Physiopathologie clinique de la douleur

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Transcription:

Physiopathologie clinique de la douleur LA DOULEUR NOCICEPTIVE Somesthésie = sensibilité corporelle 3 f = Extéroceptive, Proprioceptive, Intéroceptive Système sensoriel = ensemble de neurones capables d analyser une stimulation qui correspond à une sensation. Stimuli nociceptif= formes d énergie (mécanique, calorifique, chimique, électromagnétique, électrique ) de forte intensité capable de représenter une menace pour l intégrité du corps Stimuli «nocifs» Si induction d une lésion tissulaire, Stimuli «algogènes» Si induction d une perception de douleur, Douleur : Sensation désagréable et expérience émotionnelle en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle ou décrites en ces termes (IASP) 3 types de douleur: - Douleur par excès de nociception - Douleur neuropathique - Douleur dysfonctionnelle (Migraine, Fibromyalgie) Douleur = multidimensionnelle Composante sensori-discriminative affectivo-émotionnelle cognitivo-comportementale culturelle Douleur Ä = douleur alarme = Moyen de défense A TTT rapidement Douleur chronique= Néfaste, au bout d un certain délai: 3 mois? TTT du patient dans sa globalité Les Rc sensoriels Structure R spécialisée Association au 1 er neurone du système sensoriel Interface entre l énergie physique du stimulus et le système sensoriel Fonctionnement en 2 ϕ successives: 1) Conversion de l énergie physique du stimulus en un potentiel générateur= potentiel récepteur au niveau du site transducteur du Rc= la transduction sensorielle 2) Conversion du potentiel récepteur (si suffisant) en une série de PA au niveau du site générateur du Rc sensoriel (encodage neuronal) Nature des PA identique dans tout le SN et pour toutes les modalités sensorielles (spécificité déterminée par le type de Rc, les voies nerveuses et leurs sites de projection dans le SNC) Codage neuronal en fonction de l intensité du stimulus spécifique (le + svt) - à l échelle du neurone par l encodage en modulation de frq (recrutement temporel) - à l échelle d une population de neurones un stimulus activant plusieurs récepteurs (recrutement spatial) Rc non nociceptifs ; sur les fibres Aβ, bien cié - corpuscules de Meissner (faibles pressions sur la peau) - corpuscules de Ruffini (vibrations de basse fréquence 50Hz) - disques de Merkel (indentations de la peau) - récepteurs des follicules pileux (mouvements des follicules) - corpuscules de Pacini (vibrations de haute fréquence)

I. LE MECANISME PERIPHERIQUE 1) Les récepteurs nociceptifs ou nocicepteurs sur les fibres A δ et C, non cié (terminaisons libres des nerfs) Rc à haut seuil classés selon : fibre afférente Aδ ou C, Modalités de stimulat évoquant une réponse, caractéristiques de la réponse, Rc exprimés à la surface MBR MODALITES DE STIMULATION ; Selon réponse aux modalités de stimulation mécanique, thermique, chimique 2 grands types de nocicepteurs : polymodaux (réponse à tt les modalités) :+ nbr = chémorécepteurs spécialisés (réponse à une modalité donnée) ; surestimation à replacer dans la perspective moléculaire (Rc ++) 2) Fibres Aδ, Fibres C, Fibres Aβ TISSUS NON CUTANES Nocicepteur polymodaux Aδ et C dans les tissus non cutanés ; muscles, articulations, viscères Caractère spécifiquement nociceptifs non démontré Cerveau «insensible» (nocicepteurs au niveau méningé et vasculaire) ACTIVATION Transduction énergie mécanique, thermique ou chimique en une énergie électrique (PA) Substances algogènes et/ou sensibilisantes In fine - modification de la perméabilité MBR - [Na+] I R - déclenchement du PA - propagation du PA Rc non douloureux ; tactiles, proprioceptive Fibre Aβ : myélinisé ++++ Ǿ 6-20mm Vc moy. 30-120 m/s (rapide) Rc douloureux (thermique, algique) Aδ : myélinisé ± Ǿ 1-5mm Vc moy. 4-30 m/s (lente) C : non myélinisé Ǿ 0,3-1,5mm Vc moy.0,4-2m/s (lente ++) SENSIBILISATION Lésion tissulaire Stimulation nociceptive responsable de la douleur Réaction inflammatoire prolongation de l activation des nocicepteurs et leur sensibilisation Sensibilisation seuil d activation («efficacité» stimulus non nociceptif) réponse apparition d une activation spontanée extension du champ récepteur Traduction clinique seuil douloureux (allodynie) perception douloureuse (hyperalgésie) apparition d une douleur spontanée topographie douloureuse INFLAMMATION SENSIBILISATION PERIPHERIQUE Facteurs liés à la lésion tissulaire : ions K +, H+, ATP Facteurs liés aux processus inflammatoires - bradykinine, - prostaglandine et leucotriènes (peu algogènes mais très sensibilisants) - cytokines pro-inflammatoires - facteurs de croissance (NGF) - sérotonine et histamine (dégranulation mastocytaire) Facteurs libérés par les nocicepteurs eux-mêmes - neuro-peptides (subst P, peptide associé au gène de la calcitonine CGRP, neurokinine A) - réflexe d axone ; inflammation neurogène (schéma page suivante) HYPERLAGESIE IR Aδ Ions H+ et K+ 1 e douleur : piqûre, bien localisée, précoce (300ms revers main) Hyperalgésie secondaire ou inflammation neurogène C Inflammation neurogène 2 e douleur : brûlure, mal localisée, diffuse, retardée (1 s revers main) TTT AINS «DOUBLE DOULEUR»

II. LE MECANISME SPINAL 1) Les récepteurs - Neurones nociceptif spinaux Neurones nociceptifs spinaux spécifiques +++ en couches superficielles I et II Activés exclusivement par des stimuli nociceptifs Afférences Aδ et C Codage possible mais peu important Champ récepteur réduit Neurones nociceptifs spinaux non spécifiques Neurones à convergence WDR neurons ++ en couche V Activés par stimuli nociceptifs ou non Afférences Aδ, C et Aβ Codage important Champ récepteur large Convergence viscéro-somatique / douleur projetée 2) 2 types de fibres C: NOCICEPTEURS PEPTIDERGIQUES ET NON PEPTIDERGIQUES Nocicepteurs peptidergiques expression de neuropeptides (SP et CGRP) et sensibilité au NGF (Rc TrkA) projection vers la couche I et la couche II rôle dans l inflammation neurogène Nocicepteurs non peptidergiques Ø d expression peptidergique, sensibilité au GDNF (Rc RET) et à l ATP (Rc P2X3) projection vers la couche II (interneurones protéine-kinase C g) Effet pronociceptif pré-synaptique : ATP (r. P2X) Sérotonine (r. 5-HT 3 ) Prostaglandines (r.ep) Effet antinocicpetif pré-synaptique : GABA (r. GABA B ) Sérotonine (r. 5-HT 1A HT 1B ) Opioïdes (m >> d > k)

III. SENSIBILISATION CENTRALE = facilitation synaptique: GLUTAMATE Induisant une persistance du signal Une perte d inhibition du système de contrôle de la douleur (microglie) par un recablage différent IV. LE MECANISME ENCEPHALIQUE ; Les voies ascendantes de la douleur Faisceau spino ascendant thalamique Cortex somesthesique primaire = Homonculus de Penfield Fx Spino reticulo thalamique Faisceau spino-ponto-mésencéphalique

IV CONTROLES DE LA DOULEUR Intégration des messages nociceptifs par les neurones de la corne postérieure Orientation dans 2 directions : - transfert cérébral (voies ascendantes / structures supra-spinales) - transfert spinal TRANSFERT SPINAL vers des motoneurones (corne antérieure) vers des neurones pré-ganglionnaires (corne intermédio-latérale) Réflexe végétatif Activation des neurones pré-ganglionnaires et post-ganglionnaires Libération NE Amplification nociceptive : «cercle vicieux Livingston» Réflexe somatique Activation des motoneurones voie polysynaptique Complexe agonistes-antagonistes Réflexe de retrait (protection) Champ récepteur cutané nociceptif CONTROLES INHIBITEURS Communs à tous les systèmes sensoriels Fonctionnent dans les 2 sens: - Amplificateur «algogène» - Filtre «antalgique» 3 types: Segmentaires, Supra-spinaux, Contrôles inhibiteurs diffus COMPLEXITE DU CHAMP RECEPTEUR DES NEURONES A CONVERGENCE influences excitatrices influences inhibitrices (Noordenbos) Contrôles inhibiteurs segmentaires: La théorie du portillon ou gate control: Effet antalgique du frottement pour diminuer la douleur liée à la piqûre Efficacité du neurostimulateur transcutané chez les lombalgiques chroniques Effet des cordons postérieurs de la moelle avec l effet antidromique Système GABAergique Les contrôles supra-spinaux: Phénomène de tolérance Contrôle cortex: Focalise son attention, moins de douleur SGPA : substance grise périaqueducale (Mésencephale) et raphus magnus ; Noyau raphé magnus (Bulbe) : Corne dorsale mœlle, système à médiation sérotoninergique et opioïdergique : funiculus posterolatéral Locus cœruleus corne dorsale ; Système noradrénergique. Implications cliniques Effet des antidépresseurs (blocage recapture monoamines) Influence structures supra-mésencéphaliques Moindre efficacité dans certaines douleur (douleur neuropathique périphérique) Les contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs (CIDN) après stimulation nociceptive et ce quelque soit le métamère inhibition puissante de tous les segments médullaires (et trigéminaux) non concernés par le stimulus initial stimuli nociceptif - - - > fibres A δ et C quadrant α lat - - > Formation réticulée bulbaire CIDN Sub Reticularis Dorsal = faisceaux postéro-latéraux (funiculus postérolateraux) Amélioration du rapport signal/bruit - activité somesthesique basale - important pour le schéma corporel - bruit de fond vis-à-vis de la douleur Interactions entre douleurs - fréquente utilisation en «médecine» vétérinaire (tord-nez ou pinces nasales) - «contre-irritation» ou «contre-stimulation» Implications cliniques? CCL : Le mécanisme de la douleur est un phénomène physiologique qui peut devenir pathologique sous certaines conditions. Actuellement, nous avons des traitements ciblés sur certaines voies mais leur effet est limité puisque les voies mises en jeu sont en général complexes. Il est donc important de prendre en charge le patient douloureux dans sa globalité.