La facilité internationale d achat de produits pharmaceutiques. Contribution à la réflexion sur la mise en place d UNITAID

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AIDES, France, Commission «sida et développement» de Coordination SUD, France, ACCION (65 associations) Chili, AAS, Burkina Faso, AHVV+, Centrafrique, ANSP+, Rwanda, ANSS, Burundi, ARAS, Roumanie, ARCAD/SIDA, Mali, ASFEGMASSI, Guinée, CALCSICOVA, Espagne, COLIBRI, Cameroun, EATG, Belgique, Espoir Vie, Togo, GAT, Portugal, KENEDOUGOU, Mali, Renaissance Santé Bouaké, Côte d'ivoire, Ruban Rouge, Côte d Ivoire, Sida Zero, Gabon, The Sexual Health Centre, Irlande La facilité internationale d achat de produits pharmaceutiques Contribution à la réflexion sur la mise en place d UNITAID Nos associations ont soutenu l initiative de taxe sur les billets d avion dans la mesure où elle s inscrivait dans une démarche expérimentale visant à promouvoir le concept de taxe internationale destinée au financement du développement. Elles ont cependant rappelé la nécessité d obtenir des garanties sur la mutualisation des ressources collectées par la taxe sur les billets d avion, la stabilité et la prévisibilité des flux de financement et la stricte additionnalité des moyens perçus dans le cadre de l aide publique au développement 1 Depuis la Conférence de Paris, qui s est tenue en février 2006, un consensus entre la Norvège, le Chili, le Brésil et la France s est construit sur l idée de consacrer les revenus de la taxe sur les billets d avion à la création d une facilité internationale d accès aux médicaments (UNITAID). Le dispositif de financement innovant qui doit abonder UNITAID, basé sur une taxation nouvelle, lui garantira la sécurité et la pérennité de ses moyens. A Genève, les 20 et 21 avril 2006, les principaux promoteurs d UNITAID ont proposé que ce dispositif nouveau fournisse des médicaments sur une base régulière et continue à prix abordable pour les malades des pays les plus pauvres. UNITAID devra poursuivre une politique pro-active pour réduire les prix et encourager la diversification des médicaments de qualité certifiée. Concernant UNITAID, nos associations ont également souligné l importance d assurer la mise en place d un dispositif qui permette la souplesse et simplicité de l'affectation des fonds, l implication des sociétés civiles, l articulation avec les stratégies nationales de santé publique et l intégration dans les stratégies globales de lutte contre les pandémies. Elles ont également fortement recommandé que le nouveau dispositif ne vienne pas se superposer aux mécanismes existants en multipliant les centres de décision et les contraintes administratives. 1 Coordination SUD : position des associations sur les mécanismes innovant de financement du développement

Le contexte de l accès aux médicaments dans les pays en développement 17 millions de personnes meurent chaque année de maladies infectieuses et contagieuses faute de pouvoir accéder à des traitements efficaces. 95 % d entre elles vivent dans des pays en développement. Sur les 40 millions de personnes atteintes du sida dans le monde, 6 millions sont aujourd hui dans un état de santé qui nécessite une mise sous antirétroviraux immédiate. Seuls 7 à 12 % d entre elles ont accès à ces médicaments. En outre, le nombre de personnes qui doivent modifier leur régime thérapeutique parce que leur virus devient résistant au traitement de première ligne augmente régulièrement. Or, un traitement antirétroviral de seconde ligne revient, dans le meilleur des cas, entre 1 200 et 2 000 $US par patient et par an. Plus les traitements sont récents, plus ils sont chers. Ce qui est valable pour les anti-rétroviraux l est aussi pour les médicaments contre les affections opportunistes ou les traitements d autres pathologies. Plus de 4,5 milliards de personnes vivent avec un revenu annuel compris entre 200 et 1 200 $US. Des traitements vitaux restent donc absolument hors de portée de la plupart des malades des pays en développement. L étendue de l épidémie de sida et la nécessité de développer l accès aux antirétroviraux a ouvert le débat sur le prix des médicaments et le besoin d une concurrence par les génériques. À partir de 1997, des laboratoires gouvernementaux (Brésil, Thaïlande) ou des compagnies privées (Inde) se sont engagés dans la production de versions génériques d antirétroviraux. Permettant de sortir d un contexte de monopole, l apparition de ces génériques a eu des conséquences extrêmement importantes sur le prix des médicaments. Début 2000, la compagnie indienne Cipla commercialisait une trithérapie générique à 800 $US par an et par patient. Ceci représentait une réduction de plus de 90 % par rapport aux prix des multinationales. Entre 2000 et 2004, Cipla et d autres compagnies indiennes (Hetero, Aurobindo, Ranbaxy) ont multiplié les offres et la chute des prix s est poursuivie. Aujourd hui le prix le plus bas d une trithérapie est d environ 150 $US par an et par patient. L introduction de génériques d antirétroviraux a permis de faire chuter le prix des trithérapies de première ligne de plus de 95 %. Dans de nombreux programmes africains d accès aux traitements, les produits génériques indiens représentent aujourd hui entre 50 et 75 % des médicaments consommés par les malades. L exemple des génériques d antirétroviraux a mis en évidence un phénomène connu : plus le nombre de producteurs est important, plus le prix se rapproche du coût de production. La propriété intellectuelle reste une menace pour les malades. Pourtant, en dépit de la déclaration de Doha en 2001 et des engagements pris par les membres de l OMC (Organisation Mondiale du Commerce), les règles de protection de la propriété intellectuelle continuent de menacer l existence d une concurrence par les génériques dans les pays en développement. Depuis le 1 er janvier 2005, tous les pays en développement membres de l OMC, à l exception de certains pays moins avancés (PMA), sont tenus de respecter l accord sur les ADPIC qui fixe un standard minimum de protection de la propriété intellectuelle. Concrètement, cela signifie que ces pays doivent désormais accorder un brevet d au moins 20 ans aux médicaments et ne recourir à des génériques qu au terme de ces 20 années. Les possibilités de fabriquer et de commercialiser librement des versions génériques bon marché de produits brevetés sont donc fortement réduites. Ceci va rapidement peser sur l extension des programmes d accès aux antirétroviraux et la disponibilité des médicaments de 2 e et 3 e ligne ou des formulations pédiatriques. L absence de brevet sur les médicaments a permis aux génériqueurs en Inde ou en Thaïlande de fabriquer des combinaisons à dose fixe - trithérapie en un comprimé. Parce ce qu ils sont plus simples à utiliser et qu ils coûtent moins cher, ces produits jouent un rôle déterminant dans l extension de l accès aux antirétroviraux. Aujourd hui, le maintien de leur production et de leur commercialisation est incertaine. La mise au point de produits de ce type dans le futur l est plus encore. La mise en place des standards de l OMC dans un nombre de plus en plus important de pays limite de façon croissante la fabrication de versions génériques de produits récents. Ceci a un effet direct sur les prix et constitue une entrave majeure à une prise en charge adaptée et à l extension de l accès aux médicaments. Ainsi, les antirétroviraux utilisés en seconde ligne sont 2 à 12 fois plus chers que ceux utilisés en première ligne. Le budget des Etats pour l achat des traitements de 2 e et 3 e ligne absorbe un

pourcentage de plus en plus important de leur budget total d achat de médicaments. Au Brésil, par exemple, 70 % du budget consacré aux antirétroviraux est utilisé pour acheter quatre produits brevetés (lopinavir/ritonavir, tenofovir, efavirenz et nelfinavir). D une façon générale, les monopoles créés par les brevets bloquent l accès des malades des pays en développement aux innovations pharmaceutiques. Selon des estimations, avec la mise en place de la nouvelle législation sur la propriété intellectuelle en Inde, le prix des nouveaux médicaments pourrait subir une augmentation de l ordre de 200 % - ce qui aura naturellement une répercussion dans les pays qui dépendent de l approvisionnement indien. Il apparaît donc évident qu UNITAID ne pourra contribuer significativement à améliorer l accès aux médicaments dans les pays en développement sans agir sur la mise en œuvre de licences obligatoires et autres flexibilités des accords ADPIC dans les pays concernés. Des priorités pour UNITAID UNITAID devrait donc se donner les moyens d agir simultanément sur la solvabilité et la pérennité des marchés et sur les conditions légales de production, d exportation et d importation. Favoriser le développement, la production et la commercialisation de médicaments en se concentrant sur les produits indispensables pour améliorer la prise en charge des personnes dans les pays en développement. UNITAID pourrait ainsi favoriser la commercialisation à bas prix de médicaments génériques des traitements de nouvelle génération de 1 ère ligne, les traitements de l échec thérapeutique, la mise au point de formulations pédiatriques génériques, des nouvelles associations fixes et la mise à disposition de réactifs bon marché. Elargir la palette des premières lignes de traitement. Beaucoup de pays en développement ont initié des programmes d accès aux antirétroviraux pour un petit nombre de malades du sida. Les traitements génériques prescrits dans ces pays sont principalement des trithérapies à base de stavudine ou zidovudine et de névirapine (Triomune, par exemple ou Duovir N). Ces trithérapies sont efficaces et bon marché mais la prise quotidienne de ces traitements entraîne chez un nombre important de malades des effets indésirables importants. Ceux-ci peuvent compromettre la bonne observance du traitement sur le long terme. Depuis plusieurs années, les malades et les médecins au Nord utilisent des médicaments mis au point récemment. Ceux-ci sont tout aussi efficaces et ont un profil de tolérance bien plus favorable. Il s agit en particulier du ténofovir, de l emtricitabine, de l association fixe de ces deux médicaments et de certaines antiprotéases. Force est de constater aujourd hui qu aucun de ces médicaments récents n est disponible à grande en échelle dans les pays en développement. Principale raison : le coût (absence de version générique de ces produits). Les traitements de l échec thérapeutique. Les patients pris en charge par antirétroviraux nécessitent de nouvelles options thérapeutiques quand les traitements de première ligne ne sont plus efficaces. Pourtant, l accès aux médicaments de l échec thérapeutique reste extrêmement difficile et coûteux dans les pays en développement. Les principales raisons de ce manque de disponibilité sont tout à fait comparables à ce qui se passe avec les nouveaux médicaments de 1 ère ligne : absence de concurrence par les génériques d où un prix qui reste trop élevé malgré la politique de tiered pricing des laboratoires pharmaceutiques. Nous ne pouvons pas manquer de relever qu aucun générique d antiprotéase (classe de médicaments ARV utilisée en 2 e ou 3 e ligne de traitement) ne figure sur la liste de pré-qualification de l OMS. Les formulations pédiatriques. Les laboratoires génériqueurs ont amené de l innovation dans la prise en charge du VIH/sida : ils ont mis au point des associations fixes (plusieurs principes actifs dans un seul et même comprimé) conduisant à la commercialisation de plusieurs trithérapies en un comprimé et deux prises par jour. Par contre, les laboratoires génériqueurs n ont pas pris d avance en terme de mise au point de forme combinée de sirop ou poudre pour les enfants malades du sida. De même, il n existe que très peu de formulations pédiatriques d ARV génériques et pré-qualifiés par l OMS.

Les réactifs. Le coût des réactifs pour le suivi des malades peut représenter 70 à 80 % du coût total demandé aux patients pour leur prise en charge. Il est dont indispensable, pour rendre les traitements véritablement accessibles, de permettre la mise au point, le développement, la production et la commercialisation de réactifs génériques. Par la pérennité de ses ressources et en se concentrant sur les niches proposées, UNITAID peut parvenir à sécuriser le marché concernant des produits considérés comme stratégiques et entraîner ainsi la mise en production et la commercialisation de nouveaux médicaments ou de réactifs génériques. Mais pour être efficace, UNITAID doit aussi être un outil influent de la mise en œuvre des flexibilités prévus dans les accords ADPIC, de l organisation mondiale du commerce (OMC). Soutenir la mise en place de licences obligatoires et usage gouvernemental non commercial dans les pays en développement. Il n existe pas à l heure actuelle de soutien suffisamment coordonné pour accompagner les pays dans leur initiative de demande de licence obligatoire pour les médicaments sous brevets. Les blocages sont connus : ils concernent, d une part, la pré-qualification des génériques par l OMS et les capacités techniques dans les pays concernés et, d autre part, les blocages politiques et économiques relatifs aux contraintes imposées dans le cadre de négociations bilatérales. Concernant les aspects techniques, UNITAID peut sensiblement faire évoluer la situation actuelle. Renforcer les capacités de pré-qualification des génériques de l OMS. Les ressources humaines actuellement à la disposition du bureau de pré-qualification de l OMS ne lui permettent pas de remplir sa mission. Aujourd hui, des dizaines de dossiers sont en attentes de pré-qualification auprès de ce service, retardant d autant la mise en production et la distribution des génériques correspondants auprès des malades. Pour parvenir à la pré-qualification des sites de production, l OMS doit les inspecter et valider l ensemble de la chaîne de production. Ces procédures nécessitent un investissement humain très important dont elle ne dispose pas. UNITAID pourrait mettre à disposition du bureau de pré-qualification de l OMS l assistance technique nécessaire pour accomplir sa mission et accroître la palette des génériques de qualités disponibles pour la lutter contre la pandémie et contribuer ainsi à la baisse des prix recherchée. Renforcer les compétences techniques dans les pays concernés pour la mise en œuvre des flexibilités des accords ADPIC. Dans de nombreux cas, les pays concernés ne disposent pas de l ensemble des compétences nécessaires pour mettre en place une stratégie de développement des licences obligatoires ou autres flexibilités en faveur de la santé publique. UNITAID pourrait proposer une assistance technique de courte durée auprès des pays désireux de développer ces licences de manière à faciliter et à accompagner leur initiative. Financer un observatoire indépendant visant la mise en œuvre des flexibilités des accords ADPIC. Très souvent, la mise en œuvre des flexibilités des accords ADPIC est considérablement compromise par les contraintes imposées dans le cadre de négociations bilatérales et par les principaux producteurs de médicaments. Ces contraintes ne sont malheureusement que très rarement rendues publiques et il s avère aujourd hui particulièrement difficile de mesurer et de comprendre les blocages réels. Par le soutien qu elle apporterait à un observatoire indépendant qui aurait pour principal objet de rendre publiques ces difficultés, UNITAID pourrait contribuer à redynamiser la mise œuvre des flexibilités contenues dans les accords ADPIC et renforcer dans la déclaration de Doha (2001), condition indispensable de son succès. Les modalités d intervention et de gouvernance La mise à disposition des traitements doit impérativement s organiser dans le cadre de stratégies globales pour lesquelles le traitement est nécessaire, mais en aucun cas suffisant. Trop souvent, les réponses apportées n ont été que très classiques en terme de santé publique, se résumant à un affrontement stérile : prévention versus traitement ou secteur public versus secteur associatif. Le Fonds mondial de

lutte contre les trois pandémies, créé en 2002, propose une démarche nouvelle à bien des titres : le soutien de stratégies relevant effectivement des pays concernés ; la promotion de démarches globales impliquant les associations sur le terrain ; un dispositif de décision et d évaluation transparent et indépendant ; et enfin, la participation des sociétés civiles à sa gouvernance. S appuyer sur les programmes soutenus par le Fonds Mondial. UNITAID doit donc s appuyer sur ces programmes et venir renforcer des stratégies qui ont été validées dans le cadre de procédures du Fonds Mondial et qui seront évaluées dans les mêmes conditions. Il en va bien sûr de la qualité réelle de la prise en charge, mais aussi de la cohérence de la lutte dans son ensemble. Eviter de créer de nouveaux centres de décision. La multiplication des centres de décision constitue déjà un frein indéniable pour les acteurs de la lutte contre le VIH/sida. UNITAID ne doit en aucun cas venir ajouter des procédures et des cycles de décision supplémentaires. En ce sens, le soutien à des programmes approuvés dans un cadre indépendant et transparent limiterait considérablement les risques concernant la multiplication des lieux de décision. Les choix opérés par UNITAID pourraient alors se concentrer sur son propre domaine de compétence (la stimulation de la production et la commercialisation de produits sélectionnés) avec les garanties nécessaires concernant l utilisation qui pourra être faite des produits qu elle aura permis d acheter. S appuyer sur les procédures d évaluation existantes. Les mécanismes d évaluation développés par le Fonds Mondial, qui restent très largement perfectibles, commencent à proposer des analyses objectives des dysfonctionnements. Ils vont peu à peu conduire à l évolution de certaines pratiques. Il serait logique qu UNITAID conforte et renforce cette dynamique. Privilégier les programmes qui associent réellement la société civile. L accès universel aux traitements pour ces trois maladies, engagement pris par le G8 à Gleneagles en 2005, ne se fera pas sans une implication forte des sociétés civiles des pays du Sud, pionnières dans la prise en charge globale des personnes. Beaucoup de choses restent à faire. Les organes de décision sont insuffisamment ouverts aux acteurs associatifs et se privent ainsi de l expertise qu ils développent depuis au moins dix ans. UNITAID pourrait, par les choix qu elle opèrerait au sein des différents programmes soutenus par le Fonds Mondial, contribuer à valoriser les programmes dans lesquels les processus de participation des sociétés civiles sont les plus satisfaisants. UNITAID doit s inspirer des instruments les plus novateurs en matière de gouvernance. Prévoir la participation des représentants des sociétés civiles. UNITAID doit prévoir la participation, à part entière, des représentants des sociétés civiles des pays donateurs et des pays bénéficiaires dans son instance de gouvernance. En tout état de cause, UNITAID doit relever d une instance de décision qui implique également ses principaux bailleurs de fonds, les représentants des pays bénéficiaires, des sociétés civiles du Nord et du Sud et du secteur privé.