TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES REPUBLIQUE FRANCAISE N 1405921 Mme Sophie P M. Christien Juge des référés AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Le Tribunal administratif de Nantes Le juge des référés Ordonnance du 8 janvier 2015 Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2014, présentée pour Mme Sophie P, par Me Sarday ; Mme P demande au juge des référés : 1 ) de condamner la commune du Langon à lui verser la somme de 21 593,80 euros à valoir à titre provisionnel sur le montant des allocations-chômage qu elle lui doit ; 2 ) d enjoindre à la commune du Langon de procéder au versement de cette provision dans le délai d un mois à compter de l ordonnance à intervenir, sous astreinte passé ce délai de 500 euros par jour de retard ; 3 ) de mettre à la charge de la commune du Langon le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que : - elle était fonctionnaire de la commune du Langon et a été radiée des cadres par un arrêté du maire de cette commune du 7 octobre 2013 pris en application d un jugement du tribunal correctionnel de La Roche-sur-Yon du 18 mars 2013 ayant notamment prononcé à son encontre la peine complémentaire d interdiction définitive d exercer toute fonction ou emploi public ; - la circonstance qu elle ait été radiée des cadres en exécution de ce jugement pénal ne fait pas obstacle à ce qu elle soit regardée comme involontairement privée d emploi au sens de l article L.5422-1 du code du travail, ce qui lui ouvre droit aux allocations chômage ; - le versement de ces allocations incombe à son ancien employeur, la commune du Langon ; - la Chambre régionale des comptes des pays de la Loire a, dans un avis du 29 avril 2014, évalué au montant de 21 593,80 euros le montant qui lui était alors dû au titre de ces allocations ; il convient de lui allouer cette somme à titre de provision ;
N 1405921 2 Vu le mémoire en défense, enregistré le 1 er août 2014, présenté pour la commune du Langon par la SELARL Atlantic Juris qui conclut : 1 ) au rejet de la requête ; 2 ) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme P au titre des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle fait valoir que : - les faits délictuels ayant entrainé la condamnation pénale de la requérante et sa radiation des cadres en exécution de cette condamnation sont d une gravité telle que l intéressée ne peut être regardée comme ayant été involontairement privée d emploi au sens de l article L.5422-1 du code du travail ; - l intéressée n établit pas remplir les deux autres conditions auxquelles l article L.5422-1 du code du travail subordonne le versement des allocations chômage, à savoir l aptitude au travail, dès lors qu elle a été en congé pour maladie depuis la découverte des faits ayant donné lieu à sa condamnation pénale jusqu à la date de l arrêté la radiant des cadres, et la recherche d emploi ; - en ne travaillant pas, Mme P méconnait l obligation qui lui a été faite par le jugement du tribunal correctionnel de La Roche-sur-Yon d exercer une activité professionnelle, suivre un enseignement ou une formation professionnelle et elle ne saurait donc prétendre à des allocations chômage au titre d une situation de non emploi dont elle est responsable ; Vu l ordonnance du 2 septembre 2014 fixant, en application de l article R.613-1 du code de justice administrative, la date de clôture d instruction au 3 octobre 2014 ; Vu le mémoire enregistré le 3 octobre 2014 présenté pour Mme P qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et qui ajoute que : - elle établit par les pièces qu elle produit qu elle est inscrite à Pôle emploi, qu elle a répondu, malheureusement sans succès, aux offres d emplois que lui a proposées cette institution et qu elle a candidaté pour une formation professionnelle de «gestionnaire paie» ; la commune n est donc pas fondée à soutenir qu elle ne remplit pas les conditions d aptitude au travail et de recherche effective d emploi ; - contrairement à ce que soutient la commune, elle n est pas responsable de la situation de non emploi dans laquelle elle se trouve ; en effet, elle recherche effectivement un emploi, même si cette recherche n a pas jusqu à présent débouché sur un résultat ; si elle n avait pas procédé à cette recherche, le service pénitentiaire d insertion et de probation qui assure le suivi des personnes condamnées avec mise à l épreuve n aurait pas manqué de proposer la révocation du sursis dont est assortie la condamnation à deux ans d emprisonnement prononcée à son encontre ; Vu l ordonnance du 11 octobre 2014 réouvrant, en application de l article R.613-4 du code de justice administrative, l instruction, et fixant, en application de l article R.613-1 dudit code, une nouvelle date de clôture d instruction au 3 novembre 2014 ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2014, présenté pour la commune du Langon qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
N 1405921 3 Vu les autres pièces du dossier ; Vu la décision par laquelle le président du tribunal a désigné M. Christien comme juge des référés ; Vu le code pénal ; Vu le code du travail ; Vu la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ensemble la loi n 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; Vu le code de justice administrative ; Sur la demande de provision de Mme P : 1. Considérant, d une part, qu aux termes de l article R. 541-1 du code de justice administrative : «Le juge des référés peut, même en l absence d une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l a saisi lorsque l existence de l obligation n est pas sérieusement contestable. Il peut, même d office, subordonner le versement de la provision à la constitution d une garantie» ; 2. Considérant d autre part, qu aux termes de l article L. 5422-1 du code du travail : «Ont droit à l'allocation d'assurance les travailleurs involontairement privés d'emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L. 1237-11 et suivants, aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure» ; qu il résulte du 1 de l article L. 5424-1 dudit code que «les agents titulaires des collectivités territoriales» ont droit à l allocation d assurance chômage ; et qu aux termes de l article L. 5424-2 du même code : «Les employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1 assurent la charge et la gestion de l'allocation d'assurance» ; 3. Considérant que Mme P, qui était depuis le 20 janvier 1995 fonctionnaire territorial, membre du cadre d emplois des adjoints administratifs en fonction à la commune du Langon (Vendée), a été condamnée par un jugement du tribunal correctionnel de La Roche-sur-Yon du 18 mars 2013 à une peine de deux ans d emprisonnement, assortie d un sursis avec mise à l épreuve pendant trois ans lui faisant notamment obligation d exercer une activité professionnelle, suivre un enseignement ou une formation professionnelle, ainsi que de la peine complémentaire d interdiction définitive d exercer toute fonction ou emploi public ; que, par un arrêté du 7 octobre 2013, le maire de la commune du Langon l a, en exécution de ce jugement, radiée des cadres à compter du 29 avril 2013 ; 4. Considérant, en premier lieu, que, lorsque l administration constate qu un de ses agents a fait l objet d une condamnation pénale lui interdisant définitivement d exercer toute fonction ou emploi public, elle doit en tirer les conséquences nécessaires en procédant à sa radiation des cadres ; que même si l administration est légalement tenue de procéder à cette radiation, l agent ainsi radié se trouve involontairement privé d emploi au sens des dispositions précitées de l article L. 5422-1 du code du travail ;
N 1405921 4 5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme P établit, par les pièces qu elle produit, qu elle est inscrite à Pôle emploi, qu elle a répondu, sans succès, aux offres d emplois que lui a proposé cette institution et qu elle a candidaté pour une formation professionnelle de «gestionnaire paie» ; qu elle remplit donc également les conditions d aptitude au travail, nonobstant la circonstance invoquée par la commune qu elle a été en congé pour maladie depuis la découverte des faits ayant donné lieu à sa condamnation pénale jusqu à la date de l arrêté la radiant des cadres, et de recherche d emploi auxquelles l article L. 5422-1 du code du travail subordonne le versement des allocations chômage ; 6. Considérant, en troisième lieu, que la commune du Langon fait valoir qu en ne travaillant pas Mme P méconnait l obligation qui lui a été faite par le jugement du tribunal correctionnel de La Roche-sur-Yon d exercer une activité professionnelle, suivre un enseignement ou une formation professionnelle et qu elle ne saurait prétendre à des allocations chômage au titre d une situation de non emploi dont elle est responsable ; que, toutefois, ainsi qu il a été dit au considérant précédent, Mme P établit rechercher un emploi, même si c est jusqu à présent sans résultat ; qu au demeurant, si cela n avait pas été le cas, le service pénitentiaire d insertion et de probation qui assure le suivi des personnes condamnées avec mise à l épreuve n aurait pas manqué de proposer la révocation du sursis dont est assorti la condamnation de l intéressée à deux ans d emprisonnement ; 7. Considérant qu il résulte de ce qui a été dit aux considérants n 4 à n 6 que Mme P a droit aux allocations chômage et de l article L. 5424-2 du code du travail que la charge du versement de ces allocations incombe à la commune du Langon ; 8. Considérant que, dans un avis du 29 avril 2014, la chambre régionale des comptes de Pays de la Loire a estimé que le montant des allocations chômage dues à Mme P pour la période allant de son inscription à Pôle emploi le 28 mai 2013 à la fin de l année 2014 s élevait au total de 21 593, 80 euros ; 9. Considérant qu il résulte de ce qui précède que la créance dont se prévaut Mme P n est pas sérieusement contestable ; qu il y a donc lieu de condamner la commune du Langon à lui verser la provision d un montant de 21 593, 80 euros qu elle réclame ; Sur les conclusions à fin d injonction et d astreinte : 10. Considérant qu'aux termes de l article L. 911-1 du code de justice administrative : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ( ) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution» ; et qu aux termes de l article L. 911-3 dudit code : «Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet» ; qu il y a lieu, en application de ces dispositions, d enjoindre à la commune du Langon de verser à Mme P la provision d un montant de 21 593, 80 euros mentionnée au considérant n 9, cela dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance, sous astreinte passé ce délai de 100 euros par jour de retard ;
N 1405921 5 Sur les conclusions tendant à l application des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative : 11. Considérant qu il y a lieu, dans les circonstances de l espèce, par application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune du Langon le versement à Mme P de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu une somme soit, sur leur fondement, mise à la charge de Mme P qui n est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; O R D O N N E Article 1er : La commune du Langon est condamnée à verser à Mme P une provision de 21 593, 80 euros. Article 2 : Il est enjoint à la commune du Langon de verser à Mme P la provision de 21 593, 80 euros mentionnée à l article 1 er dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente ordonnance, sous astreinte passé ce délai de 100 euros par jour de retard. Article 3 : La commune du Langon versera, au titre des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à Mme P. Article 4 : Les conclusions présentées par la commune du Langon au titre des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Sophie P et au maire de la commune du Langon. Fait à Nantes, le 8 janvier 2015 Le juge des référés, R. CHRISTIEN La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l exécution de la présente décision. Le greffier,