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ARTICLE ORIGINAL Les nématodes gastro-intestinaux des bovins de la région des savanes de la Côte-d Ivoire : enquête d abattoir Y.L. ACHI, J. ZINSSTAG, N. YÉO, V. DEA et PH. DORCHIES* LANADA, Laboratoire Régional, B.P. 32, Korhogo, Côte d Ivoire Institut Tropical Suisse, Socinstrasse 57 Postfach, CH-4002 Basel, Switzerland École Nationale Vétérinaire, 23, chemin des Capelles, F-31076 Toulouse cedex * Auteur correspondant RÉSUMÉ De septembre 1996 à août 1997, 48 bovins provenant de la région des savanes de la Côte-d Ivoire ont été examinés pour la mise en évidence des principaux helminthes. Six espèces de nématodes ont été identifiées dans le tube digestif. Les plus fréquentes (prévalence de 50 à 98 %) étaient Haemonchus sp, Cooperia punctata, Cooperia pectinata, Oesophagostomum radiatum, Trichostrongylus axei et Bunostomum phlebotomum. Les intensités parasitaires ont été très élevées pour les genres Haemonchus et Cooperia. Tous les parasites gastro-intestinaux ainsi que les excrétions d œufs ont présenté des fluctuations saisonnières avec un pic en mars et un autre pic entre juin et août. Les paramphistomes et Dicrocoelium hospes étaient à un taux de prévalence très élevé (respectivement 96 et 79 %) tandis que les cestodes, représentés surtout par le genre Moniezia, ont touché 31% des animaux. Setaria labiatopapillosa et Schistosoma bovis ont été rencontrés respectivement chez 10 et 35 % des bovins. MOTS-CLÉS : Côte-d Ivoire - bovins - zébus - Haemonchus spp, Cooperia punctata, Cooperia pectinata, Oesophagostomum radiatum, Trichostrongylus axei, Bunostomum phlebotomum, Dicrocoelium hospes, Setaria labiatopapillosa, Schistosoma bovis, Moniezia expansa, Moniezia benedeni. SUMMARY Gastrointestinal nematodes of cattle in the savannah area of Côted Ivoire : an abattoir survey. By Y.L. ACHI, J. ZINSSTAG, N. YÉO, V. DEA and PH. DORCHIES. Helminthological post mortem examinations of 48 cattle from the savannah area of Côte-d Ivoire were performed between September 1996 and August 1997. In the gastrointestinal tract, six species of nematodes have been found. The most frequent (prevalence of 50 to 98%) were Haemonchus sp, Cooperia punctata, Cooperia pectinata, Oesophagostomum radiatum, Trichostrongylus axei and Bunostomum phlebotomum. Parasite burdens of Haemonchus spp and Cooperia spp were very high. All parasites and faecal egg counts showed significant seasonal variations with a peak in March and a second peak in June-August during the highest rains period. High prevalences of paramphistomids and Dicrocoelium hospes were observed (96 and 79 %). The main flatworms were Moniezia (prevalence 31%). Setaria labiatopapillosa and Schistosoma bovis were found in respectively 10 and 35 % of the animals. KEY-WORDS : Côte-d Ivoire - cattle - zebus - Haemonchus spp, Cooperia punctata, Cooperia pectinata, Oesophagostomum radiatum, Trichostrongylus axei, Bunostomum phlebotomum, Dicrocoelium hospes, Setaria labiatopapillosa, Schistosoma bovis, Moniezia expansa, Moniezia benedeni. Introduction La Côte-d Ivoire est un grand pays agricole qui, depuis l indépendance, a son économie basée sur les cultures de rente. Autosuffisante en cultures vivrières sauf pour le riz, elle dépend fortement des pays tiers pour les produits de l élevage. Selon les statistiques 2000 de la Direction des Productions Animales, les produits de l élevage ne couvraient que 42 % de la consommation en viande bovine et 12 % pour le lait. Les efforts de développement de l élevage ivoirien datent des grandes sécheresses des années 1968 et 1973. Le Gouvernement déclara alors l élevage prioritaire à travers les projets de développement de la SODEPRA (Société de développement des Productions Animales). Néanmoins la production nationale demeure encore insuffisante devant les besoins croissants de la population. En effet, pour une consommation moyenne de toutes viandes égale à 6,7 kg/ habitant/ an, la viande bovine représente 3,65 kg/ habitant

106 ACHI (Y.L.) ET COLLABORATEURS (environ 55 % des besoins) alors que la production nationale ne fournit que 1,54 kg / habitant/ an (42 %). Devant cette situation, tous les intervenants de l élevage doivent travailler ensemble pour augmenter de manière permanente le cheptel et sa productivité. L effet néfaste des parasites gastro-intestinaux sur la production animale a été constaté [7, 14, 19]. En Gambie, ZINSSTAG et collaborateurs [20] ont montré que le traitement stratégique contre les parasites gastro-intestinaux des bovins N Dama augmentait la fertilité des femelles et réduisait le taux de mortalité des veaux. La maîtrise des problèmes parasitaires dans la région des savanes où est entretenu 65 % du cheptel national bovin serait donc une des solutions aux contraintes. Le développement d un programme de lutte stratégique nécessite de connaître les parasites présents et leur évolution saisonnière. Des études ont été réalisées au Mali [19], au Burkina Faso [17], en Gambie [11] et au centre de la Côted Ivoire [12], mais aucune dans la région des savanes du nord de ce pays. Les objectifs de ce travail ont donc été de faire l inventaire des parasites gastro-intestinaux des bovins dans le berceau de l élevage ivoirien et d identifier les variations des intensités parasitaires au cours de l année. Ceci débouche sur la proposition de schémas de lutte stratégique. Matériels et méthodes A) ZONE DE L ÉTUDE La région des savanes, (départements de Korhogo, Ferkéssedougou, Boundiali et Tengréla), est comprise entre le 8 ème et le 11 ème degré de latitude Nord et entre le 4 ème et le 7 ème degré de longitude Ouest. Le climat, de type sub-soudanais, est caractérisé par une saison sèche de novembre à mai, marquée par l harmattan et une saison des pluies de juin à octobre. La température moyenne est de 25 C. La pluviométrie annuelle varie entre 1200 et 1500 mm avec un pic en août ou septembre. La végétation est constituée d îlots de forêts denses, de forêts claires et de toute une gamme de savanes. Durant la période de l étude, les données climatiques ont été obtenues auprès de la société d exploitation et de développement aéroportuaire, aéronautique et météorologique (Sodexam) de Korhogo. B) ANIMAUX De septembre 1996 en août 1997, 48 tubes digestifs ont été examinés à l abattoir municipal de Korhogo à raison de 4 par mois provenant d animaux élevés dans la région et n ayant reçu aucun traitement antiparasitaire interne depuis moins six mois. Vingt bovins provenaient de Korhogo, 7 de Ferkéssedougou et un de Boundiali. Les 20 autres ont été achetés au marché à bétail de Korhogo où plus de 95 % des animaux sont originaires du département. Trois bovins étaient de race Baoulé et 14 des zébus. Le reste était constitué par des métis de ces deux races ou de la race N Dama. Sur les 48 sujets examinés, il y avait 16 mâles dont 4 castrats et 32 femelles. Dix animaux étaient âgés de 1 à 2 ans, 13 de 2 à 3 ans et 25 de plus de 3 ans. C) MÉTHODES PARASITOLOGIQUES La veille de l examen nécropsique, l équipe se rendait au marché à bétail pour choisir un animal, relever son âge, pratiquer un examen clinique et noter la présence ou non de diarrhée. Des matières fécales ont été récoltées dans le rectum et ont été examinées selon la méthode de Mc Master modifiée selon BOCH et coll. [3] et par sédimentation à l eau du robinet pour la recherche des œufs de trématodes. Après l abattage, les poumons, le foie, le cœur et la carcasse ont été inspectés pour la recherche macroscopique de parasites. L œsophage et le rumen ont été aussi ouverts puis inspectés pour la recherche de parasites. Les veines mésentériques étaient examinées avant l ouverture de l intestin pour la recherche de schistosomes. Les différentes portions du tube digestif ont été séparées par des doubles ligatures, l abomasum, l intestin grêle et le gros intestin ont été ouverts dans le sens de la longueur, leurs contenus ont été séparément lavés et passés à travers un tamis à mailles de 200 microns. Les résidus du tamis étaient repris dans 5 litres d eau. Une aliquote de 200 ml a été prélevée et les parasites ont été récoltés sous loupe binoculaire et identifiés au microscope selon KAUFMANN [10], comptés et multipliés par 25 pour avoir le nombre total par portion. Les cestodes ont été colorés avant leur identification. Les nodules du cæcum ont été comptés et identifiés. La muqueuse de la moitié de l abomasum et celle du cæcum ont été détachées et digérées dans une solution peptique (10 g de pepsine à 1200 UI/g + 8,5 g de Nacl + 16 ml de HCl à 37 p. 100 + 100 ml d eau distillée) à 37 C pendant une nuit, pour la recherche de larves. D) ANALYSES STATISTIQUES La saisie, la vérification des données et l analyse statistique ont été opérées à l aide du programme EPI-INFO (version 5.0). Des comparaisons statistiques ont été faites à l aide de l analyse de la variance non paramétrique de KRUSKALL-WALLIS. Le seuil de signification a été fixé à p < 0,05. Résultats Les moyennes mensuelles des températures et des précipitations sont représentées figure 1. Au cours de l étude, la pluviométrie totale a été de 1206 mm. Les températures moyennes mensuelles ont varié entre 25 et 30 C et l humidité relative, avec une moyenne de 61,5 %, était de 25 à 81 %. A) INVENTAIRE DES PARASITES GASTRO-INTESTI- NAUX. La population parasitaire était composée d une espèce de trématode, trois cestodes et six nématodes (tableau I). Les

LES NEMATODES GASTRO-INTESTINAUX DES BOVINS DE LA COTE-D IVOIRE : ENQUETE D ABATTOIR 107 paramphistomes étaient présents chez 96 % des bovins dont 13 % avec des intensités supérieures à 100 vers. La prévalence des cestodes était de 31 % avec principalement Moniezia expansa et Moniezia benedeni. Les nématodes étaient représentés par Haemonchus spp, Trichostrongylus axei, Cooperia pectinata, Cooperia punctata, Bunostomum phlebotomum et Œsophagostomum radiatum. L intensité des nématodes, toutes espèces confondues, a varié de 25 et 59 175 avec une moyenne de 7 611 vers par animal. Tous étaient porteurs d au moins une espèce. Vingt-cinq pour cent avaient moins de 1000 vers et 17 % plus de 10 000. L intensité parasitaire abomasale a varié de 25 à 15750 nématodes et reflète plutôt l intensité d Haemonchus spp avec une moyenne de 2 271 vers. Les nématodes de l intestin grêle, dominés par le genre Cooperia spp, ont varié de 25 à 47 075 avec une moyenne de 5 171 vers. Les Haemonchus spp ont été les nématodes dominants par leur prévalence (98 %), représentant 95 % de l intensité parasitaire abomasale avec une moyenne de 2168 vers par animal. Les languettes supravulvaires des femelles étaient linguiformes à 99 %, moins de 1 % de forme boutonnée et quelques rares formes lisses. Aucune larve n a été observée dans le digestat de la muqueuse abomasale mais dans le contenu chez 14 animaux. FIGURE 1. Évolution mensuelle de la pluviométrie et de la température dans la zone d enquête. TABLEAU I. Inventaire des parasites des bovins de la région des savanes de la Côte-d Ivoire.

108 ACHI (Y.L.) ET COLLABORATEURS Trichostrongylus axei était présent dans la caillette de 52 % des sujets avec une moyenne de 104 vers. Des parasites du genre Cooperia ont été retrouvés dans la caillette de 36 des 48 animaux examinés. Cooperia punctata a été, avec son intensité moyenne de 3 391 vers, le nématode le plus abondant et le deuxième par sa prévalence (85 %), représentant 66 % de l intensité parasitaire de l intestin grêle, suivi de Cooperia pectinata (34 %) et de Bunostomum phlebotomum (< 1 %). Oesophagostomum radiatum a été trouvé chez 33 animaux (69 % du total des bovins examinés) : 31 avec moins de 1 000 vers et deux avec plus de 1 000. C était l unique espèce présente dans le gros intestin avec une intensité moyenne de 169 parasites, 41 sujets (86 %) présentaient des nodules de la muqueuse cæcale (en moyenne 32). B) AUTRES PARASITES La carcasse et les viscères des bovins ont été aussi examinés. Les parasites trouvés figurent au tableau I. Leurs prévalences ont été 79 % pour Dicrocoelium hospes, 35 % pour Schistosoma sp, 10 % pour Setaria labiatopapillosa et 4 % pour Fasciola gigantica. C) EVOLUTION SAISONNIÈRE (FIGURES 2, 3 ET 4) Les variations des intensités moyennes mensuelles ont montré globalement deux pics : un premier au mois de mars, au moment de la «pluie des mangues» qui correspond à une pluviométrie de 14 mm environ dans le dernier tiers de la saison sèche (figure 2). Le second pic varie, selon les nématodes, entre juin, juillet ou encore août. Haemonchus spp et Cooperia spp ont présenté en plus un léger pic en octobre (figure 3). Ces variations saisonnières ont été statistiquement significatives pour Haemonchus sp (p < 0,05). Les examens coproscopiques ont mis en évidence des œufs de strongles dans les fèces (opg) de tous les animaux avec une moyenne de 564 par gramme de matières fécales (15-4500). 17 % d entre eux avaient plus de 1 000 œufs par gramme de fèces (tableau II). Des oocystes de coccidies ainsi que des œufs de cestodes ont été rencontrés respectivement chez 63 % et 13 % des bovins. La moyenne d élimination des oocystes de coccidies a été des 283 et ils n ont été retrouvés dans les fèces qu en juin et en novembre (p < 0,05). Les jeunes ont excrété plus d oocystes que les adultes (p < 0,05). Les variations des intensités moyennes des œufs de strongles éliminés ont révélé trois pics au cours des mois de mars, juin et novembre. Ces variations mensuelles n ont pas été statistiquement significatives pour aucune espèce de nématode. La figure 2 montre que les pics des nématodes dominants et ceux des œufs excrétés coïncident en mars et en juin. Pour les Cooperia spp, les pics des vers adultes ont eu lieu un mois avant celui des éliminations d œufs. D autre part, le nombre de vers ainsi les niveaux des coproscopies sont restés très bas pendant la saison sèche, de novembre en février. La figure 4 montre l évolution au cours de l année de l intensité moyenne d Oesophagostomum radiatum et des nodules comptés dans la muqueuse cæcale. Cette relation n a pas été statistiquement significative mais elle a montré que l intensité d Oesophagostomum radiatum variait dans le sens inverse de celle des nodules cæcaux et vice versa. Les nodules ont été plus nombreux pendant la saison sèche mais la digestion de la muqueuse n a révélé aucune larve. FIGURE 2. Relations entre l intensité moyenne des nématodes et la coproscopie (nombre moyen d œufs de strongles par gramme de matières fécales).

LES NEMATODES GASTRO-INTESTINAUX DES BOVINS DE LA COTE-D IVOIRE : ENQUETE D ABATTOIR 109 FIGURE 3. Évolution mensuelle des intensités d Haemonchus spp et de Cooperia spp. FIGURE 4. Relations entre l intensité moyenne d Oesophagostomum radiatum et des nodules cæcaux.

110 ACHI (Y.L.) ET COLLABORATEURS La relation entre l âge et l intensité des nématodes gastrointestinaux d une part et d autre part entre l âge et l excrétion des œufs n a pas été statistiquement significative. Cependant, les sujets de 2 à 3 ans ont présenté les plus fortes intensités parasitaires et les plus fortes éliminations d œufs suivis par les animaux de plus de trois ans (tableau III). Ces derniers étaient les plus infestés par Oesophagostomum radiatum alors que Bunostomum phlebotomum a plus parasité les jeunes de moins de 2 ans. En général, dans toutes les classes d âge, 70 % des animaux hébergeaient entre 4 et 5 espèces de parasites. Chez les bovins de plus de trois ans 5 espèces étaient présentes, chez les 2-3 ans entre 3 et 6 espèces et chez les 1-2 ans entre 2 et 5 espèces. Le sexe, la race et l origine n ont pas eu d influence statistiquement significative sur les différents paramètres étudiés, mais les femelles avaient plus de parasites que les mâles. Les animaux élevés dans le département de Korhogo ont présenté des intensités de vers plus importantes que ceux des deux autres localités par contre les moyennes d opg étaient plus faibles. La race Baoulé a été la plus parasitée, suivie des métis puis des zébus. La plus faible moyenne de l hématocrite a été également rencontrée chez les Baoulés. Discussion Cette enquête faite à l abattoir municipal de Korhogo met une fois encore en évidence le polyparasitisme des animaux domestiques dans le nord de la Côte-d Ivoire. Les six espèces de nématodes identifiés sont dominées par Haemonchus et Cooperia. Le parasitisme est similaire à celui déjà rapporté dans d autres pays en Afrique de l Ouest tels que le Burkina Faso [17], la Gambie [16], le Sénégal [15] et le Mali [18]. KOMOIN et col. [12] ont travaillé dans le centre de la Côted Ivoire sur des bovins N Dama et ont aussi constaté cette dominance des genres Haemonchus et Cooperia. Néanmoins ils n ont pas rencontré de Bunostomum phlebotomum. Trichuris sp présent dans le centre n a pas été trouvé dans la région des savanes. Trichostrongylus colubriformis et Strongyloides papillosus n ont pas non plus été rencontrés. Pour ce dernier, les vers adultes n ont pas été récoltés par contre des œufs ont été identifiés en mars et en août dans les fèces de deux animaux de moins de trois ans. Les deux espèces du genre Cooperia ont été retrouvées dans la caillette comme l ont signalé CHOLLET et coll. [5]. La plupart des espèces parasitaires sont présentes toute l année sauf Trichostrongylus axei et Bunostomum phlebotomum. Les variations des intensités parasitaires et de l élimination des œufs présentent des pics contemporains, bien que non statistiquement significatifs pour aucune espèce de nématodes. Cependant, le nombre d œufs ne reflète l intensité des parasites adultes qu au cours du pic de juin. Au contraire, en début de la saison sèche, pour trois fois moins de vers, la moyenne des coproscopies a été multipliée par deux. Cette augmentation de la fécondité des femelles, couplée à une saison sèche «un peu humide», pourrait être à l origine du pic d adultes en mars. CHIEJINA et FAKAE [4] ont montré que de petites pluies en saison sèche entraînaient le développement de larves infestantes sur le pâturage. La quasi-absence de réinfestation par les strongles en saison TABLEAU II. Résultats des examens coproscopiques. TABLEAU III. Intensités parasitaires selon l âge.

LES NEMATODES GASTRO-INTESTINAUX DES BOVINS DE LA COTE-D IVOIRE : ENQUETE D ABATTOIR 111 sèche, observée par ANKERS et coll. [2] ne s appliquerait donc qu aux régions plus sèches. L hypobiose d Haemonchus spp n a pas été constatée comme cela a déjà été le cas au sud [13] et au centre du pays [12] alors que dans le nord nous avions récolté un nombre limité de larves hypobiotiques en saison sèche [1]. Chez les bovins, Haemonchus spp a survécu pendant la saison sèche sous forme d un nombre réduit d adultes très féconds comme nous l avons déjà observé chez les petits ruminants de la même région [1], ce qui pourrait être une explication à cette absence d hypobiose [9]. Des larves de quatrième âge étaient dans la lumière abomasale de 14 animaux de mars à août comme chez les petits ruminants. La présence de larves dans la lumière abomasale a été aussi observée par GIANGASPERO et coll. [8] en Syrie, sur des ovins, mais pour Teladorsagia circumcinta et Marshallagia marshalli. OUÉDRAOGO et coll. [17] ont constaté de l hypobiose à Bobo-Dioulasso, non loin de la zone d étude d où l hypothèse de la limite de l hypobiose à l isohyète de 1100 mm. Le genre Cooperia a passé la saison sèche sous forme d un nombre réduit d adultes peu féconds. Contrairement aux animaux du centre qui ont eu des infestations modérées, avec les jeunes plus parasités que les adultes [12], au Nord, les infestations parasitaires ont été fortes surtout chez les sujets de plus de deux ans représentés par 65 % de femelles. Dix-sept pour cent des bovins qui avaient des intensités parasitaires supérieures à 10 000 vers seraient les sources de contamination des pâturages. Les animaux de 2-3 ans ont été plus infestés que ceux de plus de 3 ans. Cette constatation est utile car, selon les rapports de la Sodepra Nord, les femelles sont mises à la reproduction à 3 ans et plus et tous les efforts pour augmenter le cheptel et la productivité vont reposer sur cette tranche d âge dont 45 % d entre eux avaient des taux d infestation supérieurs à 5 000 vers. Selon EUZEBY [6], chez les bovins, les seuils d infestation cliniquement décelables sont de 3 000 à 5 000 pour Haemonchus placei et de 10 000 à 15 000 pour Cooperia sp. Le taux d infestation élevé chez les taurins plus que chez les zébus d une part, la constatation que les animaux provenant de Korhogo sont plus infestés que ceux de Ferkéssedougou d autre part, posent ici le problème de la compréhension de la politique sanitaire proposée par la Sodepra. Les taurins sont à majorité la propriété des autochtones sénoufo. N ont-ils pas compris la politique de la Sodepra ou n ont-ils pas voulu y adhérer? Les zébus sont par contre la propriété exclusive de peuls (transhumants ou sédentaires) qui font une consommation importante d anthelminthiques (benzimidazoles et lévamisole). L insuffisance apparente de ces traitements réguliers serait-elle la conséquence du non-respect de la posologie, du mauvais choix du moment d intervention ou plutôt du développement d une résistance à ces molécules? Enfin, cette étude révèle aussi des forts taux de prévalence des trématodes qu il faudrait intégrer dans les mesures de lutte. Conclusion L objectif de l autosuffisance en produits carnés que vise la Côte-d Ivoire et surtout la réduction de la dépendance vis à vis de la viande bovine doit passer par une nouvelle politique de développement de l élevage. L enquête sur les parasites gastro-intestinaux des bovins dans la région des savanes a permis de constater trois pics d infestation dans l année avec des intensités importantes, contrairement aux autres études dans la sous-région, et de démontrer que les animaux de 2-3 ans étaient les plus infestés. Des traitements pourraient être judicieusement administrés deux fois par an en cours de saison sèche après la «pluie des mangues» et après le début de la saison des pluies (soit en mars et en juillet ou en mars et novembre ou encore en juin et novembre). Toute proposition de calendrier de vermifugation devrait être soumise à une évaluation économique et tenir compte du risque de développement de résistances aux anthelminthiques. Cette volonté d augmenter les productions de l élevage ne passe pas seulement par la maîtrise des parasitoses gastrointestinales. Plusieurs problèmes existent et devraient trouver aussi des solutions. Il s agit de l alimentation du bétail pendant la saison sèche, de la protection des animaux contre les différentes épizooties et l élimination des animaux atteints de Péripneumonie Contagieuse Bovine (PPCB), de tuberculose et de brucellose. Remerciements Nous remercions l Académie suisse des sciences naturelles à Berne, Suisse, pour son appui financier. Nos remerciements vont aussi au Centre suisse de recherches scientifiques en Côte-d Ivoire, pour son assistance technique. Bibliographie 1. ACHI Y.L., ZINSSTAG J., YEO N., DEA V. et DORCHIES Ph. : Epidémiologie des helminthoses des moutons et des chèvres dans la région des savanes du nord de la Côte-d Ivoire. Soumis. 2. ANKERS P., ZINSSTAG J. et PFISTER K. : Quasi-absence de réinfestation par les strongles du bétail gambien en saison sèche. Revue Elev. Méd. Vét. Pays trop.,1994, 47, 201-205. 3. BOCH J., SUPPERER R., ECKERT J., KUTZER E. et ROMMEL M. : Veterinärmedizinische Parasitologie. 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