La logique oue dans les PME/PMI Application au dosage de l'eau dans les bétons P.Y. Glorennec INSA de Rennes/IRISA glorenne@irisa.fr C. Hérault Hydrostop christophe@hydrostop.fr V. Hulin Hydrostop vincent@hydrostop.fr T. Le Quézourec Jessica Ouest thierry.lequezourec@jessica-puce.prd.fr Résumé Le dosage automatique de l'eau pour la fabrication de béton est un problème assez dicile. Il faut en eet obtenir le plus rapidement possible un produit de plasticité donnée, alors que la plasticité réelle n'est connue qu'après un temps de malaxage et d'homogénéisation assez long. La société Hydrostop commercialise un procédé empirique assez able pour le dosage de l'eau, mais a souhaité l'améliorer pour réduire si possible le temps de malaxage et introduire des sécurités qui n'existent pas à l'heure actuelle. Un nouveau procédé, basé sur la logique oue, a été développé grâce au soutien de Jessica Ouest. Le principe consiste à prédire en temps réel la plasticité du béton. Pour cela, un apprentissage en ligne permet de constituer automatiquement une base de connaissances à partir de quelques points de mesure initiaux. Mots clés : intelligence articielle, logique oue, sonde virtuelle, diagnostic, prévision du volume d'eau, apprentissage automatique. 1 Introduction La société Hydrostop est une très petite entreprise de quatre personnes, qui contrôle environ 70% du marché français des systèmes de dosage automatique de l'eau dans le béton. Le béton produit est destiné à être versé dans des moules pour obtenir des produits assez variés : plaques, parpaings, tuyaux etc. Selon son utilisation, le béton qui sort du malaxeur doit avoir une plasticité donnée, fonction de sa teneur en eau : trop sec, le remplissage des moules serait mal eectué ; trop mouillé, le produit démoulé se déformerait. Hydrostop a mis au point un procédé empirique simple assez able, en utilisant une sonde résistive pour estimer la teneur en eau du mélange. La diculté du problème vient du fait que la plasticité réelle n'est connue que lorsque le mélange agrégat-ciment-eau est parfaitement homogénéisé : la résistivité achée n'est pas égale à la résistivité réelle 1. De ce fait, un manque ou un excès d'eau ne peuvent pas être détectés à temps : dans les deux cas la gâchée est perdue. Le procédé actuel consiste à apporter de l'eau en continu jusqu'à un 1. Elle ne le devient qu'après un temps de malaxage susamment long.
certain point, xé par l'utilisateur ou automatiquement, puis à compléter le dosage par des petites impulsions d'eau. Pour abiliser le procédé, Hydrostop a fait appel à Jessica Ouest, qui a nancé une expertise sur la faisabilité d'un procédé basé sur la logique oue, ainsi qu'une formation en entreprise. Le plan de l'exposé est le suivant. Le paragraphe 2 présente rapidement la logique loue. Le problème posé par Hydrostop est décrit au paragraphe 3 et la méthode utilisée au paragraphe 4. 2 La logique oue La logique oue possède de multiples facettes, mais, dans cet exposé, nous n'aborderons que son utilisation pour le traitement des connaissances dans des problèmes industriels. Le traitement des connaissances comprend trois aspects : la représentation des connaissances, sous une forme proche du langage naturel, l'extraction automatique de connaissances interprétables, à partir de données numériques, la réactualisation des connaissances en tenant compte des erreurs. Les connaissances humaines sont souvent exprimées en utilisant des termes ous, comme petit, lent, chaud, etc, termes qui n'ont aucune signication intrinsèque mais qui sont immédiatementinterprétés correctement dans un contexte donné. Cette représentation présente l'avantage d'être totalement compréhensible et de décrire simplement des situations types. Un système d'inférence oue (SIF) se présente alors comme un outil de traitement de l'information en utilisant les connaissances disponibles. Une démarche basée sur la logique oue comporte plusieurs étapes. 1. Pour chaque variable (par exemple, la température, la quantité d'eau...), on réalise une partition grossière du domaine de variation. Cette partition est caractérisée par des sous-ensembles ous auxquels on associe des termes linguistiques. Cette partition permet de résumer de façon qualitative les valeurs de la variable : x est petit est une caractérisation d'un ensemble de valeurs que peut prendre la variable x. petit moyen grand 0,6 0,4 x 0 Fig. 1Partition oue sur le domaine d'une variable
2. Il faut ensuite dénir, sur le domaine de chaque variable, des fonctions d'appartenance associées aux sous-ensembles ous. Ces fonctions d'appartenance permettront de quantier précisément à quel degré une observation donnée de la variable appartient à un sous-ensemble ou. Par exemple, dans la gure 1, l'observation notée x 0 sera considérée comme petite à 40% et moyenne à 60%. 3. Il faut enn écrire, manuellement ou automatiquement, la base de règles. Il existe des algorithmes permettant d'enchaîner ces étapes. L'utilisateur n'a juste qu'à xer le nombre de sous-ensembles ous qu'il veut utiliser pour caractériser qualitativement les variations d'une variable, voir [1]. Les Systèmes d'inférence oue (SIF) peuvent approximer avec une précision xée à l'avance toute fonction continue d'un espace à n dimensions dans R : on parle de propriété d'approximation universelle. Cette propriété est vériée par d'autres modèles numériques, comme les ondelettes, les séries de Fourier, les réseaux de neurones etc. Les avantages de la logique oue par rapport aux autres modèles sont les suivants : les réponses d'un SIF sont prévisibles et explicables ; le degré de abilité d'une réponse est quantiable : si la base de connaissance ne permet pas de traiter un cas précis, l'utilisateur peut en être averti ; les règles peuvent être validées individuellement, soit a priori en utilisant la connaissance d'un expert, soit a posteriori après extraction automatique des règles. L'inconvénient majeur est qu'il faut se limiter à des problèmes de petite dimension, de moins de cinq ou six variables explicatives. Pour aller au delà, et si on veut garder une base de connaissances lisible, on doit utiliser des arbres de régression ous. 3 Application au dosage de l'eau dans les bétons Chaque usage du béton nécessite une plasticité déterminée. Cette plasticité est mesurée par une sonde résistive et est ensuite traduite par un nombre, appelé valeur de mouillage (VM), variant entre 0 (mélange très sec) à 120 (mélange très mouillé). Les systèmes de dosage commandent l'arrivée d'eau pour obtenir une VM de consigne. De nombreux paramètres interviennent dans une gâchée : le volume de la gâchée, la teneur en eau initiale des agrégats, leur température, la granulométrie des composants, la quantité d'eau versée, la valeur de la consigne. Par ailleurs, la mesure de résistivité n'est pas linéaire : elle est innie pour un mélange très sec et tend vers zéro quand il devient très mouillé. Enn, les mesures intermédiaires de résistivité ne sont pas ables. Pour réduire la complexité, chaque usage du béton correspond à un ensemble de paramètres regroupés dans une recette. Une centrale à béton utilise généralement plusieurs dizaines de recettes qui sont utilisées dans un ordre quelconque, en fonction des besoins et de la disponibilité des moules. Lors de l'établissement d'une recette, l'exploitant ajuste à vue la quantité d'eau nécessaire pour obtenir la plasticité requise, attend l'homogénéisation complète et enregistre la VM mesurée : cette VM devient alors la consigne associée à la recette. Cependant, pour une même VM de consigne, les quantités d'eau nécessaires varient de manière trop importante d'une gâchée à une autre, si bien que cette valeur ne peut pas être associée à la recette.
En analysant 44 gâchées consécutives eectuées sur trois jours dans le même malaxeur, on constate que la VM réelle en n de cycle dépasse souvent la consigne de quelques unités. Dans le tableau 1, la colonne écart indique le dépassement en n de cycle, en unités de VM ; les colonnes suivantes donnent le nombre de cas où ce dépassement est observé ainsi que le pourcentage ; enn, la colonne VM donne la valeur moyenne des VM pour lesquelles le dépassement a été observé. Sur les 44 gâchées analysées, cette dernière colonne montre nettement que les consignes de mouillage faibles sont plus diciles que les autres à respecter. Le tableau montre aussi qu'il y a manifestement une certaine diculté à règler nement les diérents paramètres d'une gâchée. écart nombre % VM 0 14 31,8 106,7 1 6 13,6 100,2 2 13 29,5 95,7 3 3 6,8 95,3 4 4 9,1 95,0 6 4 9,1 78,5 Tab. 1 Analyse de 44 gâchées consécutives portant sur 9 recettes et diérentes VM de consigne. Une première partie de l'étude a consisté à rechercher un modèle ou du procédé. Le problème principal provenant de l'inertie de la sonde, il a été décidé de chercher à modéliser la VM réelle instantanée, c'est-à-dire la VM qui serait mesurée si on arrétait l'arrivée d'eau et si on attendait l'homogénéisation. Cette valeur modélisée est par la suite appelée VM virtuelle et notée VM v (t). Les variables explicatives sont: la résistivité du mélange initial, avant tout apport d'eau et après un temps de malaxage susant, notée VM init, la quantité d'eau à l'instant t, Q(t), Le modèle est donc : VM v (t) =f(vm init,q(t)) (1) La fonction de régression, f, est un SIF pour lequel le domaine de variation des deux entrées a été découpé en quatre sous-ensembles ous, ce qui conduit à un système de 16 règles. Ces règles ont été extraites automatiquement à partir de données réelles provenant d'un même malaxeur et pour une même recette. Les données ont été divisées en deux : une partie pour l'apprentissage et l'autre pour tester les capacités de généralisation du SIF obtenu. La gure 2 montre que les erreurs de modélisation restent inférieures à deux unités, ce qui est très satisfaisant. Il est donc possible d'utiliser un tel modèle pour agir sur l'électro-vanne d'eau. 4 Le nouveau procédé de dosage Chaque centrale à béton et chaque recette constituent des cas particuliers. Il n'est donc pas possible d'écrire a priori un système de règles unique, valable dans tous les cas. Il n'est pas, non plus, envisageable d'exiger une campagne de mesure comme préalable à
1.5 1 0.5 0-0.5-1 -1.5 0 20 40 60 80 100 120 Fig. 2Erreur de modélisation pour une recette. l'établissement d'une recette. Les contraintes à respecter sont très fortes et peuvent être résumées comme suit : le système doit être totalement auto-adaptatif, il ne doit nécessiter que une ou deux gâchées pour l'initialisation d'une recette 2 l'apprentissage doit se faire en ligne. Un nouveau protocole a donc été adopté. Il se divise en deux : un protocole pour l'établissement d'une recette et un second pour l'exploitation normale. 4.1 Etablissement d'une recette L'objectif est d'obtenir le plus de renseignements possible à partir de la gâchée d'initialisation. La seule diérence avec le protocole précédent, c'est qu'il sera demandé à l'exploitant d'eectuer des poses au cours de la gâchée d'initialisation, pour permettre des homogénéisations intermédiaires. Le but est d'obtenir des triplets : (VM(t i ),Q(t i+j ),VM(t i+j )) avec i 0 et j 1. VM(t i ) représente la VM mesurée à l'instant t i, Q(t i+j ) représente la quantité d'eau versée jusqu'à l'instant t i+j et VM(t i+j ) la VM résultante, VM init = VM(t 0 ). Ces triplets permettront seulement de n'initialiser que quelques règles du SIF. Les autres règles seront alors obtenues par diusion de la connaissance (voir [1]). Elles devront être conrmées ultérieurement par apprentissage en ligne. L'établissement d'une recette permet donc de remplir complètement la base de règles de valeurs réalistes, en partant d'une base de règles vide. 4.2 Exploitation du modèle Dès l'initialisation, le modèle précédent est exploitable mais demande à être ané : certaines règles, qui correspondent à des situations très diérentes de celles qui ont été rencontrées lors de l'initialisation, ne sont que des estimations. Le protocole standard peut 2. Actuellement, il faut nécessairement une gâchée d'initialisation pour chaque recette.
être décrit de la façon suivante. 1. Malaxage initial pour obtenir une valeur able de VM init. 2. Apport d'eau en continu tant que VM v (t) <VM cons ɛ (2) où VM cons représente la consigne et ɛ une marge de sécurité. 3. Malaxage nal pour obtenit la VM réelle. 4. Correction éventuelle des règles si l'erreur de modélisation dépasse un seuil. Comme le SIF peut acher le degré de abilité de sa réponse, il est aussi possible de modier automatiquement le protocole standard pour permettre l'introduction de points de mesures complémentaires. Cette fonctionnalité ne sera cependant pas implémentée dans l'immédiat. 5 Conclusion La nouvelle version du système de dosage de l'eau est en cours de codage sur les automates de Hydrostop. Parallèlement, une applet écrite en langage Java a été écrite et sera bientôt disponible sur le site Web de Hydrostop. Cet applet aura pour but : de servir de démonstrateur du nouveau système, mais aussi de permettre une prise en main plus aisée par les utilisateurs. En eet, un modèle de gâchée a été implémenté et l'utilisateur pourra s'entrainer dans des conditions proches des conditions réelles. Références [1] P.Y. Glorennec, Algorithmes d'apprentissage pour systèmes d'inférence oue, Editions Hermès, 1999.