surveillance du FIDA pour 2011

Conférence téléphonique

REPUBLIQUE FRANCAISE. Contentieux n A et A

DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION RÉSUMÉ DE L'ANALYSE D'IMPACT. accompagnant le document:

G&R Europe Distribution 5

MONITORING DE LA COMPÉTITIVITÉ DU TRANSPORT AÉRIEN SUISSE

QUATRE-VINGT-DIXIÈME SESSION

L Espagne est un pays qui bénéficie des

IFRS 10 États financiers consolidés

Méthodologie d Ouverture, de Dépouillement et d Evaluation des Offres Relatives à la Consultation 09 S V.E.De.R

AVANT-PROJET DE RÈGLEMENT PORTANT SUR L INSCRIPTION ET COMMENTAIRES

Notes explicatives relatives à la Loi sur la taxe d accise. Publiées par le ministre des Finances l honorable James M. Flaherty, c.p.

CIRCULAIRE AUX ETABLISSEMENTS DE CREDIT N Objet : Renforcement des règles de bonne gouvernance dans les établissements de crédit.

OPÉRATIONS INDIVIDUELLES POLICE D ABONNEMENT

OUVERTURE DE L AUGMENTATION DE CAPITAL AVEC MAINTIEN DU DPS D UN MONTANT DE 2 M

CONVENTION CONCERNANT L ASSISTANCE ADMINISTRATIVE MUTUELLE EN MATIÈRE FISCALE

8. Exercice du Fonds. L année fiscale du Fonds se termine le 31 décembre de chaque année et n excédera pas 12 mois.

La Régie des rentes du Québec

Ressources humaines et Développement des compétences Canada Tableau du fonds de la somme désignée pour le paiement d expérience commune

NE PAS DISTRIBUER LE PRÉSENT COMMUNIQUÉ AUX AGENCES DE TRANSMISSION AMÉRICAINES ET NE PAS LE DIFFUSER AUX ÉTATS-UNIS

JE N'AI JAMAIS REÇU L'AVIS DE COTISATION! LOUIS-FRÉDÉRICK CÔTÉ, LL.M. (L.S.E.), AVOCAT MENDELSOHN ROSENTZVEIG SHACTER TABLE DES MATIÈRES 1. TVQ...

Vérification des procédures en fin d exercice

SUBVENTIONS. Notifications conformément à l'article XVI: 1 TURQUIE

GUIDE POUR LA MISE SUR LE MARCHÉ DE DISPOSITIFS MÉDICAUX SUR MESURE APPLIQUE AU SECTEUR DENTAIRE

NE PAS DIFFUSER AUX ETATS UNIS, AU CANADA, EN AUSTRALIE OU AU JAPON

REGARDS SUR L ÉDUCATION 2013 : POINTS SAILLANTS POUR LE CANADA

Compte rendu de l examen par le BSIF des coefficients du risque d assurance

L Organisation mondiale du commerce...

Transcription:

Royaume du Maroc Ministère de l'industrie, du Commerce, de l'investissement et de l'economie Numérique *** Ministère chargé du Commerce extérieur المملكة المغربية وزارة الصناعة والتجارة والا ستثمارو الا قتصاد الرقمي *** الوزارة المكلفةب التجارة الخارجية Direction de la Politique des Echanges Commerciaux Rapport préliminaire de l enquête antidumping sur les importations de tôles d acier laminées à chaud originaires de l Union Européenne et de la Turquie Détermination préliminaire de l existence du dumping, du dommage et du lien de causalité 1. PROCEDURE 1.1. OUVERTURE DE L ENQUETE 1. Le Ministère délégué auprès du Ministre de l Industrie, du Commerce, de l Investissement et de l Economie Numérique et des Nouvelles Technologies chargé du Commerce Extérieur (MDCCE) a initié, le 21 janvier 2013 par un avis public 1 (ci-après dénommé «avis d ouverture»), une enquête antidumping concernant les importations de tôles d acier laminées à chaud originaires de l Union Européenne et de la Turquie, et ce après avis de la Commission de Surveillance des Importations (CoSI) réunie le 09 janvier 2013 tel que prévu par les dispositions de l article 4 de la loi n 15-09 relative aux mesures de défense commerciale (ci-après dénommée Loi 15-09) 2. Cette enquête a été initiée, conformément aux dispositions de l article 16 de la loi 15-09, suite à la réception, en date du 20 novembre 2012, d une requête émanant de la Société MAGHREB STEEL. 3. Le MDCCE a procédé à l examen de la cohérence et de l adéquation des renseignements contenus dans la requête, et ce conformément aux dispositions de l article 24 du décret n 2-12-645 pris pour l application de la loi n 15-09 relative aux mesures de défense commerciale (ci-après dénommé décret 2-12-645). Il a été ainsi conclu que les éléments de preuve présentés dans cette requête sur l existence du dumping des importations de tôles d acier laminées à chaud originaires de l Union Européenne et de la Turquie et du dommage causé à MAGHREB STEELpar ces importations sont suffisants pour justifier l ouverture d une enquête antidumping 2. 1.2. INFORMATION ET COLLABORATION DES PARTIES INTERESSEES 4. Par l avis d ouverture et conformément aux dispositions de l article 17 de la loi 15-09, Le MDCCE a informé les parties intéressées de l ouverture de ladite enquête et leur a donné la possibilité de faire 1 Il s agit de l avis public n 01/13 relatif à l ouverture d une enquête antidumping sur les importations des tôles d'acier laminées à chaud originaires ou exportées des pays de l'union Européenne et de la Turquie publié au quotidien «Le Matin» édition n 14 946 du 01/02/ 2013. 2 Le rapport d ouverture d enquête est publié sur le site web du MDCCE : http://www.maroc-trade.gov.ma(rubrique mesures de défense commerciale) 1

connaître leurs points de vue par écrit et de demander à participer à l enquête dans les délais prévus par l avis. 5. Ainsi, le MDCCE a officiellement informé la Délégation de la Commission Européenne à Rabat, la Turquie via sa représentation diplomatique à Rabat, les producteurs connus en Union Européenne de tôles d acier laminées à chaud exportées vers le Maroc (ARCELOR MITTAL, TATA STEEL, EVRAZ, ARVEDI SPA et DUFERCO et ses filiales), les producteurs connus en Turquie de tôles d acier laminées à chaud exportées vers le Maroc (ERDEMIR et COLAKOGLU), les importateurs au Maroc de tôles d acier laminées à chaud tels que identifiés par la requête (ARCELOR SERV, COMAPROM, TOUFER, BATIFER, SOFAFER, ETAF, TUBE ET PROFIL, AIC METALLURGIE, SOMACHAME, INTRAL INDUSTRIES, LONGOFER, D.L.M. et OCID METAL) et le producteur national de tôles d acier laminées à chaud (MAGHREB STEEL). 6. De même, afin de collecter les renseignements nécessaires à l enquête, le MDCCE a adressé aux différentes parties intéressées les questionnaires d enquête, conformément aux dispositions de l article 20 de la loi 15-09 en leur ménageant des délais suffisants pour transmettre leur réponse. 7. Le MDCCE a répondu favorablement à toutes les demandes de prorogation du délai de réponse au questionnaire émanant des parties intéressées. 1.3. PERIODE DE L ENQUETE 8. La période de l enquête sur le dumping s étend du 1 er janvier 2012 au 31 décembre 2012. 9. La période prise en compte pour l analyse du dommage subi par la branche de production nationale s étend du 1 er janvier 2009 au 31 décembre 2012. 2

2. PRODUITS OBJET DE L ENQUETE ET PRODUITS SIMILAIRES 2.1 Produit objet de l enquête 10. Les produits concernés par l enquête sont les produits plats (tôles) en acier laminés à chaud, non plaqués ni revêtus, d une épaisseur inférieure à 20 mm pour les produits enroulés (bobines) et supérieure à 5 mm pour les produits non enroulés (tôles fortes), originaires des pays de l Union Européenne (UE) et de la Turquie, à l exclusion de ceux présentant des motifs en relief. 11. Les tôles d acier laminées à chaud ont diverses utilisations : acier doux pour emboutissage ou pliage à froid (tubes, électroménager, mobilier en métal, ), aciers de construction d usage général (conteneurs, réservoirs, profils pour la construction de bâtiments, ) et aciers pour bouteilles à gaz soudées. 12. Ces produits sont importés sous les nomenclatures douanières du système harmonisé SH suivantes : 7208 (à l exception du 7208.10 et 7208.40), 7211.13, 7211.14 et 7211.19. 2.2 Produit similaire 13. Conformément aux dispositions de l article 2 de la loi 15-09, on entend par produit similaire «le produit semblable à tous égards au produit considéré ou, en l absence d un tel produit, tout autre produit qui présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré». 2.2.1 Similarité entre le produit considéré et les tôles d acier laminées à chaud fabriquées localement 14. Les produits fabriqués par MAGHREB STEEL sont des tôles en acier laminées à chaud sous forme de bobines enroulées et coupées (dites «LAC») et de tôles fortes (dites «TF») à l exception des tôles présentant des motifs en relief.en dehors des tôles laminées à chaud fabriquées par MAGHREB STEEL et destinées à son propre approvisionnement pour l activité du laminage à froid, ces produits sont destinés aux mêmes utilisations que les tôles importées. 15. Le procédé de fabrication utilisé par MAGHREB STEEL est un procédé sidérurgique standard de laminage à chaud. Il commence par l introduction de la matière première (ferraille) dans l aciérie électrique pour en sortir sous forme de brame. La brame alimente par la suite le laminoir à chaud qui produit les deux formes connues de tôles : bobines («LAC») ou tôles fortes («TF»). 16. Plus en détail, le processus de fabrication des tôles d acier laminées à chaud adopté par MAGHREB STEEL est comme suit : Pour les LAC : Après le passage dans un four de réchauffage qui porte les brames à plus de 1 000 C, le métal est acheminé surdes rouleaux motorisés. Progressivement, par un passage successif dans différentes cages équipées decylindres refroidis à l'eau, le métal perd en épaisseur et gagne en longueur. A la sortie, il est obtenu de latôle en bobines laminées à chaud d une gamme d épaisseurs allant de 0.7 mm à 20 mm. Pour les TF : Après passage dans un four de réchauffage qui porte les brames à plus de 800 C, le métal est acheminé surdes rouleaux motorisés. Progressivement, par un passage successif dans différentes cages équipées decylindres refroidis à l'eau, le métal perd en épaisseur et gagne en longueur. A la sortie, nous obtenons desplaques laminées à chaud d une gamme d épaisseurs allant de 4.75 mm à 150 mm. 17. Selon les renseignements fournis par MAGHREB STEEL, ses tôles en acier laminées à chaud sont fabriquées conformément aux exigences des normes internationales et européennes en particulier. 3

Ainsi, le produit similaire fabriqué localement possède des caractéristiques dimensionnelles, physicochimiques et de qualité similaires à celles du produit considéré, d autant plus que ces deux produits sont fabriqués à partir des mêmes intrants et selon des procédés de fabrication similaires. 18. En conséquence, les importateurs perçoivent indifféremment les deux produits (importés et fabriqués localement), et ce sont donc les considérations du prix bas qui orientent le choix des utilisateurs finaux vers le produit importé. 19. Ces éléments permettent au MDCCE de considérer, à titre provisoire, queles tôles fabriquées localement sont similaires aux tôles importées. 2.2.2 Similarité entre le produit considéré et les tôles d acier laminées à chaud fabriquées et vendues en Union Européenne et en Turquie 20. D après les renseignements contenus dans les réponses aux questionnaires d enquête remis par les différents producteurs exportateurs européens et turcs, les tôles d acier laminées à chaud exportées vers le Maroc sont soit identiques soit similaires à celles fabriquées et vendues sur leurs marchés domestiques. 21. Par conséquent, sur la base des déclarations des producteurs exportateurs étrangers, le MDCCE considère, à titre provisoire, que les tôles d acier laminées à chaud fabriquées et vendues en Union Européenne et en Turquie sont similaires au produit considéré. 3. INDUSTRIE NATIONALE (BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE) 22. L entreprise MAGHREB STEEL est l unique producteur de tôles d acier laminées à chaud au Maroc et réalise, par conséquent, 100% de la production nationale de ce produit. Ainsi, aux fins de la présente enquête, le MDCCE considère que MAGHREB STEEL constitue la branche de production nationale de tôles d acier laminées à chaud au sens de l article 5 de la loi 15-09 qui prévoit que la branche de production nationale s entend de «l ensemble des producteurs marocains du produit similaire, ou ceux d entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure de la production nationale totale de ce produit». 4. DETERMINATION DE L EXISTENCE DU DUMPING 23. L article 6 de la loi 15-09 stipule qu : «un produit importé est considéré comme faisant l objet d un dumping si son prix à l exportation vers le Maroc est inférieur à sa valeur normale». 24. Ainsi, pour déterminer l existence ou non de dumping, il est nécessaire de disposer de deux paramètres : prix d exportation et valeur normale. 25. Ces deux paramètres doivent être ajustés en vue d une comparaison équitable telle que prévue par l article 9 de la loi 15-09 qui précise que «la marge de dumping d un produit est constituée par la différence entre son prix à l exportation et la valeur normale de ce produit. Cette marge de dumping est établie sur la base d une comparaison équitable entre le prix à l exportation et la valeur normale du produit considéré.» 26. Par ailleurs, l article 8 du décret 2-12-645 indique que «[ ] la comparaison équitable entre le prix à l exportation et la valeur normale, visée au paragraphe 1 de l article 9 de la loi n 15-09 susvisée, est faite au même niveau commercial qui est de préférence le stade sortie usine et pour des ventes effectuées à des dates aussi voisines que possible.» 4.1 DETERMINATION DU PRIX D EXPORTATION 27. L article 7 de la loi 15-09 prévoit que «Le prix d exportation d un produit, visé à l article 6 cidessus, s entend du prix effectivement payé ou à payer pour le produit considéré vendu à l exportation 4

vers le Maroc». 28. Les données mises à la disposition du MDCCE ont permis de dégager les prix d exportation pratiqués par les producteurs-exportateurs ARCELOR MITTAL, ERDEMIR et COLAKOGLU lorsqu ils exportent les produits objets de l enquête vers le Maroc au cours de la période d enquête. 29. Il est à noter qu un quatrième exportateur est inclus dans cette enquête qui est STEEL LINK. Cependant, du fait qu il est un simple exportateur des produits objets de l enquête vers le Maroc et n exerce aucune activité de production industrielle, le MDCCE a jugé plus opportun d exploiter les données du producteur-fournisseur de STEEL LINK, à savoir TATA STEEL qui a répondu au questionnaire de l enquête. Plus précisément, la totalité des exportations des produits objets de l enquête réalisées par STEEL LINK vers le marché marocain sont des produits fabriqués par TATA STEEL. 30. Ainsi, pour déterminer le prix d exportation pratiqué par l exportateur STEEL LINK, le MDCCE s est basé sur les ventes des produits concernés réalisées entre TATA STEEL et STEEL LINK au stade «sortie usine». En vendant ses produits à STEEL LINK, TATA STEEL connaît d avance qu ils sont destinés au marché marocain, ce qui signifie que le processus de fixation des prix commence chez TATA STEEL et la marge bénéficiaire ainsi que les autres charges supportées par STEEL LINK peuvent être considérés comme des ajustements nécessaires afin de remonter au prix d exportation sortie usine de TATA STEEL destiné au Maroc. 31. Ces prix d exportation ont fait l objet d ajustements pour être rendus au stade «sortie usine». Les ajustements, effectués pour chaque transaction d exportation au Maroc, ont concerné les coûts des crédits octroyés pour les délais de paiement et le transport international. 4.2 DETERMINATION DE LA VALEUR NORMALE 32. L article 8 de la loi 15-09 stipule que : «La valeur normale visée à l article 6, ci-dessus, est déterminée sur la base : 1- du prix comparable, pratiqué au cours d opérations commerciales normales pour le produit similaire, destiné à la consommation dans le pays exportateur. Toutefois, lorsque le produit ne fait que transiter par le pays d exportation ou lorsqu il n y a pas de production de ce produit ou qu il n y a pas de prix comparable dans ce pays d exportation, la valeur normale peut être établie sur la base du prix du produit similaire, destiné à la consommation dans le pays d origine. 2- Dans le cas où aucune vente du produit similaire n a eu lieu au cours d opérations commerciales normales sur le marché intérieur du pays exportateur ou lorsque, du fait de la situation particulière de ce marché ou du faible volume des ventes sur ce marché, de telles ventes ne peuvent pas servir de référence pour la détermination de la valeur normale, cette valeur normale est établie sur la base : a) Soit du prix comparable du produit similaire lorsque celui-ci est exporté à destination d un pays tiers, à condition toutefois que les ventes à l exportation vers ce pays tiers soient effectuées selon les mêmes critères ; b) Soit du coût de production dans le pays d origine majoré d un montant représentant les frais d administration et de commercialisation, les frais généraux et une marge bénéficiaire raisonnable.» 33. Toutefois, en absence de réponses aux questionnaires ou au cas où les réponses sont incomplètes, la loi 15-09 prévoit dans son article 21 que l autorité chargée de l enquête peut procéder à l évaluation du dumping, du dommage et du lien de causalité «sur la base des meilleurs 5

renseignements disponibles». 34. En réponse aux prescriptions des articles 8 de la loi 15-09 et l article 4 du décret 2-12-645, le MDCCE a examiné, pour chaque producteur exportateur ayant participé à l enquête, si le volume total des ventes domestiques du produit similaire à des acheteurs indépendants en Union Européenne ou en Turquie était suffisamment représentatif, c est-à-dire s il représentait au moins 5% du volume total des exportations du produit concerné vers le Maroc durant la période de l enquête. 35. Le MDCCE a pu conclure alors que, pour l ensemble des producteurs exportateurs ayant participé à l enquête, les ventes domestiques étaient globalement représentatives par rapport aux exportations vers le Maroc. 36. Ce test de représentativité a été aussi établi par type de produit concerné. Le MDCCE a examiné si le volume des ventes domestiques, en Union Européenne ou en Turquie, de chaque type du produit similaire était représentatif. Les ventes domestiques d un type de produit ont été considérées représentatives lorsque le volume des ventes domestiques de ce type de produit à des acheteurs indépendants constituait au moins 5% du volume des exportations de ce type de produit vers le Maroc pendant la période de l enquête. 37. Le MDCCE a conclu que, pour l ensemble des producteurs exportateurs ayant participé à l enquête, les ventes domestiques par type de produit n étaient pas toutes représentatives. 38. Ainsi, conformément aux dispositions prévues aux paragraphes 1) et 2) de l article 8 ci-dessus, le MDCCE s est basé pour l évaluation de la valeur normale soit sur le prix comparable du produit identique ou similaire destiné à la consommation dans le pays d origine lorsque les ventes domestiques du type de produit concerné sont représentatives soit sur le coût de production dans le pays d origine majoré d un montant représentant les frais d administration et de commercialisation, les frais généraux et une marge bénéficiaire raisonnable dans les cas où les ventes domestiques du type de produit identique ou similaire n étaient pas représentatives. 39. Par la suite, le MDCCE a examiné, pour chaque producteur exportateur ayant participé à l enquête, si les ventes domestiques du produit considéré ont été réalisées au cours d opérations commerciales normales. 40. Dans cet objectif, le MDCCE a calculé, conformément à l article 3 du décret 2-12-645, pour chaque type du produit considéré, la proportion des ventes domestiques à perte conclues avec des acheteurs indépendants pendant la période de l enquête. 41. Quand le volume des ventes domestiques à perte d un type de produit représentait plus de 20% du volume total des ventes domestiques de ce type de produit, la valeur normale a été basée sur le prix domestique en calculant la moyenne pondérée des prix des seules ventes domestiques rentables de ce type de produit réalisées au cours de la période d enquête. Les prix de ventes utilisés dans ce calcul sont des prix «sortie usine». 42. Quand le volume des ventes domestiques à perte d un type de produit représentait moins de 20% du volume total des ventes domestiques de ce type de produit, la valeur normale a été basée sur le prix domestique en calculant la moyenne pondérée des prix de toutes les ventes domestiques de ce type de produit réalisées au cours de la période d enquête, que ces ventes aient été rentables ou non. Les prix de ventes utilisés dans ce calcul sont des prix «sortie usine». 43. Quand la totalité du volume d un type de produit considéré a été vendue à perte, le MDCCE a procédé à la construction de la valeur normale telle que prévue au paragraphe 2) de l article 8 de la loi 15-09 et à l article 6 du décret 2-12-645, c'est-à-dire sur la base du coût de production majoré d un montant représentant les frais d administration et de commercialisation, les frais généraux et une 6

marge bénéficiaire raisonnable. 44. Dans le calcul de valeur normale, tel que prévu dans le point 43 ci-dessus, lorsque les montants moyens ou les pourcentages moyens des frais d administration et de commercialisation, des frais généraux et de la marge bénéficiaire ne sont pas fournis par le producteur exportateur, le MDCCE a procédé au calcul de leurs parts à partir des ventes intérieures du produit identique réalisées au cours d opérations commerciales normales, pendant la période d enquête. 45. Cependant, quand cela semblait plus approprié, le MDCCE s est basé, pour déterminer la part de la marge bénéficiaire, conformément à l article 6 du décret 2-12-645, sur les documents comptables de l exportateur ou d un autre exportateur du produit similaire sur le même marché. 46. Chaque producteur exportateur ayant collaboré à l enquête reçoit le détail du calcul qui a permis d obtenir ses valeurs normales et aura la possibilité de faire connaître son point de vue. 4.3 COMPARAISON 47. L article 9 du décret 2-12-645 stipule que : «La marge de dumping est établie sur la base : a) D une comparaison entre une moyenne pondérée des valeurs normales et une moyenne pondérée des prix de toutes les transactions à l exportation ; b) D une comparaison entre les valeurs normales et les prix à l exportation, transaction par transaction ; ou c) D une comparaison entre une moyenne pondérée des valeurs normales et les prix à l exportation transaction par transaction s il est constaté que, d après leur configuration, les prix à l exportation différent notablement entre différents acheteurs, régions ou périodes et si une explication est donnée quant à la raison pour laquelle il n est pas possible de prendre dûment en compte de telles différences en utilisant les méthodes de comparaison visées aux alinéas a) et b) du présent article. La marge de dumping en pourcentage est obtenue par le rapport entre la marge de dumping en absolu et la moyenne pondérée des prix à l exportation du produit considéré.» 48. Conformément aux dispositions de l alinéa a) de l article 9 du décret 2-12-645, le MDCCE a comparé la moyenne pondérée des valeurs normales et la moyenne pondérée des prix à l exportation. 49. La valeur normale et le prix à l exportation ont été comparés sur une base sortie usine. 4.4 MARGE DE DUMPING 50. Sur la base de ce qui précède, les taux de marge de dumping provisoire, exprimées en pourcentage du prix d exportation, pour les exportateurs ayant coopéré à l enquête s établissent comme suit : 7

Tableau n 1 : Taux de marge de dumping provisoire par exportateurs Société Origine Taux de marge de dumping provisoire ARCELOR MITTAL Union européenne 60,42% TATA STEEL Union européenne 22,11% STEEL LINK Union européenne 22,11% COLAKOGLU Turquie 1,97% ERDEMIR Turquie 0% Les autres exportateurs installés en Union Européenne et en Turquie n ayant pas participé à l enquête seront soumis au taux de marge de dumping résiduel. 4.5 CONCLUSION SUR L EXISTENCE DU DUMPING 51. Sur la base de ses travaux d enquête, le MDCCE a déterminé, à titre provisoire, que les exportations vers le Maroc des tôles d acier laminées à chaud originaires de l Union Européenne se font à des prix de dumping selon les marges par exportateurs figurant au tableau n 1 de la section 4.4 ci-dessus. 5. DETERMINATION DE L EXISTENCE D UN DOMMAGE IMPORTANT 52. L article 5 de la loi 15-09 définie le dommage comme : «[ ] 2) dommage : le préjudice important causé à une branche de production nationale, la menace de préjudice important pour une branche de production nationale ou le retard important dans la création d une branche de production nationale.» 53. Dans le cas de la présente affaire, sur la base des éléments contenus dans la requête de la partie plaignante et dans le rapport d ouverture de l enquête, le dommage subi par la branche de production nationale prend la forme de retard important dans la création d une branche de production nationale. 5.1 JUSTIFICATION DE L APPLICATION DU TEST DE RETARD IMPORTANT DANS LA CREATION D UNE BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE 54.Différentes parties intéressées, notamment les exportateurs et la Commission Européenneont indiqué dans leurs commentaires qu il n est pas approprié dans le cas d espèce de justifier le dommage par le retard important dans la création d une branche de production nationale et ont par conséquent remis en cause l existence d un dommage subi par MAGHREB STEEL. 55.Dans leurs commentaires, lesdites parties intéressées ont allégué l inexistence d un retard important dans la création d une branche de production nationale. En particulier, les exportateurs soutiennent que ledit retard important dans la création ne peut exister dès lors que, au jour de l ouverture de l enquête antidumping, il existait une production nationale du produit concerné au Maroc. Par ailleurs, ces derniers invoquent qu une industrie nationale existe dès lors qu elle dispose d une structure et d installations de production et qu elle débute la fabrication et par conséquence, il est infondé de plaider l existence d un retard important dans la création d une branche de production nationale. 56. Les allégations des exportateurs sont basées sur la thèse selon laquelle le critère du retard important «peut être utilisé uniquement pour démontrer l incapacité d une industrie nationale à 8

démarrer la production du produit en cause» 3. Aussi, la Commission Européenneaindiquéque: «to claim material retardation the company has to be a complete new establishment in a certain segment of the industry» 4. 57. Pourpreuve, la Commission Européenne ainsi que les exportateurs ayant transmis des commentaires à ce sujet se sontappuyés sur le cas de l affaire DRAM 5 où la Commission européenne a considéré que lorsqu une industrie disposedéjàd installations de production et que la fabrication du produit en cause a déjà débuté, le dommage subi du fait d importation en dumping nepeutêtreétabli sur la base du retard important dans la créationd une branche de productionnationalemais doit être établi sur la base de l existenced un dommageimportant. 58. Toutefois, rien dans l Accord Antidumping de l OMC ni dans la législation marocaine applicable ne vient au soutien d une telle affirmation. En effet, la notion de retard important dans la création d une branche de production nationale est visée par l Accord Antidumping de l OMC et, plus particulièrement, par la note de bas de page numéro 9 de son article 3, laquelle dispose que : «Pour les besoins du présent accord, le terme dommage s entendra, sauf indication contraire, d un dommage important causé à une branche de production nationale, d une menace de dommage important pour une branche de production nationale ou d un retard important dans la création d une branche de production nationale ; il sera interprété conformément aux dispositions de cet article». 59. Ainsi, l Accord Antidumping n impose pas, explicitement ou implicitement, une utilisation du critère du retard important que dans les hypothèses d industries totalement nouvelles qui n auraient pas débuté la production ou la commercialisation. Quant à la législation marocaine, elle ne précise pas non plus que ledit critère doit être interprété d une manière aussi restrictive que celle alléguée par les exportateurs et la Commission européenne. 60. Par ailleurs, le MDCCE estime qu il est approprié pour les besoins d interprétation de la notion de «retard important» visée par l Accord Antidumping de se référer aux travaux préparatoires de l Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après, le «GATT»). 61. La doctrine se consacrant à l étude de la notion de «retard important» indique que les précédents législatifs de la loi antidumping américaine ayant inspiré la rédaction du GATT mettent en évidence que de telles normes avaient été introduites afin de protéger l industrie américaine des colorants, qui s efforçait de s établir pleinement. Il était en conséquence évident que le principe relatif à l établissement s appliquait aux industries débutant tout juste leur production. 6 62. De même, le paragraphe 5 de l article VI du texte original du GATT, soumis à la signature en 1947, condamne le dumping en ce sens qu il «fait obstacle à la création d une production nationale ou la retarde sensiblement». En vertu du texte actuellement en vigueur du GATT, suite à l amendement opéré par le Protocole de Genève du 14 septembre 1948 et ayant modifié la Partie II, ainsi que l article XXVI du GATT, les paragraphes 1 et 6.a) de l Article VI ne font mention que de l expression 3 «Commentaires présentés par le CIB (Association Turque des exportateurs de produits en acier) sur le rapport d ouverture et l avis public relatifs à l enquête antidumping sur les importations de tôles d acier laminées à chaud originaires ou exportées des pays de l Union européenne et de la Turquie», présentés le 22 mars 2013, page 13. 4 Commentaires présentés le 19 février 2013 par la Direction générale du commerce de la Commission européenne au Rapport d Ouverture, page 3. 5 Règlement (CEE) n 165/90 de la Commission du 23 janvier 1990 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains types de microstructures électroniques dites "DRAM" (dynamicrandomaccessmemories) originaires du Japon, portant acceptation d'engagements offerts par certains exportateurs dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de ces produits et portant clôture de l'enquête en ce qui concerne les exportateurs en cause, JOCE du 20 janvier 1990, L 20, p. 5. 6 Cf. DONG WOO S., «Material Retardation Standard in the US Antidumping Law», Law and Policy in International Business,Harvard Law School, 1992. 9

«retard important» 7. Les mêmes termes figurent à la note de bas de page nº 2 de l Article 3 du Code antidumping, élaboré en 1979 dans le cadre du GATT. 63. Que les rédacteurs du GATT distinguent entre l expression «faire obstacle à la création» et l expression «la retarde sensiblement» est un élément très significatif. 64. En revenant sur le critère de «l industrie établie», on retrouve que la pratique internationale confirme l application du test du retard important non seulement lorsque l industrie nationale n a pas encore débuté la commercialisation du produit, mais également dans les hypothèses où celle-ci se trouve dans un état initial au jour de l ouverture de l enquête, autrement dit, lorsque l industrie nationale se trouve engagée dans un processus d établissement. 65. Ceci permet de dire queles allégations présentées en l espèce par les exportateurs et la Commission européenne, selon lesquelles une industrie est établie au jour de la mise en œuvre de son activité de production, sont réfutables. Diverses autorités d enquête ont signalé que le test du retard important est applicable dans les hypothèses où l industrie de référence a débuté son activité de production mais n a pas encore atteint une présence stable sur le marché national 8. 66. A titre d exemple, les premiers cas d application du critère du retard important ont d abord surgi aux États-Unis. En vue d éviter toute erreur concernant l application du critère du retard important uniquement aux industries n ayant pas encore débuté leur production, lesdites autorités ont confirmé dès l origine que les protections offertes par la clause relative au retard important n étaient «pas limitées aux industries n ayant pas encore débuté la production, mais s étend[aient] également aux nouvelles installations [de production]» 9. 67. De même, l autorité indienne a également analysé des affaires dans le cadre desquelles l industrie de référence avait débuté l activité de production peu avant la date d ouverture de l enquête. À l instar des autorités américaines, l autorité indienne a qualifié ces industries de «naissantes» et jugé que «bien que l industrie naissante [ ] ait récemment débuté la production, cette dernière cherche encore sa place sur le marché. L industrie nationale n est pas en mesure d atteindre un niveau satisfaisant eu égard à sa capacité de production ainsi que de trouver sa place sur le marché dès lors que, à l état naissant, les industries nationales font face à des retards importants causés par des importations en provenance des pays en cause dont les prix font l objet de dumping» 10. 68. En allant plus en détail dans l examen du critère temporel, on relève que les autorités américaines ont appliqué le test du retard important dans des cas où des industries avaient débuté leurs activités presque deux ans avant l ouverture de l enquête. 69. En effet, dans l affaire Certain DriedSaltedCodfishfrom Canada, l industrie nationale n était composée que d une seule société, Codfish Corporation. Ladite société avait débuté ses activités au mois de novembre de l année 1982. Compte tenu de la baisse des prix à l importation, Codfish Corporation avait connu de fortes pertes d exploitation de l année 1982 jusqu au quatrième trimestre 7 Protocole ayant amendé la Partie II et l Article XXVI du GATT, 14 septembre 1948, 62 Stat. 3679, 62 U.N.T.S. 80. 8 Cf. BMT Commodity Corp. c/ United States, 11 Ct. Int l Trade 524, 525-26 (1987), confirmée par, 852 F.2d 1285 (Fed. Cir. 1988), rejet de la certification, 489 U.S. 1012 (1989). 9 Cf. Certain Dried Salted Codfishfrom Canada, USITC Pub. 1571, Inv. Nº 731-TA-199 (Sept. 1984) (prélim.), 4 ;Cf. : Certain All-Terrain Vehicles from Japan, USITC Pub. 2163, Inv. Nº 731-TA-388 (Mars 1989) (final), 21 nº 65, 14 ;Fresh and Chilled Atlantic Salmon from Norway, USITC Pub. 2272, Inv. Nº 701-TA-302 et 731-TA-454 (avril 1990) (prélim.), 15, «Le fait qu il existe une certaine production nationale n exclut pas la possibilité que l industrie nationale ne soit pas établie». 10 Cf. D (-) Para Hydroxy Phenyl Glycine Methyl Potassium Dane Salt Originatingfrom China PR and Singapore, Gazette of India (Extraordinary), PartieI, Section I, 24 juin 2003, 41. 10