M1 Science Politique Philosophie politique I (1 er semestre 2015-2016) Cours de Géraldine Muhlmann Plan et bibliographie Le concept de souveraineté I. Origine du concept de souveraineté, présentation générale des enjeux et débats qu il soulève dans l histoire de la pensée politique 1. Le concept de souveraineté, dans son acception actuelle, se rattache à la naissance de l Etat moderne a) Un pouvoir unifié, indivisible et suprême par rapport aux autres pouvoirs b) Un concept aussi précis que celui d «Etat» en sociologie politique c) Le modèle français d) Le monde westphalien ou le triomphe de l Etat comme acteur international 2. Le concept de souveraineté introduit une rupture par rapport à la problématique antique du «bon régime» a) Platon : instituer l aristocratie des philosophes b) Aristote : tout régime est potentiellement «bon» ou «mauvais» ; l enjeu du «bien gouverner» 3. Première catégorie de débats : absoluité ou limitation du pouvoir souverain? a) La souveraineté face à la revendication de droits individuels fondamentaux b) Pour contenir le pouvoir, instaurer son autolimitation institutionnelle (séparation des pouvoirs)? 4. Deuxième catégorie de débats : qu est-ce qu une souveraineté démocratique? Les questions induites par le changement du titulaire de la souveraineté (désormais le peuple) a) Le réinvestissement du premier débat dans le second : faut-il limiter la souveraineté du peuple, et comment? b) Le constitutionnalisme américain, ou le contrôle de tous les «pouvoirs constitués» par le «pouvoir constituant» (le peuple) c) Le modèle français ou la consécration de la «loi»: l héritage de Rousseau et de Sieyès d) Et le pouvoir constituant du peuple, faut-il lui aussi le limiter? 1
II. Théories de la souveraineté indivisible et absolue : Bodin, Hobbes 1. Jean Bodin : l invention du concept de souveraineté, le «manque» d une théorie de la représentation a) En rupture avec le monde médiéval, penser le monopole de la domination b) En rupture avec les légistes, la «positivation» du droit par Bodin c) L unilatéralité de la loi, l obéissance totale des sujets d) La souveraineté engendre les notions de territoire, de population et de nation e) L illimitation de la souveraineté comme garantie de son indivisibilité f) Le problème de l absence d une théorie de la représentation chez Bodin 2. Avec une théorie de la représentation : Thomas Hobbes a) La fiction du contrat ou l enracinement de la théorie de la souveraineté dans la loi naturelle b) Le chapitre XVI du Leviathan c) Républiques d acquisition et Républiques d institution d) Comme chez Bodin, le refus de limiter la souveraineté, afin de sauvegarder son indivisibilité e) et ses conséquences : accepter de léser la liberté indivduelle au nom de la sécurité III. La critique libérale de la souveraineté absolue : de John Locke à Montesquieu 1. Centralité du problème du consentement chez Locke, c est-à-dire de la confiance (trust) et du droit de la refuser a) La conception lockienne du droit naturel, la question de l héritage chrétien chez Locke b) Une théorie du gouvernement représentatif : le contrat pensé comme une mission confiée à des représentants 2. Le droit est supérieur à (et encadre) la capacité de vouloir qui définissait la souveraineté chez Bodin et Hobbes a) Limitation de l exécutif par le législatif, mais aussi du législatif lui-même b) La liberté de jouir de sa propriété définit un régime de liberté «naturel» que l Etat protège sans s y immiscer 3. Quels ultimes recours contre la volonté souveraine, quand celle-ci faillit au respect des droits fondamentaux? La conception lockienne du droit de résistance 4. Aller plus loin? Organiser institutionnellement une véritable division de la souveraineté? Mais finalement l abolir? Réflexions sur l œuvre de Montesquieu 2
a) Montesquieu pense le problème des institutions politiques sans partir du concept de souveraineté. Cf. sa théorie des régimes politiques et sa réflexion sur la «liberté politique» b) «Liberté politique», «gouvernement modéré» et «distribution des pouvoirs» chez Montesquieu c) Comment situer Montesquieu par rapport au libéralisme anglais, et par rapport à son époque en général? d) L extinction de la souveraineté signifierait-elle la fin de la politique ou bien une nouvelle sorte de politique? L analyse arendtienne de l héritage de Montesquieu dans la Révolution américaine IV. La souveraineté à l épreuve de la démocratie : si la souveraineté vient du peuple, comment la penser désormais? 1. Jean-Jacques Rousseau : le changement du titulaire de la souveraineté, mais une souveraineté indivisible et illimitée a) Anti-libéralisme et héritage hobbsien chez Rousseau b) La souveraineté comme «volonté générale» c) Une souveraineté sans limite extérieure, donc «absolue», mais néanmoins «bornée» par sa nature même d) De la possibilité d une telle «volonté générale» e) Le problème de la conscience individuelle face à la loi souveraine 2. Sieyès : la tentative de concilier héritage rousseauiste et héritage libéral a) L idée de «souveraineté nationale» et la loi comme seule source de droit : le rousseauisme de Sieyès b) Mais loin du modèle rousseauiste de la participation directe de tous, une conception de la représentation et du contrôle des représentants qui doit beaucoup à la pensée libérale c) La distinction entre «pouvoir constituant» et «pouvoirs constitués» chez Sieyès, et son devenir dans la Révolution : un problème significatif des difficultés de la synthèse sieyèsienne 3. Les révolutions française et américaine : deux républicanismes différents a) L héritage absolutiste dans la Révolution française : la rhétorique de la Nation, sa puissance unificatrice, ses dangers b) La Révolution américaine, méfiante envers le concept de souveraineté : le «peuple» (the people) perçu dans sa pluralité, et le pari (risqué) que le bien commun surgira des conflits entre intérêts privés 3
4. Les évolutions de la pensée libérale après la Révolution française : la clarification de son rapport à Rousseau, mais en intégrant parfois l esprit de 1789 et l exigence démocratique. Réflexions sur Benjamin Constant a) Benjamin Constant et la défense des droits privés : la critique de Rousseau comme emblème d une conception «ancienne» de la liberté b) Mais le problème d une participation politique «moderne» se pose chez Constant : surveillance des représentants, importance de la presse L esprit de 1789 et l héritage de la pensée de Kant 5. La ré-ouverture des hostilités entre libéralisme et concept de souveraineté : Carl Schmitt, ou l affirmation de la souveraineté comme guerre contre le libéralisme a) Le décisionnisme de Schmitt et son anti-libéralisme b) Les aspects antisémites de l anti-libéralisme de Schmitt Bibliographie Usuels : G. Muhlmann, E. Pisier, F. Châtelet, O. Duhamel, Histoire des Idées politiques, nouvelle édition refondue, PUF, 2012 F. Châtelet, O. Duhamel, E. Pisier (dir.), Dictionnaire des Œuvres politiques, PUF, 1986, coll. «Quadrige», 2001 Ph. Raynaud, S. Rials (dir.), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, 1996, coll. «Quadrige», 2003 Ouvrages de référence : H. Arendt, Essai sur la révolution, 1963, trad. fr. M. Chrestien, Paris, Gallimard, 1967 Aristote (384-322 av. J.-C.), Les Politiques, trad. fr. Garnier-Flammarion B. Badie, P. Birnbaum, Sociologie de l Etat, Grasset, 1982 O. Beaud, La Puissance de l Etat, PUF, coll. «Leviathan», 1994 J. Bodin (1530-1596), Les Six Livres de la République, 1576, abrégé : Gérard Mairet (éd.), Paris, Le Livre de Poche, 1993 P. Clastres, La Société contre l Etat, Minuit, 1974 4
B. Constant, «De la liberté des anciens comparée à celle des modernes», 1819, in Ecrits politiques,gallimard (Folio), 1997 R. Derathé, Jean-Jacques Rousseau et la science politique de son temps, Vrin, 1970, rééd. 1974 N. Elias, Über den Prozess der Zivilisation, 1939, trad. fr. La Civilisation des mœurs et La Dynamique de l Occident, Presses Pocket T. Hobbes (1588-1679), Leviathan, 1651, trad. fr. Sirey, 1971, ou Gallimard (Folio), 2000 J. Jay, A. Hamilton, J. Madison, The Federalist Papers, 1788, trad. fr. Le Fédéraliste, Economica I. Kant (1724-1804), «Réponse à la question : qu est-ce que les Lumières?», 1784, trad. fr. Garnier-Flammarion R. Legros, La question de la souveraineté. Droit naturel et contrat social, Ellipses, 2001 J. Locke (1632-1704), Deux Traités du gouvernement civil, 1690, trad. fr. Garnier- Flammarion Machiavel (1460-1527), Le Prince, 1513, trad. fr. PUF, 2000, et Discours sur la Première Décade de Tite-Live, 1519, trad. fr. Gallimard, 2004 G. Mairet, Le principe de souveraineté. Histoires et fondements du pouvoir moderne, Folio Essais, 1996 B. Manin, Principes du gouvernement représentatif, 1995, rééd. en poche Flammarion. Montesquieu (1689-1755), L Esprit des Lois, 1748, Gallimard 1995 ou Flammarion 1995 Platon (427-347 av. J.-C.), La République et Protagoras, trad. fr. Garnier-Flammarion J.G.A. Pocock, Le Moment machiavélien, 1975, trad. fr. PUF, coll. «Leviathan», 1997 J.-J. Rousseau (1712-1778), Du Contrat social, 1762, Garnier-Flammarion E. J. Sieyès (1748-1836), Qu est-ce que le Tiers Etat?, 1789, PUF ou Flammarion J.-F. Spitz, Bodin et la souveraineté, PUF, 1988. M. Weber, Economie et Société, 1922, tome 1, trad. fr. Presses Pocket E. Zoller, Introduction au droit public, Dalloz, 2006 5