LE CANCER DE L ESTOMAC (CANCER GASTRIQUE)



Documents pareils
G U I D E - A F F E C T I O N D E L O N G U E D U R É E. La prise en charge de votre mélanome cutané

G U I D E P A T I E N T - A F F E C T I O N D E L O N G U E D U R É E. La prise en charge du cancer du foie

INFORMATION & PRÉVENTION. Le cancer de la vessie

1 of 5 02/11/ :03

Recommandations régionales Prise en charge des carcinomes cutanés

Le reflux gastro-oesophagien (280) Professeur Jacques FOURNET Avril 2003

Cancer de l'œsophage. Comprendre le diagnostic. Le cancer : une lutte à finir

Cancers de l hypopharynx

Qu est-ce que le cancer du pancréas?

Maladie de Hodgkin ou lymphome de Hodgkin

DÉFICITS IMMUNITAIRE COMMUN VARIABLE

GUIDE PATIENT - AFFECTION DE LONGUE DURÉE. La prise en charge du cancer du rein

Leucémies de l enfant et de l adolescent

Le dépistage des cancers

Cancer de l œsophage. Comprendre le diagnostic

L'œsophage L'œsophage est un tube musculaire qui traverse de la bouche à l'estomac. Causes

Cancer du sein in situ

Qu est-ce que le cancer de l œsophage?

Lymphome non hodgkinien

Patho Med Cours 5. Maladie Pulmonaires Obstructives BPCO Asthme

IRM du Cancer du Rectum

Les traitements du cancer invasif du col de l utérus

Mieux informé sur la maladie de reflux

Quels sont les facteurs qui font augmenter les risques de cancer du rein?

Recommandations Prise en charge des patients adultes atteints d un mélanome cutané MO

MALADIES INFLAMMATOIRES DE L INTESTIN :

Actualités s cancérologiques : pneumologie

Comprendre. le Cancer du sein. Mise à jour. Guide d information et de dialogue à l usage des personnes malades et de leurs proches

Ordonnance du DFI sur les prestations dans l assurance obligatoire des soins en cas de maladie

DOSSIER DE PRÉSENTATION

TUMEURS DU BAS APPAREIL URINAIRE

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 23 mai 2007

Qu est-ce qu un sarcome?

De la chirurgie du nodule aux ganglions

Les renseignements suivants sont destinés uniquement aux personnes qui ont reçu un diagnostic de cancer

Programme «maladie» - Partie II «Objectifs / Résultats» Objectif n 2 : développer la prévention

INFORMATIONS AU PATIENT SUR LA COLOSCOPIE

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

UE2 CANCEROLOGIE Place de la Médecine Nucléaire

PLACE DE L IRM DANS LE BILAN D EXTENSION DU CANCER DU RECTUM. Professeur Paul LEGMANN Radiologie A - Cochin Paris

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

Compte rendu d hospitalisation hépatite C. À partir de la IIème année MG, IIIème années MD et Pharmacie

Création de procédures inter-services pour la gestion des essais de phase I à l Institut Gustave Roussy

Les soins infirmiers en oncologie : une carrière faite pour vous! Nom de la Présentatrice et section de l'acio

Le dépistage du cancer de la prostate. une décision qui VOUS appartient!

Découvrez L INSTITUT UNIVERSITAIRE DU CANCER DE TOULOUSE

Traitement des Pseudarthroses des Os Longs par Greffe Percutanée de Moelle Osseuse Autologue Concentrée

Comprendre les lymphomes non hodgkiniens

Informations sur le cancer de l intestin

Tumeurs cutanées épithéliales et mélaniques

Traitements néoadjuvants des cancers du rectum. Pr. G. Portier CHU Purpan - Toulouse

Comment traiter le reflux gastro-oesophagien?

Les cancers de la prostate

Cancers du larynx : diagnostic, principes de traitement (145a) Professeur Emile REYT Novembre 2003 (Mise à jour Mars 2005)

LA CHOLÉCYSTECTOMIE PAR LAPAROSCOPIE

À PROPOS DU. cancer colorectal. Les choix de traitement du cancer colorectal : guide du patient

Chirurgie de l obésité. Ce qu il faut savoir avant de se décider!

Les cancers des voies aérodigestives supérieures

Les grands syndromes. Endoscopie trachéo-bronchique. Professeur D. ANTHOINE CHU de NANCY

Comprendre la chimiothérapie

L anémie hémolytique auto-immune

Volume 1 : Epidémiologie - Etudes des facteurs de risques

Charte régionale des Réunions de Concertation Pluridisciplinaire de PACA, Corse et Monaco

INTERFERON Traitement adjuvant du mélanome à haut risque de récidive. Dr Ingrid KUPFER-BESSAGUET Dermatologue CH de quimper

Essai Inter-groupe : FFCD UNICANCER FRENCH - GERCOR

Apport de l IRM dans la

Traitement chirurgical du reflux gastro-œsophagien et de la hernie hiatale

MIEUX COMPRENDRE VOTRE TRAITEMENT. LA RADIOTHÉRAPIE DES CANCERS DES Voies Aéro-Digestives Supérieures

A l Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille, Octobre Rose est l occasion de mettre en valeur la filière de soins dédiée au cancer du sein.

Sujets présentés par le Professeur Olivier CUSSENOT

INDICATIONS DE L AMYGDALECTOMIE CHEZ L ENFANT

Cancer du sein. Du CA15-3 à la tomographie à émission de positons.

Les cancers de l appareil génital féminin

QUE SAVOIR SUR LA CHIRURGIE de FISTULE ANALE A LA CLINIQUE SAINT-PIERRE?

Qu est-ce que le cancer du sein?

Leucémie Lymphoïde Chronique

La prise en charge de votre spondylarthrite

Qu est-ce que le mélanome?

Anémie et maladie rénale chronique. Phases 1-4

Votre guide des définitions des maladies graves de l Assurance maladies graves express

Principales causes de décès selon le groupe d âge et plus

GUIDE D INFORMATIONS A LA PREVENTION DE L INSUFFISANCE RENALE

mon enfant a un cancer

Les traitements du cancer du rein

GUIDE PATIENT - AFFECTION DE LONGUE DURÉE. La prise en charge des leucémies aiguës de l adulte

Apport de l IRM dans le bilan préthérapeutique du cancer du rectum

Le cancer dans le canton de Fribourg

Association lymphome malin-traitement par Interféron-α- sarcoïdose

Chapitre 1 Evaluation des caractéristiques d un test diagnostique. José LABARERE

ANEMIE ET THROMBOPENIE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS D UN CANCER

Migraine et Abus de Médicaments

PARTIE II : RISQUE INFECTIEUX ET PROTECTION DE L ORGANISME. Chapitre 1 : L Homme confronté aux microbes de son environnement

INTERVENTIONS CHIRURGICALES EN GYNÉCOLOGIE

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la scintigraphie osseuse et le TEP-SCAN

«J ai mal au ventre» :

Informations sur la chirurgie de l obésité

Bulletin n Cher adhérent, cher donateur,

BPCO * La maladie respiratoire qui tue à petit feu. En France, 3,5 millions de personnes touchées dont 2/3 l ignorent morts chaque année...

MINISTERE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES DIRECTION GENERALE DE LA SANTE- DDASS DE SEINE MARITIME

Le cancer de la thyroïde GRAND PUBLIC

Transcription:

LE CANCER DE L ESTOMAC (CANCER GASTRIQUE) Docteur Laurianne Jolissaint (CHU Jean Mingoz, Besancon), Docteur Bruno Buecher, (Institut Curie, Paris), & Comité de Rédaction du site web de la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive. Date de mise en ligne: Ce document est destiné à l information des malades, de leurs proches et «du grand public». Il a été rédigé dans un souci de simplification et de concision. N hésitez pas à interroger vos médecins en cas d incompréhension ou si vous avez besoin d informations complémentaires. DEFINITION et GENERALITES L estomac est situé dans la partie supérieure de l abdomen. Il fait suite à l œsophage et se prolonge par le duodénum à travers le pylore. Son calibre est supérieur à celui de l œsophage et du duodénum et il a une capacité à se distendre de telle sorte qu il a une fonction de réservoir : les aliments ingérés lors des repas sont stockés dans un premier temps avant d être délivrés progressivement dans le duodénum et l intestin grêle. La production d acide chlorhydrique et de pepsine par les glandes de la couche interne de la paroi de l estomac (appelée muqueuse) permet d initier la digestion. 1

Les cancers de l estomac se développent très généralement au dépend de la muqueuse gastrique et correspondent à des adénocarcinomes. La «linite» gastrique correspond à une forme particulière et minoritaire d adénocarcinome de l estomac, caractérisée par une faible différentiation et par une tendance à infiltrer toute l épaisseur de la paroi de l estomac qui est parfois très épaissie. Les autres types microscopiques de cancers de l estomac (lymphomes, tumeurs stromales gastrointestinales, tumeurs endocrines, métastases ) sont beaucoup plus rares. Leur comportement, leur pronostic et les modalités des traitements sont différents. Il n en sera pas question dans ce document. EPIDEMIOLOGIE et FACTEURS DE RISQUE La fréquence du cancer de l estomac est en nette diminution depuis une vingtaine d années mais il reste fréquent et représente la deuxième cause de mortalité par cancer dans le monde. Il existe d importantes variations géographiques. En France, environ 7000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. L âge moyen de survenue est de 70 ans et il existe une légère prédominance masculine ( 6 cas sur 10). Plusieurs facteurs de risque du cancer de l estomac ont été mis en évidence : L infection par une bactérie appelée Helicobacter Pylori, transmise par la salive, est un facteur de risque reconnu de cancer de l estomac. Cette bactérie induit une inflammation chronique qui évolue vers l atrophie et dans un petit pourcentage de cas vers le cancer. Il est actuellement recommandé de rechercher la présence de cette bactérie et de l éradiquer chez les apparentés au premier degré (membres de la fratrie, enfants et éventuellement parents) des sujets atteints de cancer de l estomac. Un niveau socio-économique bas, une alimentation carencée en fruits et en légumes et/ou riches en sel (saumure) et le tabagisme correspondent à d autres facteurs de risque de cancer de l estomac. Les sujets atteints de certaines maladies rares de l estomac (maladie de Biermer, maladie de Ménétrier), de même que ceux ayant un antécédent de gastrectomie partielle ont une majoration du risque de cancer de l estomac et doivent faire l objet d un dépistage systématique par fibroscopie avec biopsies. Un tel dépistage est également recommandé chez les sujets atteints d affections génétiques rares prédisposant au cancer de l estomac (syndrome de Lynch, polypose adénomateuse familiale, polypose juvénile, syndrome de Peutz-Jeghers) ou chez lesquels une prédisposition génétique est évoquée du fait d une multiplication des cas dans la famille. DIAGNOSTIC Les circonstances du diagnostic 2

Le diagnostic de cancer gastrique peut être suspecté devant des douleurs persistantes de la partie haute de l abdomen (épigastre), des vomissements parfois sanglants, la présence de sang noirâtre dans les selles, une anémie. Ces symptômes ne sont pas spécifiques et peuvent également s observer chez les sujets atteints d ulcères de l estomac ou du duodénum. D autres symptômes aspécifiques peuvent également être présents, isolés ou associés aux précédents : dégoût des aliments, amaigrissement, fatigue Les examens complémentaires Tout symptôme évocateur d une pathologie de l estomac doit conduire à la réalisation d une endoscopie digestive haute (également fréquemment appelée «fibroscopie»). Cet examen, qui peut être réalisé avec ou sans anesthésie générale, permet d examiner l intérieur de l estomac. Le cancer se présente le plus souvent sous la forme d une tumeur bourgeonnante, mais parfois sous la forme d une ulcération mimant un simple ulcère, voire d une modification dicrète de couleur et/ou de relief de la muqueuse. Dans tous les cas, c est l examen au microscope des prélèvements (biopsies) réalisés lors de l endoscopie qui permet de confirmer le diagnostic suspecté de cancer. Lorsque le diagnostic est établi, un bilan d extension est réalisé à la recherche de métastases à distance de l estomac. L identification des métastases, localisées principalement au niveau du foie, du poumon et du péritoine (membrane tapissant la face interne de la paroi de l abdomen et l ensemble des organes qui s y trouvent) est essentielle car leur présence a un impact sur les modalités du traitement. Ce bilan consiste le plus souvent en un scanner du thorax, de l abdomen et du pelvis. L écho-endoscopie est un examen réalisé sous anesthésie générale. La présence d un transducteur d échographie à l extrémité de l endoscope permet d apprécier précisément la profondeur de l infiltration de la tumeur au sein de la paroi de l estomac et de rechercher des ganglions suspects de métastases. Elle n est utile que dans le bilan des formes précoces et apparemment superficielles de cancers qui peuvent éventuellement être traitées sous endoscopie. D autres examens peuvent être également indiqués en fonction du traitement envisagé : bilan préopératoire en cas de chirurgie ; différents examens requis avant l administration de certains produits de chimiothérapie L évaluation de l état nutritionnel est indiquée dans tous les cas. Elle doit conduire à la mise en place des mesures adaptées en cas de dénutrition. PRINCIPES DU TRAITEMENT Le choix du traitement le plus approprié est établi dans tous les cas au cours d une Réunion de Concertation Pluridisciplinaire à laquelle participent des médecins de diverses spécialités : cancérologues, gastro-entérologues, radiologues, chirurgiens. Un plan personnalisé de traitement est élaboré pour chaque patient en fonction des caractéristiques de sa maladie (et notamment de l existence ou non de métastases), de son état général, de ses antécédents et de ses souhaits. 3

Les principes généraux du traitement sont résumés ci-dessous en fonction des 3 grands types de présentation initiale de la maladie. Maladie localisée à l estomac +/- aux ganglions situés à proximité La chirurgie constitue l élément essentiel du traitement. Elle consiste à enlever l estomac (gastrectomie) et les aires ganglionnaires de drainage (curage ganglionnaire). L exérèse de la totalité de l estomac est souvent nécessaire. On parle de gastrectomie totale. Elle peut être associée à l exérèse de la rate (on parle de splénectomie), en particulier pour les volumineuses tumeurs de la partie proximale de l estomac. Certains cancers de la partie distale de l estomac (appelée antre) peuvent au contraire être traités par gastrectomie partielle. Il s agit dans tous les cas d une chirurgie relativement «lourde» et des complications sont possibles (infection, fistule ) Il est maintenant démontré que deux modalités thérapeutiques permettent de diminuer le taux de récidive tumorale qui est relativement élevé après chirurgie seule. Elles sont maintenant envisagées systématiquement (lorsque l état général est compatible) : il s agit, soit d une chimiothérapie «péri-opératoire» (2 à 3 mois de chimiothérapie avant et après la chirurgie), qui est l option privilégiée actuellement. soit de l administration concomitante d une chimiothérapie et d une radiothérapie postopératoires, dont la tolérance est généralement médiocre. Maladie métastatique En présence de métastases à distance, la chirurgie n est généralement pas indiquée et l élément essentiel du traitement est la chimiothérapie. Cette dernière est administrée par voie intra-veineuse. Elle a pour objectif de faire régresser, de stopper, ou de ralentir, au moins transitoirement, l évolution de la maladie. De nombreux protocoles de chimiothérapie (différentes molécules et associations) ont une efficacité démontrée dans cette situation. Ils sont généralement utilisés successivement. L évaluation de leur efficacité est basée à la fois sur l évolution de l état général, le résultat du dosage des marqueurs tumoraux dans le sang et le scanner qui est répété périodiquement sous traitement. Une évaluation étroite de la tolérance du traitement est également nécessaire compte tenu de sa toxicité potentielle. Plusieurs essais thérapeutiques sont en cours afin d évaluer de nouvelles molécules et de nouveaux schémas de traitements. Ils peuvent être proposés au patient avec son accord. L indication d une chirurgie dans cette situation n est retenue qu en cas de nécessité liée à l impossibilité pour les malades de s alimenter en raison de l obstruction crée par la tumeur (et en l absence de moyen plus simple de lever cette obstruction) et/ou à des complications hémorragiques. Cancer localisé à la paroi de l estomac et ne l infiltrant que superficiellement. 4

Dans cette situation rare, l exérèse peut être réalisée à l occasion d une endoscopie sans avoir recours à la chirurgie. Une sélection soigneuse des cas candidats à une telle approche est nécessaire au cours de laquelle l écho-endoscopie a une place centrale. Un examen minutieux au microscope de la tumeur après exérèse (examen anatomopathologique) est également essentiel afin de vérifier a posteriori qu elle était effectivement superficielle et qu il n y a pas lieu d envisager de traitement complémentaire. SURVEILLANCE La surveillance après traitement d un cancer de l estomac localisé traité par chirurgie (généralement associée à une chimiothérapie péri-opératoire ou à radio-chimiothérapie post-opératoire) est basée sur un examen clinique et un scanner du thorax, de l abdomen et du pelvis (ou éventuellement une échographie de l abdomen et une radiographie du thorax) tous les 6 mois au cours des 3 premières années, puis sur un rythme plus espacé par la suite, afin de dépister une récidive accessible à un nouveau traitement. La surveillance a également pour objectif de juger du retentissement nutritionnel de la gastrectomie et de dépister une dénutrition et d éventuelles carences (Vitamine B12, fer, folates ). Un traitement par Vitamine B12 administrée par voie intra-musculaire est nécessaire en cas de gastrectomie totale. Lorsque a chirurgie a également comporté l ablation de la rate, une vaccination contre différentes bactéries (pneumocoque, méningocoques, Hémophilus influenzae de type B) doit être réalisée et régulièrement mise à jour conformément aux recommandations professionnelles. Lorsque la gastrectomie a été partielle, une surveillance endoscopique régulière du moignon gastrique doit être mise en place après 10 ans d évolution. Une surveillance endoscopique étroite est également requise dans les rares cas de traitement par voie endoscopique des formes superficielles et précoces des cancers de l estomac. 5