«Comprendre les causes du non-recours à la CMUC»



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Transcription:

Convention d étude entre le Fonds de Financement de la CMU et l Université Paris Dauphine «Comprendre les causes du non-recours à la CMUC» Rapport final - Septembre 2006 Auteurs Sandrine Dufour-Kippelen Anne Legal Jérôme Wittwer (respoable scientifique) Recherche financée par le Fonds de financement de la CMU

Remerciements Nous remercio le Fonds CMU qui a financé cette étude, l Ititut de Recherche en Economie de la Santé (IRDES) pour la mise à disposition des données aii que le bureau du RMI du département de Paris qui nous a autorisé à réaliser des entretie au sein de l Espace iertion du XIème arrondissement de Paris, sa oublier son équipe et les personnes que nous avo interrogées. Nous remercio enfin Claude Le Pen pour son aide et ses coeils. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 2

SOMMAIRE Introduction 5 Chapitre 1: Analyse du comportement de non-recours à une prestation sociale 8 1. Le non-recours da la littérature 9 1.1. Enjeux de l analyse du non-recours aux prestatio sociales 9 1.2. Facteurs explicatifs du non-recours 10 2. Analyse empirique du non-recours 12 2.1. Problèmes méthodologiques d identification du phénomène et de mesure de 12 l éligibilité 2.2. Données empiriques disponibles sur le non-recours 12 Chapitre 2 : Analyse quantitative du non-recours à la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMUC) : ampleur et déterminants socioéconomiques 15 1. Présentation des données et de l échantillon de travail 16 2. Caractéristiques sociodémographiques des ménages non-recourants à la CMUC 17 3. Les déterminants du non-recours à la CMUC : modélisation logistique 26 3.1. Déterminants du non-recours («au se strict») à la CMUC : analyse 26 économétrique hors bénéficiaires de complémentaires privées 3.2. Déterminants du choix relatif à la couverture complémentaire 28 4. Endogénéïser l éligibilité : estimation d un modèle structurel de recours à la CMUC 31 4.1. Les principes de la modélisation 31 4.2. Les résultats des estimatio 33 4.3. Les simulatio du modèle 35 Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 3

Chapitre 3 : Analyse qualitative du non-recours à partir d entretie semi-directifs 42 1. Présentation du terrain d enquête 43 1.1. Missio générales d un Espace iertion 43 1.2. Organisation interne et parcours du RMIste 43 1.3. Public accueilli à l Espace iertion du 11ème 44 2. Démarche adoptée pour les entretie 44 3. Compte rendu des entretie réalisés avec le personnel de l espace iertion 46 3.1. Entretie avec les itructrices du RMI (le premier «filtre») 46 3.2. Entretie avec les assistantes sociales (le second «filtre») 46 3.3. Premières impressio sur les raiso du non-recours à la CMUC 48 4. Compte-rendu des entretie réalisés avec des allocataires du RMI : profil type des non-recourants à la CMUC et principales causes du non-recours 55 4.1. Profil-type des non-recourants 55 4.2. Principales raiso évoquées du non-recours 56 4.3. Entretie téléphoniques avec des personnes dont la demande de CMUC a été 60 itruite Conclusion 62 Bibliographie 65 Annexes 69 Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 4

Introduction Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 5

La mise en place de la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMUC) a soulevé de nombreuses interrogatio parmi les respoables politiques et les acteurs du système de santé. Les comportements de coommatio médicales des bénéficiaires ont tout particulièrement focalisé l attention des observateurs 1. Plus récemment, le comportement des médeci confrontés à l accueil des bénéficiaires de la CMUC a fait l objet d inquiétudes et d investigatio systématiques 2. En revanche, peu d attention a été portée jusqu à présent à la question du non-recours au dispositif de la CMUC. A l initiative du Fonds CMU, ce rapport cherche à mieux connaître ces personnes qui, en droit de bénéficier de la CMUC, n y recourent pas ; connaître cet aspect du dispositif, mal appréhendé jusqu à présent et peu mis en avant, doit permettre de contribuer à l amélioration de l efficacité du système d assurance maladie da son eemble. L importance du non-recours à la CMUC peut être évaluée en confrontant le nombre de bénéficiaires, tels qu ils sont receés par l administration de l Assurance Maladie, au nombre de personnes éligibles. Cette dernière évaluation n est pas simple car les critères d éligibilité reposent sur des caractéristiques des ménages qui ne sont pas toutes observées avec précision aussi bien da les données d enquête que da les données administratives. Le nombre d individus en droit de bénéficier de la CMUC est certainement compris entre 5,5 et 6 millio alors que l on recee au 30 avril 2006 plus de 4,8 millio de bénéficiaires. Le taux de non-recours se situe donc probablement entre 10 et 15 %. Le phénomène n est donc pas marginal et mérite une étude approfondie pour d évidentes raiso de santé publique mais également pour des raiso éthiques relatives à l égalité de fait devant le droit social. Comme nous auro l occasion de le souligner par la suite, l étude du recours à des prestatio sociales ne fait pas l objet d une littérature très abondante, bien qu elle soit plus coéquente en Amérique du Nord et da les pays du Nord de l Europe. Cette rareté relative s explique essentiellement par les difficultés méthodologiques soulevées par de telles études. La première d entre elles est relative à l identification de la population éligible ; deux méthodes peuvent être envisagées pour y parvenir : (i) utiliser des données d enquête sur la population générale et sélectionner les ménages, ou les individus, dont le niveau de vie est inférieur au seuil de la CMUC (ii) sélectionner a priori un échantillon d individus susceptibles d être éligible. La seconde approche a bien sûr l avantage de cibler la population d intérêt et permet d utiliser un questionnaire directement approprié à l objectif de l étude ce qui peut permettre notamment de vérifier précisément l éligibilité des individus interrogés. Cette méthode est néanmoi plus coûteuse puisqu elle nécessite de cotruire une enquête spécifique qui pose la délicate question de l échantillonnage d une population de ménages éligibles ; il est en effet très problématique de repérer, a priori, l eemble des ménages éligibles et de procéder à un tirage aléatoire au sein de cette population sélectionnée. La première méthode est donc plus simple à mettre en œuvre ; elle suppose néanmoi que l on dispose d une enquête da laquelle le recours à la CMUC est reeigné. En outre, da cette méthode, la sélection des 1 Voir à ce sujet les études de la DREES et celles de l IRDES, et en particulier BOISGUERIN B. (2006), «Les bénéficiaires de la CMU au 31 décembre 2005», Etudes et Résultats, DREES, n 512 ; Grignon M., Perronnin M. (2003), «Impact de la Couverture Maladie Universelle Complémentaire sur les coommatio de soi», Questio d Economie de la Santé, IRDES, n 74. 2 DESPRES C., NAIDITCH M. (2006), «Analyse des attitudes de médeci et de dentistes à l égard des patients bénéficiant de la Couverture Maladie Universelle», Rapport du DIES pour le Fonds CMU. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 6

ménages éligibles est également délicate en raison de la complexité des critères d éligibilité et du risque de mauvaises déclaratio des ménages. Ce rapport s appuie sur les deux types de méthodes. Il exploite tout d abord les enquêtes Santé et Protection Sociale (SPS) de l IRDES da ses versio 2002 et 2004. Cette enquête sur population générale a en effet l avantage d interroger précisément les individus sur leur couverture maladie et de rassembler de nombreux reeignements sur la santé et les caractéristiques socio-économiques des enquêtés. Il est en particulier possible d identifier avec une certaine précision les niveaux de vie des enquêtés afin de déterminer leur éligibilité. On cherchera aii, parmi les individus «mesurés» éligibles, à mettre en évidence les spécificités de la population non-recourante afin d émettre des hypothèses sur les causes du non-recours. Da un deuxième temps, l étude s appuie sur l exploitation d entretie semi-directifs, en face à face ou au téléphone, avec des individus éligibles recourants et non-recourants rencontrés au sein de «l Espace iertion» du XIème arrondissement de Paris. Des entretie ont été également conduits avec certai membres de l équipe de l Espace d iertion (directeur, itructeur, assistante sociale, etc.). Le nombre réduit d entretie auprès des bénéficiaires effectifs et potentiels de la CMUC et la spécificité du terrain d enquête font qu il n est pas possible d étendre les résultats de cette étude qualitative à l eemble de la population éligible. Néanmoi, elle permet de mieux comprendre les mécanismes du nonrecours, de cerner ses multiples déterminants et leurs imbricatio. Cette étude qualitative permet aii d éclairer les résultats de l étude quantitative, d offrir une approche plus fine du non-recours et d enrichir aii notre compréheion du phénomène. Le rapport se compose de trois parties. La dernière partie est coacrée à la présentation de l étude qualitative et à ses eeignements alors que la deuxième partie présente différentes exploitatio statistiques des enquêtes SPS 2002 et 2004 visant à caractériser les spécificités de la population non-recourante. Ces deux parties analytiques sont précédées, da une première partie, d un bref cadrage théorique à partir d une revue de la littérature sur la question du non-recours à une prestation sociale. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 7

Chapitre 1 : Analyse du comportement de non-recours à une prestation sociale Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 8

1. Le non-recours da la littérature 1.1. Enjeux de l analyse du non-recours aux prestatio sociales Comme le soulignait Catrice-Lorey dès 1976 3, «au stade de l application [des] politiques sociales se pose la question de l efficacité de l action entreprise : quels sont les résultats obtenus et sont-ils conformes aux objectifs poursuivis», à savoir profiter aux individus ciblés par la politique sociale? L existence même d un phénomène de non-recours aux prestatio sociales, qui signifie que certai individus ne bénéficient pas de prestatio auxquelles ils peuvent pourtant prétendre, prouve que les efforts déployés lors de la mise en place d une politique sociale n atteignent pas toujours réellement ceux à qui ils sont destinés. Dès lors, le non-recours à une prestation peut être perçu comme l indication d une mise en œuvre inefficace d une politique 4. La littérature sur le sujet, et en particulier celle de Van Oorschot 5, met en avant les diverses coéquences néfastes d un point de vue redistributif du non-recours à une prestation sociale 6. Le non-recours représente tout d abord une perte de revenu pour un individu ou un ménage. Or les prestatio sous conditio de ressources étant ciblées vers les ménages à faibles revenus, l existence même d un non-recours peut avoir des coéquences non négligeables sur le niveau de vie de ces ménages. Il semble d ailleurs que l intérêt pour le non-recours provienne en grande partie, au Royaume-Uni par exemple, des recherches sur la pauvreté menées dès les années 1950 7. A ce propos, Van Oorschot W. et Math A 8, pour lesquels le non-recours «augmente [explicitement] le risque d être pauvre», estiment qu «une mise en œuvre plus efficace des dispositifs existants, simplement en les rendant plus effectifs, peut cotituer un itrument puissant de lutte contre la pauvreté». L existence de non-recours fait en outre apparaître une inéquité de traitement (VAN OORSCHOT et al., 1991, 1995) entre les individus éligibles bénéficiaires et ceux éligibles non-recourants, alors qu ils se trouvent tous da une situation identique au regard des conditio d éligibilité. Si l objectif d une politique sociale est d éviter de tels effets, il semble souhaitable d éliminer, ou tout du moi de limiter, le non-recours, ce qui exige une connaissance fine de ses facteurs explicatifs afin de trouver in fine des solutio au phénomène. Il demeure néanmoi 3 Catrice-Lorey A.. (1976), «Inégalités d accès aux systèmes de protection sociale et pauvreté culturelle», Revue française des affaires sociales, vol. 30, n 47. 4 Math A. (1996), «Le non-recours en France : un vrai problème, un intérêt limité», Recherches et Prévisio, CNAF, n 43, p. 23-31. 5 Van Oorschot W. (1991), Non-take-up of Social, Security Benefits in Europe, Journal of European Social Policy, vol. 1, n 1, p. 15-30. 6 Préciso cependant que le non-recours à une prestation sociale peut être la coéquence d un libre choix éclairé. 7 HAMEL M.-P. (2006), «Le non-recours aux prestatio sociales chez les populatio vivant en situation de précarité et d exclusion», Rapport du CEVIPOF présenté à la Direction générale de l action sociale. 8 Van Oorschot W. et Math A. (1996), «La question du non-recours aux prestation sociales», in Recherches et Prévisio n 43, pp. 5-17. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 9

important de garder à l esprit que le choix du recours est celui du bénéficiaire et qu il n est certainement pas souhaitable de lui dénier cette respoabilité. 1.2. Facteurs explicatifs du non-recours L existence d un phénomène de non-recours à une aide publique semble contredire une des hypothèses fondamentales de la théorie microéconomique du comportement du coommateur (MOFFITT, 1983 ; DAPONTE et al. 1999 ; TERRACOL, 2003) : l hypothèse de rationalité économique, qui stipule que les individus, cherchant le maximum de satisfaction, exploitent toujours une opportunité d'améliorer leur situation. Afin de comprendre ce phénomène de non-recours da le cadre de la théorie microéconomique, les économistes ont suggéré que la perception des aides publiques entraînait des coûts pour les bénéficiaires potentiels, si bien que les individus décidaient de ne percevoir l allocation que si ces coûts, principalement d information et de stigmatisation, étaient suffisamment faibles au regard du supplément d utilité apporté par la prestation. Les coûts d information Les coûts d information sont nombreux et complexes. Ils reflètent à la fois les coûts liés à la connaissance des critères d éligibilité et du niveau des bénéfices, mais également ceux liés à la difficulté d effectuer des démarches nécessaires pour participer à des politiques d aide sociale. Diverses études se sont intéressées au rôle joué par l information da le processus de non-recours. L étude de Coe (1979) sur les Foods Stamps (coupo alimentaires américai) à partir du Panel Study of Income Dynamics (PSID) montre aii que seulement 41,3% des familles éligibles au programme y participaient en 1976 et que la principale raison évoquée par 58,7% des familles éligibles restantes, les non participantes, pour justifier cette faible participation était le manque d information sur leur éligibilité : la plupart peaient simplement ne pas y avoir droit. L importance de l information comme facteur explicatif du non-recours a été confirmé par Van Oorschot (1996) 9, puis par Daponte et al. (1999) à l aide d une expérience de terrain montrant que le taux de participation au sein des ménages éligibles aux Foods Stamps augmentait significativement lorsque ces derniers étaient informés du montant de leurs droits. Des barrières informationnelles semblent donc jouer un rôle particulièrement important. Certaines études s interrogent également sur le rôle indirect joué par l information. Dorsett et al. (1991) testent aii l effet de l allocation d une prestation sur le recours à une autre prestation en Grande-Bretagne et montrent que les interactio entre les deux sont importantes : l allocation au Housing Benefit, HB (aide au logement), augmente la probabilité de recourir au Family Income Supplement, FIS («aide» supplémentaire au revenu familial), de 13% et inversement, l allocation au FIS augmente la probabilité de recourir au HB de 4%. Ces interactio «positives» entre les prestatio s expliqueraient par l acquisition d information facilitée par le recours à la première prestation. 9 «Parmi tous les principaux facteurs qui s avèrent pertinents pour une compréheion du non-recours, les résultats empiriques montrent que la connaissance de base de la prestation est d une importance critique», in Recherches et Prévisio, n 43, 1996, p.44. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 10

Les coûts sociaux et psychologiques : la stigmatisation sociale Le terme de «stigma social», que l on trouve à l origine da la littérature sociologique, se définit da le champ de la science économique comme une forme de désutilité augmentant avec la participation à un programme d aide sociale (MOFFIT, 1983). Les travaux économiques théoriques concernant la stigmatisation des bénéficiaires de prestatio sociales sont rares. La première étude à s être intéressée à ce sujet date du début des années 80 (MOFFIT, 1983) et modélise deux types de stigma : ceux qui sont fixes (qui réduisent l utilité des agents qui reçoivent l aide publique) et ceux qui sont variables (et dont l effet sur l utilité individuelle augmente avec le montant de la prestation). La présence de ces deux types de stigma a été testée empiriquement da le cas des femmes éligibles à l Aid to Families with Dependent Children. Les résultats ont montré que seuls les stigma «fixes», liés à la seule perception de la prestation, étaient significatifs. Par la suite, d autres études se sont penchées sur ce phénomène de stigmatisation et ont montré que l existence de condition de ressources attachée à une prestation pouvait être un facteur de stigma (VAN OORSCHOT, 1996). Enfin, comme le souligne une étude de l OCDE (HERNANZ et alii, 2004), la stigmatisation générée par le versement d une allocation publique peut être d un degré variable, certaines prestatio étant moi stigmatisantes, car moi marquées d une coloration assistancielle, que d autres (l assurance chômage versus les minima sociaux, par exemple). Plus précisément, ce degré de stigmatisation dépend de la façon dont les individus (le bénéficiaire mais également le reste de la société) se représentent le rôle de la prestation. Non-recours et durée d éligibilité Outre l importance de l information et de la stigmatisation da l étude des facteurs de nonrecours, les recherches ont montré que la participation à un programme d aide sociale était également corrélée à la durée d éligibilité. Aii, les résultats de l étude de Blank et al. (1996) indiquent que le non-recours des femmes à l Aid to Families with Dependent Children et aux Food Stamps serait volontaire et s expliquerait par une période d éligibilité trop courte (et donc un bénéfice attendu trop faible) pour justifier les coûts administratifs engendrés par les démarches d obtention de l aide. Noto ici les spécificités de l analyse économique classique en termes de coûts/bénéfice pour la Couverture Maladie Universelle Complémentaire. En premier lieu, la condition de ressource mise en place pour bénéficier de la CMUC implique que la durée d éligibilité, et donc le bénéfice attendu, dépend des variatio de revenus. En outre, ce bénéfice attendu est forfaitaire, les individus bénéficiant de la totalité de la prestation offerte ou n en bénéficiant pas du tout, contrairement à d autres allocatio largement étudiées da la littérature théorique qui cotituent des compléments de revenus (on parle alors d allocation différentielle, égale à la différence entre le revenu minimum garanti et les ressources disponibles au trimestre précédent). Enfin, da le cas de la CMUC, le bénéfice attendu varie en fonction de l état de santé initial et du risque santé. De façon générale, les travaux théoriques sur les facteurs explicatifs du non-recours, relativement nombreux et bien documentés, témoignent néanmoi de la complexité d étudier un tel phénomène, ce que confirme notre analyse empirique du non-recours appliquée au dispositif de la CMUC. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 11

2. Analyse empirique du non-recours 2.1. Problèmes méthodologiques d identification du phénomène et de mesure de l éligibilité L analyse empirique du non-recours requiert de façon générale des données d enquête de qualité, avec des informatio précises sur les revenus des ménages, leurs caractéristiques socio-démographiques et leur participation éventuelle au programme. Or, la grande majorité des enquêtes utilisées pour l estimation des taux de non-recours sont basées sur des informatio déclaratives ou auto-reportées, ce qui peut poser problème, particulièrement pour les prestatio sous conditio de ressources comme la CMUC, basées sur des seuils de revenus déterminant l éligibilité. De faibles erreurs de mesures des revenus autour des seuils aii que l existence de sous-déclaration des revenus peuvent alors conduire à de fortes variatio da l estimation des taux de non-recours. En outre, la plupart des données d enquête contiennent des questio sur les prestatio reçues plus que sur l éligibilité, laquelle ne peut alors être déterminée qu à partir de procédures d imputation basées sur des caractéristiques individuelles et familiales aii que sur les revenus. Or, les procédures d imputation utilisées pour identifier les populatio éligibles da les enquêtes de ménages ne sont pas parfaites et peuvent sous-estimer le nombre exact de personnes qui sont potentiellement éligibles à la prestation. La principale difficulté pour comprendre les causes du non-recours réside donc, da un premier temps, da l identification des individus qui devraient recevoir la prestation s ils la réclamaient, les non-recourants 10. Malgré tout, certai pays se sont intéressés au non-recours aux prestatio sociales, si bien que l on dispose aujourd hui de quelques données chiffrées sur ce phénomène. 2.2. Données empiriques disponibles sur le non-recours Les données statistiques et les analyses sur ce phénomène sont encore peu nombreuses en Europe, à l exception notable du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de l Allemagne où le taux de non-recours se situe à des niveaux importants à chaque fois qu il est mis en évidence. En France, les données chiffrées sont rares. Données étrangères La Grande-Bretagne, occupe une position unique parmi les pays europée en ce qui concerne la recherche sur le non-recours. Depuis les années 60, de nombreuses études ont été menées, à un niveau national comme à un niveau local, et presque toutes les prestatio soumises à condition de ressources font l objet de recherches. A titre d exemple, le nonrecours aux services de l Etat, régulièrement mesuré par le Department of Social Security (ministère de la sécurité sociale britannique), est de l ordre de 25% pour l Income Support (revenu minimal garanti), de 35% pour l Housing Benefit (aide au logement), et également de 35% pour le Family Credit (supplément accordé aux familles disposant de faibles revenus d activité) 11. 10 Comme nous pourro le cotater da cette étude. 11 Van Oorschot W. et Math A. (1996), «La question du non-recours aux prestation sociales», in Recherches et Prévisio n 43, pp. 5-17. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 12

En Allemagne, des estimatio du taux non-recours au Sozialhilfe (revenu minimal garanti) ont été réalisées de façon régulière et se situaient entre 33 et 50% au cours des années 80, variant selon les années, les méthodes et les populatio étudiées 12. Au Pays-Bas, le non-recours à l Individuelle Huursubsidie (l aide au logement) est mesuré depuis longtemps et avoisine les 30-40%. Comme en Allemagne, le taux de non-recours varie selon le type d aide, l année et la région 13. Données françaises En France, le non-recours aux prestatio sociales n a suscité que peu d intérêt auprès des chercheurs et des décideurs politiques, si bien qu il existe très peu de travaux spécifiques sur le non-recours. Néanmoi, certaines études mettent en évidence la présence du non-recours pour des prestatio ou des populatio particulières, «même si, da la plupart des cas, il ne s agissait pas initialement de leur objet premier» 14. Tableau 1: Le non-recours à différentes catégories de prestatio sociales en France 15 Prestatio Références Données Allocation d assurance veuvage Allocation parentale d éducation Revenu minimum d iertion Aide médicale (gratuite) départementale pour les bénéficiaires du RMI 16 CERC (1986, 1989) Renaudat (1986) Fagnani (1995) Reitadler (1999) Chastand (1991) Vanlerenberghe (1992) Boisguérin (2001) Enquête réalisée en 1983 et 1984 auprès de 2000 veuves de moi de 60 a interrogées 7 mois et 18 mois après le décès du conjoint Enquête réalisée auprès de 3600 mères au chômage d au moi trois enfants dont un de moi de trois a Enquête réalisée en décembre 93 et janvier 1994 Enquête locale (Yvelines) Enquête réalisée auprès de 713 personnes en Meurthe-et-Moselle Enquête réalisée en 1989 auprès de 1565 familles bénéficiaires de prestatio familiales sur 12 départements Enquête réalisée en 1990 auprès de 450 personnes da 6 villes Enquête réalisée en 1999 auprès de bénéficiaires du RMI Taux de non-recours 40 % 33 % 7,3 % 10 % 33 % 5,2 % (1 à 13 % selon les villes) 17 % Les résultats présentés da le tableau 1 doivent être analysés avec beaucoup de précaution, l exemple de l allocation parentale d éducation montrant bien à quel point les taux de nonrecours varient d une étude à une autre, d une enquête à une autre. Cependant, ces résultats 12 Données issues du Réseau Thématique EXNOTA, German periodic report, décembre 2003. 13 Warin P. et al. (2002), Le non-recours aux services de l Etat, mesure et analyse d un phénomène méconnu, Rapport. 14 Van Oorschot W. et Math A. (1996), «La question du non-recours aux prestation sociales», Recherches et Prévisio, CNAF, n 43, p. 5-17. 15 Math A. (2003), «Les méthodes utilisées pour mesurer le non-recours aux prestatio sociales en France», note réalisée da le cadre de Exnota (Exit From and Non-Take Up of Public services. A comparative Analysis : France, Greece, Spain, Germany, Netherlands, Hungary). 16 Couvrait jusqu en 1999 l assurance maladie de base et la complémentaire pour les soi courants. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 13

témoignent de l ampleur du phénomène : même s il est difficilement mesurable, le nonrecours semble donc se situer à des niveaux importants. Qu en est-il du non-recours à la CMUC? Seule l association Médeci du Monde semble s être sérieusement intéressée au sujet. Aii en 2004, 60,7% des patients éligibles à la CMUC n ont pas de droits ouverts lors de leur premier contact chez Médeci du Monde. Ce résultat ne doit certes pas être coidéré comme représentatif de l eemble de la population éligible à la CMUC, on sait en effet que le public accueilli par l association présente des caractéristiques singulières. Afin d apprécier le non-recours sur une population plus représentative, le chapitre suivant entreprend de l observer et de mieux le comprendre à l aide d enquêtes en population générale. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 14

Chapitre 2 : Analyse quantitative du non-recours à la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMUC) : ampleur et déterminants socioéconomiques Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 15

1. Présentation des données et de l échantillon de travail Les données utilisées da cette étude sur le non-recours à la CMUC sont issues de l édition 2004 de l Enquête Santé et Protection Sociale de l IRDES. Menée biannuellement auprès d un échantillon aléatoire de 8.000 ménages (soit environ 20.000 personnes), l enquête a pour champ d étude les ménages ordinaires comportant au moi un assuré social des régimes général, des professio agricoles et des professio indépendantes, soit 96 % des ménages résidant en France métropolitaine. Les informatio sont recueillies à l aide de trois méthodes : l interview par un enquêteur au téléphone ou en face-à-face et un questionnaire auto-administré. Les informatio concernent l assuré principal et chaque membre de son ménage. Elles ont trait aux caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, niveau d étude, profession, occupation principale, etc.), à la protection sociale (régime, couverture complémentaire, CMU), aux revenus du ménage, aux renoncements aux soi, etc. (pour plus de détails, voir questionnaire en annexe 1, et coulter Irdes Rapport n 1621, 2006). La population potentiellement éligible à la CMUC sera définie par les individus appartenant à des ménages dont les revenus par unité de coommation 17 sont inférieurs à 550 par mois. Cette borne définit la première tranche de revenus telle qu elle est définie da l enquête. Les revenus pris en compte sont l eemble des revenus disponibles du ménage, y compris l allocation logement. Les données ne permettant pas de définir précisément la première tranche de revenus correspondant au seuil légal (576,13 euros meuels au 1 er juillet 2004), nous sommes donc amenés à l approcher à quelques euros près. Le critère d éligibilité selon le niveau de revenu étant défini pour les ménages, ce sont eux que nous reteno comme unité. Nous obteno aii un échantillon de travail de 439 ménages potentiellement éligibles à la CMUC pour l année 2004. L échantillon de travail sera ultérieurement étendu aux ménages de la tranche de revenus supérieure (deuxième tranche, de 550 à 690 euros 18 ). La notion de prise en charge par une couverture complémentaire présente da les données ESPS 19 nous permet de distinguer trois catégories d individus : ceux qui sont couverts par la CMUC, ceux qui ont une couverture privée et ceux qui n ont aucune couverture. Aii da l'échantillon de travail, le statut d'un ménage en termes de couverture complémentaire sera défini par le statut du chef de ce ménage. Les 439 ménages «éligibles» à la CMUC ont une situation assez surprenante par rapport à la complémentaire. En effet, plus de la moitié (57%) de ces ménages déclarent être couverts par une complémentaire privée (voir tableau 2). Seuls 29% se déclarent couverts par la CMUC et les 14% restants ne déclarent aucune complémentaire. 17 L unité de coommation est un système de pondération attribuant un coefficient à chaque membre du ménage et permettant de comparer les niveaux de vie de ménages de tailles ou de composition différentes. Avec cette pondération, le nombre de personnes est ramené à un nombre d unités de coommation. Aii, on peut comparer da le cas présent les revenus par unité de coommation au seuil d éligibilité de la CMUC quel que soit la composition familiale du ménage. 18 Variable TREVUCCMU da la base ESPS 2004, présentée en annexe 3. 19 Variables CC et CMU da la base ESPS 2004. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 16

Ce résultat avait également été obtenu da les données ESPS 2002, témoignant aii de la cotance des résultats de l enquête Santé et Protection Sociale sur la période 2002-2004. Toutefois, il est étonnant de trouver autant de déclaratio de complémentaires privées parmi un public éligible à la CMUC. Deux explicatio, liées à deux types d erreurs, peuvent être avancées. D une part, l éligibilité pourrait être mal observée et ces individus ne seraient en réalité pas tous éligibles. En effet, les trajectoires des enquêtés en termes d emploi ou de revenus ne sont pas toujours appréhendées précisément par les données : des situatio d éligibilité ou, au contraire, de non éligibilité provisoires au moment de l enquête peuvent par coéquent échapper au chercheur. Aii, par exemple, l éligibilité des personnes âgées de 65 a pose question : pour la plupart ces personnes vivent seules ou en couple sa enfant, elles ne devraient donc pas être éligibles à la CMUC 20 du fait d un seuil de l allocation minimum vieillesse supérieur à celui de la CMUC. D autre part, la déclaration de détention d une complémentaire pourrait être erronée, par peur de la stigmatisation ou simple confusion, entraînant une sur-déclaration de complémentaires privées (en lieu et place de CMUC). On peut en revanche peer que ceux qui déclarent bénéficier de la CMUC, ou ne pas avoir de complémentaire, ne se «trompent» pas et que leur déclaration est plus fiable que ceux qui déclarent bénéficier d une complémentaire privée. Cela justifiera que l on s intéresse pour l analyse économétrique à ces deux sous-populatio en particulier. Tableau 2 : Répartition des ménages en fonction du statut vis-à-vis de la complémentaire et des tranches de revenus meuels par unité de coommation Tranche de revenus meuels par UC Année CMUC Complémentaire privée Aucune complémentaire 110 244 65 419 2002 1ère tranche (26,3%) (58,2%) (15,5%) (100%) (< 550 euros) 128 251 60 439 2004 (29,1%) (57,2%) (13,7%) (100%) 39 226 54 319 2002 2ème tranche (12%) (71%) (17%) (100%) (550 à 690 euros) 45 270 59 374 2004 (12%) (72,2%) (15,8%) (100%) 19 405 56 480 2002 3ème tranche (4%) (84%) (12%) (100%) (690 à 840 euros) 22 516 80 618 2004 (3,6%) (83,5%) (12,9%) (100%) 262 6460 595 7317 2002 Eemble des (3,6%) (88,3%) (8,1%) (100%) individus 302 7137 667 8106 2004 (3,7%) (88%) (8,3%) (100%) Source : ESPS 2002, 2004 - Effectifs non pondérés Lecture : da SPS 2004, 439 ménages déclarent des revenus inférieurs à 550 euros meuels (1 ère tranche) ; 29,2% de ces 429 ménages ont déclaré être couverts par la CMUC ; 13,7% n ont déclaré aucune complémentaire. Da la première tranche de revenus, le taux de non-recours apparent moyen (part des ménages n ayant pas déclaré de complémentaire parmi les 439 ménages potentiellement Total 20 Le modèle structurel présenté plus loin tend à confirmer la non éligibilité des ménages dont le chef a plus de 65 a. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 17

éligibles) est de 13,7 % da l enquête de 2004, soit une baisse de deux points par rapport à 2002 (cf. tableau 2). Si l on exclut les bénéficiaires de complémentaires privées, le taux de non-recours «au se strict» (part des ménages n ayant pas déclaré de complémentaire parmi les 188 ménages potentiellement éligibles ayant soit déclaré être couverts par la CMUC, soit ne pas être couverts du tout) s élève à 32 % en 2004, correspondant à une baisse de 5 points par rapport à 2002. Il faut enfin signaler que les causes du non-recours ne peuvent pas être traitées directement à partir du questionnaire de l enquête ESPS 2004, du moi da le cadre de l échantillon réduit aux ménages potentiellement éligibles à la CMUC. Les effectifs répondants aux questio relatives aux raiso du non-recours (cf question Q32.2 du questionnaire fourni en annexe 1) sont en effet très faibles. Toutefois, la raison la «plus» souvent invoquée est le manque d information sur les droits, comme cela sera confirmé par les entretie. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 18

2. Caractéristiques sociodémographiques des ménages non-recourants à la CMUC Nous travaillo donc sur les ménages dont le revenu est inférieur à 550 euros meuels par unité de coommation da l enquête SPS 2004. L objet de cette section est de détailler les caractéristiques des ménages non-recourants et de leur chef - da cet échantillon de ménages éligibles. Les caractéristiques des ménages éligibles sont résumées da les tableaux 3 et 4 21. L analyse des variables démographiques classiques, le sexe et l âge, met en avant une surreprésentation du non-recours à la CMUC au sein des ménages «dirigés» par des hommes, plutôt âgés. En effet, les ménages dont le «chef» est un homme représentent environ les deux tiers des ménages sa couverture complémentaire et seulement la moitié de ceux qui bénéficient de la CMUC (tableau 4). Lorsque le chef de ménage est âgé de 65 a ou plus, le ménage a un taux de non-recours à la CMUC élevé (21%, voir tableau 3). Ces ménages cotituent 28% de la population sa couverture complémentaire (tableau 4). Il faut néanmoi garder à l esprit que l on peut s interroger sur la réalité de l éligibilité des ces ménages dont le chef bénéficie a priori du minimum vieillesse. Les plus jeunes, quoique peu nombreux ici, semblent en revanche connaître un non-recours faible. En ce qui concerne la sphère professionnelle, les ménages dont le chef est un ouvrier sont surreprésentés parmi les non-recourants : ils représentent près de la moitié des non-recourants (tableau 4), avec un taux de non-recours de 17%. Le non-recours à la CMUC est également plus marqué chez les «artisa, commerçants et chefs d entreprise» 22 (tableau 3). Lorsque l on s intéresse à la situation vis-à-vis du marché du travail, le taux de non-recours est particulièrement élevé parmi les retraités, ce qui rejoint les résultats relatifs à l âge et fait naître les mêmes interrogatio sur leur éligibilité ; en revanche, parmi les «autres inactifs» (femmes au foyer, étudiants, etc.), le taux de non-recours est faible. Les résultats relatifs au niveau d étude sont robustes : les ménages dirigés par un diplômé du supérieur ou par une personne peu ou non qualifiée ont moi recours à la CMUC. Lorsque l on s intéresse à la composition des ménages, on cotate que le taux de non-recours à la CMUC est nettement plus important chez les couples sa enfant et chez les ménages plus complexes («autres») que chez les familles monoparentales (tableau 3). Ce non-recours particulièrement faible s explique a priori par le fait que ces familles monoparentales, aux revenus particulièrement modestes, bénéficient en général d autres aides, diminuant aii le coût marginal d obtention d information. Da le même ordre d idée, le taux de non-recours da les ménages avec enfants en bas âge (moi de 6 a) est faible. En termes de situation géographique, les données ne montrent pas de dépendance avec la déclaration de la CMUC ou du non recours (χ² cmuc pascc). En revanche, la comparaison avec les détenteurs d une complémentaire privée introduit une discrimination par la taille de l unité urbaine ou la région (χ² 3complem). Les ménages à complémentaire privée résident plus souvent da des communes rurales (37% contre 29.8% en moyenne, tableau 4). Les individus vivant à Paris semblent être plus touchés par le non-recours à la CMUC. 21 Un tableau en annexe 2 fournit les effectifs des variables. 22 Pas de commentaire pour les agriculteurs exploitants car ils sont trop peu nombreux à être concernés par la CMUC ou le non-recours. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 19

L analyse de la variable «zone d aménagement du territoire» 23 fait apparaître quant à elle un non-recours à la CMUC particulièrement élevé à la fois en Ile-de-France, ce qui rejoint le résultat précédent, et en Méditerranée. Ce non-recours important da le Sud pourrait s expliquer en partie par une plus forte concentration de personnes étrangères et de personnes âgées da la population locale. Le non-recours apparaît en revanche peu fréquent da le Bassin Parisien et l Ouest-Sud Ouest. L état de santé moyen da les ménages non-recourants à la CMUC est appréhendé à l aide de la variable graduée «risque vital moyen da le ménage» 24. Parmi les ménages des nonrecourants, sont plus fréquemment représentés les ménages situés aux deux extrémités de l échelle. La part des ménages dont l état de santé est très bon 25 est deux fois plus importante que parmi les ménages ayant la CMUC (12% contre 6%, tableau 2.3). De la même façon, les ménages qui sont, en moyenne, en très mauvaise santé représentent 22% des non-recourants alors qu ils ne sont que 15% parmi les ménages CMUCistes. Aii, la population du nonrecours n est pas en meilleure santé que celle des recourants et serait même en légère moi bonne santé. 18% des individus coidérés comme comportant un risque grave 26 sont en situation de non-recours (cf. tableau 2.2). Ce résultat est particulièrement surprenant et laisse supposer que le comportement des non-recourants s apparenterait à un «vrai» non-recours : il ne s explique pas par l absence de besoin de soi. Le module «déterminants sociaux de la santé» de l enquête SPS 2004 permet d identifier les lie sociaux du chef de ménage 27 en évaluant son niveau individuel de capital social, la taille de son réseau social et le soutien émotionnel apporté par ce réseau. Une question vise à mesurer le degré de confiance da les autres à partir d une situation courante, a priori vécue par beaucoup : la perte d un portefeuille. Elle permet de distinguer les personnes ayant un degré de confiance élevé da les autres (celles qui déclarent qu elles iraient voir si cet objet a été rapporté à un service compétent car quelqu un peut l avoir rapporté) des personnes peant que cela ne sert à rien. Le capital social est également mesuré par une mesure de participation à des activités collectives. Afin d apprécier la taille du réseau de relatio du chef de ménage, on compte les contacts réels et téléphoniques que l enquêté a eu lors du week-end précédant l entretien avec les membres de sa famille, ses amis ou ses relatio. 23 La «zone d aménagement du territoire» correspond au découpage du territoire en huit zones crée par l Iee : Région parisienne (Ile de France), Bassin parisien (Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Basse et Haute Normandie, Picardie), Nord - Nord Pas-de-Calais, Est (Alsace, Franche-Comté, Lorraine), Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes), Sud-Ouest (Aquitaine, Limousin, Midi-Pyrénées), Centre-Est (Auvergne, Rhône-Alpes), Méditerranée (Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d'azur, Corse). 24 Le risque vital est une variable objective correspondant à une probabilité de risque de décès, chiffré par un médecin au vu du questionnaire santé. Il est établi à partir d une échelle croissante en six positio allant de «aucun risque sur le plan vital» à «pronostic sûrement mauvais» (signifiant 80% de probabilité de décès pendant les cinq a). Le risque vital moyen est calculé da les ménages clairement identifiés (tous excepté les «autres») pour lesquels il y a du se de mesurer cet état de santé moyen da le ménage (assurés et ayant droits potentiels). Il y a beaucoup de valeurs manquantes (que l on a regroupées sous la rubrique «pas de se ou non reeigné») car il faut disposer du risque vital pour tous les membres du ménage. Plus la valeur du risque vital moyen est élevée, moi l état de santé moyen du ménage est bon. 25 Risque vital moyen = 0 26 Risque moyen supérieur à 2 27 Il y a de nombreuses non répoes à ces questio car c est l assuré échantillonné pour l enquête qui est interrogé. Or, ce n est pas systématiquement le chef de ménage qui est l assuré interrogé. Comprendre les causes du non-recours à la CMUC - LEGOS pour le Fonds CMU septembre 2006 20