Toulon, le 18 janvier 2010 COUR D APPEL D AIX EN PROVENCE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TOULON PARQUET DU PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE COLLOQUE DÉPARTEMENTAL LA PERSONNE ÂGEE DÉPENDANTE : ASSISTANCE ET PROTECTION JUDICIAIRE Table ronde : la mise en oeuvre pratique et les acteurs de la réforme Intervention de Monsieur MIRA, Procureur de la République adjoint sur le rôle du parquet dans la protection des majeurs vulnérables. Avec la réforme du 5 mars 2007, le rôle du parquet dans la protection des
majeurs vulnérables est devenu essentiel, à l'image du rôle que le parquet a progressivement acquis en matière de protection de l'enfance. Ces nouvelles missions du parquet apparaissent surtout dans la phase préparatoire à l'ouverture des mesures de protection et de façon plus ponctuelle au niveau de l'application d'une mesure particulière : la mesure d'accompagnement judiciaire. I - INTERVENTION DU PARQUET DANS LES MESURES DE PROTECTION JURIDIQUE ➀ Etablissement de la liste des médecins Le parquet conserve le pouvoir exclusif de dresser la liste des médecins qui peuvent être choisis pour établir les certificats médicaux nécessaires à l'ouverture des mesures de protection. Toutefois la loi a élargi à l'ensemble des spécialités médicales la possibilité d'être inscrit sur la liste. Ainsi, outre les psychiatres, les gériatres et les généralistes, dès lors qu'ils justifieront d'une compétence, d'une expérience et d'un intérêt particulier à l'égard des personnes vulnérables pourront être inscrits sur la liste. ➁ L'avis conforme du parquet sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs Il appartient désormais au Préfet et non plus au Procureur de la République la charge de dresser et de tenir à jour la liste des personnes physiques et morales, désormais dénommées "mandataires judiciaires à la protection des majeurs". Toutefois, ces inscriptions sont soumises à l'avis conforme du Procureur de la République. Ce dernier conserve un droit deveto qui lui permettra de s'opposer à une inscription s'il lui apparaît que le candidat à l'inscription sur la liste ne lui parait pas répondre aux critères nécessaires à l'exercice de ses fonctions. De même, à tout moment, d'office ou à la demande du juge des tutelles il pourra solliciter du Préfet la radiation de la liste d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs s'il a connaissance d'une violation par ce mandataire des lois et règlements ou bien lorsque les conditions d'exercice de la mesure de protection par ce mandataire sont de nature à compromettre la santé ou le bien être physique ou moral de la personne protégé
➂ Les signalements et leur traitement C'est dans ce domaine du traitement des signalements que le rôle du parquet s'est considérablement accru. En effet, la réforme a supprimé la saisine d'office du juge des tutelles et les signalements émanant notamment des services sociaux et des établissements de soins ou médico-sociaux, ou de toute autre personne n'étant pas visée par l'article 430 du code civil, pour saisir directement le juge des tutelles, doivent désormais être systématiquement adressés ou bien réorientés par le juge au parquet. Ainsi saisi d'un nombre non négligeable de signalements, le parquet dispose un peu comme en matière d'assistance éducative, d'un pouvoir d'opportunité quant à la suite à leur donner. En fait 5 options s'offrent au parquet dans l'orientation de ces signalements qui sont les suivantes : a) Le renvoi à saisir directement le juge Si l'auteur du signalement fait partie des personnes limitativement énumérées par l'article 430 du code civil pour saisir directement le juge des tutelles (conjoint, concubin, parents, allié...), le parquet renvoie ces personnes à saisir le juge, au besoin en leur rappelant les pièces à fournir à l'appui de leur requête (notamment le certificat du médecin inscrit sur la liste établie par le Procureur de la République). Ce renvoi est envisagé le plus souvent possible, toutefois, à titre exceptionnel si, à l'analyse du signalement il apparaît plus opportun au parquet, dans l'intérêt même de la personne à protéger, de saisir lui-même le juge des tutelles, il ne renvoie pas la requête et prend lui-même l'initiative de cette saisine. Le parquet agit ainsi, notamment en cas d'impécuniosité de la personne vulnérable, le certificat médical étant alors pris en charge sur les frais de justice, ou bien en cas de conflit familial, la demande de protection émanant du parquet ayant alors un caractère neutre. b) Le recueil de renseignements complémentaires Lorsqu'un signalement présente des éléments sur une personne vulnérable qui apparaissent inquiétants mais qui sont insuffisants pour fonder une requête au juge des tutelles, le parquet sollicite des renseignements complémentaires notamment auprès des services sociaux afin de pouvoir fonder et valablement étayer sa requête aux fins de saisir le juge d'une mesure de protection juridique.
c) La réorientation vers les services sociaux Dans un certain nombre de signalements il apparaît que la situation du majeur ne relève pas d'une mesure de protection juridique mais d'abord d'une action sociale. Il s'agit généralement de personnes qui ne souffrent pas d'altération caractérisée de leurs facultés mentales ou corporelles mais qui se trouvent dans une situation précaire, soumises à la mauvaise influence de leur entourage et qui manifestement ont besoin d'aide et de conseil. Dans ces cas-là, le parquet réoriente la personne vulnérable ou l'auteur du signalement vers les services du Conseil Général afin que soit envisagée la mise en place d'une mesure d'aide à la personne et si besoin la mise en oeuvre d'une mesure d'accompagnement social personnalisé (MASP) d) Le classement du signalement Soit d'emblée, soit au vu des renseignements complémentaires qu'il a sollicités, le parquet estime que la personne n'a pas besoin d'être protégée ou bien que d'autres dispositifs de protection permettent déjà d'assurer cette protection (c'est le cas notamment lorsque des procurations suffisantes sont mises en place auprès des proches et qu'elles fonctionnement dans de bonnes conditions). Dans ces cas-là, le parquet ne donne pas suite au signalement. e) La requête au juge des tutelles La dernière option du parquet, c'est la saisine du juge des tutelles aux fins de la mise en oeuvre d'une mesure de protection. Pour cela des conditions de fond et de forme doivent être réunies : - conditions de fond La protection juridique doit être nécessaire et sans autre alternative. Pour cela le parquet doit disposer : * de la preuve médicale que la personne vulnérable est atteinte d'une altération de ses facultés mentales ou corporelles de nature à l'empêcher d'exprimer sa volonté, * d'élément minimum sur la situation de cette personne qui révèlent la nécessité d'une protection tant de sa personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci - conditions de forme
Sous peine d'irrecevabilité : * un certificat circonstancié rédigé par un médecin inscrit sur la liste établie par le parquet, * l'identité de la personne à protéger et l'énoncé des faits qui motivent la demande de protection, ainsi que d'autres renseignements concernant l'entourage de la personne à protéger, son médecin traitant, des éléments concernant la situation familiale et patrimoniale, autant d'éléments qui faciliteront l'instruction de la requête par le juge des tutelles. On le voit, en supprimant la saisine d'office du juge des tutelles, le législateur a donné au parquet un rôle déterminant dans l'orientation des signalements Une orientation qu'il fera en ayant toujours à l'esprit les principes de nécessité et de subsidiarité qui le conduiront à ne saisir le juge des tutelles que dans les hypothèses où la protection de la personne apparaît nécessaire et dans les autres cas à réorienter notamment vers les services sociaux. 2 - INTERVENTION DU PARQUET DANS LA MESURE D ACCOMPAGNEMENT JUDICIAIRE ( la MAJ ) Outre ce rôle de gestion des signalements, le parquet intervient également dans le cadre de la Mesure d'accompagnement Judiciaire : la MAJ qui se substitue à la tutelle aux prestations familiales, mais qui a une application beaucoup plus limitée puisque la MAJ ne peut être mise en oeuvre qu'après l'échec d'une Mesure d'accompagnement Social Personnalisé (MASP). Dans la mise en oeuvre de la MAJ, Mesure d'accompagnement Judiciaire, le parquet joue le rôle de filtre puisqu'il est le SEUL à pouvoir solliciter du juge la mise en place d'une mesure d'accompagnement judiciaire et ce au vu du rapport d'évaluation que lui a remis le Conseil Général sur le déroulement de la MASP. Quelque soit la décision prise, le parquet doit en informer le Conseil Général afin qu'il soit en mesure, s'il n'y a pas saisine du juge, de prendre toute mesure utile sur le plan social.
* * * Tel est rapidement brossé le rôle du parquet dans la protection des personnes vulnérables, mais il n'est pas le seul à intervenir dans la protection, c'est pourquoi sans plus attendre, je vais donner la parole au Conseil Général qui est un autre acteur important de la réforme.