Les aspects économiques de l'accès aux études :



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JUIN 2006 VOL 8 NO 2 Classement des provinces Le fardeau est-il partagé? Accès refusé : les obstacles financiers aux études postsecondaires Conclusion Les aspects économiques de l'accès aux études : La réalité financière du coût de l'éducation postsecondaire pour les familles à faible revenu Les Canadiens savent pour la plupart que les frais de scolarité ont augmenté considérablement au cours des 15 dernières années. Aujourd'hui, les frais de scolarité moyens exigés pour un programme de baccalauréat en arts et sciences s'élèvent à 40214 $, ce qui représente une hausse de plus de 185 % par rapport à 1990. Durant la même période, le taux d'inflation a augmenté de moins de 40 %. La dette étudiante moyenne dépasse les 20 000 $ dans la plupart des provinces, et bon nombre d'étudiants sont contraints à travailler 20 heures et plus par semaine pour payer leurs études. Les répercussions de cette hausse inquiétante des frais de scolarité et de la dette étudiante pour les familles à revenu faible ou moyen ne sont pas bien documentées. Les politiques provinciales en matière de frais de scolarité tendent en général à placer tous les étudiants sur le même plan sous prétexte que les avantages à long terme de l'éducation postsecondaire justifient les frais élevés. Mais les avantages et les possibilités qui s'en dégagent ne sont pas répartis de façon égale. Dans le présent rapport, nous montrons l'effet que la hausse des frais de scolarité a eu sur les familles à revenu faible ou moyen. En suivant l'évolution de ces frais en tant que pourcentage du revenu familial après impôt, nous faisons la preuve que le fardeau des frais de scolarité à la hausse n'a pas été jusqu'ici partagé équitablement. Il est faux de prétendre que les frais de scolarité peu élevés sont régressifs parce que les étudiants issus des familles à revenu élevé sont surreprésentés dans le système. Au contraire, ce sont les Canadiens les plus pauvres qui subissent la plus grande part des hausses de frais. Chaque hausse met en péril l'accès à l'éducation postsecondaire des étudiants issus des familles à revenu faible ou moyen. Pour déterminer l'accessibilité économique, nous utilisons comme base de référence la capacité des familles à faible revenu à financer des études postsecondaires sans s'endetter. Nous n'évaluons pas l'efficacité relative de l'aide financière aux étudiants par rapport au manque à gagner pour les familles pauvres, parce que la plus grande partie de l'aide financière au Canada est offerte sous forme de prêts remboursables. Comme il en sera question plus loin, les prêts imposent un supplément à payer à ceux et celles qui ne peuvent pas absorber les coûts initiaux. La raison d'être de notre étude est de mesurer le fardeau que les frais de scolarité représentent pour les familles à faible revenu. Les prêts ne contribuent pas à alléger ce fardeau; ils ne font que le reporter. Les principales conclusions du rapport sont les suivantes : Au cours des 30 dernières années, le fardeau du financement de l'éducation postsecondaire, assumé auparavant par les gouvernements, a été refilé radicalement aux étudiants et à leurs familles. La part du revenu d'exploitation représentée par les recettes publiques est passée de plus de 80 % en 1976 à 58 % en 2004. 2675, promenade Queensview, Ottawa (Ontario) K2B 8K2 613/820-2270 613/820-7244 acppu@caut.ca ISSN : 1718-4398 www.acppu.ca

2 DOSSIERS EN ÉDUCATION DE L ACPPU JUIN 2006 Les frais de scolarité mesurés en proportion du revenu après impôt ont augmenté pour toutes les catégories de revenu, mais cette proportion a augmenté d'une manière plus marquée pour les familles à faible revenu. C'est dans certaines des provinces canadiennes les plus pauvres, dont le Nouveau- Brunswick et la Nouvelle-Écosse, qu'on observe les frais de scolarité les plus élevés. En Nouvelle-Écosse, les personnes appartenant au quintile inférieur de revenu devraient dépenser plus de 67 % de leur revenu après impôt pour payer les frais d'une année d'études universitaires. Les provinces comme le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador, qui ont introduit des gels et des réductions des frais de scolarité, sont allées à l'encontre de la tendance et ont abaissé la proportion du revenu après impôt que les familles à faible revenu auraient à consacrer aux frais de scolarité. Classement des provinces Les tableaux ci-dessous illustrent le fardeau sans cesse croissant des frais de scolarité que doivent assumer les familles canadiennes les plus pauvres. Les données qui y sont présentées font ressortir de façon frappante la proportion du revenu après impôt que les familles pauvres ont dû consacrer aux frais de scolarité. Le changement de politique intervenu dans les années 1990 en vue d'une majoration des frais de scolarité a eu un effet dévastateur sur l'accessibilité économique des familles à faible revenu aux études postsecondaires. Ce changement s'est opéré différemment d'une province à l'autre. La Colombie- Britannique, par exemple, a résisté à la tendance nationale vers une hausse des frais pendant la quasi-totalité des années 1990, mais la province, par suite d'un changement de gouvernement, a perdu son rôle de chef de file sur le plan de l'accessibilité pour ainsi passer à l'avant-dernier rang. D'autre part, Terre- Neuve-et-Labrador, bien que cette province compte parmi les plus pauvres au Canada, a amélioré sensiblement l'accessibilité économique des frais de scolarité pour les familles à faible revenu, à tel point que la province se classe au premier rang de notre indice d'équité (voir le tableau 1). 1 Tableau 1 : Classement des provinces 2004 1990 Province Rang L indice Rang L indice Terre-Neuve-et-Labrador 1 182.0 2 106.5 Québec 2 185.2 1 90.3 Manitoba 3 205.3 5 136.4 Alberta 4 265.9 3 112.6 Î-P.-É. 5 275.9 8 158.5 Ontario 6 288.7 4 121.7 Nouveau-Brunswick 7 320.6 10 174.9 Saskatchewan 8 338.9 6 149.7 Colombie-Britannique 9 340.0 7 155.8 Nouvelle-Écosse 10 404.6 9 166.3

VOL 8 NO 2 DOSSIERS EN ÉDUCATION DE L ACPPU 3 350 Figure 1 : Répartition par province de la proportion du revenu après impot consacré aux frais de scolarité des personnes du quintile inférieur de 1980 à 2004 () 300 Canada Alberta Colombie-Britannique 250 200 150 100 50 0 350 Figure 2 : Répartition par province de la proportion du revenu après impot consacré aux frais de scolarité des personnes du quintile inférieur de 1980 à 2004 () 300 250 Canada Manitoba Saskatchewan 200 150 100 50 0

4 DOSSIERS EN ÉDUCATION DE L ACPPU JUIN 2006 350 Figure 3 : Répartition par province de la proportion du revenu après impot consacré aux frais de scolarité des personnes du quintile inférieur de 1980 à 2004 () 300 250 200 150 Canada Québec Ontario 100 50 0 450 Figure 4 : Répartition par province de la proportion du revenu après impot consacré aux frais de scolarité des personnes du quintile inférieur de 1980 à 2004 () 400 350 300 Canada Nouveau-Brunswick Nouvelle-Écosse 250 200 150 100 50 0

VOL 8 NO 2 DOSSIERS EN ÉDUCATION DE L ACPPU 5 300 250 Figure 5 : Répartition par province de la proportion du revenu après impot consacré aux frais de scolarité des personnes du quintile inférieur de 1980 à 2004 () Canada L'île-du-Prince-Édouard Terre-Neuve-et-Labrador 200 150 100 50 0 Le fardeau est-il partagé? Au fil de l'augmentation des frais de scolarité enregistrée ces dix dernières années, le coût de l'éducation postsecondaire a fini par représenter une part croissante du revenu après impôt. Cette augmentation a certes eu des répercussions sur toutes les tranches de revenu, mais ce sont les Canadiens à faible revenu qui en ont subi les effets les plus prononcés. En 1980, ceux qui appartenaient au deuxième quintile de revenu le plus élevé devaient affecter 2,8 % de leur revenu après impôt aux frais de scolarité, alors que ce chiffre est passé à 7,5 % en 2004. Les répercussions ont été encore plus graves pour les familles du quintile inférieur. En 1980, cellesci devaient dépenser à ce titre 16,7 % de leur revenu après impôt, alors qu'en 2004 ce pourcentage est grimpé à 45,8 %. 2 Ces chiffres sont le résultat de plusieurs tendances nationales : hausses considérables des frais de scolarité, baisse du revenu après impôt des Canadiens se trouvant au bas de l'échelle économique, abandon progressif des programmes d'aide financière non remboursable aux étudiants et dégradation du filet de sécurité social du Canada. Le revenu moyen a diminué de 2 % au cours des années 1990, et celui des familles monoparentales a chuté de 4 %. 3 Cette baisse s'est produite pendant une réduction du filet de sécurité social canadien. Par exemple, moins de 40 % seulement des travailleurs sans emploi sont maintenant admissibles aux prestations d'assurance-emploi, comparativement à près de 800% à la fin des années 1980. Dans certaines des plus grandes agglomérations du pays, le nombre des travailleurs sans emploi admissibles est encore moins élevé. 4 Il n'y a rien d'étonnant à ce que les familles monoparentales, les Autochtones et les membres de minorités visibles soient largement

6 DOSSIERS EN ÉDUCATION DE L ACPPU JUIN 2006 50% Figure 6 : Répartition par province de la proportion du revenu après impot consacré aux frais de scolarité des personnes du quintile inférieur de 1980 à 2004 () 45% 40% 35% Quintile inférieur Troisième quintile Deuxième quintile Quatrième quintile 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% surreprésentés parmi les pauvres, tout particulièrement dans les centres urbains. Si de toute évidence les études postsecondaires constituent le moyen le plus rapide de se sortir de la pauvreté, les recherches démontrent de plus en plus que les membres des communautés marginalisées sur le plan économique et racial sont les plus susceptibles d'être découragés par le coût exorbitant des études postsecondaires et d'être peu motivés à l'idée d'accumuler une dette de 2500000$. Lorsque l'on examine les résultats individuels de chaque province, on constate que le problème s'aggrave du fait que bon nombre des provinces les plus pauvres sont de façon générale celles où l'on observe les frais de scolarité les plus élevés : Au Nouveau-Brunswick, une famille à faible revenu devait, en 2004, consacrer 53,6 % du revenu après impôt aux frais de scolarité. En Saskatchewan, ces frais représentaient 56,7 % du revenu après impôt d'une famille à faible revenu. En Nouvelle-Écosse, la province qui impose les frais les plus élevés, les familles à faible revenu devaient dépenser le pourcentage ahurissant de 67,7 % de leur revenu seulement pour acquitter les frais de scolarité. Les provinces où les frais étaient les plus bas mettaient un fardeau beaucoup moindre sur le revenu après impôt de leurs citoyens les plus pauvres : À Terre-Neuve-et-Labrador, les frais de scolarité représentaient 30,7 % du revenu des personnes du quintile inférieur. Au Manitoba, 30,4 % du revenu après impôt des personnes du quintile inférieur

VOL 8 NO 2 DOSSIERS EN ÉDUCATION DE L ACPPU 7 était consacré aux frais de scolarité. Au Québec, 31 % du revenu après impôt des familles les plus pauvres était consacré aux frais de scolarité. Il n'est donc pas surprenant que ces trois provinces soient les seules à accuser une baisse de la part du revenu après impôt que les familles les plus pauvres ont dû affecter aux frais de scolarité au cours des cinq dernières années. À Terre-Neuve-et-Labrador, en 1999, les familles du quintile inférieur de revenu ont consacré 44,3 % de leur revenu après impôt aux frais de scolarité. Cinq ans après la mise en œuvre progressive de la politique régissant ces frais, le pourcentage a baissé à 30,70%. Au Manitoba, la part de revenu des familles situées dans le quintile inférieur est passée de 45,1 % à 34,3 %, soit une baisse de plus de 100%. Ces chiffres montrent qu'une politique d'abaissement des frais de scolarité est tout à fait équitable parce qu'elle entraîne les effets les plus positifs sur les gens en marge de la société économiquement et socialement. 5 Figure 7 : Obstacles à l éducation postsecondaire (en pourcentage) Situation financière Notes trop faibles/pas accepté Pas assez d intérêt Désire demeurer près de la maison Prend trop de temps Désire de travailler Soins à ses propres enfants Sa propre santé Incertain de savoir quoi faire Autre Source : Statistique Canada, l Énquête auprès des jeunes en transition 2002 Accès refusé : les obstacles financiers aux études postsecondaires Les chiffres peu réjouissants présentés plus haut doivent être examinés à la lumière de ce que les recherches ont révélé, à savoir que les étudiants à revenu faible ne s'inscrivent pas au collège ni à l'université en raison de l'insuffisance de leurs ressources financières. Selon une enquête de Statistique Canada, 700% des personnes qui disent être empêchées de poursuivre des études postsecondaires attribuent la cause au manque de finances. 6 Bon nombre des autres facteurs considérés comme des obstacles par les participants à l'enquête (par exemple, certains affirment qu'ils n'ont pas fait d'études postsecondaires parce qu'il leur fallait travailler ou s'occuper d'un enfant à charge) sont à la rigueur des obstacles financiers indirects. Ces conclusions sont semblables à celles d'une étude américaine sur le rapport entre la persévérance et les hausses de frais de scolarité. Dans l'une des plus vastes études longitudinales de ce genre, Michael Paulsen et Edward St. John ont constaté qu'à la suite de chaque hausse de 1 000 $ des frais de scolarité, les étudiants à faible revenu étaient 19 % moins susceptibles de terminer un programme d'études. 7 Ces constatations n'étonnent pas. Selon Statistique Canada, les personnes appartenant au quartile supérieur de revenu sont deux fois plus susceptibles de fréquenter l'université que celles du quartile inférieur. 8 Cet écart est demeuré constant au cours des 15 dernières années. Certains se réjouiraient d'un tel résultat, car cet écart aurait pu s'élargir, mais il faut se rendre à l'évidence que la politique canadienne en matière d'éducation postsecondaire

8 DOSSIERS EN ÉDUCATION DE L ACPPU JUIN 2006 mise en œuvre au cours des 15 dernières années n'a contribué en rien à combler l'écart d'accessibilité aux études postsecondaires. Conclusion Les familles canadiennes sont maintenant nombreuses à devoir composer avec le coût croissant du financement des études postsecondaires. Les étudiants et leurs familles doivent compter sur leurs épargnes personnelles, les emplois pendant leurs études, les emplois durant les vacances d'été, les cartes de crédit, les prêts personnels bancaires et les prêts étudiants des gouvernements pour financer leurs études postsecondaires. Le fait que le fardeau du financement des études postsecondaires, auparavant assumé collectivement par l'intermédiaire de l'état, repose maintenant sur les épaules de chaque individu a intensifié l'iniquité sociale courante de trois façons importantes. Premièrement, il est dorénavant plus difficile pour les personnes issues d'une famille à faible revenu de poursuivre des études postsecondaires. La hausse croissante du coût de l'éducation supérieure a non seulement renforcé les obstacles à l'accès d'une telle éducation pour les étudiants provenant de familles à faible revenu, mais elle a aussi accru les pressions subies par les étudiants à faible revenu à leur entrée dans le système. Les étudiants issus de familles à faible revenu disposent de moindres ressources dans lesquelles ils peuvent puiser en cas de difficultés financières; aussi sont-ils forcés de travailler pendant leurs études. Ces facteurs incitent de nombreux étudiants à abandonner leurs études en cours de route. Deuxièmement, un système d'éducation postsecondaire qui individualise le coût des études pénalise ceux qui sont le moins en mesure d'absorber les coûts initiaux. Comme l'illustrent les données, les personnes qui se trouvent au bas de l'échelle économique ne disposent tout simplement pas des ressources initiales pour financer des études postsecondaires, et elles doivent par conséquent recourir aux emprunts. En Nouvelle-Écosse, où il faudrait à une famille à faible revenu consacrer plus de 67 % de son revenu après impôt aux frais de scolarité, la dette étudiante moyenne dépasse maintenant les 28 000 $. 9 L'étudiant qui emprunte 25 000 $ pour payer ses études et qui accepte de rembourser son prêt sur dix ans doit payer un supplément de 10 000 $ pour poursuivre ses études. 10 i Finalement, le présent rapport démontre que les frais de scolarité élevés ont pour effet de consolider les inégalités de revenu. Plus les familles pauvres sont obligées d'augmenter la part de leur revenu mise de côté pour financer les études postsecondaires d'un enfant, moins elles disposent de ressources financières pour payer le prix d'autres nécessités de la vie comme le logement, le transport, les services de garderie, l'épargne-retraite et autres biens et services. Il est crucial de faire valoir cet argument - qui devrait néanmoins être intuitif - parce qu'on a souvent l'impression que les décideurs et les autres intervenants qui parlent de «l'accessibilité» économique des frais de scolarité le font comme si ces frais constituaient la seule dépense urgente à laquelle doivent faire face les familles à revenu faible ou moyen. Les hausses de frais de scolarité et les autres coûts associés à l'éducation postsecondaire ne sont qu'une partie d'un ensemble d'obligations économiques dont une famille doit s'acquitter. En somme, le présent rapport brosse un tableau lamentable de la politique canadienne en matière d'éducation postsecondaire. Les frais de scolarité élevés sont des plus préjudiciables aux personnes qui sont les moins en mesure de les payer. Il est clair que le montant élevé de ces frais est la cause principale de la stagnation des taux de participation des étudiants à faible revenu et de la légère baisse des

VOL 8 NO 2 DOSSIERS EN ÉDUCATION DE L ACPPU 9 taux de participation des étudiants à revenu moyen ces dix dernières années. Les augmentations restreintes de l'aide financière consentie aux étudiants ces dernières années sont loin de suffire à répondre aux besoins financiers énormes que les frais de scolarité suscitent pour les familles à faible revenu. À mesure que celles-ci peinent à financer des études collégiales ou universitaires, elles sont contraintes à faire des sacrifices déraisonnables et à prendre des décisions financières difficiles. Une solution de rechange plus équitable serait la mise en place d'un système d'éducation postsecondaire financé de façon collective, assorti d'un généreux programme d'aide financière non remboursable aux étudiants. Notes de fin de texte 1 L'indice est calculé en prenant comme année de base. Dans ce rapport, toutes les données sont corrigées pour tenir compte de l'inflation. 2 Aux fins de cette étude, les données recueillies proviennent de l'enquête sur le revenu de travail. Toutefois, pour des raisons de confidentialité, Statistique Canada a retranché les données relatives aux soutiens de famille appartenant au quintile supérieur. Cet organisme ne communique pas de données basées sur de très petits échantillons. 3 United Way of Toronto et le Conseil canadien de développement social, A Decade of Decline: Poverty and Inequality in the City of Toronto in the 1990s. Rapport disponible en anglais seulement sur Internet à l'adresse suivante : http://www.unitedwaytoronto.com/who_we_help/decade_in_decline/pdfs/decade_of_decline_final_report.pdf. 4 Time for a Fair Deal: Modernizing Income Security for Working Age Adults: the Report of the Task Force on Modernizing Income Security for Working-Age Adults, mai 2006. Rapport disponible en anglais seulement sur Internet à l'adresse suivante : http://www.torontoalliance.ca/miswaa_report.pdf. 5 Pour en savoir davantage à ce sujet, consulter : The Tuition Trap (Toronto, Hugh Mackenzie & Associates, septembre 2005). Cet argument ne tient pas compte des obstacles financiers auxquels doivent faire face les familles à faible revenu, qui sont relevés dans ce rapport, et sous-estime la capacité des programmes d'aide financière aux étudiants à prendre en charge de façon suffisante les frais de scolarité et le coût de la vie élevés. 6 Jeffrey W. Bowlby et Kathryn McMullen, À la croisée des chemins : premiers résultats de la cohorte des 18 à 20 ans de l'enquête auprès des jeunes en transition, (Ottawa, Statistique Canada, 23 janvier 2002), numéro au catalogue 81-591-XIF. 7 Michael B. Paulsen et Edward St. John, Social Class and College Costs: Examining the Financial Nexus Between College Choice and Persistence, The Journal of Higher Education, vol. 73 no 2, mars/avril 2002, pp. 189-236. 8 Lynn Barr-Telford, Fernando Cartwright, Sandrine Prasil et Kristina Shimmons, Accès, persévérance et financement : premiers résultats de l'enquête sur la participation aux études postsecondaires (EPÉP), (Ottawa: Statistique Canada et Développement des ressources humaines Canada, septembre 2003), numéro au catalogue 81-595-MIF2003007. 9 Rapport de la Commission de l'enseignement supérieur des Provinces maritimes, Cinq ans plus tard : Un sondage auprès des diplômés universitaires des Maritimes de 1999, (Fredericton: Commission de l'enseignement supérieur des Provinces maritimes, mai 2006). 10 Selon l'hypothèse d'un taux préférentiel plus 2,5 % où le taux préférentiel est de 4 % et le prêt est amorti sur dix ans, soit l'échéance normale fixée pour les prêts aux étudiants.