RESERVE NATIONALE DE CHASSE ET DE FAUNE SAUVAGE DU LAC DU DER ET DES ETANGS D OUTINES ET D ARRIGNY Inventaire des oiseaux forestiers dans le Bois de l'argentolle et de Huiron Pigeon ramier photo : Fabrice CROSET Suivi et rédaction : LPO Champagne-Ardenne La gestion de la RNCFS bénéficie d un partenariat entre l ONCFS et la LPO Champagne-Ardenne et du soutien financier de :
1. INTRODUCTION La réserve des étangs d Outines et d Arrigny comprend entre le lac du Der et les étangs une partie du bois de l Argentolle où plusieurs parcelles, qui regroupent une superficie de 86 hectares, ont été acquit par le Conservatoire du Littoral. Une première évaluation du potentiel ornithologique a été réalisée en 2009. Une seconde a été effectuée en 2014 et nous l avons poursuivi en 2015, afin de suivre son évolution. Ce suivi s inscrit dans le cadre du site Natura 2000 de la ZPS «Herbages et cultures du Der». Rappel : 2. MATERIEL ET METHODE En 2009, seul un échantillonnage par points d écoute avait été effectué. Il a été décidé de reconduire cette opération étant donné les possibilités de comparaison qu autorise une méthode standardisée. Des recherches plus aléatoires mais ciblées sur des espèces ou groupe d espèces précises furent ajoutées à partir de 2014. L avifaune nicheuse a été caractérisée par la méthode des Indices Ponctuels d Abondance.Cette méthode consiste à dénombrer les oiseaux de toutes les espèces vues ou entendues depuis un point fixe, lors de 2 visites de 20 minutes chacune. Un mois d écart entre les 2 passages (effectués au printemps) est requis dans ce type d échantillonnage. Les dénombrements ont été réalisés par jour de beau temps dans les 3-4 heures qui suivent le lever du soleil et qui correspondent au pic d activité chez les oiseaux. Vingt points d écoute avaient été définis lors de l étude réalisée en 2009 (carte 1). Ces points jugés trop rapprochés les uns des autres, il a été décidé de n en retenir que 10 pour l étude 2014 et les suivantes (carte 2). Il est en effet recommandé dans le protocole IPA, d éloigner les points d au moins 500 mètres de distance les uns des autres de façon à éviter de contacter plusieurs fois les mêmes individus. La transcription des données de terrain est la suivante : - un mâle chanteur, un couple, un nid occupé ou une famille compte pour un point (car c'est une preuve de reproduction) - un oiseau isolé vu, entendu ou criant compte pour 0,5 point (l'oiseau observé est potentiellement nicheur). Par la suite, on retient la plus forte valeur obtenue que ce soit celle du premier passage ou celle du second. Les sorties ont été effectuées le 01 avril et le 28 avril 2015, au plus près des dates de l échantillonnage de 2009 et 2014. En compléments de ces sorties standardisés, des prospections ont été réalisées au cours des mois de mars, avril, mai et juin sur la zone. Certaines visaient à rechercher un maximum d'espèces nicheuses du secteur. D autres consistaient à repérer les nids des Pics épeiches et Pics mars (grâce aux cris de jeunes à la loge) et à contrôler les nids de Milan noir et d autres rapaces.
Carte 1 : Localisation des points d écoute IPA 2009. Carte 2 : Localisation des points d écoute IPA, à partir de l année 2014.
3. RESULTATS Sur l ensemble de la zone, 42 espèces ont été répertoriées (tableau 1) dont 7 sont classées sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de Champagne-Ardenne (tableau 2) : Tableau 1 : liste des espèces contactées sur la zone d étude lors des suivis IPA réalisés en 2015. Espèce Statut Accenteur mouchet Bergeronnette grise Buse variable Nicheur certain Corneille noire Coucou gris Epervier d'europe Etourneau sansonnet Nicheur certain Faisan de Colchide Fauvette à tête noire Fauvette des jardins Geai des chênes Grimpereau des bois Nicheur possible Grimpereau des jardins Grive draine Grive litorne Grive mauvis Migrateur Grive musicienne Gros-becs casse noyaux Loriot d'europe Merle noir Mésange à longue queue Mésange bleue Mésange boréale Mésange charbonnière Mésange nonnette Milan royal Migrateur Pic épeiche Nicheur certain Pic épeichette Pic mar Nicheur certain Pic noir Pic vert Pigeon ramier Pinson des arbres Pouillot fitis Pouillot siffleur Pouillot véloce Roitelet triple bandeaux Rossignol philomèle Rougegorge familier Sittelle torchepot Tourterelle des bois Troglodyte mignon Tableau 2 : liste des espèces d oiseaux nicheurs de Champagne-Ardenne inscrites sur la liste rouge, contactées sur la zone d étude lors des suivis IPA réalisés en 2015.
Espèce Statut régional Bilan Pic vert A surveiller Pic mar A surveiller Nicheur certain Pic épeichette A surveiller Tourterelle des bois A surveiller Grive litorne A préciser Milan royal En danger Migrateur Pouillot siffleur Vulnérable Espèce Statut régional Bilan Pic vert : A surveiller 0,80 - nicheur probable Pic mar : A surveiller 0,70 - nicheur certain Pic épeichette : A surveiller 0,40 - nicheur probable Tourterelle des bois : A surveiller 0,90 nicheur probable Cinq espèces sont considérées comme nicheuses probables sur la zone d étude étant donné qu aucune observation n ait pu en apporter la preuve certaine (tableau 2). Mais leur abondance et l existence de cantonnement pérenne laisse peu de doutes sur ce point. Le Pic mar est nicheur certain et le Milan royal est migrateur. Trois espèces sont également inscrites à l annexe I de la directive Oiseaux (Directive 2009/147/CE) : Le Milan royal, le Pic mar et le Pic noir (bien que ce dernier ne figure pas sur la liste rouge régionale). Le Pic mar est un excellent bio-indicateur de l état de conservation des massifs forestiers). Le suivi de cette espèce pourra permettre d orienter la gestion sylvicole à venir. Depuis 2009 son abondance est conforme à celle observée dans les boisements de chêne de Champagne humide. Espèces contactées hors suivi IPA Onze espèces ont été contactées sur la zone, en dehors de l'échantillonnage IPA (Tableau 3). Excepté le Balbuzard pêcheur (qui pourrait s installer un jour), toutes ces espèces sont potentiellement nicheuses sur le site. Tableau 3 : Liste des espèces contactées sur la zone d étude, hors période de suivi IPA en 2015. Espèce Statut Roitelet huppé Pipit des arbres Bouvreuil pivoine Gobemouche gris Bondrée apivore Autour des palombes Balbuzard pêcheur Migrateur Busard des roseaux Nicheur certain Bruant jaune Bruant des roseaux Milan noir Nicheur certain
Tableau 4 : Comparaison des suivis IPA réalisés en 2014 et 2015 2014 2015 Nom français Fréquence Indices Indices Densité Nom français Fréquence cumulés cumulés Densité Pigeon ramier 100% 50 5,0 Pigeon ramier 100% 56 5,6 Merle noir 100% 42 4,2 Merle noir 100% 34 3,4 Corneille noire 90% 38 3,8 Corneille noire 100% 17 1,7 Pinson des arbres 100% 35 3,5 Pinson des arbres 100% 30 3 Troglodyte mignon 100% 30 3,0 Troglodyte mignon 100% 27 2,7 Mésange charbonnière 100% 26 2,6 Mésange charbonnière 100% 17 1,7 Fauvette à tête noire 100% 23 2,3 Fauvette à tête noire 100% 20 2 Etourneau sansonnet 90% 23 2,3 Etourneau sansonnet 80% 17 1,7 Pouillot véloce 100% 22 2,2 Pouillot véloce 100% 21 2,1 Sittelle torchepot 100% 22 2,2 Sittelle torchepot 100% 27 2,7 Grive musicienne 80% 19 1,9 Grive musicienne 90% 22 2,2 Mésange bleue 100% 19 1,9 Mésange bleue 100% 21 2,1 Grimpereau des jardins 100% 19 1,9 Grimpereau des jardins 90% 20 2 Geai des chênes 90% 19 1,9 Geai des chênes 100% 20 2 Coucou gris 100% 16 1,6 Coucou gris 90% 15 1,5 Pic épeiche 100% 16 1,6 Pic épeiche 100% 30 3 Grosbec casse-noyaux 90% 14 1,4 Grosbec casse-noyaux 100% 15 1,5 Rougegorge familier 100% 11 1,1 Rougegorge familier 100% 16 1,6 Tourterelle des bois 60% 9 0,9 Tourterelle des bois 60% 9 0,9 Roitelet à triple bandeau 60% 9 0,9 Roitelet à triple bandeau 50% 6 0,6 Faisan de Colchide 50% 7 0,7 Faisan de Colchide 40% 6 0,6 Pic mar 60% 6 0,6 Pic mar 50% 7 0,7 Grive draine 40% 5 0,5 Grive draine 40% 6 0,6 Mésange à longue queue 30% 5 0,5 Mésange à longue queue 50% 7 0,7 Fauvette des jardins 30% 4 0,4 Fauvette des jardins 50% 5 0,5 Loriot d'europe 40% 4 0,4 Loriot d'europe 80% 9 0,9 Mésange nonnette 10% 1 0,1 Mésange nonnette 50% 8 0,8 Buse variable 20% 3 0,3 Buse variable 20% 3 0,3 Pic noir 30% 3 0,3 Pic noir 10% 1 0,1 Epervier d'europe 20% 2 0,2 Epervier d'europe 20% 2 0,2 Pic vert 10% 1 0,1 Pic vert 70% 8 0,8 Pic épeichette 10% 1 0,1 Pic épeichette 40% 4 0,4 Pouillot fitis 10% 1 0,1 Pouillot fitis 30% 4 0,4 Bouvreuil pivoine 10% 1 0,1 Bouvreuil pivoine 0% 0 0 Canard colvert 10% 3 0,3 Canard colvert 0% 0 0 Pinson du Nord 10% 2 0,2 Pinson du nord 0% 0 0 Mésange boréale 0% 0 0,0 Mésange boréale 20% 2 0,2 Milan royal 0% 0 0,0 Milan royal 10% 1 0,1 Grive litorne 0% 0 0,0 Grive litorne 10% 16 1,6 Accenteur mouchet 0% 0 0,0 Accenteur mouchet 10% 1 0,1 Rossignol philomèle 0% 0 0,0 Rossignol philomèle 10% 1 0,1 Grive mauvis 0% 0 0,0 Grive mauvis 10% 1 0,1 Grimpereau des bois 0% 0 0,0 Grimpereau des bois 10% 1 0,1 Pouillot siffleur 0% 0 0,0 Pouillot siffleur 30% 3 0,3 Rappel Le passage réalisé en 2009 n avait pas été effectué par la même personne qu en 2014, impliquant un biais observateur important. La comparaison entre les deux échantillonnages ne fut donc pas possible. L année 2014 pris donc une valeur d année zéro pour établir un suivi de l évolution de l avifaune du bois de l Argentolle. L analyse des tendances évolutives de chaque espèce demande un recul de plusieurs années, notamment pour aplanir les effets induits par les conditions météorologique. Globalement, peu de différences notoires sont constatées entre les densités 2014 et 2015. Quelques nouvelles espèces communes ont été notées en 2014 et 2015 et d autres n ont pas été recontactées, pour diverses raisons (hiver tardif, météo, migration, etc). Cela ne signifie pas forcément qu elles ont disparu de la zone. Il s agit pour la plupart d espèces peu abondantes en milieu forestier (exemple le Canard colvert) ou migratrices. Il n y a pas de raison apparente pour que ces oiseaux communs désertent le site, qui a peu évolué depuis 2009. De plus, certaine espèce comme le Bouvreuil pivoine par exemple, contacté lors des IPA 2014, ne l a pas été pour les IPA 2015, en revanche, il l a été lors de prospections pour d autres suivis.
Note sur quelques espèces remarquables. Comme l an dernier, le Grimpereau des bois a de nouveau été contacté cette année. Un mâle chanteur est noté le 1 er avril et un autre (le même?) le 27 mai (carte 3). A cette époque il pourrait être considéré comme nicheur probable, mais aucune preuve de reproduction n a permis de le confirmer. Son installation très récente dans le département amène à rester prudent quant à l évaluation de son statut nicheur. Lors de nos diverses prospections, des rapaces comme l Autour des Palombes, l Epervier d Europe et le Milan noir ont été contactés. Le Milan noir est nicheur certain (carte 4). Le nid occupé en 2014 l a de nouveau été en 2015. L épervier et l autour sont considérés comme potentiellement nicheurs mais il s agit d espèces très discrètes. Malgré les prospections, aucune preuve de reproduction certaine n a pu être apportée. Il est aussi tout à fait possible que ces 2 espèces nichent dans les boisements jouxtant la RNCFS. Notons également la présence de cinq espèces de pics, probablement tous nicheurs sur le site : le Pic mar, le Pic épeichette et le Pic vert (tous 3 inscrit sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de Champagne-Ardenne), le Pic épeiche, ainsi que le remarquable Pic noir. Un minimum de 18 loges occupées par le Pic épeiche a été trouvées (carte 5). Moins exigeant quant à son habitat, il est le plus commun dans le bois de l Argentolle. Plusieurs mâles chanteurs de Couple de Milan noir photo : Christine Tomasson Pic mar ont été contactés. Les vieux arbres, notamment les chênes, indispensables à cette espèce, expliquent sa présence relativement commune Il peut facilement y creuser sa loge, qui profite les années suivantes à de nombreuses autres espèces cavernicoles (mésanges, Sittelle, Chauve-souris, insectes, etc ). Un minimum de six loges occupées par le Pic mar (carte 5) a été découvert, mais il est très probable qu il y ait bien davantage de couples nicheurs. Les loges sont localisées grâce aux cris de mendicité des poussins au nid. Cependant, des jeunes gavés ne réclament pas leur nourriture aussi bruyamment que des jeunes affamés ; ils peuvent donc s avérer plus discret si la nourriture est abondante et passer facilement inaperçu. La Tourterelle des bois (inscrite sur la liste rouge des oiseaux de Champagne-Ardenne) est commune sur le site comme le montre son abondance relevée dans l échantillonnage IPA. Elle recherche davantage les lisières buissonneuses pour installer son nid que le cœur du massif, sauf si des parcelles en régénération avec un taillis buissonnant de quelques mètres de hauteur s y trouvent. On la contacte notamment sur la lisière de l étang des Landres.
Tourterelle des bois photo : Denis FOURCAUD Notons aussi la redécouverte du Pouillot siffleur, avec la présence de trois mâles chanteurs. La dernière donnée (et la seule pour le bois de l Argentolle) concernant cette espèce au statut vulnérable dans la région, remonte à l année 2011 (un mâle chanteur). Il est également assez rare dans ce secteur de la Champagne humide. Le Pouillot siffleur recherche la futaie mature, avec très peu ou pas de taillis. Il utilise la limite inférieure des frondaisons et ne fréquente pas l'espace encombré par un sous étage. Dans cette configuration, c'est la hêtraie qui lui correspond le mieux, cependant les vieilles futaies claires de chênes lui conviennent également. Le Pouillot siffleur est un passereau rare dans le secteur au statut de protection jugé vulnérable, son maintien dans le bois de l Argentolle passe par une gestion forestière qui consisterait à maintenir plusieurs parcelles de vieux arbres (ici les chênes) dépourvues de taillis, constituant l habitat idéal de cet oiseau. La population de sangliers lui est probablement néfaste également, ce pouillot nichant au sol, il est exposé au risque de prédation. La régulation appliquée au sanglier dans la réserve est donc bénéfique au Pouillot siffleur, mais également à un grand nombre d espèces nichant au sol.
Pouillot siffleur photo : LPO Carte 3 : Localisation des Grimpereaux des bois en 2015.
Carte 4 : Localisation des nids de Milan noir dans la RNCFS occupés en 2015. Carte 5 : Localisation des loges occupées par le Pic épeiche et le Pic mar en 2015.
Pic mar photo : Denis FOURCAUD Pic épeiche photo : Denis FOURCAUD 4. CONCLUSION L inventaire reconduit en 2015 sur le bois de l Argentolle, confirme une nouvelle fois la diversité ornithologique du massif. Le protocole utilisé pour cette étude a été inspiré de celui utilisé en 2009. Il sera conservé dans les années à venir si le suivi est renouvelé. La comparaison des échantillonnages IPA obtenus les deux années d étude précédente était délicate du fait que le suivi 2014 n avait pas été effectué par le même observateur qu en 2009. Les résultats entre 2014 et 2015 autorisent cette fois la comparaison. Toutefois, rappelons que deux années de suivi ne suffisent pas pour dégager une tendance d'évolution significative. L importance des vieux chênes sur le site favorise l installation des pics, notamment du Pic mar. Il est important de conserver les arbres dépérissant et les arbres morts, ils sont indispensables à la biodiversité en général. Une espèce récemment installée dans le département de la Marne, le Grimpereau des bois, a de nouveau été contactée sur le site. Bien qu'il n'y ait toujours pas de preuve de reproduction, la date d observation (mai) laisse penser qu il pourrait y nicher. Les vieux arbres et l humidité de ce bois constituent l habitat idéal pour cet oiseau oriental, en expansion vers l ouest. Le Pouillot siffleur est un passereau rare dans le secteur au statut de protection jugé vulnérable, son maintien dans le bois de l Argentolle passe par une gestion forestière adaptée. Le suivi IPA sera de nouveau effectué en 2016. Puis il sera renouvelé sur un pas de temps de 6 ans et effectué 3 ans de suite à chaque fois. En même temps, une recherche des nichées de pics se fera 2 années de suite tous les 6 ans. Afin de garder le lien avec le bois de l Argentolle, les années ou aucun de ces suivis ne sera effectué, deux journées de «veille» seront réservés pour des recherches spécifiques à définir, variables, selon les années et les objectifs (recherche du grimpereau des bois, des aires de rapaces, etc). BIBLIOGRAPHIE
BLONDEL J., FERRY C., FROCHOT B. (1970). - La méthode des Indices Ponctuels d Abondance (IPA) ou des relevés d avifaune par «stations d écoute». - Société d Etudes Ornithologiques de France, Alauda vol. 38 n 1 : p. 55-57.