Mémoire du Syndicat des propriétaires forestiers de la région de Québec présenté au MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES ET DE LA FAUNE (MRNF) dans le cadre de la consultation concernant le projet de politique sur les forêts de proximité NOVEMBRE 2011 SYNDICAT DES PROPRIÉTAIRES FORESTIERS DE LA RÉGION DE QUÉBEC 5185, rue Rideau Québec (Québec) G2E 5S2 www.spfrq.qc.ca 1 Téléphone : 418872-0770 Télécopieur : 418872-7099 Courriel : spfrq@upa.qc.ca
Le Syndicat des propriétaires forestiers de la région de Québec (SPFRQ) présente ses commentaires dans le cadre de la consultation concernant le projet de politique sur les forêts de proximité. Le SPFRQ est un organisme qui intervient pour défendre les intérêts de 15 000 propriétaires de forêts privées de son territoire. Celui-ci est centré autour de la ville de Québec, de part et d autre du fleuve Saint-Laurent. Il couvre les régions de Portneuf, Québec, Montmorency, Charlevoix, Côte-Nord, Lévis, Bellechasse, Lotbinière et Mégantic. En plus de sa mission syndicale, ce syndicat agit comme gestionnaire du Plan conjoint des producteurs de bois de la région de Québec. À ce titre, il administre une agence centrale de ventes, selon des modalités prévues dans la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche (LMMPAAP). Le SPFRQ est agent négociateur pour les producteurs de bois, intervient dans la gestion du transport, partage le marché entre les producteurs dans une approche de gestion de l offre, intervient dans la circulation de l information sur les marchés et conseille les producteurs qui en font la demande. Avis et commentaires du SPFRQ À titre d organisation regroupant des producteurs et des administrateurs provenant de plusieurs régions d appartenance, le SPFRQ est, au premier abord, favorable aux objectifs de transfert de pouvoir de décision et de responsabilités aux communautés, de retour direct des retombées socioéconomiques dans ces communautés et de développement en région d une expertise en matière de gestion du territoire forestier et de ses ressources. Cette première réaction favorable est cependant mitigée de façon importante, de vives inquiétudes surgissant à la lecture du document de consultation. Celles-ci touchent principalement le rôle que joueront les éventuelles forêts de proximité sur les marchés du bois et la pression qu elles pourront exercer pour s accaparer des rares ressources gouvernementales dédiées à la mise en valeur des forêts. Forêts de proximité et marchés État actuel des marchés En matière de marchés de bois et de fibre, l environnement québécois se caractérise par une offre qui se divise entre un acteur omniprésent - l État québécois - et un grand nombre de plus petits propriétaires - ceux qui détiennent des forêts privées dont les dimensions sont extrêmement variables. Du côté de la demande, on trouve un nombre relativement réduit d usines et un nombre encore plus réduit d entités corporatives distinctes et indépendantes. 1
Bien que l État québécois soit en mesure d exercer un rôle déterminant par l importance de son offre et de créer un marché favorable aux vendeurs, on constate qu il a historiquement choisi d utiliser les ressources forestières afin de stimuler le développement industriel et la création d emplois. En consentant aux utilisateurs d importantes et solides garanties d approvisionnement et en adoptant des politiques de tarification étroitement liées à l état des marchés des produits transformés, il a dans les faits subordonné ses interventions dans le marché du bois aux intérêts de l industrie forestière. Comme l État québécois refuse d assumer un réel rôle de vendeur de ressources, le déséquilibre existant entre le grand nombre de petits producteurs et le nombre restreint d utilisateurs ne peut que créer un marché systématiquement favorable aux acheteurs. L état de crise persistant du secteur forestier exacerbe ce déséquilibre et le met clairement en évidence, tout comme la récente initiative du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) de vendre du bois de la forêt publique aux enchères. Cette vente a attiré peu d acheteurs et les prix offerts ont été décevants. Nouvelles perturbations à craindre Quels rôles les gestionnaires des forêts de proximité souhaiteront-ils et pourront-ils jouer sur les marchés? Leur présence contribuera-t-elle à renforcer ou à diminuer l important pouvoir de marché des acheteurs de bois? Que ces gestionnaires soient des dirigeants municipaux, des leaders autochtones ou un ensemble de partenaires greffés autour de l un ou l autre de ces groupes, dans quelle mesure pourront-ils être autre chose que des «preneurs» de prix ou, tout comme l État québécois, des «subventionneurs» d emplois industriels? Fort de décennies de négociation avec les industriels forestiers, nous pouvons affirmer que ces derniers n hésiteront pas à exploiter le faible pouvoir de marché des éventuels gestionnaires des forêts de proximité pour imposer leurs conditions de vente. Placés dans une situation de devoir négocier avec tout au plus quelques acheteurs sérieux, peu désireux de se livrer concurrence ou, pire encore, de devoir assumer la responsabilité de fermetures d usines et de pertes d emplois en ne produisant pas de bois en période inopportune, les gestionnaires des forêts de proximité réaliseront rapidement qu il n est pas facile d être un producteur de ressources forestières et de rentabiliser cette activité. Nous craignons de voir les gestionnaires des forêts de proximité vendre le bois de leurs territoires à des conditions très basses qui seront ensuite utilisées par les acheteurs pour mettre les producteurs de bois de la forêt privée sous pression. Pour des raisons déjà évoquées et parce que les gestionnaires des forêts de proximité n auront pas, comme les propriétaires de forêts privées, à assurer la rémunération d un capital investi dans la base foncière ou à défrayer certains coûts fixes tels que les taxes municipales et scolaires, ils seront plus susceptibles afin de se ménager des marchés en période difficile, de couper leurs prix de vente et de se mettre en compétition directe avec les propriétaires de forêts privées. Une situation qui sera 2
particulièrement odieuse lorsque le gestionnaire de forêts de proximité sera une autorité municipale qui viendra faire compétition à ses contribuables. Recommandation 1 : que le bois récolté dans les forêts de proximité demeure du bois appartenant à la catégorie de source d approvisionnement résiduel, en vertu de l article 91 de la Loi sur l aménagement durable du territoire forestier. Recommandation 2 : que les gestionnaires des forêts de proximité aient à verser au gouvernement une redevance équivalente à une rente raisonnable sur le capital qui aurait dû être investi pour acquérir le territoire visé et au montant de taxes foncières que devrait payer tout citoyen sur ce territoire s il était privé. Recommandation 3 : que les gestionnaires des forêts de proximité aient l obligation d internaliser dans leurs prix de vente de bois l ensemble des coûts associés à la sylviculture des forêts et à la production de bois. Recommandation 4 : que les gestionnaires des forêts de proximité soient incités à utiliser les services de mise en marché des plans conjoints des producteurs de bois présents dans leurs territoires. Forêts de proximité et financement de la sylviculture La seconde inquiétude du SPFRQ porte sur les demandes que ne manqueront pas de faire les gestionnaires des forêts de proximité pour obtenir du financement destiné à des travaux sylvicoles. État actuel du secteur sylvicole Tel que mis en évidence par la crise du secteur forestier, la productivité de la forêt publique est insatisfaisante. Derrière les plaintes des industriels concernant le coût de leur approvisionnement se cache la réalité de lieux d approvisionnement de plus en plus éloignés, de massifs forestiers coûteux à exploiter et de bois récolté de faible qualité. La réalité forestière québécoise se caractérise par la nécessité de financer les travaux sylvicoles dans un processus distinct de la vente du bois récolté, aussi bien en forêt publique que privée. La vaste majorité des travaux sylvicoles est financée par des programmes gouvernementaux et non par des revenus de marché. Ce contexte ne pouvant changer rapidement, il nous est difficile de croire que les gestionnaires des forêts de proximité seront en mesure, le temps de rétablir la productivité des territoires dont ils seront responsables, de se passer du soutien financier gouvernemental. Ils feront face à une équation presque insoluble sans apport financier externe : pression de leurs citoyens afin de 3
soutenir les emplois en forêt et en usine, demandes industrielles pour de l approvisionnement à bon compte, volonté de générer des revenus pour financer d autres services et activités, volonté d avoir une gestion durable exemplaire des territoires et de rétablir le potentiel de production. Ne pas déshabiller l un pour habiller l autre Pourquoi se préoccuper de cette situation? Parce que les finances du gouvernement provincial sont si précaires que le financement de nouvelles activités risque fort de se faire au détriment du financement de programmes existants. En clair, nous doutons que les communautés autochtones ainsi que les milieux municipaux réussissent à gérer les éventuelles forêts de proximité sans recourir à du financement gouvernemental et que les autorités provinciales soient en mesure de faire longtemps la sourde oreille aux demandes de ces intervenants. Déjà réduits par les efforts gouvernementaux de contrôle des dépenses, les budgets de soutien à la mise en valeur de la forêt privée et de la forêt publique pourraient de nouveau être amputés si le MRNF se voyait dans l obligation de financer de nouvelles initiatives dans les forêts de proximité. Recommandation 5 : que, parallèlement à l adoption d une politique des forêts de proximité, le gouvernement provincial adopte une politique d accompagnement financier pour les délégataires de gestion, en s assurant bien que le financement de ce nouveau programme ne compromette pas le financement des programmes existants de soutien à la sylviculture des forêts privées. 4