Le coût de l accident nucléaire. Estimations effectuées à l IRSN

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Transcription:

Le coût de l accident nucléaire Estimations effectuées à l IRSN

L origine de ces recherches Three Mile Island (1979) et Tchernobyl (1986) Codes de calcul de rejets et de leurs conséquences (MACCS aux États-Unis, Cosyma en Europe) et publication en 1990 d une grande étude américaine En 2000, l OCDE publie une somme couvrant de nombreuses études de coûts des conséquences. L intérêt pour ces recherches est alors globalement retombé. En 2005, l ASN demande à l IRSN d expertiser un indicateur coûts-bénéfices Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 2/14

L IRSN s engage alors (2005) pour la première fois dans ces études et adopte une approche économique L approche conséquences suivie jusqu alors consistait à : 1. Calculer, en général dans une optique opérationnelle de gestion de crise, les effets sanitaires et agricoles, en fonction des contremesures prises 2. Multiplier les quantités calculées par des prix pour obtenir un coût Donc : pas de Becquerel = pas de coût Au contraire, l approche économique préconise de 1. Établir une liste complète des effets d une crise nucléaire, 2. Puis évaluer les coûts correspondants. Certains coûts ne correspondent alors à aucun Becquerel Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 3/14

Estimer le coût d un accident nucléaire Conférence alimenation et nucléaire - 7 décembre 2013 4/20

Les estimations de coût doivent être complètes Aucun coût ne doit être négligé Sinon, les coûts sont sous-estimés Si les coûts d accident sont sous-estimés, la valeur de la prévention est aussi sous-estimée Les dépenses de prévention sont alors inférieures à leur niveau optimal et un risque excessif est retenu Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 5/14

Les grandes lignes de coûts La composante classique est ce que l'on appelle les Coûts Radiologiques hors-site Les coûts sur site ne sont pas négligeables Les coûts d'image peuvent être tout-à-fait significatifs Il faut prévoir un effet parc c est-à-dire les coûts relatifs à la production d'électricité Dans les scénarios les plus graves, d'importantes surfaces peuvent être contaminées Il pourrait y avoir encore d autres coûts Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 6/14

L'accident grave en France Conférence alimenation et nucléaire - 7 décembre 2013

L'accident grave en France Fusion du cœur sur un réacteur de 900 MWe, suivie de rejets plus ou moins contrôlés et par conséquent non-massifs Au sein de cette famille d accidents, les rejets peuvent être plus ou moins graves, les conditions climatiques plus ou moins favorables Les chiffres sont calculés du point de vue de la France ; ils seraient différents du point de vue de la région concernée ; également différents du point de vue de l'union européenne Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 8/14

Accidents graves Rejets «contrôlés» Accidents majeurs Rejets «massifs» E+15 E+16 E+17 E+18 E+19 E+20 Rejet d aérosols (Bq) Accident grave «modèle» (médian) Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 9/14

Coût d'un accident nucléaire grave «modèle» en France Milliards d euros % Coûts sur site 10 8% Coûts radiologiques hors site 9 7% Territoires contaminés 11 9% Effet parc 44 35% Coûts d'image 50 40% Total (arrondi) 120 100% Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 10/14

Une catastrophe d ampleur nationale, mais gérable Une catastrophe d'ampleur nationale (120 milliards d euros) environ 6 % du PIB d'une année ; 3-6 ans de croissance environ deux fois le budget annuel de l éducation nationale en France les grands accidents industriels récents ont seulement coûté quelques 2 milliards d euros les coûts d'image et l'effet de parc représentent près de 80 % du coût total et dépendent fort peu de la région affectée Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 11/14

Une catastrophe d ampleur nationale, mais «gérable» Une crise qui devrait rester «gérable» Les coûts purement radiologiques représenteraient moins de 20 % du coût total le nombre de réfugiés radiologiques pourrait être de 0 à 10 000 Les gestionnaires de crise de haut niveau seraient confrontés à une pression médiatique intense et à des enjeux économiques considérables plutôt qu'à une catastrophe radiologique Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 12/14

Conclusion 1. Ces informations intéressent les gestionnaires de crise : Elles aident à former une vision globale de la crise nucléaire Elles contribuent ainsi à éviter des erreurs dans les premiers temps de la crise, erreurs qui pourraient être fort coûteuses à long terme Elles aident à préparer la crise en montrant que les conséquences radiologiques ne sont qu'une partie des difficultés à prévoir, parfois une faible part des coûts 2. Ces informations intéressent la sûreté : Elles justifient les investissements consentis à la prévention de l accident Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 13/14

Merci de votre attention! Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 14/14

L'effet touristique de l'accident Un coût d'image Son déterminant est le risque perçu par le consommateur Sur un marché caractérisé par une demande très volatile, dépendante des médias et où les destinations sont aisément substituables Une image négative provoque une réduction de la demande finale Un coût important pour la France La France est la première destination touristique mondiale en termes de fréquentation et la troisième en termes de recettes Les coûts directs affectent l'ensemble de la filière touristique Les coûts indirects et induits se répercutent dans l'économie nationale et locale Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 15/14

Les coûts directs La valeur ajoutée liée au tourisme est évaluée à environ 100 G Elle se décompose en fonction de la demande finale Tourisme étranger en France (hors région Europe) 7% 10% Dépenses en France des français partant à l'étranger 28% Tourisme européen en France 55% Tourisme domestique Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 16/14

On élabore des scénarios de baisse de la demande finale Fondés sur l'expérience internationale 1 Katrina (2005) Asian tsunami (2004) BSE (2000), Foot & Mouth (2001), SARS (2003) 9/11 (2001), Madrid transport (2004), London transport (2005), Turkey (2003-2007), Kenya (2002) Israel Lebanon conflict 1 UNWTO Tourism Highlights Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 17/14

Les coûts indirects La baisse de demande finale se répercute dans l'ensemble de l'économie via les interactions entre ses différentes branches Ces effets en cascade sont calculés à partir de la Comptabilité Nationale Ils diminuent dans le temps Une fraction des coûts indirects fuit à l'étranger Le coefficient multiplicateur est de 0,80 Années 1 2 3 4 5 6 7 Coefficients multiplicateurs annuels 0,44 0,21 0,10 0,05 0,02 0,01 0,00 Cumul actualisé (4%) 0,44 0,64 0,73 0,77 0,79 0,80 0,80 Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 18/14

Les coûts induits Le coût induit mesure l effet de la baisse des revenus sur la consommation essentiellement dans l'économie locale Son calcul repose sur : La baisse d'activité dans les différences branches de l'économie Comment cette baisse d'activité se répercute sur la rémunération des salariés Comment cette baisse de rémunération se traduit dans la consommation des ménages Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 19/14

Résultats Accident grave : entre 10 et 50 milliards d euros Accident majeur : entre 40 et 125 milliards d euros Coût indirect 9 G ; 38% Coût direct 11 G ; 47% Accident grave 23 G Coût induit 3 G ; 15% Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 20/14

Conclusion L'effet d'un accident nucléaire sur le tourisme dépend essentiellement de paramètres non techniques C'est un coût d'image Son ampleur spatiale et temporelle est peu corrélée aux réelles mesures liées à la radioprotection des populations Même des régions qui ne seraient pas affectées par l'accident pourraient souffrir d'une baisse de fréquentation touristique Inversement, la crise devrait être de relativement courte durée La crise touristique ne se limite pas à l'industrie du tourisme Elle se propage à l'ensemble de l'économie nationale, voire internationale Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 21/14

Quelques chiffres sur Fukushima TEPCo a annoncé plus de 100 G$ en compensations aux victimes Environ 80 000 réfugiés issus de zones fortement radioactives (plus de 20 msv/an) En 2012, 2,7 milliards d euros de budget pour la décontamination Le METI a indiqué des coûts liés à l électricité d environ 60 G$ sur deux ans Ces chiffres sont compatibles avec les estimations IRSN, l ampleur des rejets faisant de Fukushima un accident majeur, mais les circonstances ont été globalement favorables (la météo, le site) Conférence alimentation et nucléaire - 7 décembre 2013 22/14