Cour de cassation de Belgique

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Transcription:

12 AVRIL 2010 C.09.0261.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N C.09.0261.F S.D.G.H. BOVERIE, société anonyme dont le siège social est établi à Saint- Gilles, chaussée de Charleroi, 40, demanderesse en cassation, représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile, contre VILLE DE LIEGE, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Liège, en l hôtel de ville, défenderesse en cassation, représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

12 AVRIL 2010 C.09.0261.F/2 I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre l arrêt rendu le 20 janvier 2009 par la cour d appel de Liège. Par ordonnance du 5 mars 2010, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre. Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport. L avocat général Jean-Marie Genicot a conclu. II. Le moyen de cassation La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées civil ; - articles 522, 524, 525, 1134, 1317, 1319, 1320 et 1322 du Code - articles 1 er, 7 et 8 de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droit d'emphytéose. Décisions et motifs critiqués Après avoir décidé «que l'emphytéose convenue le 8 février 1971 [lire : le 5 février 1971] entre la [défenderesse] et la société anonyme Holiday Inns of Belgium», aux droits de laquelle se trouve la demanderesse, «est éteinte depuis le 31 mai 2002 mais a continué d'exister jusqu'à sa révocation par la [défenderesse] en date du 27 avril 2005», l'arrêt «dit pour droit que le mobilier et les équipements de l'hôtel sont devenus immeubles par destination et acquis, à l'expiration, à la [défenderesse], sans qu'elle soit tenue d'en payer la valeur».

12 AVRIL 2010 C.09.0261.F/3 Il se fonde sur les motifs que : «La [défenderesse] formule une demande nouvelle [tendant à ce ] qu'il soit dit pour droit que le mobilier et les équipements de l'hôtel exploité par [la demanderesse] sont devenus immeubles par destination économique conformément à l'article 524 du Code civil. Cette question a été évoquée par le premier juge qui a considéré que la demanderesse soutient encore de manière pertinente que l'équipement et le mobilier de l'hôtel, de même que le fonds de commerce, lui appartiennent. La [défenderesse] forme appel incident à ce propos. L'article 7 de la loi du 10 janvier 1824 sur le droit d'emphytéose édicte que l'emphytéote peut, à l'expiration de son droit, enlever les constructions et plantations par lui faites et auxquelles il n'était pas tenu par la convention'. Or, l'article 2 du bail emphytéotique litigieux stipule que l'emphytéote s'engage à construire à ses frais sur le terrain un bâtiment à usage d'hôtel de classe internationale, comprenant notamment trois cents chambres. Ce faisant, le contrat fait peser sur l'emphytéote, non seulement l'obligation d'ériger un bâtiment, mais également l'obligation de le garnir de manière à ce qu'il corresponde à un hôtel' et de surcroît à un hôtel de classe internationale. C'est cet ensemble à destination économique spécifique, à la mise en oeuvre de laquelle l'emphytéote était tenu par la convention, qui doit revenir au bailleur à l'expiration du droit de l'emphytéote. La demande nouvelle de la [défenderesse] est par conséquent fondée». Griefs Première branche Ainsi que la demanderesse le faisait valoir dans ses conclusions de synthèse d'appel, ne sont immeubles par destination que les meubles que «le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds»

12 AVRIL 2010 C.09.0261.F/4 (article 524, alinéa 1 er, du Code civil) ou ceux que «le propriétaire a attachés à perpétuelle demeure» (article 524, dernier alinéa, du Code civil). L'immobilisation d'un objet mobilier, tel le mobilier d'un hôtel, par destination suppose donc une identité entre le propriétaire de cet objet mobilier et le propriétaire du fonds et ne peut intervenir qu'à l'intervention de ce dernier (articles 522, 524 et 525 du Code civil). L'immobilisation ne saurait donc être le fait d'un emphytéote qui - comme c'est le cas de la demanderesse - affecte des biens meubles à l'exploitation des lieux qu'il tient à bail emphytéotique. Le droit d'emphytéose ne confère en effet qu'un droit réel de jouissance du fonds et non un droit de propriété sur [celui-ci] (article 1 er, alinéa 1 er, de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droit d'emphytéose). Il s ensuit qu'en décidant que le mobilier et les équipements installés par la demanderesse dans l'hôtel qu'elle avait bâti en exécution du bail emphytéotique litigieux «sont devenus immeubles par destination et acquis, à l'expiration à [la défenderesse], sans qu'elle soit tenue d'en payer la valeur», l'arrêt 1 méconnaît la notion légale d'immeuble par destination en admettant que l'immobilisation par destination puisse être l'oeuvre d'une personne qui n'est pas propriétaire des fonds, en l'espèce un emphytéote (violation des articles 522, 524 et 525 du Code civil) ; 2 à tout le moins, méconnaît la portée du droit d'emphytéose en considérant que la demanderesse était, comme emphytéote, propriétaire du fonds qu'elle tenait à bail emphytéotique (violation de l'article 1 er, alinéa 1 er, de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droit d'emphytéose). Seconde branche D'une part, s'il résulte des termes de l'article 7 de la loi du 10 janvier 1824 concernant l'emphytéose que l'emphytéote ne peut «enlever les constructions et plantations par lui faites» et auxquelles il était «tenu par la convention» et de ceux de l'article 8 de la même loi que «l'emphytéote ne

12 AVRIL 2010 C.09.0261.F/5 pourra forcer le propriétaire du fonds à payer la valeur des bâtiments, ouvrages, constructions et plantations quelconques, qu'il aurait fait élever, et qui se trouvent sur le terrain à l'expiration de l'emphytéose», en sorte que l'emphytéote ne peut demander une indemnisation pour les constructions et plantations qu'il a faites en vertu des obligations qu'il a souscrites vis-à-vis du propriétaire du fonds, ces dispositions légales ne s'étendent pas aux biens meubles que l'emphytéote a placés dans les constructions qu'il a élevées parce qu'il y était tenu par la convention, ces biens meubles fussent-ils même affectés à l'exploitation des lieux. D'autre part, les articles 2 et 12 de la convention d'emphytéose conclue par acte notarié du 5 février 1971 entre la défenderesse et la société anonyme Holiday Inns of Belgium à laquelle la demanderesse a succédé énoncent : «Article 2 L'emphytéote s'engage à construire à ses frais sur le terrain un bâtiment à usage d'hôtel de classe internationale (ci-après dénommé l'hôtel ), comprenant notamment trois cents chambres. En outre, il s'engage à construire et à équiper les voiries nouvelles nécessaires à une exploitation rationnelle de l'hôtel et du Palais des Congrès - le tout en veillant à maintenir sur le terrain autant d'arbres que le permettra la réalisation de ses projets - et à supprimer la voirie actuelle en direction de la place d'italie. Les ouvrages et constructions seront réalisés conformément aux plans qui auront été approuvés lors de la délivrance de l'autorisation de bâtir. Ces plans indiqueront les arbres qui seront maintenus sur le terrain. Article 12 A l'expiration de l'emphytéose et sans préjudice de l'application de l'article 9, les bâtiments, ouvrages, constructions et plantations que l'emphytéote aurait fait élever sur le terrain deviendront de plein droit, dans l'état où ils se trouvent, la propriété du bailleur, ce dernier ne pouvant pas forcer l'emphytéote à les enlever et n'étant pas tenu d'en payer la valeur, sauf en cas d'application de l'article 9 ou de résiliation du bail à ses torts. En ces cas, néanmoins, l'emphytéote aura droit à rétention sur le terrain et l'hôtel, et

12 AVRIL 2010 C.09.0261.F/6 pourra poursuivre l'exploitation de ce dernier, jusqu'à l'acquittement de ce qui lui est dû par le bailleur et sans obligation de payer une redevance». Or, il ne résulte ni des termes de l'article 2 du bail, ni, au demeurant, de ceux de l'article 12, ni d'aucune autre disposition de celui-ci que l'emphytéote se serait engagé contractuellement à garnir l'hôtel qu'il avait l'obligation d'ériger et, a fortiori, qu'il aurait, en fin de bail, pris l'engagement contractuel d'abandonner gratuitement le mobilier garnissant l'hôtel qu'il s'était engagé à construire en vertu de l'article 2. Il s'ensuit 1 qu'en considérant que la demande de la défenderesse portant sur le mobilier garnissant l'hôtel construit par l'emphytéote était fondée en vertu de l'article 7 de la loi du 10 janvier 1824 concernant l'emphytéose, l'arrêt confère audit article 7 une portée qu'il n'a pas, celui-ci fût-t-il lu en relation avec l'article 8 de la loi du 10 janvier 1824, et, viole dès lors, lesdits articles 7 et 8 de la loi du 10 janvier 1824 ; 2 qu'en considérant que la demande de la défenderesse portant sur le mobilier garnissant l'hôtel construit par l'emphytéote était fondée en vertu de l'article 2 du contrat d'emphytéose litigieux, l'arrêt lit dans cet article une énonciation qui ne s'y trouve pas et qui ne se trouve pas davantage dans l'article 12 de ce contrat ni dans aucune autre de ses dispositions et, dès lors : a) viole la foi due à l'article 2 du contrat d'emphytéose (violation des articles 1317, 1319, 1320 et 1322 du Code civil) et à l'article 9 du même contrat et aux autres dispositions de celui-ci (violation des articles 1317, 1319, 1320 et 1322 du Code civil), b) viole la force obligatoire de l'article 2 du contrat d'emphytéose (violation de l'article 1134 du Code civil) et de l'article 9 du même contrat et des autres dispositions de celui-ci (violation de l'article 1134 du Code civil), en ajoutant à ces dispositions contractuelles une obligation qu'elles ne comportent pas et en leur donnant ainsi un effet qu'elles n'ont pas.

12 AVRIL 2010 C.09.0261.F/7 III. La décision de la Cour Quant à la première branche : Aux termes de l article 524, alinéa 1 er, du Code civil, les objets que le propriétaire d un fonds y a placés pour le service et l exploitation de ce fonds sont immeubles par destination. En vertu de l article 1 er de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droit d emphytéose, l emphytéose est un droit réel qui consiste à avoir la pleine jouissance d un immeuble appartenant à autrui, sous la condition de lui payer une redevance annuelle, soit en argent, soit en nature, en reconnaissance de son droit de propriété. Dès lors que le droit d emphytéose ne confère pas un droit de propriété sur le fonds, les objets que l emphytéote y place ne peuvent être immeubles par destination. L arrêt, qui constate que la demanderesse avait la jouissance du fonds sur lequel elle a bâti l hôtel litigieux dans le cadre d un bail emphytéotique, ne justifie pas légalement sa décision de dire «pour droit que le mobilier et les équipements de [cet] hôtel sont devenus immeubles par destination et acquis, à l expiration [dudit bail], à la [défenderesse], sans qu elle soit tenue d en payer la valeur». Le moyen, en cette branche, est fondé. Sur les autres griefs : Il n y a pas lieu d examiner la seconde branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.

12 AVRIL 2010 C.09.0261.F/8 Par ces motifs, La Cour Casse l arrêt attaqué en tant qu il dit pour droit que le mobilier et les équipements de l hôtel sont devenus immeubles par destination et acquis, à l expiration du bail emphytéotique, à la défenderesse, sans qu elle soit tenue d en payer la valeur, et en ce qu il statue sur les dépens de ces parties ; Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l arrêt partiellement cassé ; fond ; Réserve les dépens pour qu il soit statué sur ceux-ci par le juge du Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d appel de Mons. Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Christian Storck, les conseillers Christine Matray, Sylviane Velu, Martine Regout et Mireille Delange, et prononcé en audience publique du douze avril deux mille dix par le président Christian Storck, en présence de l avocat général Jean-Marie Genicot, avec l assistance du greffier Tatiana Fenaux. T. Fenaux M. Delange M. Regout S. Velu Chr. Matray Chr. Storck